M. Christian Cambon. Évidemment !
Mme Évelyne Didier. Il y a là un paradoxe qu’il nous faudra résoudre.
Nous attendons donc avec une grande impatience les résultats de cette expérimentation qui, nous vous le demandons, doit être suivie de la reconnaissance par la loi du droit à l’eau pour tous, cette eau qui est un bien de première nécessité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, sur l'article.
M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai déposé au début de l’année une proposition de loi visant à assurer l’effectivité du droit à l’eau.
En effet, alors que le droit à l’eau est consacré depuis vingt ans comme un droit fondamental de l’individu, nécessaire pour lui permettre de vivre dans des conditions décentes, force est de constater que l’accès à l’eau n’est pas effectif en France.
Le prix de l’eau augmente de manière continue sous l’effet des normes d’hygiène – ce qui est bien sûr une bonne chose – et des conditions d’exploitation, alors que les plus démunis subissent, nous le savons, de graves difficultés économiques. Au final, de plus en plus de personnes se retrouvent exclues du bénéfice de ce droit fondamental.
Aujourd’hui, seuls des dispositifs à caractère purement curatif, et encore, non obligatoires, permettent, par la création d’un fonds social, d’attribuer une aide pour les impayés d’eau dans certaines collectivités. Je tiens d’ailleurs à saluer l’excellent travail de Christian Cambon. Notre collègue avait, en 2011, bataillé pour aboutir à cette avancée. Cette dernière reste limitée et ne suffit pas pour assurer l’effectivité du droit à l’accès à l’eau pour tous, seuls les consommateurs des collectivités qui choisissent ce système en bénéficiant.
C’est pourquoi j’ai proposé, à l’occasion de la discussion de cet article, de créer un mécanisme préventif, qui conduirait les collectivités à adopter une tarification progressive des services de l’eau par tranches de consommation - les ménages seraient ainsi incités à limiter leur consommation -, et un tarif social au sein de chaque tranche de consommation, dont le montant serait limité à 30 % ou 70 % du prix de l’eau de droit commun.
J’ai également proposé de renforcer le mécanisme curatif d’aide aux impayés, en le rendant obligatoire, pour assurer cette fois l’égalité de l’ensemble des usagers du service public de l’eau.
Malheureusement, l’article 40 m’a été opposé par la commission des finances. Il n’était pourtant pas question d’aggraver une charge publique, puisque ce sont les consommateurs qui auraient été appelés à abonder les fonds.
L’examen par le Sénat de cet article est l’occasion pour moi de défendre trois amendements que j’ai déposés avec l’ambition d’aboutir à une véritable égalité des usagers sur tout le territoire national devant le droit à l’accès à l’eau potable et à l’assainissement.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, sur l'article.
M. Christian Cambon. Je veux tout d’abord remercier les collègues qui ont bien voulu saluer le travail que j’ai conduit en matière de tarification sociale de l’eau, mais c’était un travail collectif, je m’empresse de le préciser.
Alors que nous abordons l’article 14, je veux simplement attirer l’attention sur les méthodes qui doivent être mises en œuvre pour rendre effectif le droit à l’eau.
Dans le travail que nous avions fait à l’époque – je rappelle que la loi issue de la proposition de loi que j’avais déposée a été promulguée le 7 février 2011 –, nous avions cherché à aller vers ceux qui ont besoin qu’on les aide à payer leurs factures d’eau.
En effet, on sait qu’aujourd'hui, dans certains territoires, ces factures peuvent se monter à 400, à 500, voire à 600 euros par an, et parfois même davantage ! Ces sommes représentent une charge très importante dans les budgets et, comme l’a dit notre collègue Évelyne Didier, on peut constater que les montants acquittés dépassent parfois le fameux plafond de 3 % du revenu proposé par l’OCDE.
