M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, cette motion référendaire, nous l’adressons solennellement au Président de la République puisque, tout au long de sa campagne, il a proclamé qu’il garantirait l’unité nationale. C’est à lui qu’il appartient aujourd'hui de rétablir la concorde nationale, que le présent projet de loi met à mal.
Cette demande est légitime. En effet, un bouleversement aussi profond de notre société, de ses symboles et de ses valeurs vaut bien qu’on recueille l’avis du peuple.
À cet égard, ce matin, il était assez cocasse d’entendre notre collègue Jean-Michel Baylet, que je respecte tout à fait par ailleurs, rappeler la force avec laquelle la gauche avait exigé la mise en œuvre d’un référendum au sujet de la réorganisation des bureaux de poste et refuser en même temps un référendum sur une question, sans doute de moindre importance : la place du mariage dans le statut de la famille !
Comme l’a dit Gérard Longuet, vous avez voulu ce débat, madame la garde des sceaux, mais la société française s’en est emparée.
Pour quelque temps encore, nous sommes nombreux à être des élus territoriaux. Or il ne se passe pas de jour sans que nous soyons questionnés, voire mis en cause au sujet de ce texte. Sur le terrain, nos concitoyens nous demandent même l’organisation de débats locaux pour mesurer les conséquences incalculables d’un tel changement. Ne méritent-ils pas de faire entendre leur avis ? N’ont-ils pas le droit, eux aussi, d’exprimer leur approbation ou leur opposition au présent projet de loi, alors même que, élection après élection, nous les voyons bouder les bureaux de vote ? Que craignez-vous, chers collègues de gauche, vous qui, si souvent, en appelez au peuple ?
Puisque les sondages sur le mariage pour tous vous sont, paraît-il, si favorables, en ces temps de disette de popularité, un bon résultat lors d’une consultation de nos concitoyens vous aiderait sûrement… Avez-vous donc peur de la réponse du peuple français ?
Pour contrer cette motion, vous invoquez toutes sortes d’arguments, et au premier chef, bien sûr, les relents d’homophobie que charrierait l’hostilité à ce projet de loi. Mais, mesdames les ministres, aucun membre de cette assemblée, sur quelque travée qu’il siège, n’est homophobe ! Et pas plus que vous, nous n’avons à nous justifier sur ce point ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Vous vous livrez en outre à une sorte d’explication de texte : sociétal n’est pas social, dites-vous. Mais croyez-vous sincèrement que, eu égard aux enjeux de ce débat, la controverse se limite à une telle dialectique ? Et de triturer l’article 11 dans tous les sens pour démontrer que la Constitution va bien dans votre sens ! Or cet article vise les « réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale ». Cette rédaction n’a-t-elle pas été conçue pour couvrir le plus large spectre de l’action de l’État ?
Par ailleurs, mes chers collègues, méfiez-vous des commentateurs, exégètes de tous poils, et référez-vous plutôt à ceux qui, tel le général de Gaulle en 1962, ont eu recours au référendum afin que le peuple s’exprime, quand les juristes les plus chevronnés parlaient d’un « coup de force » que même l’approbation des urnes ne suffirait pas à absoudre ! Et pourtant, cette réforme n’a-t-elle pas refondé notre propre Constitution par le seul jeu de la légitimation populaire ?
Non, le recours à la sagesse populaire n’est pas toujours la résurgence du populisme, et sûrement pas lorsque des questions fondamentales pour notre société sont posées ! Or, vous le savez, le présent projet de loi divise les Français. Ce n’est pas en usant du moyen dérisoire des faux décomptes des manifestants que vous tarirez les cortèges d’opposants, d’hommes et de femmes de bonne foi qui, constatant qu’on ne les écoute pas, n’ont plus qu’à descendre dans la rue pour se faire entendre.
