M. Claude Jeannerot, rapporteur. J’ai dit tout à l’heure que l’accord était le résultat d’un subtil équilibre.
Les partenaires sociaux ont prévu d’ouvrir le droit à l’accès au CIF après deux refus successifs d’une mobilité. Concrètement, le chef d’entreprise saura que, s’il rejette à deux reprises la demande de mobilité d’un salarié, celui-ci bénéficiera en tout état de cause automatiquement d’un droit au CIF la troisième fois et pourra ainsi s’absenter de l’entreprise s’il le souhaite. L’employeur sera amené à en tenir compte lorsqu’une demande de mobilité externe lui sera soumise.
Encore une fois, l’ouverture d’un droit au CIF dans une telle hypothèse est plutôt de nature à favoriser l’acceptation par l’employeur d’une demande de mobilité volontaire sécurisée.
M. Pierre Laurent. Les salariés attendent un CIF pendant des années !
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour explication de vote.
M. Jean-Vincent Placé. Nous assistons à une sorte de cristallisation du débat.
N’étant pas un spécialiste du droit de la formation, j’écoute les arguments avancés par les différents intervenants. Je constate que, si grands que soient votre sens de l’écoute, votre courtoisie et votre respect de la représentation parlementaire, monsieur le ministre, vous vous bornez à renvoyer à plus tard toute évolution du dispositif et à invoquer la nécessité de s’en tenir, pour l’heure, à l’ANI. On tourne en rond !
Le Gouvernement aurait peut-être mieux fait de déposer un projet de loi constitutionnelle tendant à prévoir que le Parlement transpose automatiquement dans la loi tout accord signé par les partenaires sociaux. Après tout, il le fait assez régulièrement pour les directives européennes et, concernant les projets de loi de finances, sa marge de manœuvre ne porte que sur un pourcentage infime des recettes…
Il est dommage de passer autant de temps à échanger des arguments intéressants sur différents sujets pour n’obtenir systématiquement que ce type de réponse ! J’avais pourtant abordé ce débat dans un état d’esprit positif, mais il est très difficile, pour la représentation parlementaire, d’être sans cesse renvoyée aux calendes grecques.
Nous le savons tous, c’est dans la première année d’un quinquennat que s’engagent les réformes décisives. Nous sommes donc dans une période propice pour mettre en place une grande réforme de la démocratie sociale ; or, que vous le vouliez ou non, avec votre texte, nous ne nous y retrouvons pas !
C’est la raison pour laquelle, heure après heure, le déroulement de ce débat m’inspire un agacement de plus en plus vif. Si nous demandons des explications complémentaires, des scrutins publics, cela ne relève pas, très sincèrement, d’une tactique arrêtée a priori. Il serait bon que l’on ne se borne pas à nous répondre sans cesse que telle ou telle des mesures que nous proposons ne figure pas dans l’ANI et ne pourra être prise en considération qu’ultérieurement. Je souhaite vraiment qu’un véritable échange puisse s’établir entre le Gouvernement et les parlementaires. Dans cette attente, je n’éprouve aucune réticence à soutenir les amendements du groupe CRC. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Ce débat, nous l’avons depuis le début. Les arguments développés par le rapporteur sont excellents.
Par rapport à la situation actuelle, nous créons un nouveau droit. Après deux refus opposés à sa demande de mobilité volontaire sécurisée, le salarié bénéficiera d’un droit automatique à un CIF et pourra donc quitter l’entreprise, ce qui placera l’employeur dans la situation qu’il voulait précisément éviter. En effet, s’il refuse une mobilité, c’est parce qu’il juge le maintien dans son poste du salarié concerné indispensable à la bonne marche de l’entreprise. Il aura donc intérêt à négocier.
Monsieur Placé, vous croyez au dialogue social, je n’en doute pas. Je conçois tout à fait que nous puissions avoir des points de désaccord mais, au-delà de nos divergences, vous savez que la conclusion d’un accord négocié entre les représentants des entreprises et ceux de trois organisations syndicales représentant 51,2 % des salariés est une bonne manière de faire bouger la société !
C’est la raison pour laquelle je vous présente aujourd’hui un texte transcrivant cet accord, dont il me revient de garantir le respect. Quand nous vous opposons le fait que telle ou telle de vos propositions ne figure pas dans l’ANI, ce n’est pas pour refuser le débat ! Simplement, le respect de l’accord et du dialogue social veut que, à ce stade, nous engrangions les avancées que les partenaires sociaux ont négociées, avec les conséquences que cela implique pour les différents acteurs.
