M. Dominique Watrin. Le problème posé par la formation professionnelle continue est connu de toutes et de tous.
Il semble évident que le taux de chômage frappant les travailleurs non qualifiés ou peu qualifiés est sans commune mesure avec celui qui touche les cadres supérieurs expérimentés, et cette situation doit nous amener à nous interroger. Force est de constater qu’il est plus difficile à un jeune sorti de l’école sans diplôme, sans avoir obtenu le brevet des collèges par exemple, de trouver un emploi stable.
Toujours est-il que la France est plutôt un pays où le niveau de formation des jeunes et de la population active est bon, même si, ces dernières années, les logiques d’austérité – c’est bien là le problème ! – qui frappent toute la sphère publique et, singulièrement, les dépenses d’éducation et de formation commencent à porter des fruits amers.
En bien des régions, le taux de scolarisation de la jeunesse au-delà du baccalauréat tend à stagner ou à baisser et les inégalités sociales prennent le pas sur les possibilités de promotion qu’offrait jusqu’à présent l’école.
Si l’on prend en considération les données fournies par l’INSEE en matière de formation et de diplômes de la population de notre pays, qu’observe-t-on ?
La durée de scolarité tend quelque peu à marquer le pas, puisque le taux de jeunes de 18 ans à 24 ans encore scolarisés, 52 % environ, en 2009 est en léger recul au regard de 1999. En revanche, l’allongement antérieur des périodes de scolarité, dans le droit fil du développement des lycées dans les années 1980 et 1990 et celui de la massification de l’enseignement supérieur – la France compte tout de même dix fois plus d’étudiants aujourd’hui qu’en 1968, et l’on ne peut que s’en réjouir ! –, a modifié la structure même de la population en âge de travailler, c’est-à-dire les personnes de plus de 15 ans sorties du système scolaire.
En 1999, notre pays comptait 12 % de bacheliers et environ 16,5 % de diplômés de l’enseignement supérieur, pourcentage partagé entre diplômes du premier cycle universitaire, ou assimilés, et diplômes des deuxième et troisième cycles.
En 2009, dix ans plus tard, on recense 15,9 % de bacheliers, 11,8 % de diplômés du premier cycle universitaire et 12,7 % de diplômés des deuxième et troisième cycles, soit un total de 40,4 % pour l’ensemble de ces catégories. On dénombre également, à l’autre bout de la chaîne, 18,3 % de sans diplôme, 11,1 % de titulaires du certificat d’études primaires et 6,3 % d’adultes parvenus au brevet des collèges, soit un total de 35,7 %, par conséquent devenu inférieur à celui des titulaires d’un baccalauréat ou d’un diplôme de niveau supérieur.
On peut se réjouir de ces évolutions plutôt positives et satisfaisantes, mais la question de la formation se pose sous un nouveau jour. Pour les salariés qualifiés, le droit à la formation existe de manière bien plus récurrente que pour les autres.
En revanche, pour les salariés non qualifiés ou peu qualifiés, il semble bien que l’obstacle constamment opposé à l’élévation de la formation et à la promotion sociale ne pourra, hélas, être levé qu’en dehors de tout contrat de travail et que le compte personnel de formation sera progressivement vidé en période de chômage. Il faudrait donc prévoir dès maintenant de l’abonder, pour répondre aux défis de la validation des acquis de l’expérience et à ceux d’une vraie formation permanente.
Mme la présidente. L’amendement n° 56, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 12, première phrase
Après le mot :
bénéficie
insérer les mots :
, à titre gratuit,
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. L’article 2 prévoit la création d’un compte personnel de formation. Les partenaires sociaux s’inquiètent de voir traitée cette question de manière approximative et en urgence dans le cadre de ce projet de loi. Ils ont plusieurs fois manifesté leur volonté de faire de cette question complexe un débat à part entière. Visiblement, le Gouvernement ne souhaite pas procéder de la sorte.