M. Roland du Luart. Bien au contraire !
M. Christian Cambon. Nous pouvons, nous aussi, vous opposer les analyses extrêmement argumentées de juristes, dont certains ont même manifesté en robe à plusieurs occasions. Des professeurs de droit, tels le professeur Mainguy, le professeur Mathieu, rapportent à l’envi que les sujets relatifs à la famille relèvent du social. Ils rappellent aussi que le préambule de la Constitution de 1946 dispose que la famille bénéficie de la protection sociale.
Le Président de la République et sa majorité peuvent jouer sur les mots, se prêter à des exercices de contorsion intellectuelle, par exemple en invoquant le fait que le mariage pour tous était une promesse électorale de François Hollande et qu’elle a été avalisée par le peuple français avec l’élection de ce dernier. Mettez donc plus d’entrain à concrétiser une autre de ses promesses, bien plus importante : la baisse du chômage ! Cela vous réconciliera sûrement avec les Français, qui doutent qu’elle soit tenue.
M. Roland Courteau. Il faut conclure !
M. Christian Cambon. Nous allons soutenir cette motion référendaire et, mes chers collègues, nous vous invitons à faire de même. Votez-la, que vous soyez favorables ou non au projet de loi, en prenant en compte cet argument qui l’emporte sur tous les autres : au-delà des responsabilités parlementaires qui sont les nôtres, lorsqu’un pilier essentiel de la société est en jeu, la parole du peuple est un fondement de la démocratie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Mme Caroline Cayeux. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, à en croire certains, cette motion référendaire – brillamment défendue par Bruno Retailleau et que j’ai cosignée –, cette demande d’organiser une consultation nationale sur le présent projet de loi, ne serait qu’un artifice.
Permettez-moi de regretter que, dans cette assemblée et ailleurs, on puisse considérer que le recours à la sagesse populaire ne soit qu’un subterfuge. Ainsi, le référendum ne serait qu’un instrument au service de positionnements politiques. À ceux qui le prétendent je veux dire qu’il n’en est rien.
Non, madame la garde des sceaux, ni vous-même ni le Président de la République ne sortiriez affaiblis d’une consultation nationale sur un sujet aussi fondamental pour l’avenir de notre société. Bien au contraire, un vote favorable des Français au mariage pour tous – puisqu’on affirme qu’ils sont majoritairement d’accord – consoliderait le Gouvernement et la majorité. Et si le vote devait se révéler négatif, il servirait autant qu’il desservirait le Gouvernement dans la mesure où chacun lui saurait gré d’avoir eu le courage d’utiliser la voie la plus transparente et la plus démocratique qu’offre notre République.
Je ne crois pas que l’exécutif, la majorité ou l’opposition, certains partis ou certains leaders, puissent tirer leur épingle du jeu en refusant l’utilisation du référendum. De toute façon, quelle que soit la décision du peuple, elle lui appartient, et à lui seul. Dans le contexte de crise économique que nous traversons, toute tentative d’instrumentalisation est vaine.
Faut-il comprendre dans ce refus que le Gouvernement, qui croyait « capitaliser » une certaine bienveillance des Français en déposant ce projet de loi, constate actuellement que son initiative ne lui sera d’aucune aide pour redresser la bien faible estime que lui portent actuellement nos compatriotes ?
M. Roland Courteau. Hors sujet !
Mme Caroline Cayeux. Mais les choses peuvent changer. En tout cas, espérons-le pour la France !
Que personne ne soit dupe dans cet hémicycle : la consultation nationale sur le mariage pour tous ne sanctionnera ni ne récompensera personne. Je fais confiance aux Français qui, dans l’isoloir, voteront en leur âme et conscience, sans se soucier des pressions qui peuvent les entraîner vers un vote qu’ils récusent dans leur for intérieur.
Les Français n’ont qu’une seule revendication : que ce débat ne soit pas confisqué, notamment par des organisations qui se disent représentatives de communautés. Car non seulement ces organisations ne sont pas représentatives, mais surtout elles ne sont pas légitimes puisque les communautés en question n’ont aucunement besoin d’être reconnues par l’État.
