M. Alain Richard, rapporteur. Que font, alors, les uns et les autres ? Et je ne connais aucun Gouvernement qui n’ait pas péché. Après un certain temps, on transforme le projet de loi en question en amendement, afin de l’insérer dans un texte qui, lui, figure dans le calendrier parlementaire. Est-ce une bonne façon de légiférer ?

C’est pourquoi je considère que les minces inconvénients pratiques, qui sont surmontables, et qui en tout cas n’ont pas d’effet constitutionnel, à la saisine du Conseil national sur les amendements sont nettement inférieurs à l’utilisation libre de l’amendement comme un moyen de détournement de la bonne procédure législative.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement, madame « le » ministre ? (Sourires.)

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. L’argumentation de M. le rapporteur, notamment la modification qui a été apportée quant au délai de soixante-douze heures, me conduit à revoir mon avis et à m’en remettre à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Je ne suis pas conseiller d’État, mais si j’ai compris l’objet de la discussion, l’amendement n° 22 répond pour partie au souci que j’ai exprimé, puisqu’il précise que la saisine du Conseil national sur les amendements concernés entraîne l’application du délai réduit à soixante-douze heures. Cette précision est-elle bien de nature à répondre à ma préoccupation, monsieur le rapporteur ?

M. Alain Richard, rapporteur. Tout à fait, et je considère que vous pouvez retirer votre amendement, madame.

Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie de cette confirmation, monsieur le rapporteur. Dans ces conditions, je retire l’amendement n° 7, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 7 est retiré.

L'amendement n° 22, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 26

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La saisine du Conseil national sur un amendement mentionné à l'alinéa précédent entraîne l'application du délai réduit à soixante-douze heures mentionné au deuxième alinéa du V.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Je viens de préciser l’objet de cet amendement. Il s’agit de rectifier une omission du dispositif que j’avais proposé antérieurement à la commission. Les dispositions prévues dans cet amendement s’appliqueront par exception, uniquement lorsqu’un amendement peut avoir des conséquences importantes en matière d’alourdissement normatif. Si, dans cette hypothèse, le président d’une assemblée saisit le Conseil national d’évaluation des normes sur l’amendement, cette saisine entraîne l’application du délai réduit à soixante-douze heures, pour ne pas perturber les travaux parlementaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Hyest, Courtois et Béchu, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. J. Gautier et Doligé, Mme Troendle et M. Lefèvre, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Cet amendement, et j’ai évoqué ce point tout à l’heure, vise à supprimer l’alinéa 27 puisque les groupes politiques n’ont pas pour nous d’existence juridique. Je ne vois donc pas à quel titre ils devraient pouvoir saisir le Conseil national.

Mme la présidente. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Supprimer les mots :

La Présidente ou

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. C’est avec beaucoup de regret que je présente cet amendement. Si mon précédent amendement avait été retenu, le terme « présidente » figurerait dans le texte, et il n’y aurait donc pas de problème.

Je suis, paraît-il, une féministe convaincue. Mais avant de faire de la politique, je n’étais absolument pas féministe. C’est la politique qui m’a rendue féministe parce que je me suis aperçue qu’il était extrêmement difficile de faire entendre la parité, la féminisation des noms.

Je m’exprime en cet instant non en tant que femme, mais en tant que juriste. À ce titre, même si je ne peux que le regretter, la règle prétendument officielle qui veut qu’il y ait un genre neutre dans la langue française et que, lorsqu’un texte de loi désigne un président, on sous-entend aussi une présidente doit être respectée. C’est la raison pour laquelle je vous propose de supprimer la mention « La Présidente ou ».

J’en profite pour saluer l’initiative du président de la commission des lois qui nous a annoncé un colloque sur la langue du droit. À l’issue de ce colloque, nous aurons sans doute de nombreuses idées pour féminiser cette langue. Et la norme qui veut que le masculin est forcément neutre deviendra peut-être la norme qui veut que le féminin est forcément neutre. (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. Je souhaiterais convaincre nos collègues, dont M. Doligé est le porte-parole, qu’ils ne devraient pas poursuivre dans leur demande d’élimination des présidents de groupe dans cette partie du texte, qui leur donne simplement le rôle de saisir le Conseil.

C’est un élément de pluralisme, cela ajoute aux autorités ou aux institutions qui peuvent soumettre au Conseil national, dans son pluralisme et son objectivité, des sujets de réduction de la surcharge normative, sans altérer son indépendance.

Certes, aucune disposition figurant dans une loi ordinaire ne mentionne les présidents de groupes parlementaires, et l’on ne voit pas pourquoi ce serait le cas puisque, habituellement, ils ne sont pas des sujets de droit spécifiques.