Nous vous présentons donc cet amendement de repli qui modifie le texte de l’article 2 du projet de loi. L’alinéa 4 de cet article prévoit la mise en œuvre du conseil en évolution professionnelle au niveau local, dans le cadre du service public de l’orientation. Ce service hors de l’entreprise est censé garantir un accès à la formation pour l’ensemble des actifs, y compris les personnes qui sont salariées de très petites entreprises ou de petites et moyennes entreprises.
Pour nous, la construction d’un service global est un facteur déterminant d’accès à la formation pour les publics qui en sont le plus souvent exclus. Un grand service public de la formation initiale et continue, c’est l’outil qu’il faut pour s’attaquer résolument au chômage de masse que nous connaissons – ce serait en quelque sorte l’école de la deuxième chance dont nous parlons depuis longtemps et qui n’a jamais vu le jour…
Mme Nathalie Goulet. Mais si !
M. Michel Le Scouarnec. La preuve de l’importance de la réussite scolaire, c’est que ceux qui sont au chômage sont le plus souvent sortis de l’école sans diplôme.
Notre amendement tend à préciser la rédaction de l’alinéa 4. En effet, nous voulons le compléter afin d’inscrire explicitement dans la loi que ce service public permet aux personnes de bénéficier d’un accompagnement à titre gratuit. Cette précision ne figure pas dans l’ANI et nous souhaitons apporter une garantie supplémentaire au droit à la formation des salariés.
Ce faisant, l’amendement pose évidemment la question du financement du conseil en évolution professionnelle. Il est essentiel d’affirmer que les budgets publics de la formation doivent être sanctuarisés, a fortiori en période de crise de l’emploi.
Nous vous demandons d’adopter cet amendement renforçant l’accès à la formation professionnelle, qui est autant un outil d’accompagnement du développement industriel qu’un outil d’accompagnement social.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Vous avez raison, mon cher collègue, de vous préoccuper des conditions de mise en œuvre de ce conseil en évolution professionnelle qui est porté par ce projet de loi.
Le texte qui nous est soumis précise, par ailleurs, que ce conseil en évolution professionnelle sera mis en œuvre au travers du service régional d’orientation. Il me semble que vous avez d’ores et déjà obtenu satisfaction, puisque l’article L. 6111–3 du code du travail dispose que ce service « est organisé pour garantir à toute personne l’accès à une information gratuite, complète et objective » sur les métiers, les formations et les qualifications.
Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Le Scouarnec, l’amendement n° 56 est-il maintenu ?
M. Michel Le Scouarnec. Nous le maintenons parce que nous souhaitons aller au bout de notre logique en mentionnant en toutes lettres la gratuité de ce droit à l’accompagnement à la formation professionnelle. Je ne suis pas certain que tout ce que j’ai évoqué en présentant cet amendement figure dans le projet de loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 56.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 200 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 57, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 17
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Les modalités du compte personnel de formation sont définies par décret après avis du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Notre amendement porte sur une question qui mérite des éclaircissements.
La bataille de l’emploi, engagée de longue date dans notre pays, peut compter sur des combattants particulièrement attentifs. Ce sont les travailleurs salariés de notre pays et, singulièrement, ceux qui sont investis de missions de délégation qui, dans toutes les entreprises où cela peut se produire, mènent la lutte pour une juste allocation des ressources de la formation professionnelle, la promotion des salariés, autant sur le plan personnel qu’à raison de leur implication dans le processus de production.
Il est évident que, dans de nombreuses entreprises, les fonds dévolus à la formation personnelle, à l’élévation des qualifications, à la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle sont par trop polarisés sur les seuls personnels d’encadrement et de direction et que l’argent manque dès lors qu’il s’agit de s’adresser à la formation du plus grand nombre.
L’action déterminée de certaines organisations syndicales permet aujourd’hui de contrecarrer la dérive qui veut que, outre la priorité accordée à la formation des personnels déjà les plus qualifiés, ce soit une formation au rabais, uniquement centrée sur l’adaptabilité aux process de production de l’entreprise, une formation « utilitariste », en quelque sorte, qui soit le plus souvent proposée aux salariés n’ayant pas la qualification la plus élevée au départ.