Mes chers collègues, ne faisons pas de ces communautés qui n’existent pas les nouveaux corps intermédiaires de la République ! Le champ des possibles de l’homme ne peut être encadré que par la loi, et les législateurs que nous sommes, émanation du peuple, doivent prendre leurs responsabilités.
Posez-vous cette question : que restera-t-il à celui qui n’appartient à aucune de ces communautés ? Comment ferons-nous si, dans quelques années, les seules revendications qui trouvent grâce aux yeux du législateur sont celles qui émanent d’une organisation communautaire ?
Notre démocratie est-elle si malade que, pour nous donner bonne conscience, pour pouvoir ignorer la crise sociale, nous saupoudrons quelques communautés d’avantages non justifiés?
Alors, mes chers collègues, n’ayez pas peur du référendum ! Laissez le peuple s’exprimer ! Donnez-lui la parole et votez avec courage en faveur de la motion référendaire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Philippe Darniche et Jean-François Husson applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les fondements de la motion référendaire, que mon collègue Bruno Retailleau a défendue ce matin de façon remarquable, mais je me permettrai de reprendre à mon compte un argument qui a déjà été avancé cet après-midi.
Nous, sénateurs, avons une légitimité que nous tenons des élections. Avouons-le, ceux d’entre nous qui ont été élus ou réélus en 2011 n’ont à aucun moment abordé le sujet du mariage pour tous avec les grands électeurs lors de leur campagne pour les élections sénatoriales. Ils n’ont reçu aucun mandat pour voter pour ou contre le texte que nous examinons.
Depuis, qu’avons-nous fait ? Dans le département de Maine-et-Loire, Christophe Béchu, nos collègues députés et moi-même avons organisé des débats auxquels ont participé des maires de toutes tendances. Ils nous ont dit leur désarroi face à ce texte et à la position qu’ils devraient adopter en leur qualité d’officier d’état civil. Nous avons entendu les représentants d’associations, reçu des familles, des parents d’homosexuels, des homosexuels. Tous nous ont fait part de leur sentiment.
Au fil de la réflexion, il est vrai, nos propres convictions ont pu évoluer. En réalité, nous avons surtout compris que le mariage pour tous était un sujet complexe, sur lequel nous devions nous attarder. Or, mesdames les ministres, le texte que vous nous soumettez est tout ficelé. Certes, ce n’est qu’une première étape. Mais quid de la PMA, de la GPA, dont nous devrons discuter ?
Je pense qu’il faut se tourner vers le peuple. Le Président de la République ne peut ignorer les centaines de milliers de personnes qui ont manifesté. Pour ma part, j’ai participé aux deux grandes manifestations et je crois que vous en minimisez l’importance. Vous n’avez pas perçu la différence entre la première et la seconde. Lors de la seconde, nous avons ressenti l’exaspération de nos concitoyens : non pas une exaspération vis-à-vis de la politique économique du Gouvernement, mais une exaspération devant son incapacité à comprendre qu’il s’agit d’un sujet qui les concerne.
Comment pouvez-vous nous caricaturer, nous ramener, comme l’a fait Manuel Valls lors de la dernière séance de questions d’actualité, à des groupuscules extrémistes ?
M. Michel Vergoz. On les a vus à la télé, quand même !
Mme Catherine Deroche. Ces Français qui manifestaient souhaitent être entendus, pouvoir s’exprimer, voter.
Quel que soit le résultat de la consultation, ils le respecteront, tout comme nous. Nous ne vous demandons qu’une seule chose : laissez la parole à ces Français, qui méritent notre respect. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Philippe Darniche et Jean-François Husson applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, par cette intervention, je m’inscris dans une logique d’apaisement entre les Français, celle-là même que j’évoquais hier soir.
Le Gouvernement défend un texte auquel s’oppose la majorité de nos concitoyens.
