M. Dominique Watrin. Cet amendement est la reprise au mot près de l’amendement défendu par notre collègue Catherine Génisson à l’occasion de l’examen et de l’adoption par le Sénat, en février 2012, de la proposition de loi de notre collègue Claire-Lise Campion.
Concrètement, l’objet de cet amendement est de dissuader les entreprises de recourir de manière excessive au travail à temps partiel, en prévoyant que, à compter du 1er juillet 2013, les entreprises de plus de vingt salariés, dont le nombre de salariés à temps partiel est au moins égal à 25 % du nombre total de salariés de l’entreprise, sont soumises à une majoration de 10 % des cotisations dues par l’employeur.
En effet, il faut le rappeler, cette forme d’organisation du travail est le plus souvent imposée aux femmes, qui représentent 85 % des salariés exerçant à temps partiel, ce qui accroît en outre les inégalités de rémunérations entre les hommes et les femmes.
De surcroît, ces temps partiels imposés correspondent souvent, comme le rappelait notre collègue Catherine Génisson, à des horaires atypiques de travail, fréquemment utilisés, notamment, dans les emplois de services ou dans le domaine de la logistique. Les femmes sont donc tout particulièrement victimes de ces conditions de travail difficiles.
Les salariés à temps partiel commencent souvent leur tâche très tôt ou la terminent très tard et sont astreints à de très longues interruptions dans leur journée de travail, qu’ils ne peuvent toutefois mettre à profit ni pour occuper un autre emploi dans l’intervalle ni pour rentrer chez eux se reposer.
Ces formes d’organisation du travail posent donc un réel problème, et je ne parle même pas de la question salariale, puisqu’un salarié à temps partiel rémunéré au SMIC touche en moyenne 800 euros par mois et se situe donc sous le seuil de pauvreté.
Je pourrais citer les aides à domicile, qui travaillent à temps partiel, sur la base du SMIC, et qui doivent encore se débrouiller pour mettre de l’essence dans leur voiture, même si elles touchent quelques indemnités qui sont généralement insuffisantes pour compenser leurs frais.
Dès lors, comment pouvons-nous, en conscience, vouloir aujourd’hui prendre la direction contraire de celle qui avait été empruntée majoritairement par la Haute Assemblée en 2012 ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Génisson, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Je ne peux qu’approuver la teneur de l’amendement présenté par notre collègue Dominique Watrin. J’apprécie en outre qu’il ait été présenté par un collègue masculin.
Je ne reprendrai pas tous les arguments qui ont présidé à l’élaboration de la proposition de loi relative à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Le texte de cet amendement ne correspond certes pas au contenu de l’ANI, mais je souhaite ardemment que cette proposition puisse être reprise dans la négociation en cours sur la qualité de vie au travail, qui doit traiter du sujet de l’égalité professionnelle.
En attendant, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 8
I. – La section II du chapitre Ier du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail est complétée par une sous-section 5 ainsi rédigée :
« Sous-section 5
« Temps partiel
« Art. L. 2241-6-1. – Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent pour négocier tous les trois ans sur les modalités d’organisation du temps partiel dès lors qu’au moins un tiers de l’effectif de la branche professionnelle occupe un emploi à temps partiel.
« Cette négociation porte notamment sur la durée minimale d’activité hebdomadaire ou mensuelle, le nombre et la durée des périodes d’interruption d’activité, le délai de prévenance préalable à la modification des horaires et la rémunération des heures complémentaires. »
II. – L’article L. 3123-8 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une convention collective ou un accord de branche étendu peuvent prévoir la possibilité pour l’employeur de proposer au salarié à temps partiel un emploi à temps complet ne ressortissant pas à sa catégorie professionnelle ou un emploi à temps complet non équivalent. »
II bis. – L’article L. 3123-14 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’avenant au contrat de travail prévu à l’article L. 3123-25 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d’heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat. »
III. – Après l’article L. 3123-14 du même code, sont insérés des articles L. 3123-14-1 à L. 3123-14-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 3123-14-1. – La durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à 24 heures par semaine ou, le cas échéant, à l’équivalent mensuel de cette durée ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l’article L. 3122-2.