Or c’est là précisément, dans l’entreprise, par une juste allocation de la ressource, par une bonne définition des objectifs et finalités du plan de formation avant même toute période éventuelle de chômage, que nous pouvons répondre dès maintenant aux risques posés par l’évolution des métiers pour de nombreux postes de travail dévolus à l’exécution de processus simples ou simplifiés de production.
Nul doute qu’il nous faut encore réfléchir au contenu du décret qui traduira les modalités d’alimentation et de fonctionnement du compte personnel de formation.
Toujours est-il qu’il serait sans doute pertinent d’en faire un outil de promotion sociale et personnelle des salariés les moins qualifiés, éventuellement en procédant à la majoration de leurs droits acquis à raison de leur temps de présence dans l’entreprise.
C’est bel et bien parce que la croissance durable de notre pays va de pair avec la progression des qualifications que nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement, mes chers collègues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Chère collègue, vous souhaitez que les modalités du compte personnel de formation soient définies après avis du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, le CNFPTLV.
Je voudrais vous apporter trois informations et, si possible, vous rassurer complètement sur ce point.
D’abord, le ministre a saisi cette instance dès le début de l’année pour avoir son avis sur la création du compte individuel de formation. Le CNFPTLV a rendu ses conclusions le 18 mars, ce qui a, d’ailleurs, permis à l’Assemblée nationale de compléter cet article par des amendements de précision.
Ensuite, vous l’avez vu, les modalités de mise en œuvre du compte personnel de formation doivent être définies dans le cadre d’une négociation entre l’État, les régions et les partenaires sociaux.
Enfin, ces instances sont déjà présentes au sein du CNFPTLV. Il y a donc l’assurance d’une convergence d’analyses et, surtout, – c’est cela que je voudrais vous faire entendre, même si je n’ai pas réussi à vous convaincre sur l’amendement précédent – le code du travail, dans son article L. 6123–1, prévoit explicitement – je vous demande de l’entendre – que le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie émet obligatoirement un avis sur les projets de loi, d’ordonnance et de dispositions réglementaires en matière de formation professionnelle initiale et continue.
D’une certaine manière, votre amendement est triplement satisfait. Je vous demande donc de le retirer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. L’argumentation du rapporteur est imparable pour qui voudrait bien l’entendre. Le CNFPTLV doit obligatoirement déjà être saisi. C’est, d’ailleurs, ce que j’avais fait préalablement à la présentation de ce texte et c’est ce que nous ferons par la suite.
Je profite de la discussion de cet amendement pour vous décrire rapidement le processus de mise en œuvre de ce dispositif. Nous allons nous appuyer sur ce progrès considérable qu’il vous est proposé de voter, le compte personnel de formation.
J’aurai – non pas à prendre des mesures par décret, en tout cas, pas tout de suite – à saisir les partenaires sociaux. Oui, nous sommes dans le domaine de la négociation. Une fois encore, c’est une grande négociation qui va s’ouvrir entre les partenaires sociaux.
Je pense, d’après mes contacts, que tous les partenaires sociaux, en particulier toutes les organisations syndicales, auront à cœur de participer activement à cette négociation pour déboucher sur un accord, qu’elles signeront si elles le souhaitent, si elles le peuvent et si le résultat leur donne satisfaction.
Aujourd’hui, j’ai tendance à penser que les uns et les autres sont bien partis pour participer à cette négociation. Je les saisirai avant les vacances d’un document d’orientation. Elles auront ensuite à négocier avant la fin de l’année et avant la fin de cette année – c’est ce qu’avait dit le Président de la République – un projet de loi, dans un premier temps, vous sera proposé pour mettre en œuvre à la fois le contenu en termes de formation et – plus compliqué et plus délicat – les modalités de financement de ce compte personnel de formation.