Je souhaite que, par le biais du vote de la motion référendaire, nous puissions enfin mettre cartes sur table : à la lumière des débats qui ont eu lieu jusqu’à présent, je pense que chacun doit assumer ses responsabilités et regarder en face la vérité démocratique, s’agissant d’un texte dont l’adoption aboutirait à un véritable changement de civilisation, ainsi que vous nous l’avez d’ailleurs dit vous-même, madame le garde des sceaux.
Le débat ne peut être confiné à l’ombre des voûtes du Palais-Bourbon et du Palais du Luxembourg, le peuple, après avoir traversé la France entière pour se faire entendre, trouvant, à son arrivée, les portes de la démocratie fermées !
Sur un sujet aussi important, déterminant pour l’avenir de notre société, nous voyons bien que les clivages historiques se redéfinissent. C’est pourquoi de nouvelles majorités se dessinent, qui ne correspondent plus à celles qui se sont établies lors de l’élection présidentielle et des élections législatives. Moins d’un an plus tard, le Président de la République et son gouvernement voient les choses leur échapper.
J’aime à penser que, lorsque les citoyens que nous représentons se défient de notre action, il ne faut pas les craindre, mais aller vers eux, leur donner toutes les explications souhaitables, faire preuve de pédagogie. Il ne faut pas redouter la colère des autres, même s’ils nous adressent parfois des insultes et si leur exaspération s’exprime souvent en période de crise.
Le Président de la République et sa majorité sont sourds à la réaction inquiète et forte de nos concitoyens. En démocratie, lorsque les représentants fuient le suffrage populaire, ce n’est jamais bon signe... Au lieu de fuir la contradiction, vous devriez la rechercher ! C’est en tout cas, à mes yeux, toute la force de la consultation populaire.
Je crois qu’il devient urgent de soumettre le présent projet de loi à un référendum, en posant une question précise, éliminant toute ambiguïté sur les conséquences de la réforme en tant qu’elle prive les couples hétérosexuels de règles qui se sont imposées comme des évidences depuis plus de 1 000 ans : celles qui portent sur la présomption de paternité, dont la consécration pratique se traduit par la transmission du nom paternel afin d’établir une filiation claire et lisible, mais aussi celles qui ont trait à l’adoption plénière, dont l’objectif est de construire une filiation symbolique assimilable à la nature humaine. Dans cinquante ans, les enfants arrêteront de croire à leur origine comme ils arrêtent aujourd’hui de croire au père Noël ! En vertu des nouvelles règles, le désir d’enfant impliquera inévitablement l’élargissement de la PMA en fonction des convenances personnelles et l’ouverture de la GPA aux couples d’hommes sur le fondement du principe d’égalité.
Chers collègues, sur ces questions essentielles, il faut en appeler à l’arbitrage du peuple par la voie du référendum. Beaucoup essaient de nous faire croire que voter ce texte, c’est prendre le train de l’Histoire, mais je ne crois pas que nous puissions nous élever au rang de juges de l’histoire humaine. Tout ce qui est moderne n’est pas forcément bon ! Et c’est justement notre rôle que d’arbitrer en fonction de l’intérêt général, non de l’intérêt de quelques communautés.
Ainsi, et puisque je suis persuadé que, comme nous, la majorité de nos concitoyens pensent que ce texte marque un changement historique – vous l’avez d'ailleurs souligné, vous aussi – dans l’institution de la famille, en promouvant une société de droits – droit à l’amour, droit à l’enfant, droit à la parenté, etc. – mais dépourvue de devoirs, je crois qu’il est important de redonner la parole aux Français. Tel est le sens de la motion référendaire qu’a présentée Bruno Retailleau et que je vous invite fortement à voter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, quelle est la raison fondamentale de ce projet de loi ? Sommes-nous confrontés à une telle urgence qu’il faille légiférer pour régler des questions patrimoniales qui se posent pour les couples de personnes de même sexe, ou pour qu’un enfant puisse être adopté par le concubin ou la concubine de son père ou de sa mère ? Bien sûr que non !