Leur situation est régie par les règlements des assemblées, qui sont néanmoins du droit positif,…

M. Alain Richard, rapporteur. … et les présidents de groupe sont aujourd’hui des personnalités ayant une qualité que rien n’interdit à une loi ordinaire de mentionner. On me rétorquera que les règlements des assemblées pourraient être modifiés. Or cela doit faire cent vingt ou cent trente ans qu’il existe des présidents de groupe dans les deux assemblées, et il ne viendrait à l’esprit de quasiment personne, semble-t-il, de supprimer cette indispensable institution.

Par conséquent, on peut, je crois, faire état de ces présidents ou présidentes dans le texte (M. René Garrec opine.), il n’y a aucun effet perturbant au fait de leur reconnaître le droit de saisir le Conseil.

L’amendement n° 11 rectifié de Mme Lipietz me paraît cohérent avec l’argumentaire que je me suis efforcé de présenter, puisque le terme « président » implique nécessairement celui de « présidente ; d’ailleurs, aucun juge n’osera interpréter un texte comme signifiant autre chose. C’est le droit !

Si cette disposition figure là, c’est simplement parce que nous avons retenu, au cours du débat en commission des lois, un amendement de nos collègues communistes à qui il a paru évidemment naturel d’écrire « une présidente ou un président », pour des raisons que chacun ici connaît. Mais il n’était dans l’esprit de personne d’instaurer une dualité sémantique quant aux présidences de groupe.

Par conséquent, l’amendement n° 11 rectifié est un amendement de conséquence judicieux.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. La disposition qui permet aux présidents des groupes parlementaires de saisir le Conseil national, et que l’amendement n° 2 rectifié tend à supprimer, est déjà prévue au bénéfice des présidents des assemblées parlementaires. Dès lors, elle institutionnalise la relation formelle entre le Parlement et le Conseil national d’évaluation des normes.

La question se pose donc de savoir s’il est utile et opportun d’alourdir le dispositif. Nous nous en remettons à la sagesse de la Haute Assemblée.

Sur l’amendement n° 11 rectifié, je rejoins la position de M. le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je voulais juste formuler une petite observation sur les propos grammaticaux qui sont tenus.

D’abord, il n’existe pas de « neutre » en français. Il existe des pronoms personnels indéfinis, comme « on » ou « il » dans « il pleut ». Mais il n’existe pas une structure ternaire comprenant deux genres et une troisième entité qui s’appellerait « neutre » comme dans d’autres langues.

Ensuite, je voulais appeler l’attention du Sénat sur le fait que ce débat, au demeurant tout à fait intéressant, est récurrent et pourrait avoir lieu sur tous les textes en discussion devant notre assemblée. Il serait sans doute plus sage, sur le plan de la méthode, de le programmer un jour, afin de pouvoir en tirer des conséquences, car celles-ci ne sont pas nulles.

Si l’on décide d’ajouter la forme féminine à tous les termes qui peuvent être féminisés, cela risque de se traduire par le dépôt d’au moins 10 000 amendements, compte tenu du nombre de textes législatifs et réglementaires. Et même si nous choisissons de nous en tenir aux textes législatifs en vigueur, cela sera très important.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. À quand un conseil pour harmoniser la féminisation des noms de tous les textes ? Je ferme la parenthèse ainsi.

Pour en revenir à la proposition de l’amendement n° 2 rectifié de nos collègues de l’UMP, je souhaite tout d’abord rappeler que, au-delà du caractère rédactionnel de cet alinéa, sur lequel je ne dirai rien de plus, l’initiative parlementaire au travers des présidences de groupe est une réalité qui permet aujourd’hui à des groupes politiques, dans un cadre réservé, de déposer des propositions de loi.

Je tiens en ce sens à « rassurer » Mme la ministre : nous n’avons pas souhaité faire exploser le nombre de textes qui pourraient être soumis au Conseil national, puisque nous avons veiller à limiter cette possibilité aux propositions de loi qui sont inscrites à l’ordre du jour.

Par conséquent, dans notre esprit, il n’est nullement question que les groupes politiques puissent saisir le Conseil sur chaque proposition de loi qui leur viendrait à l’esprit ou qui répondrait à des besoins du moment.

Enfin, et sans doute avec un peu d’ironie, voire d’impertinence diront certains, je préciserai que je reste tout de même étonnée du dépôt de cet amendement, puisque, en 2008, M. Hyest a soutenu notre proposition qui visait à introduire un droit de saisine directe du Conseil constitutionnel par les groupes parlementaires, arguant justement de l’indépendance et de la force de l’initiative parlementaire dans ce cas. Il était d’ailleurs rapporteur du texte.