On le voit bien, c’est très délicat puisqu’il s’agit de mettre en place les modalités permettant d’orienter des financements existants vers ces priorités, que nous partageons tous, en matière de formation, à savoir les jeunes, les salariés peu qualifiés, ceux qui recherchent un emploi et qui ont absolument besoin de cette formation.
J’ai voulu profiter de ce moment et de l’examen de cet amendement pour vous présenter précisément le processus. Cela veut dire que, à la fin de cette année, tout le dispositif sera calé et connu. Et il l’aura été grâce aux résultats d’une négociation entre partenaires sociaux, que rien ne peut remplacer.
Mme la présidente. Madame Pasquet, vous avez été sollicitée avec insistance pour retirer l’amendement n° 57…
Mme Isabelle Pasquet. Malgré l’insistance, je le maintiens, madame la présidente. (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 58, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La dernière phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 6315-2 du code du travail est ainsi rédigée :
« Le fait de refuser l’embauche d’un salarié en raison de son refus ou de son impossibilité de présenter son passeport orientation et formation constitue une discrimination au sens de l’article L. 1132-1. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous avions indiqué, lors de la discussion de la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie, notre crainte de voir le passeport « orientation et formation » devenir un facteur discriminant à l’encontre du salarié ou de la salariée qui portent ce document.
Tenant compte de l’existence de ces dispositions, nous pouvons soutenir l’idée d’un document permettant de retracer le parcours professionnel et de formation du salarié qui énumérerait les formations dont il a bénéficié, l’activité associative qu’il exerce ou les compétences, connaissances et qualifications acquises au cours de sa vie professionnelle.
À dire vrai, un document synthétique récapitulant formation initiale, diplômes obtenus, expérience reconnue et spécialisation éventuellement suivie n’est pas – il faut le reconnaître – sans intérêt au moment de prendre la décision d’embaucher une personne.
Mais – il y a bien évidemment un « mais » –, nous refusons également que la non-présentation de ce document, par exemple à l’occasion d’un entretien d’embauche, ou le contenu dudit document puissent constituer, pour des employeurs peu scrupuleux – et il y en a ! –, un motif de discrimination, soit parce qu’ils considéreront que les droits à formation du salarié sont trop importants, soit parce qu’ils suspectent le salarié ne présentant pas son passeport de vouloir leur cacher certains éléments.
Ce document conçu pour faciliter le parcours du salarié pourrait donc in fine représenter un handicap pour lui.
C’est pourquoi nous proposons d’inscrire dans le projet de loi que le fait de ne pas embaucher un salarié en raison de son refus ou de son impossibilité de présenter son passeport d’orientation et de formation constitue une discrimination et sera donc interdit.
Je fais observer, au demeurant, que le caractère facultatif du document concerné, qui avait été évoqué lors de l’examen du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie – rien ne remplace au fond un curriculum vitae bien présenté – avait motivé un avis favorable du Gouvernement, comme de la commission des affaires sociales et de son rapporteur, sur cet amendement.
Ce qui s’est passé lors de la commission mixte paritaire d’alors ayant conduit à la disparition de cet amendement du corps de la loi, il est donc parfaitement légitime que nous invitions le Sénat à reprendre sa position initiale sur cette thématique en adoptant le présent amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Madame Assassi, je comprends votre demande. Elle est en effet cohérente avec la position qui avait alors été portée par le Sénat. Néanmoins, je ne peux, au nom de la commission, émettre un avis favorable dans la mesure où cette question a été absente des discussions et du champ de l’accord.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je comprends l’objectif des auteurs de l’amendement, mais le passeport orientation et formation auquel il est fait référence n’existe pas aujourd’hui. Cette proposition ne fait donc guère progresser la protection du salarié.
Mme Éliane Assassi. Nous l’avions pourtant décidé en 2009 !
M. Michel Sapin, ministre. Certes, mais on ne peut pas légiférer en se référant à un document qui n’existe pas !
Par ailleurs, aux termes de la réglementation en vigueur, que vous connaissez, est considéré comme illicite le refus d’embauche d’un salarié en raison de son refus ou de son impossibilité de présenter, s’il existait, ce passeport orientation et formation. L’article L. 1132–1 du code du travail, qui comporte une liste prenant en compte de nombreux éléments, pose en effet le principe absolu de non-discrimination.