Voilà le cœur du sujet ! Je sais bien que, quoi que vous en disiez, au fond de vous-même vous mesurez pleinement la nécessité de tenir compte de l’accord négocié entre les partenaires sociaux. Dans une démocratie sociale, quand une majorité des représentants des salariés signent un accord, c’est qu’ils pensent, ce faisant, agir dans l’intérêt de leurs mandants.
Je respecte tout à fait la position de ceux qui ont refusé de signer l’accord. On peut parfaitement ne pas vouloir s’inscrire dans ce mouvement. J’entends parfois dire qu’il s’agit d’un accord made in MEDEF. Selon certains, dès lors que la signature du MEDEF figure au bas d’un accord, il ne saurait être bon pour les salariés ! Je suis sûr que vous n’êtes pas de ceux-là, monsieur Placé. Vous savez bien, en effet, qu’il est impossible de conclure quelque accord que ce soit, dans le domaine social, si les représentants des employeurs n’y sont pas partie.
M. Jean-Vincent Placé. J’ai l’habitude de conclure des accords et de les respecter !
M. Michel Sapin, ministre. Absolument !
D’autres, dont un chef d’entreprise qui siège dans cette assemblée, s’opposent à l’accord parce qu’ils n’acceptent pas l’intervention des organisations syndicales. Cette opinion n’est pas majoritaire du côté droit de l’hémicycle,…
Mme Catherine Procaccia. On ne se sent pas visés !
M. Michel Sapin, ministre. … mais elle s’exprime très fortement, ces jours-ci, en particulier au sein du MEDEF. Pour ses tenants, les organisations syndicales ne seraient que des empêcheurs de tourner en rond. Eh bien non, pour moi, elles participent à la construction de l’avenir. Nous leur devons le respect, surtout quand elles ont négocié durement un accord équilibré, favorable aux salariés.
Si l’on pense qu’il s’agit d’un bon accord, on accepte les contraintes qu’il emporte pour les uns et les autres. J’avais cru comprendre, monsieur Placé, que vous vous inscriviez dans cette logique !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voterai l’amendement du groupe CRC.
Il est beaucoup question, au sujet de cet accord, d’une logique du « donnant-donnant ». Or, au fil de la discussion, il apparaît de plus en plus clairement que le patronat ne « donne » que des droits soit théoriques, soit financés en partie par le budget de l’État. Je vous renvoie au débat sur les mutuelles.
En l’occurrence, le droit à la mobilité volontaire sécurisée sera théorique dans la mesure où le patronat disposera d’une forme de veto. On invoque le danger d’une hémorragie de centaines de milliers de salariés qui mettrait en péril le fonctionnement des entreprises. Or, nous le savons tous, les salariés qui bénéficieront de ce nouveau droit ne seront pas nombreux au point de déstabiliser l’économie française ! Par conséquent, autant affirmer clairement et fortement ce droit et empêcher que le patronat puisse en verrouiller l’accès.
Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre. Je crois, moi aussi, à la négociation sociale. Dans toutes les social-démocraties, les organisations syndicales signataires d’un accord représentent non pas 51 % des salariés, comme c’est le cas pour l’ANI, mais de 70 % à 80 % d’entre eux. De surcroît, les organisations syndicales qui ont refusé de signer l’ANI n’ont pas adopté cette position parce qu’elles jugent les avancées insuffisantes : la CGT et Force ouvrière, qui représentent 49 % des salariés, dénoncent carrément des reculs !
In fine, l’arbitrage revient à la loi. Quand le rapport des forces sociales est aussi partagé, le législateur doit s’efforcer de déplacer légèrement les équilibres, dans l’intérêt général. Sinon, dans le cas qui nous occupe, on laisse de fait au patronat un droit de veto. C’est cela qui est inacceptable ! Si les organisations syndicales signataires de l’accord représentaient les trois quarts des salariés, j’en prendrais acte et ma position serait différente.
En effet, l’efficacité d’une loi dépend de la capacité des acteurs de terrain à la mettre en œuvre. Si ceux-ci sont divisés, vous n’arriverez pas à avancer !
M. Alain Richard. Vous refusez la réalité !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, monsieur Richard, je ne refuse pas la réalité !
