M. le président. La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Je voudrais néanmoins apporter une précision supplémentaire. Dans le débat portant sur les langues régionales, il faut distinguer l’enseignement de la langue et l’enseignement dans la langue, c'est-à-dire l’enseignement bilingue et l’enseignement par immersion.
Tout en respectant chacune des catégories d’apprentissage, je souhaite, madame la ministre, que l’enseignement des langues par immersion à l’école publique continue de bénéficier des moyens alloués par l’État à l’éducation.
application du principe de laïcité dans le sport
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 312, adressée à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.
M. Jacques Mézard. Ma question s’adressait à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, mais je suis certain que M. le ministre de l’intérieur, avec sa polyvalence et sa compétence,…
M. Jacques Mézard. … saura parfaitement y répondre.
Le 5 juillet dernier, la Fédération internationale de football association, la FIFA, décidait d’autoriser le port du voile islamique par les joueuses de football en compétition officielle.
Cette décision, très contestée, est contraire aux règlements de la FIFA, selon lesquels « l’équipement de base obligatoire ne doit présenter aucune inscription politique, religieuse ou personnelle ». Si la Fédération française de football a pris acte de cette décision, elle n’en a pas moins pris position en réitérant son refus d’autoriser les joueuses à porter le voile dans le cadre des sélections nationales françaises, d’une part, et des compétitions nationales qu’elle organise, d’autre part, au nom du principe constitutionnel de laïcité, auquel vous savez, monsieur le ministre, que les radicaux sont fondamentalement et viscéralement attachés.
Néanmoins, cette décision laisse ouverte la possibilité pour des joueuses étrangères prenant part en France à une compétition organisée par la FIFA de porter le voile ou tout autre signe religieux distinctif.
De façon plus générale, la décision de la FIFA est un signal lourd de sens envoyé aux acteurs du monde sportif, plus particulièrement aux acteurs du sport amateur et scolaire. Ces derniers, nous le savons pour le vivre au quotidien au sein des collectivités territoriales, tentent de sauvegarder la dimension universelle et neutre, sur le plan politique ou religieux, du sport.
Il est à craindre que cette décision serve d’argument pour justifier les réclamations tendant à admettre le port de signes religieux dans d’autres disciplines et dans des lieux déjà soumis à de fortes pressions communautaristes. Je prendrai comme exemple les centres aqua-ludiques, où les élus locaux sont souvent confrontés à des difficultés de ce type. Il est d’ailleurs inquiétant que M. Jacques Rogge, président du Comité international olympique, explique, dans un entretien au quotidien L’Équipe en date du 24 juillet 2012, que le port du voile ou du turban ne présente aucune incompatibilité avec la Charte olympique.
M. Jean-Michel Baylet. Et la laïcité, alors ?
M. Jacques Mézard. Bien au contraire, il n’y voit que l’expression d’une conviction religieuse et estime qu’on ne saurait, de la même façon, reprocher à un athlète de porter une croix.
Tout aussi préoccupante est la décision du 14 janvier dernier de la Fédération mondiale de karaté qui autorise le port du hijab en compétition officielle de karaté, précisant même qu’un seul modèle de voile serait approuvé. D’aucuns y voient aussi, monsieur le ministre, un moyen subtil d’obtenir le vote de certains États pour faire du karaté un sport olympique…
Au vu de ces éléments, je souhaiterais que vous nous indiquiez comment le Gouvernement entend assurer la pleine application du principe de laïcité dans le sport professionnel et amateur.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, ma collègue Valérie Fourneyron vous prie de bien vouloir excuser son absence. C’est avec beaucoup de plaisir que je vais moi-même répondre à votre question, car je connais vos convictions. Sachez que, ces convictions, nous les partageons.
La décision prise l’été dernier par la FIFA est un important – et inquiétant ! – changement de doctrine. Depuis, cette association a décidé qu’une période de test serait ouverte, jusqu’en mars 2014, pour permettre aux joueuses voilées de participer aux compétitions internationales, alors qu’elles en étaient jusqu’à présent exclues.
