M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous étudions ce soir sera, sans nul doute, adopté, et probablement à une très large majorité, voire à l’unanimité.
Il nous renvoie à l’année 2009 et aux revendications de la population des outre-mer, en général, et de La Réunion, en particulier. Deux problèmes étaient alors dénoncés : d’une part, le coût très élevé de la vie outre-mer et, d’autre part, les profondes inégalités de traitement et de revenus.
Le Gouvernement a répondu à ces mouvements par la mise en place, pour La Réunion, du dispositif COSPAR, du nom du Collectif des organisations syndicales, politiques et associatives de La Réunion. Il s’agissait d’une prime versée aux salariés assortie d’une exonération des cotisations sociales. Initialement prévu pour une durée de trois ans, comme cela a été rappelé, ce dispositif devait donc expirer en 2012, mais rien n’a été fait par le gouvernement précédent pour en anticiper la sortie.
Aussi, lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2012, mon ami Paul Vergès avait déposé un amendement tendant à la prolongation de trois ans du dispositif, soit jusqu’en 2015. Nous l’avions adopté dans cette enceinte, mais, à l’Assemblée nationale, la majorité d’alors avait réduit ce délai à un an.
Pourtant, il était évident que le pouvoir d’achat des salariés, plus particulièrement celui des moins bien rémunérés, n’allait pas augmenter. Et il était tout aussi prévisible que la situation économique et sociale, notamment à La Réunion, allait malheureusement continuer à se dégrader fortement.
La disparition brutale de cette prime COSPAR aurait bien évidemment des conséquences économiques et sociales graves, dans une île fortement touchée par le chômage. Plus de 30 % de la population active est sans emploi et le taux atteint 60 % chez les jeunes. Aussi, afin de contenir la baisse de pouvoir d’achat de ces travailleurs pauvres, notre collègue Paul Vergès, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, a réitéré sa demande d’une prolongation de la mesure pour trois ans. Après avoir reçu un avis favorable de la commission des finances, son amendement a été débattu en séance. Mais le Gouvernement a émis, de manière incompréhensible, un avis défavorable, pour des motifs d’ordre budgétaire. En conséquence, l’amendement a été rejeté.
Je voudrais en cet instant rappeler et saluer l’importante mobilisation des Réunionnais. Sous l’impulsion notamment du PCR et d’organisations syndicales, des pétitions recueillant des milliers de signatures ont été déposées en préfecture, le jour de l’ouverture de la Restitution nationale des conférences économiques et sociales des outre-mer, à Paris, au mois de décembre dernier. À l’issue de cette conférence, le Premier ministre a pris l’engagement solennel de prolonger jusqu’au 31 décembre 2013 cette exonération, au motif d’« organiser une transition avec le nouveau dispositif de crédit d’impôt prévu dans le pacte de compétitivité ». Le Gouvernement déposait donc au mois de février dernier un amendement visant à la prolongation de ce dispositif, lors de la discussion du projet de loi portant création du contrat de génération. Mais, pour des raisons évidentes, cette disposition était « retoquée » par le Conseil constitutionnel.
C’est pourquoi, le 1er mars 2013, notre collègue Paul Vergès a déposé une proposition de loi afin de demander la prolongation de ce dispositif. Une seconde proposition de loi était déposée quelques jours plus tard ; elle a pour objet la prolongation du dispositif pour La Réunion et pour les autres régions d’outre-mer.
Si, aujourd’hui, l’adoption du présent texte va permettre de lever quelques incertitudes et de dissiper quelques craintes à La Réunion comme dans les autres régions d’outre-mer, les motivations profondes qui ont entraîné les mouvements de 2009 sont toujours présentes : la vie est toujours aussi chère à La Réunion comme dans les autres régions d’outre mer, et les inégalités de revenus y sont toujours aussi importantes.
Pour ce qui concerne le coût de la vie, nous avons voté, l’an passé, dans cet hémicycle, la loi dite « de régulation économique outre-mer ». Celle-ci comporte certaines avancées, notamment la lutte contre les monopoles, mais elle ne modifiera pas en profondeur la situation en termes de coût de la vie. D’autres pistes doivent donc être explorées, notamment la diversification des sources d’approvisionnement, mais tout en préservant, bien entendu, les productions locales. Il faudrait aussi travailler sur la question du fret. Une réflexion avait déjà porté sur le problème de la fiscalité, plus que jamais d’actualité, notamment pour ce qui concerne l’octroi de mer. Il s’agit d’un sujet singulièrement sensible pour les collectivités d’outre- mer, sur lequel nous sommes et demeurerons particulièrement vigilants.