« Art. L. 3123-14-2. – Une durée de travail inférieure à celle prévue à l’article L. 3123-14-1 peut être fixée à la demande du salarié soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée au même article. Cette demande est écrite et motivée.
« L’employeur informe chaque année le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel du nombre de demandes de dérogation individuelle définies au présent article à la durée du temps de travail prévue à l’article L. 3123-14-1.
« Art. L. 3123-14-3. – Une convention ou un accord de branche étendu ne peut fixer une durée de travail inférieure à la durée mentionnée à l’article L. 3123-14-1 que s’il comporte des garanties quant à la mise en œuvre d’horaires réguliers ou permettant au salarié de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée au même article.
« Art. L. 3123-14-4. – Dans les cas prévus aux articles L. 3123-14-2 et L. 3123-14-3, il ne peut être dérogé à la durée minimale de travail mentionnée à l’article L. 3123-14-1 qu’à la condition de regrouper les horaires de travail du salarié sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes. Un accord de branche étendu ou d’entreprise peut déterminer les modalités selon lesquelles s’opère ce regroupement.
« Art. L. 3123-14-5. – Par dérogation à l’article L. 3123-14-4, une durée de travail inférieure, compatible avec ses études, est fixée de droit au salarié âgé de moins de vingt-six ans poursuivant ses études. »
IV. – L’article L. 3123-16 du même code est ainsi modifié :
1° Au second alinéa, la référence : « L. 313-12 » est remplacée par la référence : « L. 314-6 » ;
2° Après le mot : « dispositions », la fin de l’article est ainsi rédigée : « en définissant les amplitudes horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant compte des exigences propres à l’activité exercée. »
V. – La sous-section 6 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre Ier de la troisième partie du même code est ainsi modifiée :
1° L’article L. 3123-17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite fixée au premier alinéa du présent article donne lieu à une majoration de salaire de 10 %. » ;
2° L’article L. 3123-19 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir un taux de majoration différent, qui ne peut être inférieur à 10 %. »
VI. – La sous-section 8 de la même section 1 est ainsi rétablie :
« Sous-section 8
« Compléments d’heures par avenant
« Art. L. 3123-25. – Une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité, par un avenant au contrat de travail, d’augmenter temporairement la durée du travail prévue par le contrat. Par dérogation au dernier alinéa de l’article L. 3123-17, les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée déterminée par l’avenant donnent lieu à une majoration de salaire qui ne peut être inférieure à 25 %.
« La convention ou l’accord :
« a) Détermine le nombre maximal d’avenants pouvant être conclus, dans la limite de huit par an et par salarié, en dehors des cas de remplacement d’un salarié absent nommément désigné ;
« b) Peut prévoir la majoration salariale des heures effectuées dans le cadre de cet avenant ;
« c) Détermine les modalités selon lesquelles les salariés peuvent bénéficier prioritairement des compléments d’heures. »
VII. – (Suppression maintenue)
VIII. – L’article L. 3123-14-1 et le dernier alinéa de l’article L. 3123-17 du code du travail, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur le 1er janvier 2014. Pour les contrats de travail en cours à cette date, et jusqu’au 1er janvier 2016, sauf convention ou accord de branche conclu au titre de l’article L. 3123-14-3, la durée minimale prévue à l’article L. 3123-14-1 est applicable au salarié qui en fait la demande, sauf refus de l’employeur justifié par l’impossibilité d’y faire droit compte tenu de l’activité économique de l’entreprise.
IX. – La négociation prévue à l’article L. 2241-6-1 du code du travail est ouverte dans les trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, ou dans les trois mois à compter de la date à partir de laquelle, dans les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels, au moins un tiers de l’effectif de la branche professionnelle occupe un emploi à temps partiel.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mauvais sort réservé aux femmes dans les relations de travail irrigue toute la société et les préjugés sexistes nourrissent les discriminations dont elles sont victimes dans le monde du travail.
