Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie Bruno Sido, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, et Catherine Procaccia, corapporteur, dont le rapport sur les enjeux et les perspectives de notre politique spatiale nationale et européenne est tout à fait remarquable, je tiens à le souligner à mon tour.
Je me réjouis que la Haute Assemblée ait inscrit ce débat à l’ordre du jour de ses travaux en séance publique. Je sais que la commission de l'économie, dont je salue le président ici présent, a également consacré une partie de ses travaux aujourd'hui à ce sujet.
Je salue également Jean-Yves Le Gall, président-directeur général d’Arianespace, qui assiste à ce débat. Il est manifestement appelé à occuper prochainement d’autres fonctions, mais je ne souhaite pas plus anticiper sur une nomination à venir même si plusieurs d’entre vous l’ont évoquée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous abordé le conseil ministériel 2012 de l’ESA et ses suites. J’en rappellerai brièvement les résultats et évoquerai les perspectives que nous en attendons.
Naples a été un succès pour l’Europe spatiale. Je souhaite dissiper la morosité ambiante et apporter cette touche d’optimisme, car notre enthousiasme peut aussi provoquer des rebonds et il ne faut pas de priver d’une occasion de le manifester.
Les ministres des vingt États membres de cette organisation et du Canada ont décidé d’allouer un budget de 10 milliards d’euros aux activités et programmes spatiaux de l’ESA pour les années à venir. Dans le contexte que nous connaissons, c’est un engagement important et tout à fait structurant. Les ministres ont concentré leurs investissements sur les domaines ayant un fort potentiel de croissance ou un impact direct et immédiat sur l’économie, mais également sur les grands programmes scientifiques. Évidemment, dans ce domaine comme dans d’autres, on voudrait toujours investir davantage, et c’est bien normal.
Ce conseil ministériel de l’ESA a été l’occasion tout à la fois de dresser un constat - les objectifs français sont parfaitement atteints –, de conforter le programme Ariane et de garantir un accès autonome à l’espace pour l’Europe.
Je tiens à lever le doute qui m’a semblé subsister : l’évolution vers Ariane 6 a été actée, avec l’objectif d’un lanceur plus robuste et mieux adapté à l’évolution des besoins internationaux, tout en optimisant la transition, pour garantir les emplois et pérenniser les compétences industrielles, sans rupture de charge. Voilà ce à quoi nous nous sommes engagés.
Le leadership d’Ariane 5 durant cette période sera donc conforté, avec un programme d’évolution adapté et détaillé.
Je voudrais rendre hommage à Arianespace et à l’ensemble des scientifiques, en particulier ceux du Centre national d’études spatiales. Tous ont contribué au succès de ce lanceur. Réussir 54 lancers consécutifs, c’est une grande première à l’échelle internationale, et je salue également cette forme d’élégance qui a consisté à réussir tous les lancers depuis que je suis ministre,…
Mme Sophie Primas. Et avant aussi !
Mme Geneviève Fioraso, ministre. … consciente que tous mes prédécesseurs n’ont pas eu cette chance… (Sourires.)
Nous avons également validé une nouvelle approche, fondée sur la recherche d’une synergie maximale entre la future Ariane 6 et les évolutions d’Ariane 5 pour optimiser les développements et les coûts, tout en minimisant les risques. J’espère que cette trajectoire sera confirmée lors du conseil ministériel de 2014, à l’issue d’études plus approfondies.
Nous avons voté un programme de deux ans, qui représente 300 millions d’euros pour la France, sur un total de 619 millions d’euros.
Nous confirmons notre engagement pour mener toutes les études intermédiaires qui nous permettront d’aboutir à la confirmation de la trajectoire décidée.
La France est également co-leader avec l’Allemagne, sur Metop-SG, le programme européen de météorologie opérationnelle, avec une contribution de 27 %.
L’industrie européenne des satellites de télécommunications s’est essentiellement fédérée autour du projet NEOSAT, programme de plateforme innovante à propulsion électrique ou mixte.