Cette décision heurte la conception française de la neutralité dans la pratique sportive, qui implique non seulement l’absence de discrimination, mais aussi la discrétion et l’impossibilité d’arborer des signes politiques ou religieux sur un terrain de sport.
Cette conception, qui correspond aussi à ma conviction personnelle, n’est pas seulement celle de la France. Elle puise son origine, me semble-t-il, dans des valeurs universelles, qui tendent à séparer l’État des religions et, surtout, à permettre aux femmes de s’émanciper. Il n’est pas question de les recouvrir d’un voile les différenciant du reste de l’humanité !
Le sport est précisément porteur de valeurs morales, d’humanité, de fraternité, d’intégration, de mixité. C’est ainsi qu’il restera un vecteur incontournable d’éducation à la citoyenneté et d’apprentissage du vivre-ensemble. C’est vrai aussi au niveau international.
J’étais tout à l’heure au comité interministériel des villes. Élu de la banlieue parisienne, je connais la chape de plomb, faite de machisme et de conservatisme, qui pèse sur certains quartiers, au détriment notamment des jeunes filles, qui peuvent s’émanciper d’abord par l’école, mais aussi par le sport.
Le Gouvernement a soutenu la décision de la Fédération française de football, qui, vous le savez, dispose d’une délégation de la part de l’État pour édicter les règles techniques propres à ce sport pour les compétitions nationales, de refuser aux joueuses le port du voile dans les compétitions nationales. Nous devons évidemment veiller à ce qu’une telle interdiction n’écarte pas certaines catégories de population de la pratique sportive, mais sans transiger sur nos convictions.
Il faut faire en sorte que les athlètes français restent un exemple pour notre jeunesse, en s’inscrivant pleinement dans les principes de la Charte olympique. Il ne peut pas y avoir de démonstration ou de propagande politique ou religieuse – pour ma part, je crois qu’il s’agit avant tout de propagande politique – sur un site sportif ou olympique.
Ce n’est pas un sujet facile. La laïcité, fruit de l’Histoire et garantie de paix et de concorde civile, crée des limites à l’expression d’une préférence religieuse. La loi les a clairement fixées pour les agents publics et pour les écoliers, collégiens et lycéens des établissements d’enseignement public. Mais il y a d’autres domaines où l’équilibre entre la liberté de croire et le principe de laïcité n’est pas clairement défini. La pratique sportive en est parfois un.
L’observatoire de la laïcité dont le président de la République a annoncé la mise en place le 9 décembre dernier pourra se saisir de ce sujet délicat et contribuer au débat important du champ d’application de la laïcité sur l’espace public.
Des lois importantes ont été adoptées ; je serai évidemment très vigilant quant à leur application.
Monsieur Mézard, je crois, comme vous, que la laïcité reste un combat profondément moderne, adapté à notre temps et porteur d’espoir partout où les femmes se battent pour leur dignité.
M. Jean-Michel Baylet. Très bonne réponse !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je n’en attendais d’ailleurs pas moins de vous, connaissant votre attachement personnel à ce qui constitue à nos yeux une valeur fondamentale de la République.
L’enjeu, c’est la liberté, au sens premier du terme. Il n’est donc pas possible de transiger. Nous savons trop bien l’utilisation qui serait faite de dérogations consenties dans telle fédération ou sur tel territoire…
L’État doit veiller au respect du principe de laïcité, qui est, vous l’avez souligné, l’outil pour défendre la liberté dans notre pays et faire avancer la cause des femmes : voir des femmes revêtues d’un hijab sur un terrain de sport ou un tatami est une aberration et un véritable recul en termes de liberté et d’émancipation des femmes.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 301, adressée à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, je partage les inquiétudes que M. Mézard vient d’exprimer.