Il s’agit là d’un cercle vicieux auquel il convient de mettre un terme. Nous devons nous fixer comme objectif que la génération qui arrive soit enfin celle qui ne connaît pas d’inégalités de genre, ni au travail, ni dans la répartition des tâches domestiques, ni dans les études.
Cet objectif ambitieux nécessite un changement radical de braquet, que les amendements que nous avons déposés sur l’article 8 visent précisément à opérer.
En outre, l’adoption de ces amendements permettrait de transposer dans la loi une mesure que le Sénat de gauche avait soutenue le 16 février 2012 en adoptant la proposition de loi relative à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Notre collègue Claire-Lise Campion réaffirmait alors en ces termes la nécessité d’adopter la proposition dont elle était l’auteur et le rapporteur : « La précarité, grandissante en période de crise, touche majoritairement les femmes, qui occupent 60 % des contrats à durée déterminée et voient se multiplier les contrats de moins de quinze heures de travail par semaine. Le phénomène des “travailleurs pauvres” touche fréquemment les femmes, plus particulièrement celles qui élèvent seules leurs enfants. »
Les femmes sont bien les premières victimes de la crise que nous traversons, malgré un arsenal juridique théoriquement important.
Le préambule de la Constitution de 1946 dispose ainsi que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme », un principe qui fut ensuite réaffirmé dès 1972 dans le code du travail. En 1983, la loi dite « Roudy » portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes était adoptée.
En 2001, le législateur adoptait la loi dite « Génisson » relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, puis, en 2006, une nouvelle loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Malgré cet arsenal juridique, force est de constater que les choses n’ont pas réellement changé. Or, comme le précisait notre collègue Claire-Lise Campion en 2012, toujours lors de l’examen de la même proposition de loi, « l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas une priorité pour les partenaires sociaux. »
Elle jugeait aussi que, « au niveau des entreprises, le bilan de la négociation collective est […] décevant : en 2010, un peu plus de deux mille accords ont abordé la question de l’égalité professionnelle, soit moins de 9 % du nombre total d’accords signés. Le plus souvent, l’égalité professionnelle est traitée en même temps que d’autres thèmes, dans le cadre des négociations annuelles obligatoires ».
D’une certaine manière, le fait que l’ANI et ce projet de loi qui le transpose n’abordent pas la question de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes tend à confirmer l’analyse de notre collègue.
Aujourd’hui, quelle est la situation ? Des employeurs font le choix de discriminer financièrement des salariés, ce qui a notamment pour effet de leur permettre de conserver sur ces salaires des exonérations de cotisations sociales.
D’une certaine manière, les financements publics conduisent à rendre financièrement intéressantes ces discriminations salariales. Notre politique sociale participe donc à l’ancrage des inégalités salariales entre les femmes et les hommes. Qui plus est, ces inégalités salariales dont les femmes sont victimes coûtent cher à la sécurité sociale, qui souffre en conséquence d’une moindre recette.
Si les salaires des femmes étaient égaux à ceux des hommes, il y aurait presque 30 % de salaires en plus sur lesquels on pourrait imputer des cotisations sociales et patronales. Si l’on applique le taux de cotisations applicable au salaire médian, soit 42,15 %, sur ces 25 % de salaires non versés aux femmes en raison des inégalités de genre, soit environ 120 milliards d’euros de salaires non versés, on s’aperçoit que ce sont au final, annuellement, 52 milliards d’euros de cotisations qui échappent à la sécurité sociale. À elle seule, la résolution des inégalités salariales entre les femmes et les hommes permettrait donc de réduire de moitié le déficit cumulé de la sécurité sociale.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous entendons vous soumettre plusieurs amendements tendant à réduire ces inégalités salariales.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs jours maintenant, nous parlons beaucoup de précarisation, de flexibilité et de risque accru de licenciement. Malheureusement, ces réalités sont souvent à accorder au féminin.