La quote-part de la France dans le financement de l’exploitation de la Station spatiale internationale, l’ISS, diminue de manière significative, passant de 27 % à 20 %, à la suite d’un compromis avec l’Allemagne et d’un engagement récent du Royaume-Uni. La France va contribuer au développement du module de service du futur véhicule de desserte de l’ISS, que Mme Procaccia et M. Sido appellent de leurs vœux dans leur rapport.
Enfin, au-delà de l’ISS, tous les programmes scientifiques dont les résultats contribuent au rayonnement de la science spatiale française et européenne dans de nombreux domaines – univers, sciences de la Terre, etc. – ont été maintenus et amplifiés. Prises depuis le satellite Planck, les magnifiques images nous ont tous fait rêver, d’autant plus que ce formidable outil concentre beaucoup de science, de technologie et d’industrie française, notamment, et vous me permettrez un instant de régionalisme, le groupe Air Liquide et certains laboratoires du CEA.
La recherche scientifique a ainsi vu renforcer ses instruments spatiaux lors de ce conseil, avec une nouvelle période quinquennale du programme scientifique obligatoire.
La base spatiale de Kourou, vous avez été nombreux à le dire, a également été confirmée, et son financement assuré pour les cinq années à venir.
En cette période de difficultés économiques et financières, chacun est conscient du fait que l’effort budgétaire important des pays européens, notamment de la France, doit trouver sa contrepartie dans une maximisation des retours économiques, opérationnels, scientifiques et technologiques.
Dans cet esprit, les enjeux de cette nouvelle phase de mise en œuvre sont nombreux.
Je citerai tout d’abord la nécessaire collaboration entre l’industrie, le CNES et l’ESA, sur les travaux industriels d’Ariane 6 entre 2013 et 2014, la configuration technique et le schéma industriel devant tendre vers l’objectif primordial qu’est la minimisation du coût de production de ce nouveau lanceur, tout en préservant les filières technologiques et industrielles essentielles des différents contributeurs. C’est, je ne vous le cache pas, l’enjeu majeur de la période finalement très courte qui nous sépare du prochain conseil ministériel de l’ESA en 2014.
Je citerai ensuite le lancement d’un processus rigoureux de mise en concurrence sur Metop-SG, l’aboutissement de NEOSAT sur les technologies du futur dans les meilleures conditions économiques et industrielles, afin que l’exploitation de ces travaux débouche sur une ligne de produits compétitifs au niveau mondial, ainsi qu’une maîtrise des dépenses d’exploitation de l’ISS.
Pour ce qui concerne plus spécifiquement le positionnement de notre industrie dans la suite d’Ariane, la meilleure garantie reste l’engagement financier important de la France, puisque l’ESA applique le principe opportun du « retour géographique ». La France a contribué à hauteur de la moitié du programme correspondant. Ariane 6 aura une configuration technique différente de celle d’Ariane 5 : c’est même en cela qu’elle constituera un progrès déterminant. Mais son entrée en service opérationnel complet n’aura lieu qu’au milieu de la prochaine décennie, ce qui laisse à l’industrie le temps de se reconfigurer progressivement.
À mon arrivée au ministère, j’ai beaucoup consulté – croyez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, c’était indispensable, je n’en dis pas plus, les spécialistes me comprendront… –, et je suis parvenue à la conclusion que cet équilibre était nécessaire.
Naples a été un succès pour l’Europe spatiale, avec un budget de 10 milliards d’euros destinés aux activités et programmes spatiaux de l’ESA pour les années à venir. Je vous laisse apprécier ce montant, tout sauf négligeable dans le contexte actuel !
Pour la France, ce sont plus de 2,3 milliards d’euros d’investissements, comme en 2008, tandis que l’Allemagne a consenti un effort à hauteur de 2,5 milliards d’euros. Il s’agit du plus gros investissement commun entre la France et l’Allemagne, et du plus gros projet commun, aussi. Je l’ai fait remarquer, car cela avait échappé à certains, à l’occasion du conseil ministériel organisé dans le cadre du sommet franco-allemand de Berlin, en présence du Président de la République, François Hollande, et de la Chancelière allemande, Angela Merkel, à qui naturellement cela n’avait pas échappé !