Certes, des situations juridiques singulières existent, qui ne sont pas sans poser de problèmes à certaines familles, mais le juge peut, à l’aide de l’arsenal législatif existant, répondre de manière positive à la plupart des situations. Ce n’est pas une raison pour ne pas aider les enfants, bien sûr. Cependant, si le seul critère qui vaille est le lien affectif entre les enfants et les parents, faudrait-il également reconnaître la pluriparentalité au motif qu’elle existe déjà et que des enfants sont déjà concernés ? Fût-ce au nom des droits de l’enfant, on ne peut pas tout tolérer !
Quant à la sécurité juridique de l’enfant, rappelons qu’il y a en France des milliers de familles monoparentales et que, malgré les difficultés, les enfants de ces familles ne sont pas placés en situation de carence juridique. Alors soyons précis quand nous parlons de carence ou de silence de la loi à l’égard des enfants : en vérité, ce silence n’existe pas. Le juge peut en effet procéder à un partage de l’autorité parentale qui permet de répondre à la question du statut du concubin dans un couple de personnes de même sexe.
Notre droit est encore plus précis puisque l’article 371-4, alinéa 2, du code civil prévoit que, en cas de séparation des adultes, et lorsqu’il est dans l’intérêt de l’enfant de garder des liens avec un adulte avec lequel il a vécu et noué une relation étroite, le juge peut organiser le maintien de ces liens. Ce maintien n’est pas automatique, mais décidé au cas par cas, dans l’intérêt de l’enfant, car il n’est pas systématiquement dans son intérêt de maintenir des liens avec le ou les adultes ayant partagé la vie de son père ou de sa mère. Pour cette raison, le maintien des liens au cas par cas est sans nul doute le compromis le plus intelligent, et surtout le plus favorable à l’enfant.
Nous venons de le voir, il n’y a aucune raison de légiférer pour répondre à une urgence, puisqu’il n’y a pas d’urgence. Dans la France de 2013, la principale priorité pour la sécurité matérielle de l’enfant, ce n’est pas que le concubin de son père puisse être officiellement reconnu comme étant son père, c’est de pouvoir donner du travail à son père afin que son pouvoir d’achat n’enregistre pas une baisse historique ! C’est bien là la seule urgence, mes chers collègues !
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Roland du Luart. Alors pourquoi légiférer ? À mes yeux, comme à ceux de nombre de mes collègues, vous voulez imposer à la société française dans son ensemble – une société pourtant très diverse, comme vous aimez à le répéter – une vision de l’homme dans la nature, une anthropologie, alors même qu’aucune manifestation de Français ne vous permet de dire que cette vision anthropologique que vous défendez est communément admise. De fait, la seule certitude que vous ayez, c’est que des millions de Français sont en total désaccord avec cette vision.
Oui, c’est vrai, votre démarche part sans doute d’une bonne intention, madame le garde des sceaux : il s’agit d’envoyer un message de bienveillance et de solidarité à l’égard de personnes qui ont trop longtemps été blâmées du fait de leur orientation sexuelle. Il est vrai qu’aucun droit n’est enlevé à qui que ce soit, mais il est tout aussi vrai que, pour apporter un bénéfice à quelques-uns, on impose à l’ensemble de la société une nouvelle vision de l’homme. Or, à moins que cette vision nouvelle soit explicitement validée par l’ensemble de la population, car c’est bien au peuple et non à des techno-gestionnaires de décider de ses mœurs, on ne traduit pas dans la loi une telle rupture anthropologique.
Pour ces raisons, le référendum est la dernière possibilité donnée au Gouvernement et à sa majorité de ne pas trahir l’idée selon laquelle il revient au peuple de choisir. C'est pourquoi, vous l’avez compris, mes chers collègues, je vous demande d’adopter cette motion référendaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mesdames les ministres, mes chers collègues, je dois vous dire que je ne suis pas un « fana » de la procédure référendaire. Cependant, il est des moments où il faut se poser la question, et je crois que c’est le cas aujourd'hui.