J’illustrerai mon propos par quelques chiffres qui complèteront l’intervention de ma collègue Annie David.
Les femmes représentent effectivement près de la moitié de la population active, plus de la moitié des chômeurs et environ 80 % des travailleurs précaires, des travailleurs pauvres et des salariés à temps partiel. Leur salaire moyen est inférieur de 27 % à celui des hommes et de 19 % si l’on ne considère que les emplois à temps complet.
Ces chiffres sont connus, mais il n’est pas inutile de les rappeler, car ils pourraient être plus largement médiatisés.
Les femmes sont près de deux fois plus nombreuses que les hommes à toucher le SMIC. Leur taux d’emploi est toujours inférieur à celui des hommes, sans autre raison que la persistance des stéréotypes sexistes. Leur taux d’indemnisation du chômage est inférieur à celui des hommes. Leur pension de retraite ne représente que 58% de celle des hommes et elles constituent 75 % des bas salaires, alors qu’elles représentent plus de 60 % des diplômés.
Ainsi, l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas seulement un objectif de justice sociale, qui pourrait en soi être suffisant, mais aussi un moyen de relancer l’emploi et l’activité économique
Il y a de ce point de vue beaucoup de gâchis, dû pour une large part au manque de confiance qui leur est accordé au prétexte même de leur sexe. Ces futures mères de famille auront forcément « la tête plus à la maison et aux enfants qu’à l’entreprise » – j’ose le redire ici car, à l’occasion du débat sur le mariage pour tous, nous avons entendu quelques horreurs, et nous en entendons encore ! – et qui afficheront une moindre résistance psychologique en situation de stress ou de conflit, sans parler de la résistance physique qui ferait défaut pour nombre de métiers dits « masculins ».
Aussi, ce que l’on pouvait attendre de ce projet de loi, ce sont des mesures concrètes qui auraient pu contribuer à en finir avec les inégalités dans le domaine professionnel. De nombreuses associations, syndicats et organisations ont élaboré des propositions que nous pourrions mettre en partage, d’autant que ce Gouvernement comprend, et c’est une bonne chose, un ministère des droits des femmes, que nous avons appelé de nos vœux, et que la ministre en charge a affirmé à plusieurs reprises qu’elle se battait au sein du Gouvernement comme à l’extérieur pour faire avancer ces idées.
En tant que sénatrices et sénateurs, nous devrions soutenir ces propositions, pour qu’elles deviennent réalité et qu’elles ne restent pas lettre morte. On sait en effet combien il est nécessaire de se mobiliser si l’on veut qu’elles aboutissent.
Parmi ces mesures, je pense notamment à une augmentation significative du SMIC, à une revalorisation des salaires des métiers fortement féminisés, en reconnaissant les compétences techniques, relationnelles et la pénibilité de ces métiers, ou encore à des mesures contre l’emploi à temps partiel imposé, avec, par exemple, l’instauration de la possibilité pour toute personne à temps partiel de passer à temps complet à sa demande.
Je pourrai bien évidemment compléter la liste. Si je rappelle ces mesures, c’est parce que nous pensons que la manière dont cet article est rédigé risque fort d’accentuer ces inégalités. En quelque sorte, nous avions voulu attirer l’attention du Gouvernement en parlant à ce sujet d’inconstitutionnalité.
Je le répète, toute mesure qui va à l’encontre d’un principe affirmé d’égalité n’est pas bonne et doit être combattue.
Avant d’examiner les dispositions de l’article 8, je veux de nouveau attirer votre attention, mes chers collègues. Nous sommes en 2013 ! Il est temps que les femmes soient reconnues comme étant à égalité avec les hommes et que toutes les dispositions adéquates en termes d’égalité professionnelle soient introduites dans toutes les lois que nous pourrons adopter, et ce d’autant plus lorsqu’un gouvernement de gauche est à la tête du pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon, sur l'article.