Pour faire baisser durablement le coût de la vie outre-mer, bien des chantiers restent encore à engager, notamment celui qui vise les revenus. Paul Vergès a toujours souligné la nécessité d’ouvrir d’urgence le chantier de l’harmonisation des revenus, car la politique en vigueur depuis soixante-sept ans à La Réunion crée un véritable « apartheid social », certains salariés disposant d’une indemnité de vie chère dont d’autres ne bénéficient pas, alors que le coût de la vie est le même pour tous.
La prime COSPAR a été utile à ces milliers de travailleurs faiblement rémunérés. Il en est de même du revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA. Mais ce dispositif arrive à expiration le 31 mai prochain, dans deux mois ! Quelles solutions le Gouvernement prévoit-il pour sortir du RSTA ? Va-t-on devoir travailler dans l’urgence, comme nous le faisons aujourd’hui au sujet de la prime COSPAR ? L’inquiétude de la population réunionnaise est vive, qu’il s’agisse des 52 % de personnes vivant sous le seuil de pauvreté ou de celles qui perçoivent de bas ou de très bas salaires.
Tout en nous félicitant de l’adoption de la présente proposition de loi, qui ne fait aucun doute, nous nous interrogeons néanmoins sur la sortie du dispositif. Lors de la Restitution nationale des conférences économiques et sociales des outre-mer, le Premier ministre a pris des engagements dans le cadre de la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi afin de « ne pas pénaliser le pouvoir d’achat tout en accompagnant les entreprises dans la fin de ces dispositifs dérogatoires ».
Dans l’exposé des motifs de son amendement « retoqué », le Gouvernement a précisé : « Les mesures prévues d’allégement du coût du travail devraient s’appliquer pleinement en outre-mer » et créer « un contexte plus favorable à un retour vers le droit commun ». Cette précision a également été reprise dans la proposition de loi déposée par le notre collègue Michel Vergoz. Sur ces points précis, il est bien évident que nous resterons très vigilants ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste. –Mme la présidente de la commission applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’indique son probable nouvel intitulé, la présente proposition de loi vise à proroger le régime social du bonus exceptionnel outre-mer.
Autant le dire tout de suite : pour nous, ce texte est problématique tant sur la forme que sur le fond.
Sur le plan formel, il manifeste la totale désorganisation du Gouvernement, si ce n’est son mépris du Parlement. En effet, pourquoi nous retrouvons-nous aujourd’hui saisis de ce texte, et dans de telles conditions ?
Revenons aux origines de la mesure. Cela a été rappelé, elle date de la loi pour le développement économique des outre-mer du 27 mai 2009, dite « LODEOM », dont l’article 3 permettait aux employeurs, dans certaines conditions, d’octroyer à leurs salariés un bonus exceptionnel mensuel exonéré de toute cotisation ou contribution sociale hors CSG, CRDS et forfait social. Il s’agissait de répondre temporairement aux troubles sociaux qui agitèrent les collectivités ultramarines cette année-là.
Prévu initialement pour une durée de trois ans, ce dispositif a été prorogé pour un an lors de l’adoption de la loi de finances pour 2012.
Rebelote l’année suivante : nos collègues du groupe CRC déposent un amendement pour de nouveau proroger le dispositif. Mais là, cela ne passe pas, le Gouvernement n’en veut plus. Il est vrai que l’amendement de nos collègues tendait à prolonger le dispositif de deux années et non d’un an. Or, si le Gouvernement l’avait voulu, l’amendement aurait pu être sous-amendé. En l’occurrence, ce fut une véritable fin de non-recevoir.
Deux semaines plus tard seulement, il se produit un soudain revirement de situation et de jurisprudence : à l’occasion de la Restitution nationale des conférences économiques et sociales des outre-mer, le 10 décembre 2012, le Premier ministre annonce la prorogation du dispositif jusqu’au 31 décembre 2013. Mais voilà, l’examen du projet de loi de finances est achevé, et il faut donc trouver un autre véhicule législatif. N’importe lequel fera l’affaire. Au mépris des règles constitutionnelles les plus élémentaires, la prorogation est adoptée dans le cadre du projet de loi portant création du contrat de génération ; le précédent orateur l’a rappelé. Quel rapport, me direz-vous, y a-t-il entre le bonus pour les salariés outre-mer et le contrat de génération ? Aucun, bien entendu ! Monsieur le ministre, il s’agissait d’un magnifique cavalier.
Lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant création du contrat de génération, notre collègue de l’UDI-UC Hervé Marseille avait d’ailleurs joué les Cassandre en vous souhaitant que le texte ne soit pas soumis au Conseil constitutionnel. Malheureusement, ce qui devait arriver arriva.
Mme Christiane Demontès. Grâce à l’UMP !
M. Joël Guerriau. Par leur décision du 28 février 2013, les Sages ont fait ce qu’ils ne pouvaient que faire : ils ont invalidé la disposition relative au bonus pour les salariés outre-mer.
Or voici qu’elle nous revient sous la forme de propositions de loi. Vous reconnaîtrez qu’il y a eu quelques cafouillages ! Cette fois, nous examinons un magnifique modèle de texte téléguidé. De qui se moque-t-on ?
Cette méthode est d’autant plus inadmissible que, sur le fond, maintenant, ce texte témoigne d’une absence totale de vision pour l’outre-mer. (Mme Christiane Demontès s’exclame.) À l’issue de la conférence du 10 décembre 2012, il fallait bien proposer quelque chose pour répondre au malaise ultramarin. Faute de politique, tout ce que vous avez trouvé, c’est la prorogation d’une mesure temporaire prise en 2009 dans l’urgence d’une situation économique et sociale explosive par un gouvernement, celui de M. Fillon, que vous avez combattu avec acharnement. L’argument invoqué est que la prorogation de la mesure serait nécessaire pour, selon le rapport de Michel Vergoz, « passer du provisoire au transitoire » et assurer une sortie « en sifflet » du dispositif afin d’éviter tout arrêt brutal de l’aide.
Je ne comprends pas le sens de cette mesure. Que le bonus prenne fin aujourd’hui ou dans un an, l’arrêt sera tout aussi brutal. Aucune « sortie en sifflet » n’est prévue, ou alors expliquez-moi ce que j’ai mal compris…
Pourquoi de telles affirmations ? Parce que le bonus exceptionnel est censé être relayé par de nouvelles mesures. Lesquelles ?
Il s’agit tout d'abord, d’après ce que vous dites, ou du moins d’après ce que l’on peut comprendre, du bouclier qualité-prix prévu à l’article 15 de la loi relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer. Ce bouclier vient d’entrer en vigueur et vise à encadrer les prix d’une centaine de produits de première nécessité.
Il s’agit en outre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. En écoutant notre collègue Aline Archimbaud, j’ai compris que ces deux mesures porteraient leurs fruits dans un an, ce qui expliquerait qu’il ne soit plus nécessaire de proroger le bonus exceptionnel. Cependant, il me semble qu’aucune de ces mesures n’est de nature à répondre aux maux structurels dont souffrent les collectivités ultramarines. Le bouclier ne modifie en rien la manière dont se forment les prix dans les îles, et le CICE n’est qu’une baisse de charges moins intéressante que le bonus, puisqu’elle est indirecte et a un effet différé.
Le problème de fond, c’est que l’on ne fait rien pour sortir de l’économie de comptoir. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Faute de débouchés, faute d’intégration régionale, faute d’adaptations législatives et réglementaires suffisantes, les territoires d’outre-mer se sont enfoncés dans une économie administrée.
La mécanique et les dérives du système sont connues : d’un côté, le système productif, contraint par un carcan centenaire, produit trop peu pour assurer des revenus décents ; de l’autre, les sur-rémunérations des fonctionnaires ont engendré des distorsions entre fonctionnaires et non-fonctionnaires, bien sûr, mais aussi au sein de la fonction publique, dans la mesure où on surcharge les catégories C pour limiter le gonflement de la masse des traitements, ce qui aboutit à un manque endémique d’encadrement.
Cette situation ne peut plus durer. À sa manière, maladroite et évidemment non pérenne, le bonus exceptionnel tentait d’y remédier : puisque les rémunérations salariales sont trop basses, on va les augmenter. On ne peut s’opposer au principe de mieux rémunérer des salariés insuffisamment payés, mais c’est évidemment prendre le problème par le petit bout de la lorgnette. Tant que nous n’aurons pas réuni les conditions d’une meilleure insertion régionale, pris à bras-le-corps la question des normes qui engendrent des différentiels de compétitivité désastreux pour les économies des territoires d’outre-mer, et revu dans le même temps la question des sur-rémunérations qui brident le développement du secteur productif en le rendant peu attractif, il n’y aura pas de solution aux problèmes que prétend traiter cette proposition de loi de circonstance.