C'est la raison pour laquelle il convient, à mon sens, de ne pas privilégier les solutions susceptibles de créer des effets d’aubaine ; tel est, du reste, le sens de l’amendement que j’ai déposé. C’est aussi pourquoi, dans nos travaux précédents, nous avions mis de côté le dispositif visant à rendre les premiers mètres cubes d’eau gratuits, qui semble de nouveau recueillir aujourd'hui une certaine faveur.
À première vue, cette mesure peut paraître la plus agréable et la plus facile à mettre en œuvre. Cela étant, tout le monde comprend bien qu’un dispositif qui prévoit la gratuité pour tous des premiers mètres cubes concernera, bien sûr, les familles en difficulté, mais aussi toutes celles et tous ceux qui, comme nous, peuvent parfaitement payer leurs factures d’eau.
De surcroît, même si l’on ne s’arrête pas à ce véritable effet d’aubaine, la mise en place de la gratuité des premiers mètres cubes d’eau au bénéfice de toute la population ne permettra pas d’atteindre le but recherché, d’après les échanges que nous avons eus avec les organisations altermondialistes. En effet, un tel dispositif affaiblira les services d’eau, en raison de son coût évident, et il faudra bien que les maires responsables des syndicats des eaux répercutent cette dépense supplémentaire.
Par ailleurs, je rappelle que, en milieu urbanisé, le nombre d’habitats collectifs est tout à fait important. En région parisienne, il n’y a très souvent qu’un compteur pour 100, 200 ou 300 appartements. Dans ces conditions, madame la ministre, comment ferez-vous ?
C’est la raison pour laquelle j’avais prévu, dans ma proposition de loi, d’attribuer des aides personnalisées aux familles qui en avaient véritablement besoin, par l’intermédiaire des fonds de solidarité pour le logement, les FSL. Et je veux vous dire, madame la ministre, que ce dispositif fonctionne très bien !
Avec l’expérience du syndicat des eaux d’Île-de-France, dont nous nous occupons Philippe Kaltenbach, Hervé Marseille et moi-même, nous voyons bien que c’est maintenant par milliers que des familles pauvres ou en difficulté bénéficient du « chèque eau », par l’intermédiaire des FSL.
J’attire donc votre attention sur la nécessité d’expérimenter et d’aller plus loin pour mettre en œuvre le droit à l’eau consacré par l’article 1er de la LEMA, sans toutefois tomber dans le piège de la facilité. De grâce, n’allons pas accorder à tout un chacun la possibilité de ne pas payer les premiers mètres cubes d’eau qu’il consomme ! Nous en serions nous-mêmes les premiers bénéficiaires, et l’opinion ne manquerait pas de s’en étonner… (Très bien ! sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 120, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Au terme des cinq années d’expérimentation, si les évaluations prévues au quatorzième alinéa du présent article apportent satisfaction et démontrent que l’objectif d’égal accès à l’eau pour tous est atteint, celles-ci font l’objet d’une généralisation à l’ensemble des collectivités et aux gestionnaires de l’eau potable et de l’assainissement.
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. L’article 14 a pour objet de sécuriser des expérimentations en cours dans le domaine d'une tarification sociale de l'eau et de l'étendre aux seuls gestionnaires volontaires. C’est positif, mais encore insuffisant si l’on veut assurer l’égalité de tous les citoyens devant l’accès à l’eau.
C’est pourquoi je propose que, après évaluation, nous puissions généraliser à l’ensemble du territoire ces nouveaux dispositifs et affirmer le principe d'un égal accès à l'eau pour tous les citoyens, et non uniquement pour ceux qui relèvent de collectivités ou de gestionnaires ayant choisi d’entrer dans cette logique d’expérimentation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Michel Teston, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 72 de la Constitution prévoit d'ores et déjà une évaluation finale de l’expérimentation. Dans le présent texte, l’évaluation est prévue au quatorzième alinéa de l’article 14.
Aux termes de la loi organique du 1er août 2003 relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales, l’expérimentation est soit modifiée ou prolongée, pour une durée maximale de trois ans, soit généralisée, soit abandonnée.