M. Ronan Kerdraon. Rapporteur du volet médicosocial du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les salariés du secteur sanitaire, social et médicosocial, ainsi que sur les structures qui les emploient.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Ronan Kerdraon. Parties prenantes dans l’économie sociale et solidaire, ces dernières favorisent l’égal des citoyens aux soins et aux services en limitant les restes à charge et les dépassements d’honoraires.
Plusieurs de ces établissements se trouvent déjà dans une situation économique critique, et les dispositions de l’article 8 du projet de loi pourraient avoir des conséquences négatives sur leur fonctionnement.
Ainsi, le nouvel article L. 3123-14-1 qui sera introduit dans le code du travail si le présent projet de loi est adopté impose une durée minimale de travail à temps partiel de vingt-quatre heures hebdomadaires ne semble pas adapté au fonctionnement d’un certain nombre de ces établissements. En effet, certains professionnels qui interviennent dans ces derniers accomplissent un volume horaire inférieur à cette durée, tels les psychologues, les assistants sociaux, les animateurs socioéducatifs. Ils représentent parfois 10 % du personnel.
Ce temps de travail réduit est dicté non par la volonté de l’employeur, mais par le fait que les interventions de ces professionnels ne nécessitent pas un volume horaire de vingt-quatre heures.
Aussi, monsieur le ministre, si une dérogation à la durée minimale du travail était impossible, c’est le bon fonctionnement de ces établissements qui pourrait être compromis. C’est pourquoi je voudrais que vous m’éclairiez sur la signification de l’expression « activité économique » dans ce secteur. Fait-elle référence au montant des dépenses autorisées par les autorités de contrôle et de tarification ?
En outre, serait-il possible d’envisager un rapport d’évaluation de l’impact de l’article L. 3123-14-1 sur le secteur sanitaire, social et médicosocial ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, sur l'article.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Le principe d’une durée minimale du temps de travail de vingt-quatre heures a été prévu par les signataires de l’ANI et doit en conséquence être respecté.
Cependant, une question n’a pas été traitée et, malgré de nombreux amendements déposés à l’Assemblée nationale, n’a pas évolué : elle concerne les exceptions à prévoir pour des secteurs économiques dans lesquels la règle des vingt-quatre heures n’est pas appropriée. Je pense, notamment, au domaine des services à la personne, aux associations et entreprises de la branche sanitaire, sociale et médicosociale, au portage de presse.
Je voudrais parler plus précisément du secteur des services à la personne, dans lequel 88 % des salariés sont à temps partiel. Ils effectuent en moyenne onze heures hebdomadaires de travail. Nous sommes loin des vingt-quatre heures visées par le texte.
Sans doute me répondrez-vous, monsieur le ministre, que des dérogations au principe des vingt-quatre heures sont possibles par le biais d’accords de branche. Certes, mais une restriction importante est prévue : cette faculté n’est ouverte par le projet de loi « qu’à la condition de regrouper les horaires de travail du salarié sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes », ce qui est assez flou et surtout irréaliste.
Dans le projet de loi est visée une exception pour les particuliers employeurs. Il faudra aussi m’expliquer, monsieur le ministre, pourquoi vous avez refusé de créer une exception pour les entreprises de services à la personne.
Comment voulez-vous que soit respecté ce regroupement d’heures, sachant que les horaires pratiqués sont souvent répartis sur la journée et modulables. En effet, sont concernés les soins à donner selon des besoins ponctuels, les gardes d’enfants, qui dépendent de la disponibilité des parents, entre autres. La plupart des services à la personne nécessitent une adaptabilité incompatible avec la rédaction actuelle de l’article 8 du projet de loi.
L’application de cet article, tel qu’il est actuellement rédigé, aurait pour conséquence immédiate l’arrêt des embauches en raison de la suppression de toute flexibilité.
Par conséquent, mon groupe a déposé deux amendements visant à exclure du champ d’application de l’article 8 les secteurs dont le type d’activité le nécessite. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinquante-sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 285, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 1222-8 du code du travail est abrogé.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Cet amendement vise à substituer à l’actuel article 8 une disposition différente et à abroger l’article L. 1222-8 du code du travail. Pour mémoire, ce dernier article dispose : « Lorsqu’un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail résultant de l’application d’un accord de réduction de la durée du travail, leur licenciement est un licenciement qui ne repose pas sur un motif économique. ». Cette disposition constitue les prémices du nouveau droit de l’employeur inscrit dans le présent projet de loi.