Naples, ce furent aussi des négociations difficiles que nous ne sommes parvenus à conclure qu’au petit matin, après deux jours et deux nuits de discussions compliquées. Nous n’avons pas beaucoup vu Naples, le président du CNES et nos collaborateurs respectifs peuvent en témoigner ! (Sourires.) Du coup, j’en ai modestement tiré quelques leçons pour notre industrie et pour l’ambition française de cette filière spatiale en Europe.
Si nous avons pu faire prévaloir notre vision auprès de nos interlocuteurs allemands, et cela n’a pas été facile, c’est que nous avons respecté quelques conditions préalables qu’il me paraît indispensable de conforter à l’avenir.
Je vois une première condition dans l’expertise d’une filière complète, depuis la recherche fondamentale jusqu’à la valorisation et au transfert vers l’industrie, dans toute sa diversité, qu’il s’agisse des grands groupes comme Safran, Astrium, TAS, Air Liquide, ou des ETI, PMI et PME, sans opposer les uns aux autres.
Je vois une deuxième condition dans la solidarité d’une « équipe France » qui, in fine, a joué groupée, et dont les membres ont su renoncer à faire valoir leurs intérêts spécifiques pour s’accorder sur un projet commun et cohérent.
C’est cette intelligence collective qui a prévalu à Naples, et je tiens à saluer tous les artisans de ce succès - publics et privés -, au premier rang desquels le CNES – je rends hommage à Yannick d’Escatha, qui a depuis pris sa retraite -, mais aussi Arianespace et l’ESA, à travers notamment son directeur général, Jean-Jacques Dordain.
Rien n’était acquis d’avance, et tous ont largement contribué à cette issue heureuse.
Il s’agit, troisième condition, d’anticiper, en jouant toujours un coup d’avance, car nous sommes dans un monde où les mutations sont rapides, avec un marché très évolutif. Les pays émergents investissent beaucoup dans la recherche-développement. Ils ont davantage de facilité pour le faire que les pays européens.
Il s’agit, quatrième condition, de préserver et de développer l’emploi et l’expertise industrielle, avec la recherche de solutions évitant les ruptures de charges et la fragilisation des emplois. C’est une priorité pour le Gouvernement.
Enfin, cinquième condition, au-delà de nos frontières, il s’agit de construire un projet fédérateur pour la France et pour l’Europe, en nous appuyant sur des alliances avec l’Italie, la Suisse, le Luxembourg qui ont très bien fonctionné à Naples, et qui ont facilité l’accord final avec notre partenaire allemand.
Le spatial est un exemple dont de grands secteurs industriels pourraient utilement s’inspirer. Il contribue, grâce à la diffusion de technologies de pointe dans de nombreux secteurs industriels, au redressement du pays par l’innovation et la compétitivité-qualité, la seule durable.
Vous avez également été nombreux, au cours du débat, à évoquer la question des relations entre l’Union européenne et l’Agence spatiale européenne.
Nous abordons ici un sujet qui, je crois, est d’une très grande importance pour le présent, au travers des programmes Galileo et GMES, ou en cours de développement, mais aussi pour le futur de l’activité spatiale en Europe. Le Traité de Lisbonne ayant conféré à l’Union européenne une compétence spatiale parallèlement à celle qui est exercée par ses États membres, il convient maintenant d’en clarifier les contours, au plan tant du contenu que des modalités d’application, pour former une politique spatiale ambitieuse, à la hauteur des enjeux qui se présentent au continent européen.
C’est une formidable occasion qui nous est offerte. Rendons-nous compte : entre Galileo – 6,3 milliards d’euros –, GMES – 3,8 milliards d’euros – ou le grand programme-cadre européen Horizon 2020 – 1,2 milliard d’euros pour le secteur, ce ne sont pas moins de 11,3 milliards d’euros qui seront consacrés au spatial par l’Union européenne durant la période 2014-2020, soit un budget annuel de 1,6 milliard d’euros, supérieur à la moitié du budget annuel de l’Agence spatiale européenne !