M. Alain Richard. Je vous répondrai !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Bien volontiers !
La participation du monde syndical à la négociation sociale suppose deux conditions qui, à ce jour, ne sont pas réunies. La première, c’est que les organisations syndicales signataires d’un accord représentent une large majorité des salariés. La seconde, c’est que l’on donne enfin aux salariés de ce pays un poids dans un certain nombre de décisions économiques. En effet, la social-démocratie donne, par la cogestion, des pouvoirs économiques aux salariés. Tel n’est pas le cas en l’occurrence ; on le verra lorsque nous aborderons la question du jugement du bien-fondé économique des licenciements ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. À un moment ou à un autre, il n’est peut-être pas inutile qu’une autre vision politique s’exprime !
Notre pays a, de très longue date, un déficit de compromis social. Il a les partenaires sociaux qu’il s’est donnés. Il n’est pas en notre pouvoir ni, pour l’essentiel d’entre nous, dans notre intention de les changer.
Beaucoup ici, lorsque cela sert leurs idées, se réclament de la société civile – notion à l’égard de laquelle certains d’entre nous, dont je suis, sont un peu plus réservés, parce qu’elle semble être un miroir déformant de la démocratie.
En tout cas, sur le plan social, notre société civile, c’est celle-là, et pour ma part je ne comprends pas – je pense ne pas être tout à fait le seul – cette conception de la négociation sociale selon laquelle on considère, par principe, comme mauvais un accord dès lors que les employeurs l’ont signé. Si l’on adopte un tel point de vue, il ne saurait y avoir d’évolution du droit social autrement que par la loi ; nous en avons l’expérience.
Mme Catherine Procaccia. Oui !
M. Alain Richard. J’ai commencé ma carrière de législateur voilà trente-cinq ans. J’en ai vu, des progrès sociaux affirmés, instaurés par la loi, des textes porteurs d’espoir ! Par expérience, je sais que quand on veut vraiment un progrès social durable, qui ne soit pas susceptible d’être renversé au changement de majorité suivant, il faut progresser pas à pas, en s’écoutant les uns les autres, en recherchant des compromis avec l’ensemble des partenaires sociaux.
Il est inexact de dire que la social-démocratie suppose un partage du pouvoir dans l’entreprise. Voyez en Europe du Nord : les organisations syndicales n’y ont aucun pouvoir dans l’entreprise ; elles sont en position de contestation, y compris quand elles ont 70 % des salariés derrière elles !
Le paysage syndical de notre pays est différent, il est beaucoup plus partagé. Depuis la loi de 1950 sur les conventions collectives, nous avons mis un temps considérable, quelles que soient d’ailleurs les majorités – cela n’a pas toujours été le fait de la gauche –, pour définir ce qu’est un accord social.
Contrairement à ce que disait notre collègue tout à l’heure, l’état de notre droit – encore une fois, il n’y a pas de demande de la société en ce sens – ne contraint pas le Parlement à transposer un accord tel quel. Ce n’est pas à prendre ou à laisser ! Si nous délibérons pendant autant d’heures, c’est bien parce que la Constitution nous donne le pouvoir d’intervenir. D’ailleurs, la comparaison avec la transposition des directives européennes n’est pas pertinente, puisqu’il revient au pouvoir législatif national de fixer les modalités. Voilà cinquante ans que nous le savons !
Quand un groupe parlementaire parfaitement respectable décide de remettre en question, ligne par ligne, les éléments d’un accord collectif national, ses arguments méritent d’être écoutés, mais ceux qui voient dans cet accord, à cette phase de notre histoire sociale, un facteur de progrès durable ne doivent pas être considérés comme totalement dénués de capacité de réflexion ou de volonté politique. Cette opinion-là aussi mérite d’être respectée ! (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 212 :
Nombre de votants | 207 |
Nombre de suffrages exprimés | 205 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 103 |
Pour l’adoption | 33 |
Contre | 172 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 85.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 86.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 213 :
Nombre de votants | 177 |
Nombre de suffrages exprimés | 175 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 33 |
Contre | 142 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 87, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« L’employeur précise le motif de son refus, à peine de nullité.
« Ce refus est, à peine de nullité, porté à la connaissance du salarié.
« Le refus de l’employeur peut être contesté directement devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Nous avons déjà exprimé nos doutes quant aux conséquences réelles de la mise en œuvre des dispositions de cet article 3 du projet de loi, transcrivant l’article 7 de l’ANI. En tout état de cause, si cet accord doit entrer un jour en application, il faudra qu’un certain nombre de garanties juridiques soient apportées.