En effet, le texte qui nous est présenté n’est pas un texte de loi ordinaire, banal. Il ne s’agit pas de prendre une mesure fiscale ou technique, mais de transformer, ni plus ni moins, l’un des piliers immémoriaux de notre société : le mariage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Au nom de quoi nous propose-t-on de modifier ce pilier immémorial de notre société ? Au nom d’un mot, d’un concept : l’égalité. Nous serions certainement nombreux à bien vouloir admettre ce simple motif pour étendre le mariage aux couples homosexuels s’il existait effectivement une égalité dans l’ensemble des conséquences du mariage. Mais force est de constater que, quel que soit le contenu du texte que nous adopterons et des décrets d’application et circulaires qui le mettront en œuvre, il restera une condition sine qua non du mariage qui ne sera jamais remplie : la capacité des deux membres du couple à engendrer un enfant ; ce sera véritablement « mission impossible » ! Or, depuis des temps très reculés, le mariage vise à créer un cadre pour la naissance et l’éducation des enfants. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
Si l’on peut évidemment imaginer qu’un couple de deux hommes ou de deux femmes puisse éduquer un enfant aussi bien que ne le ferait un couple traditionnel – cela arrive d’ailleurs déjà, et je n’y trouve rien à redire, même si vous ne m’empêcherez pas de penser que deux papas ne remplacent pas un papa et une maman (Eh oui ! sur certaines travées de l’UMP.) –, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’une situation qui ne correspond pas à la réalité anthropologique que la plupart des pays ont transcrite dans leur cadre législatif. On s’apprête à modifier – je n’irai pas jusqu’à dire qu’on s’y attaque, car ce serait excessif - une institution essentielle de notre société. On ne peut pas le faire d’un claquement de doigts !
Je crois que le moment est venu d’en appeler au peuple sur cette question. En effet, ce ne sont pas les grandes fortunes ou une profession particulière ou les collectivités locales qui sont concernées : c’est l’ensemble de la population de notre pays. L’enjeu est extrêmement important.
J’ai entendu ce matin que, en élisant François Hollande, les Français s’étaient déjà prononcés sur le sujet.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Sûrement pas !
M. Yves Détraigne. J’ai franchement un doute ! Du reste, si tel était le cas, cela voudrait dire qu’ils ont accepté cette mesure et il n’y aurait alors aucune raison de craindre le recours au référendum ! (Bravo ! et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
N’ayant pu, pour des raisons indépendantes de ma volonté, intervenir dans la discussion générale, j’avais prévu de développer d’autres arguments extrêmement forts, mais je ne le ferai pas, car il ne s’agit pas pour moi de « jouer la montre ». Cependant, ne serait-ce que pour la raison que je vous ai indiquée, je crois que l’on ne peut pas se contenter d’un débat parlementaire, comme pour n’importe quelle loi, quand il est question d’étendre le mariage, avec tout ce que cela signifie et que cela suppose, à l’ensemble de la population, indifféremment.
Il faut que ce soit la population elle-même qui se prononce, et c'est pourquoi je vous appelle toutes et tous, mes chers collègues, à voter cette motion référendaire. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, nul ne peut nier que l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe touche à des questions de société. Du reste, si ce n’était pas le cas, s’il ne s’agissait que d’égalité des droits, il n’y aurait pas eu autant de personnes pour manifester dans les rues. Ce n’est pas contre l’égalité des droits entre couples hétérosexuels et homosexuels que l’on descendrait dans la rue ! Il faut en être conscient, ceux qui ont manifesté ont peur pour l’avenir de la famille. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Vergoz. Eh bien, ils peuvent être rassurés !