C’est considérable, et cette montée en puissance s’est faite dans une période relativement courte, sur une décennie. Le chemin parcouru est vraiment très impressionnant.
S’il s’agit incontestablement d’un grand succès, il convient néanmoins de clarifier la gouvernance du spatial en Europe. Le sujet a été évoqué sans tabou à Naples, et plus récemment à Bruxelles.
Il s’agit, pour l’essentiel, d’organiser les relations entre l’ESA et l’Union européenne. Rien ne serait pire que l’Union européenne mettant en place une agence doublon de l’ESA. La réactivité de l’ESA est appréciée de tous les pays membres et je crois qu’il faut la préserver. Je l’ai dit récemment à Bruxelles, lors d’un débat présidé par le Commissaire européen à l'industrie et à l'entreprenariat, Antonio Tajani, également vice-président de la Commission européenne.
Ce sujet était déjà sur la table lors du conseil ministériel de l’ESA à Naples. Les ministres ont adopté, à l’unanimité, une déclaration politique sur l’avenir de l’Agence. Cette déclaration prévoit que les travaux devront être menés en collaboration avec la Commission européenne et faire l’objet de propositions lors la prochaine conférence ministérielle de l’ESA, en 2014.
Du côté Union européenne, une communication de la Commission européenne, intitulée « Instaurer des relations adéquates entre l’Union européenne et l’Agence spatiale européenne », a été publiée le 14 novembre 2012. Le conseil Compétitivité, qui s’est tenu à Bruxelles le 12 décembre dernier, j’y ai fait allusion à l’instant, a été l’occasion d’un échange de vues extrêmement riche et direct sur ce sujet.
Toutes les options pour un rapprochement de l’ESA vers l’Union européenne seront étudiées, notamment la solution qui nous apparaît aujourd’hui comme la plus prometteuse et qui consisterait à placer l’ESA sous l’autorité de l’Union européenne, en lui conservant son caractère d’agence intergouvernementale, ce qui lui permettrait de continuer à mener des programmes non communautaires pour le compte de ses États membres.
Nous veillerons à ce que les évolutions de l’ESA soient bénéfiques à l’ensemble de la communauté spatiale, notamment aux communautés utilisatrices. Je pense, en particulier, à celles qui sont regroupées au sein d’EUMETSAT pour l’exploitation des satellites météorologiques.
Pour ce qui est du SSA, ou Space Situational Awareness, la France est en pointe, grâce notamment à l’engagement de la défense.
Le caractère dual de la plupart des recherches est extrêmement important ; il faut le préserver. C’est ce qui a poussé l’excellence de la recherche française et de ses applications. La France a ainsi développé une coopération avec l’Allemagne : après un premier programme ESA, nous sommes en train de mettre sur pied une initiative dans le cadre d’Horizon 2020, preuve, là encore, d’une belle complémentarité.
La politique industrielle spatiale européenne constitue le deuxième thème de discussions au sein du conseil Compétitivité, dont la prochaine réunion, le 30 mai, devrait être l’occasion de donner des orientations sur un sujet qui a fait l’objet d’une communication de l’Union européenne le 28 février dernier.
Nous soutenons les cinq objectifs énumérés dans ce document : premièrement, mettre en place un cadre réglementaire cohérent et stable – c’est fondamental –; deuxièmement, continuer à développer une base industrielle compétitive, solide, efficace et équilibrée en Europe et soutenir la participation des PME en accompagnant leur croissance, afin qu’elles deviennent des entreprises de taille intermédiaire solides au plan national et international ; troisièmement, soutenir la compétitivité mondiale de l’industrie européenne, en encourageant le secteur à devenir plus rentable tout au long de la chaîne de valeur ; quatrièmement, développer les marchés pour les applications spatiales et les services ; enfin, cinquièmement, assurer la non-dépendance technologique et l’accès indépendant à l’espace. L’importance de ce dernier enjeu a été soulignée à juste titre par nombre d’entre vous.
Nous sommes particulièrement sensibles aux propositions de l’Union européenne en vue de l’élaboration d’une politique européenne pour assurer un accès indépendant à l’espace. Il s’agit à nos yeux d’un élément de crédibilité pour l’Europe, car il ne peut y avoir de politique spatiale sans politique d’accès à l’espace.