Aujourd’hui, la loi est protectrice. Cela ne veut pas dire qu’elle protège dans tous les cas. Il faut en effet, pour la faire respecter, la connaître et disposer d’une capacité de mobilisation. C’est aussi pour cette raison que j’ai une grande confiance dans les organisations syndicales.
M. Ronan Kerdraon. Nous aussi !
Mme la présidente. L’amendement n° 72, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À l’article L. 6322–7 du code du travail, après le mot : « différée », sont insérés les mots : « après avis conforme du comité d’entreprise ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous l’aurez remarqué, tous nos amendements visent à enrichir ce projet de loi.
Nous pensons qu’il est opportun de se saisir de ce texte pour élargir les prérogatives des comités d’entreprise, car il est nécessaire, nous le voyons bien, d’introduire plus de démocratie dans l’entreprise. Dès lors, il est selon nous utile et efficace de confier aux comités d’entreprise les champs de compétence relevant de la formation professionnelle en général et du droit individuel à la formation.
Cet amendement tend donc à reporter les demandes formulées par les salariés d’ouverture d’un congé individuel de formation dans les seuls cas où ce report serait validé par le comité d’entreprise.
En l’état actuel de la rédaction de cet article, cette faculté repose sur la seule décision du chef d’entreprise. Il nous semblerait utile de consulter en la matière les comités d’entreprise.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mes chers collègues, vous l’avez compris, l’objet de cet amendement est de conditionner le report par l’employeur de l’attribution aux salariés du CIF à l’avis conforme du comité d’entreprise.
Cette mesure viderait de son sens le plafond de salariés en CIF fixé par ailleurs. Surtout, elle devrait faire l’objet d’une concertation nouvelle entre les partenaires sociaux. Elle est en dehors du champ de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier.
Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 72.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 201 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le ministre.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
L’amendement n° 71, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À l’article L. 6322–7 du code du travail, le taux « 2 % » est remplacé par le taux : « 5 % ».
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Nous savons tous que cette question de la formation des salariés, que nous examinons depuis un bon moment, est l’une des clefs d’un véritable système de sécurisation de l’emploi.
Nous pensons qu’il est temps de changer de braquet en matière d’accès à la formation individuelle. Nous devons quitter en quelque sorte l’homéopathie pour aller vers une formation massive des salariés de notre pays, en particulier de celles et ceux qui en ont le plus besoin, à savoir ceux qui sont en bas de l’échelle des salaires et qui sont souvent les premières victimes de pressions patronales.
Nous ne pouvons plus admettre que la formation professionnelle soit encore, pour certains employeurs, un supplément d’âme ou un « cadeau ». Il s’agit bel et bien d’un droit, et même d’un droit essentiel !
La formation professionnelle tout au long de la vie est une vieille revendication des organisations syndicales. Or nous savons tous qu’elle est fort mal répartie entre les salariés eux-mêmes. Ce sont les salariés les mieux formés au départ ainsi que les cadres qui, de fait, en bénéficient le plus.
Pour mettre fin à cette inégalité, il convient selon nous d’élargir le droit à la formation individuelle. Avec cette augmentation, que nous proposons au travers du présent amendement, de 2 % à 5 % des salariés qui peuvent bénéficier simultanément d’un CIF dans l’entreprise, il s’agit de permettre, de prévoir, en amont et en dehors de toute situation d’urgence ou de crise, les évolutions de la vie professionnelle.
Car, si l’on y réfléchit bien, 2 % sur un effectif de 50 salariés dans une entreprise, cela ne représente qu’un salarié en formation. Certes, on pourra nous rétorquer, sur certaines travées, que le passage à 5 % serait une contrainte supplémentaire pour l’employeur et pourrait désorganiser la production. Mais alors que nous connaissons une onde aussi profonde de chômage, je pense qu’il est utile pour l’entreprise de favoriser la formation de ses salariés si elle veut innover et mieux répondre « aux exigences et à la mobilité du marché », pour reprendre une terminologie à la mode.