Bien évidemment, il ne s’agit pas aujourd’hui du même texte, et les enjeux sont différents.

M. Alain Richard, rapporteur. A fortiori !

Mme Cécile Cukierman. Tout à fait ! En l’occurrence, il nous semble important que les groupes parlementaires, sur l’initiative de leur président, quel que soit son sexe, puissent saisir le Conseil national dès lors que le texte est inscrit à l’ordre du jour et qu’il peut, éventuellement, entrer en application.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Mme le sénateur vient de me convaincre : je retire l’amendement n° 2 rectifié. (Mme Hélène Lipietz applaudit.) Quoi que vous en disiez, nous avons un esprit…

Mme Cécile Cukierman. Constructif !

M. Éric Doligé. Je ne vous ai jamais vu retirer un amendement après que je vous l’ai demandé. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela figurera dans les annales parlementaires ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 29

Après le mot :

État,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

par les maires, les présidents des exécutifs locaux et toute personne ayant intérêt à agir.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement tend à élargir les capacités de saisine du Conseil national de façon à attirer son attention sur des normes obsolètes ou mal adaptées, afin de favoriser l’apurement du stock de telles normes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. La commission n’a pas retenu cet amendement, pour un motif lié essentiellement à la capacité de traitement du Conseil national.

Cet amendement, comme toujours avec Mme Goulet, présente un intérêt intellectuel, parce qu’il nous rappelle que, si l’institution du Conseil national et son fonctionnement donnent satisfaction, d’autres catégories d’institutions ou d’intérêts qui sont touchés par le foisonnement des normes demanderont la même chose.

À ce risque d’extension ou d’« horizontalisation », je n’ai donc pas de réponse. Aujourd’hui, nous avançons pas à pas, et l’objet du présent texte, dont il faut reconnaître le caractère limité et même, à certains égards, un peu arbitraire, se borne à assurer une protection particulière des collectivités territoriales, accessoirement de leurs administrés et de leurs contribuables, contre la prolifération normative.

Il existe d’autres dispositifs – je m’en suis préoccupé pour être en mesure de m’expliquer sur ce sujet devant le Sénat –, en particulier en faveur des entreprises. Ils ne passent pas par un système consultatif formel comme celui-là, mais ils donnent, je crois, des résultats. Cela nous a conduits à considérer en commission que la saisine par des personnes tierces au monde des collectivités territoriales créerait pour le Conseil national des obligations sans limites.

En revanche, et je prends ainsi un tout petit peu d’avance sur le débat, l’amendement n° 5 de Mme Goulet, que nous examinerons dans un instant, qui tend à prévoir la publication de la saisine du Conseil national, nous paraît intéressant, car toute norme résulte d’un arbitrage, d’un équilibrage entre diverses catégories d’intérêts.

Par conséquent, lorsque l’une des institutions ou l’un des groupes d’institutions compétents a saisi le Conseil national en lui demandant de réexaminer l’état du droit dans un domaine, il est normal que ceci soit public dès la première saisine pour que les autres familles d’intérêts, qui s’estiment satisfaites de ces normes et réclament leur maintien, aient la possibilité de s’exprimer tout de suite, en défense en quelque sorte, devant le Conseil national.

L’équilibre qui nous paraît souhaitable, dans l’état actuel des missions de ce conseil national, nous conduits à préconiser l’adoption, avec quelques modifications, de l’amendement n° 5, et, en revanche, le rejet de l’amendement n° 6.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis défavorable, car l’adoption de cette mesure entraînerait un véritable engorgement du Conseil national.

Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 6 est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. M. le rapporteur a donné son avis sur l’amendement que je n’avais pas encore présenté, mais j’ai bien compris le problème de l’engorgement. Je vais donc retirer l’amendement n° 6 en attendant des jours meilleurs où nous pourrons étendre le champ de la saisine de ce conseil.

D’ici là, les présidents des exécutifs ou toute personne ayant intérêt à agir pourront toujours intervenir par l’intermédiaire de leurs représentants, qui saisiront eux-mêmes, dans les formes prévues par le texte, le Conseil national.

M. Alain Richard, rapporteur. Absolument !

Mme la présidente. L’amendement n° 6 est retiré.