Nous soutenons également les efforts déployés par l’Union pour encourager la participation des PME qui contribuent à la compétitivité de l’industrie européenne, notamment par le développement des applications aval, ainsi que ses efforts en matière de financement de la recherche-développement au travers du programme Horizon 2020.
Les enjeux économiques et sociétaux du secteur spatial ont fait l’objet de nombreux développements de votre part, tous très pertinents.
Je voudrais à mon tour dire à quel point l’espace représente un objectif stratégique pour la France et pour l’Europe, du fait des enjeux de défense et de sécurité qu’il recouvre et de la diversité de ses applications. Ces dernières concernent de nombreux secteurs de la vie du pays, qu’il s’agisse de l’observation de la Terre et de l’environnement, des télécommunications ou encore du triptyque « localisation, navigation, datation par satellite ».
Au-delà des 16 000 emplois directs qu’il représente en France, ainsi que du retour sur investissement de vingt euros pour un euro investi – il me semble reconnaître là une petite musique chère au président du CNES (Sourires.) –, le secteur spatial est source de développement technologique et d’innovations qui irriguent l’ensemble du tissu industriel. Les infrastructures spatiales constituent souvent de véritables clés de voûte pour des applications et des services bien plus vastes.
L’espace est ainsi à la fois un outil de développement économique et une composante essentielle de l’autonomie de décision et d’action de la France et de l’Europe.
Il constitue également un formidable champ d’étude, tant pour les sciences de l’univers que pour celles de la Terre ou de la physique fondamentale.
La politique spatiale française doit pouvoir s’appuyer sur des capacités industrielles nationales techniquement performantes et compétitives. Le modèle économique de notre industrie repose notamment sur une présence importante du secteur commercial, ce qui conditionne les emplois.
La concurrence croissante de l’industrie américaine en particulier – nous constatons son retour en force aussi bien dans le domaine des télécommunications que dans celui des lancements associés – mais aussi, à terme plus ou moins rapproché, des pays émergents que vous avez tous cités, constitue un véritable défi.
Pour le relever, j’ai décidé, en plein accord avec mon collègue ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, d’instituer un comité de concertation État-industrie, le COSPACE, à l’image de celui qui existe dans le domaine de la recherche aéronautique civile, le CORAC. Ce comité aura pour objectif principal d’élaborer des feuilles de routes technologiques permettant la convergence des efforts de l’ensemble des acteurs nationaux.
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme Geneviève Fioraso, ministre. J’ai profité de l’unanimité qui régnait, non pas à mon arrivée au ministère, je ne vous le cache pas, mais à la suite de la conférence de Naples, pour créer ce nouveau comité. Il faut toujours savoir profiter d’un bon état d’esprit pour lancer des initiatives convergentes ! (Sourires.)
Le secteur spatial, en sus de son impact sur la formation et l’emploi des jeunes, a le mérite de rendre attractives les carrières scientifiques. Or stimuler l’attrait des plus jeunes pour ces carrières est justement l’une des priorités de mon ministère.
S’il est vrai que l’intitulé de ce dernier ne comprend pas l’espace, je peux vous rassurer : le décret de nomination indique que ce secteur fait bel et bien partie de mon périmètre de compétence. Je crois me souvenir d’ailleurs que le ministre de la recherche qui, le premier, a vu son titre complété par le terme « espace » fut Hubert Curien. Je veux lui rendre hommage ce soir : lui qui a en quelque sorte propulsé Ariane 5 restera comme une belle étoile dans le firmament de notre recherche et de notre technologie spatiales dont il a grandement contribué au rayonnement.
Vous l’avez dit, les découvertes et les explorations scientifiques font rêver le grand public, tout particulièrement les jeunes.
L’ampleur de la couverture médiatique suscitée par les images provenant des engins posés sur Mars est frappante. Le dernier en date de ces robots, Curiosity, embarque des instruments français de très haute technologie. Il constitue un témoin de l’excellence de la science française, de l’expertise du CNRS, du CEA et de l’université Paul-Sabatier de Toulouse.