Nous regrettons donc que ce texte nous soit présenté aujourd'hui, pour des raisons tant de forme que de fond. En effet, il ne résoudra pas les difficultés et ne réduira pas les inégalités criantes dont souffre l’outre-mer. Cependant, afin de ne pas aggraver le problème des bas salaires, nous ne voterons pas contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, par sa décision du 28 février 2013, le Conseil constitutionnel a, pour des motifs purement formels, remis en cause une disposition introduite par voie d’amendement gouvernemental dans le projet de loi portant création du contrat de génération.
Compte tenu de l’intérêt social majeur que représente ce dispositif pour les populations ultramarines, il est indispensable de le réintroduire dans notre corpus législatif. Tel a été l’objet des deux propositions de loi rédigées par nos collègues Michel Vergoz et Paul Vergès.
Chacun s’en souvient, nombre de départements et collectivités d’outre-mer ont été, dans un passé très proche, secoués par d’importants mouvements sociaux.
En 2009, exaspérée notamment par une vie excessivement chère, un chômage bien supérieur à celui que nous connaissons en métropole et des problèmes de logement endémiques, la population s’est mobilisée. La Guadeloupe et la Martinique d'abord, puis La Réunion et la Guyane ont été successivement touchées. Afin de répondre à ces demandes légitimes, mais un peu tard, le gouvernement de l’époque avait fait adopter la loi dite « pour le développement économique des outre-mer ». Le groupe socialiste avait fait part de ses réserves et de ses interrogations au sujet d’un texte préparé dans la précipitation et ne répondant que très partiellement à l’indignation qui s’était exprimée.
Nous le savons tous, la situation dans nos départements et collectivités d’outre-mer reste très fragile. Notre rapporteur l’a rappelé tout à l'heure, et quelques chiffres suffisent à s’en convaincre : dans les régions ultramarines, 60 % des moins de vingt-cinq ans et plus de 20 % des seniors sont à la recherche d’un emploi. Comme l’a récemment souligné notre collègue Jean-Étienne Antoinette, « ces chiffres sont intolérables et suicidaires pour les outre-mer ».
Cette réalité nécessite un engagement et une détermination de tous les instants. Telle est l’attitude du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, qui mobilise le plus de moyens possibles. Son action s’est d'abord inscrite dans le cadre de la loi de finances pour 2013. Après plusieurs années de diminution de l’effort de l’État, les crédits de la mission « Outre-mer » progressent de manière significative : ils augmentent de 4,5 % en autorisations d’engagement et de 5 % en crédits de paiement. Le programme « Emploi outre-mer » est doté de 1,35 milliard d’euros en autorisations d’engagement, ce qui représente une hausse de 7 %, et de 1,34 milliard d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 4,1 %. Le programme « Conditions de vie outre-mer » progresse de 0,6 % en autorisations d’engagement et de près de 7 % en crédits de paiement.
Le budget de la mission « Outre-mer » s’articule autour de quatre priorités : premièrement, le logement social et l’amélioration de l’habitat, dont les crédits de paiement passent de 214 à 227 millions d’euros ; deuxièmement, la relance de l’investissement public, avec un plan de rattrapage des investissements publics outre-mer doté de 50 millions d’euros en 2013 et de 500 millions d’euros sur le quinquennat ; troisièmement, l’insertion professionnelle de la jeunesse, avec notamment la montée en puissance du service militaire adapté, SMA, qui doit concerner chaque année 6 000 jeunes des outre-mer, tandis que les moyens consacrés à la formation en mobilité et à la continuité territoriale sont maintenus à hauteur de 74 millions d'euros ; enfin, la bataille de l’emploi, avec l’augmentation de 8 % du financement des exonérations de charges qui concourent directement à l’emploi et à la compétitivité des entreprises ultramarines.