Mme Nathalie Goulet. Pas moi !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je souhaitais également vous faire part, en ma qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, de la très vive préoccupation que m’inspirent les décisions prises par certaines instances internationales du sport pour autoriser le port par des sportives d’un foulard, voire d’un hijab.
Je pense d’abord à la décision de la Fédération internationale de football, qui a adopté le 26 octobre 2012 un certain nombre d’amendements aux Lois du jeu pour préciser le « design », la « couleur » et le « matériau » du foulard qui sera autorisé, tout en précisant que ce foulard ne peut être porté que par des femmes.
Mais ce cas n’est malheureusement pas isolé : la Fédération de karaté a également décidé d’autoriser des athlètes féminines musulmanes à porter un hijab – c’est le terme utilisé dans la décision du comité exécutif – à compter du 1er janvier 2013.
Ces décisions choquantes sont de surcroît en contradiction manifeste avec les deux grands principes fondamentaux du sport garantis par la Charte olympique et les règlements des grandes fédérations internationales. Elles violent le principe de neutralité du sport consacré dans la règle 50, alinéa 3, de la Charte olympique, qui proscrit toute sorte de « démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale » dans les manifestations olympiques et sportives. Or je ne pense pas que l’on puisse se méprendre sans mauvaise foi sur la signification religieuse du port du hijab ou de l’un de ses succédanés.
En outre, dans la mesure où le port du voile est exclusivement réservé aux femmes, ces décisions me paraissent contraires au refus par la Charte olympique de toute discrimination fondée sur des considérations de race, de religion, de politique ou de sexe.
Dans le rapport qu’elle avait consacré au mois de juin 2011 à l’égalité des femmes et des hommes dans le sport, notre délégation avait adopté à l’unanimité une recommandation pour rappeler son attachement au strict respect de ces principes et élever une mise en garde contre ces dérives absolument inacceptables.
Mme Nathalie Goulet. Comme ça, ces femmes ne joueront plus du tout !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous avions invité les autorités françaises chargées du sport à relayer cette préoccupation auprès des instances internationales du sport.
Monsieur le ministre, le Gouvernement auquel vous appartenez a fait de la défense de l’égalité entre les femmes et les hommes un des axes forts de sa politique. Je souhaiterais que vous nous précisiez sa position à l’égard de ce type de dérives, ainsi que les démarches que vous comptez entreprendre ou que vous avez déjà entreprises pour y remédier, même si vous m’avez déjà renseignée pour partie en répondant à M. Mézard.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Madame Gonthier-Maurin, je ne m’en réjouis pas moins de répondre à votre question sur ce problème que vous connaissez bien et dont il est souhaitable que l’on se préoccupe sur l’ensemble des travées de la Haute Assemblée.
Les instances internationales du sport ont une approche de la notion de neutralité qui n’est pas celle de la République française, en raison d’ailleurs d’une série d’influences qui nous semblent préoccupantes.
Ainsi, le Comité international olympique, majoritairement composé d’hommes et peut-être sensible au poids de certains pays, estime le port du foulard islamique compatible avec la compétition sportive, comme l’ont encore démontré récemment les jeux Olympiques de Londres.
La décision prise par la FIFA le 5 juillet 2012 va dans le même sens. Son objectif initial est de permettre aux joueuses voilées de participer à des compétitions internationales, ce qui était exclu, je l’ai rappelé, auparavant.
La position du Gouvernement est claire : on ne met pas de voile pour faire du sport. Un terrain de football, un stade, un gymnase, un dojo ne sont pas des lieux d’expression politique ou religieuse. Ce sont des lieux de neutralité où doivent primer les valeurs du sport : l’égalité, la fraternité, l’impartialité, l’apprentissage du respect de soi-même et de celui d’autrui.
Il appartient donc aux fédérations de faire en sorte que leur règlement respecte ces valeurs, tout en garantissant l’absence de discrimination et une stricte égalité hommes-femmes. En effet, nul ne doit être écarté de la pratique sportive en raison de ses opinions religieuses et politiques.