L’ajout que notre collègue propose d’opérer à l’alinéa 1 n’apporte donc rien par rapport à ce qui est prévu en matière d’expérimentation. Par ailleurs, il me paraît prématuré d’anticiper les résultats de l’expérimentation, compte tenu notamment des spécificités locales des différents services publics de l’eau sur le territoire.
Monsieur Kaltenbach, la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a donc souhaité que vous retiriez votre amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Je veux tout d’abord saluer la proposition de loi de M. Cambon, qui avait marqué une première avancée. Aujourd'hui, nous sommes engagés dans une nouvelle étape : l’application d’une logique de tarification sociale, qui va au-delà du problème des impayés.
Madame Didier, vous avez évoqué la solidarité nationale. Or la loi de 2006 a, en la matière, confirmé la compétence des collectivités locales : c’est là toute la difficulté ! Mais c’est un débat récurrent que nous connaissons bien.
Par ailleurs, je veux vous préciser que les compteurs individuels étaient prévus dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU.
Tel n’est pas l’objet de la présente proposition de loi, mais il faudra peut-être un jour se pencher sur la plus-value qu’apportent les compteurs divisionnaires par rapport aux compteurs individuels. En effet, le passage d’un compteur collectif à des compteurs individuels se traduit par un alourdissement des factures, puisqu’il oblige à la souscription de nouveaux abonnements individuels. Il faut donc peut-être favoriser davantage les compteurs divisionnaires, tout en permettant que chacun puisse connaître sa consommation de façon précise.
Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement de M. Kaltenbach, lequel est satisfait : si nous faisons une expérimentation, c’est bien évidemment pour en tirer des conclusions, avant toute généralisation !
M. le président. Monsieur Kaltenbach, l'amendement n° 120 est-il maintenu ?
M. Didier Guillaume. De tels arguments l’auront sans doute convaincu !
M. Philippe Kaltenbach. Pour ma part, je suis convaincu que, s’il faut expérimenter, il faut aussi prendre des engagements.
Le gouvernement que je soutiens s’étant engagé à tirer le bilan de l’expérimentation menée en matière d’accès à l’eau, je vais retirer mon amendement.
Néanmoins, s’il est positif d’expérimenter, dans cinq ans, les dispositifs devront être généralisés, au profit de tous, pour qu’il n’y ait pas, sur le territoire, ici des Français en difficulté qui bénéficient d’une aide et, là, d’autres qui n’en bénéficient pas. Je souhaite que cela soit affirmé clairement, car l’égalité devant l’accès à l’eau sur le territoire doit être assurée !
Je retire donc l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 120 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 118, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer les mots :
avant le 31 décembre 2013
par les mots :
avant le 31 décembre de l'année précédant la mise en œuvre de l'expérimentation
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Je considère qu’il n’est pas souhaitable de fixer une date limite à la demande d’expérimentation – en l’occurrence, le 31 décembre 2013.
De nombreux contrats de gestion de l'eau et de l'assainissement sont en cours de renégociation et le seront jusqu’en 2015. Une telle mesure serait de nature à priver les opérateurs, que ce soit dans le cadre de contrats de délégation de service public ou de régies – je préfère ces dernières, à titre personnel –, de la faculté d’introduire des systèmes de tarification sociale. Nombre d'usagers, socialement fragilisés, en seraient alors exclus.
Je propose donc de supprimer le butoir du 31 décembre 2013 et de le remplacer par une date limite fixée par référence à l'année précédant la mise en œuvre de l’expérimentation.
Autrement dit, je ne souhaite pas que l’on cesse toute expérimentation à partir de la fin de l’année 2013 : il faut que les opérateurs puissent continuer des actions de tarification sociale durant toute la période d’expérimentation.
M. le président. L'amendement n° 125, présenté par M. Teston, au nom de la commission du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer la date :
31 décembre 2013
par la date :
31 décembre 2014
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Teston, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à repousser au 31 décembre 2014, pour les collectivités territoriales organisatrices du service public de l’eau et de l’assainissement, la date limite de transmission des demandes d’expérimentation au représentant de l’État dans le département.