L’alinéa 5 de l’article 3 précise que « si l’employeur oppose deux refus successifs à la demande de mobilité, l’accès au congé individuel de formation est de droit pour le salarié, sans que puissent lui être opposées la durée d’ancienneté mentionnée à l’article L. 6322-4 ou les dispositions de l’article L. 6322-7 ».
Force est de constater que les conditions de présentation de ces refus sont très imprécises. Nous estimons qu’il serait souhaitable, pour le moins, de prévoir des mécanismes précis, comme il en existe dans la législation relative au congé sabbatique.
C’est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, de prévoir que l’employeur doive préciser le motif de son refus à peine de nullité, que ce refus, à peine de nullité, soit porté à la connaissance du salarié et, enfin, que le refus de l’employeur puisse être contesté directement devant le bureau de jugement du conseil des prud’hommes.
C’est clair, net et précis comme un mécanisme d’horlogerie ! De telles mesures seraient également efficaces, car la loi, lorsqu’elle est précise, peut aider le salarié à faire valoir ses droits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Les auteurs de l’amendement proposent de s’inspirer du régime existant pour le congé sabbatique. Les modalités de mise en œuvre de celui-ci ne me paraissent toutefois pas comparables, l’employeur ne pouvant refuser l’octroi d’un congé sabbatique : il peut tout au plus le différer de six mois. Un refus n’est possible que dans les entreprises de moins de 200 salariés, dans certaines circonstances, et il doit être justifié.
La mobilité volontaire sécurisée ne concernera que les entreprises de plus de 300 salariés. Il n’y a donc pas de craintes à avoir. Les partenaires sociaux n’ont pas souhaité aller plus loin.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 88, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« À défaut de réponse de sa part, son accord est réputé acquis.
« Les conditions d’application de la présente section sont déterminées par voie réglementaire.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. J’ai trouvé passionnant le débat que nous venons d’avoir. Nous aurions pu ajouter que le départ d’un salarié en CIF présente un autre avantage pour l’employeur : il n’aura pas à régler la totalité du salaire !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. C’est vrai aussi pour la mobilité !
Mme Laurence Cohen. Le présent amendement porte sur le délai et les conditions dans lesquels l’employeur fera connaître sa décision au salarié.
Pour apporter une protection supplémentaire aux salariés, mais aussi pour leur donner la possibilité de faire valoir leurs droits avec plus de force, il est nécessaire de rendre la loi plus explicite sur ce point particulier.
Certaines dispositions du code du travail nous fournissent les outils juridiques qui peuvent s’appliquer à ce type de situation. En effet, à l’instar de ce que pratiquent les administrations dans certaines situations, nous proposons de transposer à la mobilité volontaire sécurisée les obligations s’imposant aux employeurs en matière de congé dit « sabbatique », sur la base du principe suivant : l’absence de réponse, passé un certain délai, vaut acceptation de la demande du salarié.
Il s’agit simplement de poser ce principe dans la loi. Pour ce qui est des modalités concrètes de sa mise en œuvre, nous proposons de renvoyer au décret le choix de la période, mais, en tout état de cause, de préciser qu’au-delà d’un mois sans réponse, l’accord de l’employeur est réputé acquis. Ce délai nous semble raisonnable et il s’applique, par ailleurs, pour les demandes de congé individuel de formation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement tend à poser pour principe que l’absence de réponse de l’employeur à une demande de mobilité volontaire sécurisée vaut acceptation.
Nous retrouvons ce principe dans le code du travail, s’agissant notamment des dispositions relatives au congé sabbatique.
Or, précisément, la mobilité volontaire sécurisée n’est pas une nouvelle forme de congé sabbatique : c’est un droit dont les contours ont été dessinés par les partenaires sociaux. Il ne me semble donc pas opportun, non plus qu’à la commission, de retenir ce principe. L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 89, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés qui bénéficient d’une période de mobilité volontaire sécurisée demeurent, durant toute la durée de la période, pris en compte dans le calcul des effectifs de l’entreprise avec laquelle leur contrat est suspendu.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Par cet amendement important, nous proposons de préciser que le départ pour une période de mobilité volontaire sécurisée d’un salarié n’entraînera pas son exclusion des effectifs de l’entreprise d’origine. Il est en effet regrettable que ni l’accord ni le projet de loi n’apportent cette précision.
Cela est regrettable, car comment ne pas penser que le MEDEF, qui a pesé de tout son poids pour arracher cet accord, espère pouvoir moduler les effectifs des entreprises afin de gêner la mise en application des droits collectifs ou individuels générés par leur plus ou moins grande importance ?