Or la décision de la FIFA, en mettant en cause la stricte égalité entre les hommes et les femmes, crée une discrimination supplémentaire : couvrir les femmes d’un voile, c’est encore une fois chercher à les soustraire au regard de tous les autres.
Le sport est un formidable levier d’intégration, de lutte contre l’échec scolaire, d’émancipation et de réduction des inégalités sociales et culturelles. Le Gouvernement et l’ensemble des acteurs du monde sportif restent vigilants, mobilisés et déterminés à empêcher que le sport ne devienne un lieu de tensions, de sexisme ou d’exclusion.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je vous remercie de la fermeté de votre réponse, monsieur le ministre.
Vous avez à juste titre évoqué la composition des instances internationales du sport. Je crois que nous devrions effectivement nous y intéresser. Favoriser la promotion des femmes au sein de ces organismes permettrait sans doute de faire avancer les choses.
Comme vous l’avez rappelé, le sport est un formidable espace de solidarité, de fraternité et d’humanité. Il serait tout de même paradoxal, à l’heure où un gouvernement applique la parité et où un ministère est dédié spécifiquement aux droits des femmes, d’enregistrer de tels reculs sur notre territoire national. Mobilisons-nous pour faire respecter les principes de la Charte olympique !
déclassement des dépendances du domaine public communal
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet, auteur de la question n° 215, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Henri Tandonnet. Je souhaite soulever une question technique à vocation économique.
J’attire l’attention du Gouvernement sur le déclassement des dépendances du domaine public communal. J’évoquerai plus spécifiquement la vente des biens du domaine public des collectivités territoriales sans déclassement préalable de son affectation à son utilité publique.
L’État est aujourd’hui dispensé de ce déclassement préalable. En effet, selon l’article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques, un dispositif dérogatoire permet à l’État, à ses établissements publics ou, depuis 2009, aux établissements publics de santé de déclasser des immeubles appartenant au domaine public et affectés à un service public avant même qu’ils soient matériellement désaffectés.
Ce déclassement par anticipation permet aux personnes publiques concernées par la vente d’immeubles encore occupés de financer, par exemple, la construction des immeubles dans lesquels les services intéressés pourront être transférés. C’est souvent le cas pour des hôpitaux.
En revanche, les collectivités territoriales ne disposent pas de telles dérogations. Il serait souhaitable d’harmoniser la situation des collectivités territoriales avec celle de l’État et de ses établissements publics au regard des possibilités de déclassement des dépendances du domaine public.
Des exemples concrets illustrent parfaitement la nécessité d’une telle harmonisation.
Prenons le cas d’un terrain sportif, par exemple une carrière équestre, appartenant à la collectivité territoriale. Si la collectivité veut le céder à un club d’équitation, elle ne peut le faire sans démontrer que le bien n’est plus affecté au service sportif. Il faudra donc arrêter les activités sur une période significative.
Il serait nécessaire d’appréhender de la même manière que pour l’État la notion de désaffectation et de supprimer la période pendant laquelle le bien est rendu inutilisable, bien souvent artificiellement. En effet, il est actuellement souvent difficile de transférer des biens du domaine public au domaine privé pour poursuivre des activités pouvant être gérées par des acteurs privés, notamment associatifs.
Je souhaite connaître les raisons pour lesquelles la solution souple à laquelle peur recourir l’État ne serait pas applicable aux collectivités territoriales.
Je voudrais également savoir si des mesures pourraient être prises pour rendre possible la vente d’un bien public sans désaffectation préalable lorsque le service affecté à ce bien relève d’une activité économique au sens large : tourisme, activités sportives, loisirs et découvertes. L’objectif est de ne pas arrêter l’activité pour une période de désaffectation et de pouvoir céder l’activité à des acteurs plus qualifiés, associatifs ou professionnels.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur Tandonnet, vous m’interrogez sur le déclassement des dépendances du domaine public communal.