En effet, il apparaît souhaitable que les nouvelles équipes municipales élues en mars 2014 puissent, si elles le souhaitent, avoir accès à l’expérimentation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission du développement durable sur l’amendement n° 118 ?
M. Michel Teston, rapporteur pour avis. L’article 72 de la Constitution ainsi que la loi organique n° 2003-704 du 1er août 2003 disposent que la durée de l’expérimentation ne peut excéder cinq ans et qu’un délai limite de dépôt des demandes de participation à l’expérimentation doit être fixé par la loi – tel est l’objet de l’article LO. 1113-1 du code général des collectivités territoriales.
Il est nécessaire que les délais prévus soient uniformes sur le territoire pour que l’on puisse procéder à l’évaluation des dispositifs et juger de l’opportunité de leur généralisation.
Monsieur Kaltenbach, j’ajoute que votre amendement me paraît en partie satisfait par l’amendement n° 125, que je viens de présenter au nom de la commission du développement durable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Je propose à M. Philippe Kaltenbach de retirer son amendement n° 118 au profit de l’amendement n° 125, qui répond à sa préoccupation en faisant disparaître le couperet du 31 décembre 2013 et en inscrivant dans la loi la date du 31 décembre 2014.
C’est que, monsieur Kaltenbach, la loi organique et l’article 72 de la Constitution doivent être respectés. Or l’expérimentation a vocation à être non pas permanente, mais enserrée dans le délai de cinq ans. (M. le rapporteur pour avis opine.)
M. le président. Monsieur Kaltenbach, l'amendement n° 118 est-il maintenu ?
M. Philippe Kaltenbach. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 118 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 125.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 18, présenté par MM. Cambon et Marseille et Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
pouvant inclure une première tranche de consommation gratuite
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Cet amendement éclaire les propos que j’ai tenus lors de ma prise de parole sur l’article 14. En effet, il vise à supprimer la possibilité de la gratuité pour les premières tranches de consommation.
Lorsque nous nous sommes penchés sur ce sujet, nous avons identifié entre 150 000 et 180 000 foyers connaissant des difficultés pour payer leurs factures d’eau. Or, à l’évidence, la généralisation de la gratuité des premiers mètres cubes d’eau ferait bénéficier 25 millions de foyers d’un effet d’aubaine !
Il vaut donc mieux agir plus vite et plus fort en direction des foyers qui peinent à payer leurs factures d’eau que de créer une aubaine pour des familles qui, elles, peuvent tout à fait assumer leurs factures.
Par ailleurs, j’insiste à nouveau sur la nécessité de traiter de manière particulière l’habitat collectif. Madame la ministre, vous avez évoqué il y a un instant le nécessaire développement des compteurs divisionnaires. Sur ce point, nous vous suivons tout à fait ! En effet, nous savons que l’obligation d’un compteur par foyer signifie des abonnements individuels et donc des frais supplémentaires : cela irait exactement à rebours de ce que nous souhaitons.
Mais, en habitat urbain, pour en arriver à ce que tous les immeubles collectifs soient équipés de compteurs divisionnaires, de l’eau va passer sous les ponts – si je puis dire !
Alors, agissons plutôt au plus près de celles et ceux qui ont besoin qu’on les aide. Au sein d’un même immeuble, voire sur le même palier, peuvent se trouver un foyer en difficulté, et un autre qui est tout à fait capable d’assumer la dépense…
Il ne me semble donc pas nécessaire d’instituer la gratuité des premiers mètres cubes : même si, encore une fois, elle répond à une préoccupation sympathique – sinon totalement dénuée de démagogie – elle ne réglera pas pour autant les problèmes mais alourdira les charges des services d’eau.
De surcroît, je mets en garde sur le risque que, d’un syndicat à l’autre, le bénéficie de la gratuité soit accordé ou non, et je souhaite alors bonne chance aux élus qui devront gérer cette réalité !