L’amendement n° 5, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 30

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Toute saisine du Conseil national fait l'objet d'une publication par voie électronique. Les conditions de cette publication sont établies par voie réglementaire.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Comme l’a très justement dit M. le rapporteur, l’idée était d’instaurer des lanceurs d’alerte comme il en existe dans d’autres départements. Les saisines doivent être publiques, soit parce que certains auront intérêt à maintenir la norme, soit parce que d’autres, par exemple des collectivités territoriales ou des citoyens, auront intérêt à la voir disparaître.

En toute hypothèse, l’information publique me paraît relativement importante, et en ayant pris connaissance, après le dépôt de mes amendements, de l’existence du site internet http://missionnormes.fr, je pense que l’institution que nous sommes en train de créer aujourd’hui devra comprendre le même type de dispositif, mais dont l’accessibilité ne sera susceptible d’aucune restriction.

Tel est l’objet de mon amendement n° 5, qui pourrait probablement être mieux rédigé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. Comme il n’est pas utile à cet endroit de faire un renvoi réglementaire, puisqu’il en existe un général, je suggère à Mme Goulet de rédiger ainsi son amendement : « Les saisines du Conseil national mentionnées aux deux alinéas précédents donnent lieu à publication ».

Mme la présidente. Que pensez-vous de cette suggestion, madame Goulet ?

Mme Nathalie Goulet. Je n’y vois aucune objection, et je rectifie par conséquent mon amendement en ce sens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, et qui est ainsi libellé :

Après l'alinéa 30

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les saisines du conseil national mentionnées aux deux alinéas précédents donnent lieu à publication.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Je suis favorable à cet amendement tel qu’il vient d’être rectifié.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 32

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque avis rendu par le conseil national, sur des normes législatives ou réglementaires, doit proposer des modalités de simplification du droit en vigueur et l'abrogation de normes devenues obsolètes. »

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Cet amendement pose un problème que vous exposera plus en détail M. le rapporteur. Mais, lorsque je l’ai déposé, mon objectif était, comme je l’ai annoncé tout à l’heure lors de la discussion générale, de prendre acte du souhait du Président de la République, à savoir que toute norme nouvelle doit s’accompagner de la suppression d’une norme précédente.

Toutefois, deux types de normes existent : les normes réglementaires et les normes législatives. Or, en commission des lois, nous n’avons débattu que des premières, oubliant les secondes ! Sans doute estimons-nous que les normes législatives sont toujours bonnes ! (Sourires.)

Le présent amendement, qu’il faudrait peut-être rectifier en ne maintenant que les normes réglementaires, tend donc à préciser que l’avis du Conseil national propose des modalités de simplification des autres normes, lorsque c’est bien entendu nécessaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. Mme Lipietz elle-même y a fait allusion, le présent amendement est doublement utile.

Premièrement, il permet de préciser le déroulement de la délibération du Conseil national, lorsque ce dernier se prononce sur un corps de droit existant. Je le rappelle, cette instance ne peut pas être elle-même législateur ou codificateur. Elle aura pour mission de proposer un axe et des modalités de simplification. La formulation proposée par Mme Lipietz est donc parfaitement adaptée. Toutefois, pour une question de forme, il me semble préférable d’écrire « l’avis rendu » plutôt que « chaque avis rendu ».

Deuxièmement, le présent amendement a attiré mon attention sur le fait que nous avions malheureusement échoué à traiter d’une question pourtant importante sur le plan méthodologique : le droit d’examen du Conseil national sur l’état du droit existant se limite-t-il au domaine réglementaire ?

À la vérité, si nous en avions débattu plus tôt, j’aurais recommandé à la commission des lois et au Sénat de répondre non à cette question et, partant, de conférer au Conseil national le pouvoir de transmettre aux autorités compétentes, qui devraient être précisément déterminées, des recommandations de modifications de textes législatifs.

En effet, sur ce point également, le rapport d’Alain Lambert est tout à fait éclairant : lorsqu’on commence à « taper dans le dur », si je puis dire, on constate que le caractère rigide et englobant de certaines normes, qui deviennent très difficiles à appliquer au sein des collectivités, repose sur un point d’appui législatif que l’on ne peut pas contourner.

Néanmoins, il me semble inapproprié de proposer au pied levé un amendement tendant à inclure les normes de valeur législative dans les attributions du Conseil national relatives au réexamen du droit existant. Je me permets donc d’adresser ce message au Gouvernement, afin que nous réfléchissions ensemble à cette question d’ici à la première lecture à l’Assemblée nationale et la deuxième lecture au Sénat.