Vous le savez, la procédure normale de sortie d’un bien du domaine public nécessite un acte formel de déclassement postérieur ou simultané à la désaffectation de fait du bien concerné.
Comme vous l’avez rappelé, les dispositions de l’article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques autorisent, sous certaines conditions, l’État ou ses établissements publics à déclasser un de leurs biens avant que la désaffectation matérielle de celui-ci ne soit intervenue.
Par ailleurs, l’article L. 6148-6 du code de la santé publique a prévu que les dispositions de l’article précité s’appliquaient au domaine des établissements publics de santé afin d’accélérer les cessions concernées et d’améliorer les conditions de leur autofinancement.
Ces dispositions dérogatoires ont été adoptées pour répondre aux enjeux spécifiques de valorisation du domaine de l’État et de ses établissements publics.
Le dispositif de l’article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques s’applique dans des conditions restrictives. On ne saurait permettre, de manière générale, la vente d’un bien appartenant au domaine public sans aucune désaffectation, au risque de remettre en cause les principes fondamentaux protecteurs du domaine public. La désaffectation est, en effet, tout comme le déclassement, un attribut du droit de propriété des personnes publiques.
Cela étant, les règles de droit commun applicables en matière de domanialité publique n’interdisent pas une succession rapide dans le temps, voire une concomitance, entre la désaffectation d’un bien et son déclassement. Il est, en effet, loisible à l’organe délibérant d’une collectivité territoriale, dans la même délibération, à la fois de constater la désaffectation d’un bien et de le déclasser.
Ma réponse ne vous paraît peut-être pas suffisante, mais il me semble néanmoins que cette procédure répond au vœu que vous formulez de permettre une gestion optimale du patrimoine public.
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais il n’en reste pas moins que les dispositions qui concernent l’État et celles qui concernent les collectivités territoriales portent la marque d’une certaine discrimination. J’y vois une forme de suspicion à l’encontre des élus ou des fonctionnaires territoriaux. Je sais que vous êtes membre d’un gouvernement qui se veut être un gouvernement de la justice. Une simple modification du texte permettrait-elle peut-être d’étendre aux collectivités territoriales le dispositif applicable à l’État…
abus de la liberté d'expression
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 300, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je ne suis pas de nature liberticide – d’ailleurs, le port d’un petit voile dans le sport ne me dérange personnellement pas… –, mais mon attention a été attirée sur un certain nombre de « chansons » – si l’on peut dire – de rappeurs tels que 113, Sniper, Salif, Ministère Amer, Smala ou encore Lunatic, dont les paroles sont d’une violence absolument inouïe contre la France, ses autorités civiles et militaires, son drapeau.
J’ose à peine les citer : « Du commissaire au stagiaire : tous détestés ! » ; « J’aimerais voir brûler Panam au napalm… » – je vous épargne la suite de ce texte et notamment les propos châtiés sur la carte d’identité – ; « La France aux Français, tant que j’y serai, ça serait impossible. Leur laisser des traces et des séquelles… » Bref !
Monsieur le ministre, ces « compositions » sont en vente libre et sont diffusées sur toutes les radios. J’estime que leurs paroles sont des appels à la violence et à la haine envers les autorités de police qui s’efforcent de faire respecter la loi de la République dans des secteurs qui, vous le savez comme moi, deviennent des espèces de zones « grises » sur lesquelles plus personne n’a de contrôle.
La représentation nationale ne peut évidemment supporter ces appels à la violence, et il y a eu plusieurs réactions. Je vous interroge aujourd'hui, monsieur le ministre, pour savoir ce que vous comptez faire. Je sais que la liberté d’expression est importante dans notre pays, mais de tels propos dépassent, et de très loin, ce qui est tolérable.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je suis déçu de votre remarque concernant le voile dans le sport, car il me paraît nécessaire que quelques principes soient maintenus et respectés.
Vous m’avez cependant interrogé sur un autre sujet, à savoir le contenu de plusieurs albums de rap qui attentent gravement à la dignité, à l’honneur des membres des forces de l’ordre ou, plus généralement, des autorités publiques, ainsi qu’aux valeurs qui nous rassemblent.