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
une première tranche de consommation gratuite
par les mots :
des premières tranches de consommation gratuites
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. L’objectif d’un égal accès à l’eau pour tous risque de ne pas être atteint si l’on restreint la possibilité d'instaurer une tarification sociale ou la gratuité à la seule première tranche de consommation. En effet, les familles nombreuses, qui peuvent connaître des difficultés sociales similaires à celles que rencontrent des personnes isolées ou des familles avec peu d’enfants, risquent, parce que leur consommation d’eau est plus importante, de se retrouver exclues du dispositif.
Je propose donc prendre en considération, outre le niveau de consommation, la situation sociale : une famille avec beaucoup d’enfants consomme plus d’eau qu’une personne seule. Cela paraît évident, et je ne voudrais pas que les familles nombreuses relèvent, pour la gratuité, uniquement de la première tranche de consommation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Michel Teston, rapporteur pour avis. Concernant l’amendement n° 18 de M. Christian Cambon, je rappelle que la mise en place d’une première tranche gratuite n’est qu’une possibilité offerte aux collectivités territoriales chargées de la gestion de l’eau, et non une obligation. Le choix se fera en fonction des spécificités de chaque territoire et de chaque service.
Par ailleurs, la tranche gratuite dont il est question est la première tranche de la part variable de la facture. Il restera donc toujours une part fixe couvrant les frais de fonctionnement du service, si bien qu’en aucun cas la facture ne sera totalement gratuite.
Concernant les hausses de tarif qui risqueraient de pénaliser certains ménages, il convient de rappeler qu’un plafond est fixé à l’alinéa 6 de l’article 14. De plus, les communes auront la possibilité d’abonder le système de tarification sociale par des dépenses du budget général, comme l’alinéa 7 de l’article en réserve la possibilité. Enfin, les modalités de calcul du tarif social étant déterminées localement, le tarif pourra être modulé en fonction de la composition des foyers, afin de ne pas pénaliser les familles nombreuses.
J’ajoute que la gratuité de la première tranche n’aura pas un effet négatif sur l’environnement. Bien au contraire, la première tranche gratuite ne concernera que les consommations de première nécessité et, au-delà, la tarification sera progressive. Ce type de tarification pénalise les comportements non respectueux de la ressource en eau conformément, d’ailleurs, aux objectifs de la directive-cadre européenne sur l’eau de 2000 et de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 119 de Philippe Kaltenbach, je souligne que, au titre de l’expérimentation du tarif social, il est expressément prévu que la tarification puisse être modulée en fonction non seulement des revenus, mais aussi de la composition des foyers.
L’amendement est donc redondant et je demande à son auteur de le retirer, à défaut de quoi j’exprimerais un avis défavorable. L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 18.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Pour les excellentes raisons qu’a avancées M. le rapporteur, j’exprime un avis défavorable sur l’amendement n° 18. J’ajouterai que, s’agissant d’une expérimentation, on pourra en faire le bilan et s’assurer qu’il y a ou non un risque d’effet d’aubaine.
Concernant l’amendement n° 119, je m’en remets à la sagesse du Sénat. Je ne suis pas sûre qu’il y ait de grandes différences entre une tranche ou plusieurs tranches, dès lors que l’on se situe dans une expérimentation…
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l’amendement n° 18.
M. René-Paul Savary. Madame le ministre, vous avez bien signalé que, dans cette expérimentation, les collectivités locales étaient appelées à fournir une participation financière – ce qui correspond à un devoir de solidarité dont je souligne l’intérêt.
Toutefois, je vous rappelle que vous demandez aux collectivités locales d’intervenir par le biais des centres communaux d'action sociale, que vous demandez aux départements de mobiliser les fonds de solidarité pour le logement, que ceux qui abondent ces FSL se font en outre régulièrement tirer l’oreille pour verser leur contribution et que, au total, le dispositif représente une charge supplémentaire, non seulement pour les départements gestionnaires du FSL, mais également pour les communes ou intercommunalités via les CCAS.