Mes chers collègues, nous devons accepter d’accroître le nombre de salariés en CIF. Nous verrons alors qu’ils auront à cœur de « rendre » à leur entreprise l’investissement en formation dont celle-ci leur a permis de bénéficier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Chacun peut comprendre l’intérêt de votre amendement, qui vise à porter de 2 % à 5 % le nombre de salariés absents simultanément en raison d’un CIF. Je vous invite à redéposer cette proposition dans le cadre de la discussion qui ne manquera pas d’intervenir, dans les prochaines semaines, sur la réforme de la formation professionnelle. Ici, en revanche, elle est hors champ de l’ANI. La commission ne peut donc la retenir. Aussi l’avis est-il défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement fait partie d’une série d’amendements qui avaient été déposés en termes identiques lors de l’examen de ce projet de loi par l’Assemblée nationale. Fort naturellement, les mêmes arguments avaient été utilisés pour les présenter. Aussi, je reprendrai ici les arguments que j’avais moi-même développés, ce qui me permettra de ne pas le faire sur chaque amendement.
Le groupe CRC souhaite inscrire dès à présent dans la loi l’ensemble du dispositif, dont je considère qu’il doit d’abord être négocié par les partenaires sociaux. Selon moi, la voie que vous proposez de suivre, monsieur le sénateur, ne serait pas une bonne façon de procéder et ne serait pas respectueuse des partenaires sociaux. Je vous rappelle en effet que, compte tenu de l’article L. 1 du code du travail, dans le domaine de la formation professionnelle, toute réforme doit faire préalablement l’objet d’une offre de négociation de la part du Gouvernement.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire en d’autres occasions, peut-être la solution que vous proposez sera-t-elle retenue par les partenaires sociaux et par le Gouvernement, mais il est évidemment trop tôt pour le dire. N’anticipons pas sur le processus que j’ai décrit il y a quelques instants et qui se déroulera entre le mois de juin et le mois de décembre de cette année.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, j’ai bien écouté vos propos. Vos arguments se suivent et se ressemblent. Certes, on peut comprendre la constance avec laquelle vous défendez votre logique, mais au final, cela revient à nier la capacité du Parlement à enrichir, à préciser, à améliorer un texte qui pour le moins, sur ce point précis de la formation, ne fait pas l’unanimité dans les rangs des organisations syndicales de salariés.
En commission, et ici même encore, vous avez systématiquement rejeté nos amendements sous prétexte qu’ils sont hors ANI. Permettez-moi de vous le dire, c’est une erreur, car, ce faisant, vous retirez aux parlementaires leur pouvoir propre de législateur.
Un autre argument nous est opposé, celui de l’examen par le Parlement, dans un futur proche, d’un projet de loi sur la formation professionnelle. Dans ce cas, pourquoi avoir intégré dans le document d’orientation de l’ANI le paragraphe suivant : « Proposer les voies d’un meilleur accès â la formation et d’un meilleur accompagnement par le service public de l’emploi et l’ensemble des acteurs des demandeurs d’emploi précédemment salariés en CDD ou en intérim dans des processus de mobilité et de qualification » ?
Monsieur le ministre, vous avez donc souhaité que les partenaires sociaux se penchent aussi sur la formation professionnelle, ce qu’ils ont fait. Vous avez transcrit cette partie de l’accord et il y aura désormais « un compte personnel de formation » qui revisite en partie le congé individuel de formation et le droit individuel à la formation. De même sera créé le conseil en évolution professionnelle.
Vous nous annoncez un projet de loi. Avec votre collègue Marylise Lebranchu, vous avez préféré transférer aux régions la responsabilité de l’organisation de la formation professionnelle sur les territoires.
M. Ronan Kerdraon. C’est une bonne chose !