Monsieur le ministre, nous l’avons dit et répété, il ne faut pas être naïfs quant aux intentions du patronat dans une période de crise si défavorable aux salariés et à leurs organisations représentatives. Tout ce qui reste dans le flou, tout ce qui sera sujet à interprétation profitera, vous le savez bien, aux chefs d’entreprise.
Le chantage à l’emploi et la menace de la précarité sont une arme terrible. Seule la loi, seul le pouvoir politique peuvent, par la vigueur et la précision de leur intervention, parer les menaces éventuelles. C’est le rôle de tous les parlementaires, en particulier ceux de gauche, qui, nous semble-t-il, ont été élus aussi pour cela, de veiller à la protection maximale des salariés.
Malheureusement, le Gouvernement tente d’imposer cette ligne peu démocratique : un accord signé par des partenaires sociaux ne peut être remis en cause, même à la marge, par les représentants de la nation tout entière que sont les parlementaires.
Il y a là un danger certain pour le débat démocratique et les droits du Parlement dans notre pays. Ce sentiment est renforcé par la volonté du Gouvernement de modifier la Constitution, en y inscrivant une référence au dialogue social. Nous serons extrêmement vigilants pour que cette modification constitutionnelle ne pérennise pas l’abaissement du Parlement auquel nous assistons avec la transcription de l’ANI.
Cet amendement n’est pas anodin : les seuils d’effectifs constituent un élément important pour la mise en œuvre des droits protecteurs des salariés. Nous savons d’ailleurs que ces seuils sont la cible, depuis de nombreuses années, des attaques patronales, souvent relayées par la droite au pouvoir.
Adopter notre amendement permettrait d’écarter d’éventuelles manœuvres pour abaisser les effectifs dans les entreprises et, par là même, réduire les droits des salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement est déjà satisfait par l’article L. 1111-2 du code du travail, qui prévoit en effet que les salariés en mobilité volontaire restent comptabilisés dans les effectifs de l’entreprise. Surtout, la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point est parfaitement claire : un salarié dont le contrat de travail est suspendu – ce qui est le cas dans le cadre de la mobilité externe volontaire sécurisée – demeure comptabilisé dans l’effectif de l’entreprise. À ce titre – j’imagine que vous attachez de l’importance à ce point –, il reste électeur et éligible aux élections professionnelles, ce qui est la marque la plus absolue de son appartenance à l’entreprise.
Mme Catherine Procaccia. C’est vrai !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Dans ces conditions, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Le Scouarnec, l'amendement n° 89 est-il maintenu ?
M. Michel Le Scouarnec. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 89 est retiré.
L'amendement n° 90, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun avenant organisant une période de mobilité volontaire sécurisée ne peut être conclu dans une entreprise où est mis en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Il serait paradoxal que la mise en œuvre du dispositif de l’article 3, qui affiche un objectif de sécurisation de la mobilité volontaire des salariés, puisse aboutir à une régression des droits de ces derniers.
Méfions-nous des effets d’aubaine dont savent si bien se saisir quelques directions d’entreprise, certes peu nombreuses, mais néanmoins très habiles à utiliser les failles de notre législation quand il s’agit, par exemple, de satisfaire des actionnaires uniquement préoccupés par la rentabilité de leurs investissements.
C’est donc pour protéger efficacement les salariés contre ces pratiques qui aboutissent, la plupart du temps, à des plans de sauvegarde de l’emploi, se traduisant eux-mêmes, in fine, par des licenciements, que nous voulons, avec cet amendement, rendre impossibles de telles situations.
Il convient ainsi de dissuader les entreprises qui seraient tentées d’échapper à leurs obligations à l’égard de certains salariés lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est mis en œuvre. Je pense que ce danger serait bien réel pour des salariés dont le contrat de travail serait suspendu, ce qui est précisément le cas à l’occasion d’une période de mobilité.
La situation et l’avenir des salariés, en cas de difficultés économiques pour les entreprises, sont parfois si complexes que certains pourraient être abusés et tentés de trouver, ou de proposer, une fausse solution avec la mobilité volontaire.
C’est la raison pour laquelle nous proposons, au travers de cet amendement, d’inscrire explicitement dans la loi qu’aucun avenant organisant une période de mobilité volontaire sécurisée ne puisse être conclu dans une entreprise où est mis en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?