M. René-Paul Savary. Ainsi, même dans le cadre de cette expérimentation, qui a vocation, me semble-t-il, à être généralisée, il s’agit de créer une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales. Or, parallèlement, le Gouvernement annonce une diminution des dotations vers ces mêmes collectivités. Il y a là une contradiction qui mérite d’être soulignée : on en demande toujours plus aux collectivités, et on leur en donne toujours moins... Ces collectivités sont dorénavant dans un état financier qui ne leur permet plus d’exercer l’ensemble de leurs compétences.
Je soutiendrai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je bois du petit lait quand j’entends notre collègue se plaindre de la mise à contribution des FSL… Dois-je rappeler ici que la loi relative à la solidarité dans le domaine de l’eau de notre collègue Christian Cambon, qui prévoit effectivement la mise à contribution des FSL dans le cadre d’une politique sociale départementale, a été adoptée sous un gouvernement UMP ? Il suffit de lire le texte de la loi, monsieur Savary.
Soyons sérieux...
Pour en revenir aux deux amendements en discussion commune, j’entends parler de premiers mètres cubes gratuits. Et il est bien tentant de s’en tenir à cette idée de gratuité. Mais ne faut-il pas faire le départ entre la politique environnementale et la politique sociale ? Les deux peuvent bien entendu converger, mais pas toujours.
C’est une chose de vouloir aider les familles à payer leurs factures parce que la charge est trop lourde pour elles, en ce qu’elle dépasse notamment les fameux 3 % évoqués toute à l’heure ; c’en est une autre de promouvoir une consommation économe de la ressource en eau.
On a, d’un côté, une politique sociale, et c’est bien dans ce cadre qu’il faut œuvrer pour atteindre l’objectif social fixé, et, de l’autre, une politique environnementale qui tend à diffuser sur tout le territoire national, et en toutes circonstances, avec ou sans difficultés sociales, les bonnes pratiques d’une consommation économe.
Ce que je crains, c’est que, dans certains territoires où l’eau est abondante, on se montre un peu trop généreux, au mépris des impératifs de cette politique environnementale.
Il faut vraiment que l’attention portée à la ressource en eau concerne toutes les catégories et, d’ailleurs, pas seulement les populations, mais aussi les industriels et les agriculteurs, dans une quête permanente de l’économie.
Il est vrai que cela pose un problème pour les distributeurs. Nous savons bien que, si nos syndicats fournissent moins de mètres cubes, ils pourront rencontrer des problèmes d’équilibre financier, qu’il faudra résoudre.
Ainsi, je suis d’accord pour des expérimentations suivies de bilans, mais veillons à ne pas adopter d’attitudes simplistes sur ces sujets.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. A priori, je suis quelque peu réservé pour ce qui est de la gratuité de l’eau. Je peux en comprendre le principe pour les habitations principales. En revanche, pour être originaire d’un département rural comptant de nombreuses résidences secondaires, j’ai un peu de mal à comprendre qu’on veuille offrir des tranches d’eau gratuite à leurs propriétaires.
M. Christian Cambon. Voilà !
M. Jean-Claude Requier. D’abord, ils sont rarement là et consomment peu, mais principalement en période estivale, précisément lorsque l’on rencontre le plus de problèmes d’alimentation en eau. Surtout, ils sont souvent isolés – c’est mon expérience dans le causse –, ce qui implique des investissements importants pour ne raccorder qu’un seul compteur.
Je souhaiterais donc que l’on exclue les résidences secondaires du bénéfice de la tranche gratuite.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Teston, rapporteur pour avis. Je souhaiterais simplement signaler à notre collègue René-Paul Savary qu’avec une expérimentation on ne remet pas en cause les dispositions de l’article 72, alinéa 3, de la Constitution.
Le principe de libre administration des collectivités locales est totalement respecté : les communes sont libres de s’engager ou non dans l’expérimentation. Je ne parviens donc pas à suivre l’argumentation qu’il a développée toute à l’heure pour soutenir l’amendement de notre collègue Christian Cambon.