Monsieur le ministre, lors de votre intervention au cours de la discussion générale, vous avez affirmé que ce projet de loi était porté par une « sève nouvelle ». Quelle belle expression ! Mais pourvu que cette sève monte…
En réalité, en confrontant l’article L. 1222-8 du code du travail au reste du texte en examen, on constate que les nouveautés que comporte celui-ci ont été puisées dans un catalogue de vieilles recettes, qui ne préparent pas forcément à des lendemains qui chantent.
Mme la présidente. L'amendement n° 276 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
... – Le VII de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« VII. - Lorsque l’employeur, durant l’année civile, n’a pas conclu d’accord salarial dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code, la réduction est supprimée. »
... – Le dernier alinéa de l’article L. 2242-5 du code du travail est supprimé.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement tend à compléter l’actuel article L. 241-13 du code de la sécurité sociale et à supprimer le mécanisme dit « de réduction générale de cotisations patronales » pour les employeurs qui ne s’engageraient pas réellement, de manière active et déterminée, à réduire à néant les écarts de salaire existant entre les femmes et les hommes qui accomplissent pourtant un travail identique.
Ce que l’on appelle pudiquement « écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes », comme pour masquer la nature illégale de cette pratique, connaît des origines diverses.
Un tiers de ces écarts serait la conséquence de la forme même des contrats et conduit de nouveau à se poser la question de la surreprésentation des femmes dans les emplois à temps partiel. Ainsi, alors que 31 % des femmes sont employées à temps partiel, seuls 7 % d’hommes occupent des emplois de cette nature.
En outre, au moins 10 % de ces écarts de salaire résulteraient du fait que les hommes bénéficient non seulement davantage d’heures supplémentaires mieux rémunérées, mais aussi de diverses primes. Celles-ci sont également distribuées de manière inégalitaire, puisque celles que perçoivent les femmes seraient inférieures de 37 % à celles que touchent les hommes. Rien d’étonnant à cette situation dans la mesure où les primes, à la différence du salaire, sont généralement distribuées en fonction de critères individuels et relèvent souvent de la seule volonté des employeurs, qui établissent eux-mêmes les critères d’éligibilité, quand les primes ne sont tout simplement pas versées, à la seule discrétion de l’employeur.
Avec la question des primes, on constate que les écarts de salaires, bien évidemment au détriment des femmes, pourraient être encore plus grands si le code du travail ne précisait pas certaines règles en matière de salaire, règles qui sont inexistantes à l’égard des primes.
Démonstration est donc faite que, lorsque la loi ne contraint pas les employeurs, ceux-ci ont une pente naturelle à discriminer les femmes. C’est pourquoi, pour notre part, nous sommes persuadés que le législateur doit intervenir, et avec détermination.
Un employeur qui ne respecte pas la loi en matière d’égalité salariale ne doit pas pouvoir bénéficier d’argent public. Aujourd’hui, un tel employeur a l’obligation d’ouvrir la négociation salariale, mais pas de la conclure. Si son entreprise n’est pas couverte par un accord ou par un plan d’action relatif à l’égalité professionnelle au 1er juillet 2013, il pourra être sanctionné financièrement. Toutefois, les critères et le montant de la sanction ne sont que peu dissuasifs. Aussi, cet amendement vise à imposer aux employeurs une obligation de résultat en matière de négociation lourdement sanctionnée au plan financier.
Bénéfique pour les comptes sociaux, cette mesure, dont les effets devraient se faire sentir de manière immédiate, renforcerait les syndicats dans leur action contre le recours au temps partiel subi, en faveur de l’augmentation des salaires et dans leur influence sur tous les autres leviers permettant de réduire les écarts salariaux.