De fait, si on affirme que le droit de recommandation du CNEN sur le stock normatif existant s’étend aux normes législatives, il faut en tirer les conséquences qui s’imposent sur le plan de la procédure. Lorsque le Conseil national émettra des recommandations en la matière, il faudra qu’il les adresse à la fois au Gouvernement et aux bureaux des deux assemblées. En tout cas, il faut déterminer la marche à suivre de manière plus détaillée.

Quoi qu’il en soit, c’est grâce à l’amendement de Mme Lipietz que nous nous sommes rendu compte de cette carence dans la rédaction du texte proposé par la commission. Mais le mérite d’un gouvernement qui a la vertu de ne pas engager systématiquement la procédure accélérée sur les textes est précisément de permettre la tenue de débats législatifs ordonnés !

M. Éric Doligé. En l’occurrence, il s’agit d’une exception !

Mme la présidente. Madame Lipietz, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le rapporteur ?

Mme Hélène Lipietz. Tout à fait, madame la présidente.

Il appartiendra éventuellement à l’Assemblée nationale de réintroduire les normes législatives dans le présent texte, et d’adopter les dispositions qui en découleraient.

M. Alain Richard, rapporteur. Tout à fait !

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 19 rectifié bis, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste et ainsi libellé :

Après l'alinéa 32

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'avis rendu par le conseil national sur des dispositions réglementaires en vigueur propose des modalités de simplification de ces dispositions et, le cas échéant, l'abrogation de normes devenues obsolètes. »

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Madame la sénatrice, j’ai bien pris en compte la modification qui a été proposée par M. le rapporteur et que vous avez retenue.

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement s’interroge, pour sa part, sur la capacité réelle du CNEN à formuler des propositions. En effet, aujourd’hui, des modifications sont souhaitables, mais nous n’avons pas de propositions en tant que telles à formuler en la matière.

Aussi le Gouvernement s’en remet-il à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote sur l’amendement n° 19 rectifié bis.

M. René Vandierendonck. La remarque de Mme la ministre m’interpelle quelque peu.

À cet égard, je tiens à dire que le Conseil d’État a précisé assez clairement dans l’avis qu’il a remis à notre collègue Éric Doligé que, en cas d’adoption du présent texte, le pouvoir de recommandation confié au CNEN sera clairement encadré.

Chacun de nous a détaillé les raisons pour lesquelles il était préférable de conserver cette institution au cœur de l’exécutif. Parallèlement, il faut évidemment donner au CNEN les moyens d’assumer l’essentiel de la novation que nous proposons aujourd’hui, à savoir un travail incluant également des recommandations quant aux adaptations des normes, selon les marges de manœuvre, si je puis dire, présentées par le Conseil d’État.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Frécon. Madame la ministre, moi aussi, je m’interroge.

Certes, il est possible que, dans certains domaines, le CNEN ne puisse pas formuler de propositions. Dès lors, pourquoi ne pas remplacer les termes « doit proposer » par « peut proposer » ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Je suis d’accord !

M. Jean-Claude Frécon. Cette formule n’interdira pas au Conseil national d’émettre des recommandations, s’il le souhaite.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Permettez-moi d’apporter quelques éclaircissements supplémentaires sur ce sujet.

Le CNEN est une instance consultative : c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous avons choisi de modifier son intitulé. Il n’a pas de pouvoir de décision. Voilà pourquoi on ne peut pas lui conférer la compétence de réécrire lui-même une disposition normative qu’il jugerait critiquable.

Dès lors que l’on se borne, en réalité, à commenter ou à expliciter la fonction consultative du CNEN, en précisant qu’il peut présenter des recommandations, ce qui relève du pur bon sens – si on n’ajoutait pas ces précisions, cela reviendrait à peu près au même ! –, il va de soi que celles-ci peuvent être plus ou moins détaillées.

Prenons le cas où le CNEN est saisi par un groupe de collectivités territoriales ou par les représentants d’une assemblée. Si, après avoir étudié le dossier et consulté notamment les administrations, qui ont, elles aussi, leur mot à dire, cette instance constate que, malgré les griefs qui lui sont adressés, la réglementation relative, par exemple, aux obligations de sécurité imposées aux établissements recevant du public, correspond à un équilibre, elle ne préconisera pas de la modifier. Cette possibilité fait partie de son pouvoir de proposition.

Ce pouvoir de proposition ne constitue donc pas nécessairement l’obligation – d’ailleurs, aucune sanction n’est prévue ! – de remettre en cause toute réglementation.

Même en maintenant la présente rédaction, on ne court pas le risque d’un empiètement du CNEN sur le pouvoir normatif du Gouvernement ou du Parlement. Le Conseil national reste cantonné, quoi qu’il en soit, au domaine de la simple proposition.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)