M. Christian Cointat. Ils ont peur de voir notre société évoluer dans des directions qu’ils ne maîtrisent pas. Qu’elle soit fondée ou non, cette crainte existe et nous devons la prendre en compte.
D’un autre côté, on sait bien que les conséquences de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe sont essentiellement d’ordre social.
M. Roland Courteau. On disait la même chose à propos du PACS !
M. Christian Cointat. Monsieur le rapporteur, vous avez dit à juste titre – je vous suis sur ce point – qu’il fallait se préoccuper des enfants qui sont actuellement élevés par des couples homosexuels. Ils ont besoin de reconnaissance, de protection et de droits. Mais ce sont là des questions sociales !
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Christian Cointat. Il en va de même des difficultés que rencontrent les conjoints de même sexe : ce sont des questions sociales ! J’en veux pour preuve que, lorsque vous parlez d’un deuxième parent, vous l’appelez vous-même le « parent social ».
En vérité il y a autant d’éléments qui militent pour un référendum qu’il y en a qui militent contre.
Je ne suis pas forcément favorable à ce qu’on soumette toutes sortes de questions à référendum. Lorsqu’il s’agit de sujets de société qui touchent au cœur même des valeurs de chaque individu, on peut toujours, bien sûr, se passer de demander son avis au peuple, mais à la condition qu’un consensus se dessine au Parlement et, donc, que le clivage entre majorité et opposition soit dépassé. Or, chers collègues, vous le voyez bien, il n’y a pas de consensus. On en est même loin ! La crispation est au contraire de plus en plus forte, et on la ressent tant chez les citoyens que chez les élus. Parce que ce débat touche à des questions qui effraient !
Je parle d’autant plus librement que, vous le savez, j’estime qu’il faut légiférer dans ce domaine. Nous n’avons pas le droit de rester sans rien faire. À tout prendre, je préfère une solution qui ne me plaît pas trop – celle du mariage – à une absence de solution.
Dans ma vie, dans mon engagement, j’ai toujours milité pour le droit au bonheur de chacun, à condition que ce soit dans le respect de tous. C’est cette recherche qui doit nous guider.
Il faut donc faire quelque chose. Mais, lorsqu’on n’est pas compris, il n’y a pas 36 000 solutions : il faut retourner vers le peuple, et le référendum le permet. Ce n’est déshonorant ni pour une majorité ni pour une opposition, bien au contraire !
Moi qui voterai pour la motion et qui voterai oui au référendum, s’il a lieu, je vous le dis tout net : si un accord n’est pas trouvé, ça ne tiendra pas !
Il faut justement arriver à faire participer les citoyens, ne serait-ce que pour leur expliquer les termes du débat. Quand j’explique ma position, j’ai plus de chances d’être entendu que si je ne l’explique pas ! Quand je ne l’explique pas, c’est là que j’ai droit aux insultes, aux menaces, etc. Quand je l’explique, on me dit « Ah bon ? Mais il y a tout de même des risques… » Je réponds alors que, dans la vie, il y a des moments où il faut savoir pendre des risques si l’on veut faire progresser la société.
Voilà pourquoi il faut demander au peuple de trancher.
Je terminerai en m’adressant plus particulièrement à vous, chers collègues de la majorité. Je constate que le désir de démocratie directe est toujours très fort lorsqu’on se siège sur les travées de l’opposition, mais qu’il s’émousse considérablement lorsqu’on se retrouve sur ceux de la majorité, quelle qu’elle soit, d’ailleurs. (Rires et exclamations.)
Lorsque vous étiez dans l’opposition, chers collègues, vous aviez un grand désir de démocratie. Alors ne l’oubliez pas, ce désir, que nous avons nous-mêmes retrouvé ! (Eh voilà ! sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Tout est donc réuni pour que nous puissions nous retrouver sur cet appel au peuple.
De plus, mes amis, nous vous faisons une sacrée fleur avec cette motion ! (Sourires.)