Au sein de notre société baignée par le numérique, ces images, au-delà de tout témoignage, nous donnent à tous l’impression d’être réellement sur Mars. Et je dois avouer que je me sens plus à l’aise avec cette translation virtuelle qu’avec le voyage auquel vous nous invitiez, madame la sénatrice, et pour lequel je ne serai pas encore candidate. (Sourires.)
Au-delà de l’émerveillement, l’espace est également un formidable champ de problématiques scientifiques et technologiques intellectuellement stimulantes : notre jeunesse y est particulièrement sensible. Le rêve et l’excitation intellectuelle se côtoient.
Avec l’arrivée des nano-satellites, nos établissements d’enseignement supérieur peuvent utiliser le secteur spatial comme un vecteur d’apprentissage couvrant une large gamme de spécialités et permettant de confronter nos étudiants à des réalisations à la fois concrètes, opérationnelles et relativement complexes pour un coût raisonnable.
Au total, le secteur spatial constitue un formidable facteur d’attraction vers les filières scientifiques.
Il y a quelques années, afin de convaincre des collégiens – et des collégiennes, car nous manquons encore plus de jeunes filles dans les carrières scientifiques – de s’orienter vers ces filières, nous avions demandé à un astronaute du Corps européen des astronautes de venir en tenue dans les classes. Cela peut paraître un peu folklorique, mais je peux vous assurer que nous avons réussi à déclencher de véritables vocations grâce au rêve devenu tangible en un instant.
Pour illustrer très concrètement ce sujet, deux cas de réussites exemplaires me viennent à l’esprit : je pense tout d’abord aux étudiants de l’université de Montpellier II qui, sous la conduite de leur professeur et après avoir satisfait aux obligations de la loi spatiale, ont lancé leur premier nano-satellite, Robusta, sur le premier vol du petit lanceur Vega ; je pense ensuite à la jeune et dynamique entreprise lyonnaise NovaNano, start-up créée par deux jeunes ingénieurs de l’INSA de Lyon, qui propose sa propre gamme de nano-satellites et de services complets « clefs en main » à des clients, institutionnels ou privés, désireux de conduire des expériences en orbite. Il s’agit là aussi d’une translation virtuelle, mais extrêmement efficace.
En résumé, sur la base d’un socle franco-allemand à consolider, sur lequel il faut être très vigilant mais aussi confiant, d’un travail commun à optimiser vers Ariane 6 pour les lanceurs, de programmes scientifiques à développer dans le cadre de l’Union européenne comme de l’ESA, sans doublons mais en complémentarité et en partenariats européens et supra-européens, le développement de cette politique spatiale est tout à fait crucial.
La constance des investissements, le partenariat entre recherche publique et recherche privée, les transferts technologiques vers l’industrie, l’attractivité de la filière pour susciter des vocations scientifiques, nous en sommes tous d’accord, constituent les axes forts de cette politique.
Votre rapport, monsieur Sido, madame Procaccia, y contribue largement, ainsi que l’organisation de débats et de journées dédiées.
Cet enjeu est porté par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, soyez-en convaincus, avec enthousiasme et volontarisme. Soyez assurés aussi du soutien plein et entier de mon ministère et de celui de la défense dans cette action duale et doublement stratégique.
Félicitons-nous de la convergence, vécue ce soir, au service de l’emploi, de la science et du progrès.
Félicitons-nous également de la productivité de nos investissements : si l’Europe investit moins que les États-Unis, notre productivité est meilleure. Sachons voir le verre à moitié plein. En cette période, je crois que c’est important !
En conclusion, je tiens à vous remercier tous de votre engagement, de votre passion. L’espace, vous le savez, suscite immédiatement la passion, et cette passion, il nous faut la partager davantage pour pouvoir l’amplifier, et amplifier à son tour notre excellence, nationale et européenne, pour la faire rayonner encore davantage à l’international. Merci d’y contribuer avec nous ! (Vifs applaudissements.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur les enjeux et les perspectives de la politique spatiale européenne.