En plus de ces mesures prévues par la loi de finances pour 2013, l’engagement et la détermination du Gouvernement ont conduit – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – à l’adoption en novembre dernier du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer. Dans un souci de cohérence, le Gouvernement a également déposé, lors de l’examen au Sénat du projet de loi portant création du contrat de génération, un amendement visant à proroger l’article 3 de la loi du 27 mai 2009 jusqu’au 31 décembre 2013, le temps de mettre en œuvre les nouveaux dispositifs prévus par la loi relative à la régulation économique outre-mer de novembre 2012. Même si certains sénateurs ici présents n’ont pas voté cet amendement, le Sénat l’avait approuvé. Cependant, le Conseil constitutionnel en a décidé autrement.
Le texte de la commission des affaires sociales qui nous est soumis aujourd'hui reprend les propositions de loi de nos collègues et proroge donc le dispositif de bonus exceptionnel pour les salariés outre-mer. Bien sûr, nous souhaitons tous que les nouvelles orientations de la loi de finances pour 2013 et de la loi contre la vie chère permettent d’améliorer la vie de nos concitoyens ultramarins, afin que nous n’ayons pas à proroger le dispositif de bonus au-delà du 31 décembre 2013. Mais, en attendant, et conformément à son vote du 6 février dernier, le groupe socialiste votera évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Victorin Lurel, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’engager la discussion de la proposition de loi, il me reste à vous remercier une nouvelle fois de la qualité de votre travail et à vous féliciter de la célérité avec laquelle vous vous êtes accordés sur un texte pertinent. Celui-ci arrive en temps et en heure, car, pour certains salariés, le dispositif de bonus exceptionnel a cessé de s’appliquer à la fin du mois de mars. Il fallait donc le proroger jusqu’à la fin de l’année 2013.
Si vous le permettez, je vous répondrai à tous globalement, en dressant un bilan d’étape de la loi relative à la régulation économique outre-mer.
Pour le dire brièvement, ça marche ! Je peux témoigner – je m’adresse notamment à ceux qui doutent – de la qualité de notre vision et de notre ambition. Oui, ça marche et cela répond à une vision que nous avons pour les outre-mer.
Les dispositions de la loi créent des perspectives, afin de répondre à la nécessité impérative dans laquelle nous sommes de changer l’environnement économique et en particulier les conditions de fonctionnement du marché, en instaurant davantage de concurrence. Ça marche à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte ou encore à Wallis-et-Futuna. On observe entre 10 % et 15 % de baisse immédiate des prix.
Nous voulons cependant aller plus loin. Bien sûr, les choses ne sont pas toujours faciles ! Bien sûr, en économie de liberté, des corporations et des groupes défendent leurs intérêts ; c’est normal. Le décret sur les carburants est prêt ; il est mis en circulation, et j’espère obtenir un arbitrage avant l’été. Le décret sur les observatoires des prix est prêt lui aussi ; nous n’avons pas souhaité le publier trop tôt, parce que nous avions engagé des consultations sous l’autorité des préfets. Si nous avions publié un décret modifiant la composition des observatoires des prix, nous aurions provoqué une sorte de choc procédural qui aurait retardé l’entrée en vigueur du bouclier qualité-prix. C'est pourquoi nous avons pris le temps de bien faire les choses.
Je rappelle également qu’il n’existe pas d’observatoire des prix à Saint-Barthélemy ni à Saint-Martin. Il faut donc trouver un dispositif pour que cela fonctionne.
Par ailleurs, la loi relative à la régulation économique outre-mer ne vise pas uniquement à faire baisser les prix alimentaires. Un certain nombre d’engagements ont été pris ; ils seront respectés. Plusieurs parlementaires sont déjà en mission et travaillent. Le député Serge Letchimy devrait très bientôt rendre son rapport. Le député de La Réunion Patrick Lebreton a été chargé en janvier par le Président de la République de formuler des propositions sur les modalités de recrutement – la mission a pris un peu de retard, je l’avoue. Il s'agit de trouver les moyens, dans le cadre du droit commun qui s’applique en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte, de donner une certaine priorité au recrutement local, à compétences égales et toutes les conditions requises étant remplies. Il reste quelques points délicats à arbitrer, mais cela avance.
Par ailleurs, de belles discussions sont engagées, même si les points de vue divergent et que chacun défende ses intérêts, notamment sur le fret, singulièrement le fret aérien. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, je puis vous affirmer que nous avons bien une vision sur la question comme sur celle du carburant – je ne cache pas que nous discutons de ce sujet avec les grands opérateurs.
Bien entendu, les lobbys travaillent et je ne dis pas cela de manière péjorative. Ils ont d’ailleurs voulu court-circuiter le ministère des outre-mer. Au plus haut niveau, on leur a fait comprendre que de tels sujets se discutaient au niveau de mon ministère, ainsi qu’en interministériel, bref, qu’il y avait des circuits à respecter.