Aucun d’entre nous, évidemment, ne souhaite mettre en cause la liberté d’expression et la créativité. Le rap fait partie de notre culture urbaine ; il existe incontestablement des talents, et certains textes sont d’une grande qualité. Néanmoins, comme c’est le cas dans beaucoup d’autres domaines, il y a aussi des abus – en l’occurrence, le mot est faible –, et je partage votre préoccupation : il faut lutter contre les paroles agressives à l’encontre des autorités ou insultantes pour les forces de l’ordre et les symboles de notre République.
Sachez que j’adresse des signalements au garde des sceaux ou que je dépose plainte lorsque les faits sont avérés et non prescrits. C’est ensuite le juge judiciaire, gardien des libertés individuelles, qui sanctionne ces propos.
Mes services sont mobilisés face à ce phénomène qui dépasse, bien sûr, le seul support du disque ou du livre et s’exprime de plus en plus sur Internet.
Ainsi, en 2012, la plate-forme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements, ou plate-forme PHAROS, a recensé sur Internet soixante et un outrages à personnes chargées d’un service public ou dépositaires de l’ordre public. De même, trente-neuf provocations à la désobéissance ont été relevées.
Les productions que vous avez mentionnées ont été mises à la disposition du public depuis plus de trois mois. Elles sont donc atteintes par la prescription de trois mois prévue par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, que nous avons évoquée dans cet hémicycle à l’occasion du débat sur la loi antiterroriste et qui appelle incontestablement une réflexion tant la presse dématérialisée sur Internet a évolué. (Mme Nathalie Goulet approuve.)
Je rappelle cependant que le groupe Ministère Amer a déjà été condamné en 1995 – rendez-vous compte ! – à l’équivalent de 38 000 euros d’amende pour provocation au meurtre de policiers. La plainte avait été déposée par le ministère de l’intérieur.
Vous connaissez ma volonté de lutter contre la délinquance et contre le sentiment d’impunité. N’en doutez donc pas. Lutter contre la violence dans notre société, au sein de notre jeunesse, c’est refuser la banalisation de la violence, fût-elle verbale. C’est aussi refuser que l’on dégrade ceux qui, chaque jour, travaillent pour la sécurité des Français.
Les paroles de ces chansons non seulement s’en prennent aux symboles de la Républiques et aux forces de l’ordre, mais aussi donnent souvent une image dégradée de la place de la femme au sein de la société.
Soyez assurée, madame la sénatrice, qu’avec les moyens qui sont les nôtres, en nous appuyant notamment sur la justice, nous ne faiblirons pas dans cette lutte.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse ; je ne doutais pas du tout de la fermeté de votre action en ce qui concerne ces propos.
Voilà quelques jours, le Sénat a justement examiné, avec votre collègue Najat Vallaud-Belkacem, la proposition de loi relative à la suppression des délais de prescription prévus par la loi sur liberté de la presse du 21 juillet 1881.
Cette loi appelle effectivement un sérieux dépoussiérage, car elle est totalement inadaptée aux nouveaux médias. Les auteurs d’infractions ne peuvent pas, par exemple, être poursuivis parce qu’il n’est pas possible de déterminer les adresses IP. Le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, s’est engagé à aller dans cette voie et, pour ma part, monsieur le ministre, je me permets de vous faire une offre de services, car j’aimerais travailler sur ce sujet que je connais un peu. Ayant en effet moi-même fait l’objet d’une procédure extrêmement désagréable, je sais que le droit à l’oubli sur Internet n’existe pas. Je crois qu’il s’agit de questions qui méritent amplement que l’on fasse avancer le droit !
M. le président. Mes chers collègues, grâce à votre concision et à celle des ministres, nous avons pris un peu d’avance ; en attendant l’arrivée de M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures quarante-cinq.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, auteur de la question n° 291, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.