Ensuite, nous avons bien l’intention, même si les choses ne sont pas aussi évidentes, de nous ouvrir sur l’environnement immédiat, c’est-à-dire sur les économies voisines de nos territoires ultramarins. Seulement, nous y mettons une condition : ouverture, oui, mais pas dans la naïveté, pas dans l’asymétrique, dans la réciprocité et, je l’espère, dans l’équilibre, pour ne pas déstructurer plus qu’il ne faut nos économies. Tout ce travail est engagé, mesdames, messieurs les sénateurs.
En outre, si nous pouvons, pour un temps, en quelque sorte, nous émanciper des normes européennes inhérentes au régime des régions ultrapériphériques, sans pour autant sortir du territoire douanier européen, nous le ferons.
Sur tous ces sujets, les chantiers ont été entrepris, les rapports sont attendus et j’espère que les décisions interviendront, soit après arbitrage pour ce qui est des décisions réglementaires, soit après le passage au Parlement pour les matières relevant du domaine législatif. Donc, je ne désespère pas de l’avenir, mesdames, messieurs les sénateurs.
Sachez que nous sommes en plein travail préparatoire de la loi d’avenir de l’agriculture, qui intéresse aussi nos territoires. Je demanderai aux préfets, mais aussi aux présidents de région et à tous les élus locaux d’organiser des débats sur l’avenir de l’agriculture outre-mer, notamment au regard de la transition écologique. Comment sortir des pesticides pour produire dans l’excellence biologique et agro-écologique ? Nous ferons aussi ce travail, ce qui montre bien que nous avons une vision pour l’outre-mer. Nous n’attendrons pas dix ans pour fixer un cap.
Le cap est fixé : c’est la première fois que, de manière volontariste, un gouvernement s’efforce de combattre les monopoles et l’économie de rente, tout en respectant les libertés du marché.
Sans entrer dans les polémiques, monsieur Fontaine, je rappelle que deux textes ont été déférés au Conseil constitutionnel. Or nous savons bien que cette juridiction s’empare de la totalité des dispositions d’un texte qui lui est soumis. Cela étant, nous savions qu’il y avait un risque. Le même problème avait été soulevé pour la défiscalisation.
Aujourd’hui, force est de constater que le Gouvernement a donné priorité aux outre-mer autant qu’à la sécurité, la justice et l’éducation. Le budget des outre-mer a augmenté de 5 % cette année, ce qui ne s’était jamais vu en pleine crise de l’économie et des finances publiques – et une crise de quelle gravité ! -, et une hausse de près de 13 % est prévue sur trois ans. Nous n’avons donc pas à nous plaindre. Et si les outre-mer prennent leur part à l’effort, comme il se doit, c’est en fonction de leurs facultés contributives.
Ce texte, s’il est voté, s’accompagnera de la montée en puissance, si j’ose dire, de la loi LRE et de la mise en place effective du RSA. À ce sujet, je puis vous assurer, monsieur Guerriau, qu’une information permanente est donnée aux titulaires du RSTA pour qu’ils puissent faire valoir leurs droits afin de bénéficier, demain ou après-demain, du RSA. Néanmoins, soyons honnêtes, il restera peut-être un nombre restreint de nos compatriotes ultramarins qui ne pourront en bénéficier, compte tenu des plafonds et des seuils.
Enfin, il faut rappeler que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, dans sa dimension « exploitation » – d’autres études portent sur la mise en place du CICE « investissement » –, est proportionnel à la masse salariale, soit 4 % en 2013 puis 6 % à partir de 2014. Là aussi, il conviendra d’évaluer la meilleure façon d’en faire profiter les outre-mer.
Pour ma part, j’ai une feuille de route constituée par les trente engagements spécifiques du Président de la République pour les outre-mer – il y en avait soixante pour toute la nation. Non sans obstination, mais en faisant preuve aussi de diligence et toujours animé du même esprit d’ouverture, je m’y tiendrai.
En conclusion, je tiens à remercier le Sénat de la qualité de ses débats, toujours consensuels. J’espère donc que ce texte sera voté le plus largement possible, presque à l’unanimité. Quant à vous, monsieur Guerriau, qui avez déclaré que vous ne pouviez pas voter contre, je vous remercie de votre bienveillance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)