M. Marc Daunis. Ce n’est pas sérieux !
M. Francis Delattre. Les chefs d'entreprises, mes chers collègues, sont tout aussi conscients que n'importe quel ministre des efforts financiers nécessaires pour soutenir l'économie de notre pays face à une crise qui se révèle exceptionnellement grave. Ils sont prêts à y apporter toute leur contribution et le meilleur d’eux-mêmes. C'est d'abord en pensant à eux que M. Schäuble, ministre de l'économie allemand, disait il y a quarante-huit heures : « La France est un grand pays qui assurera son redressement. ». Et c’est par ses entreprises qu’elle le fera.
Pour cela, il est urgent d'oublier la bible des promesses inconsidérées du candidat Hollande pour y substituer les mesures aujourd'hui reconnues comme indispensables afin de recouvrer la compétitivité de notre économie.
Par rapport au diagnostic du rapport Gallois, que, pour l’essentiel, nous partageons dans cet hémicycle, le dispositif dit « de TVA sociale » amorçait sérieusement et immédiatement le choc de compétitivité préconisé, pour que nos entreprises renflouent leur trésorerie et puissent reprendre des investissements en chute libre.
Néanmoins, l’obsession du détricotage du travail des prédécesseurs, par essence injuste, vous conduit aujourd'hui à enregistrer tous les mois, mes chers collègues, des milliers de chômeurs supplémentaires, et cela va durer. Est-il bien sérieux d’attendre 2014 pour engager des mesures fortes pour améliorer la situation de nos PME, alors que l’Allemagne elle-même vient de réviser fortement à la baisse ses prévisions de croissance et que le FMI a annoncé, aujourd’hui même, qu’il prévoyait une récession dans la zone euro pour la deuxième année consécutive ?
Pourtant, parmi les pays de la zone euro, certains ont engagé des réformes structurelles d’importance. Ainsi en va-t-il de l’Espagne et de l’Italie ; or, ce sont en réalité, aujourd'hui, ces deux pays qui nous prennent des parts de marché en Europe.
Sur les vingt mesures du rapport Gallois, une seule a fait l'objet d'un vote des assemblées avec, au surplus, des effets différés dans le temps. Quid des autres propositions de réformes structurelles susceptibles d'améliorer l'environnement économique des PME et des PMI ?
En revanche, les mesures fiscales touchant les entreprises se trouvent, elles, fort nombreuses dans les dernières lois de finances. Mes chers collègues, si je ne devais citer qu’une seule de ces dispositions, sur laquelle il faudrait revenir le plus vite possible, j’évoquerai la non-déductibilité des charges financières sur les intérêts d’emprunts destinés aux investissements. Nous sommes la seule économie du monde à oser une telle mesure. Que les entreprises qui investissent ne puissent pas déduire les intérêts des emprunts pour ces investissements constitue un véritable non-sens économique !
Quant à l'imposition des revenus du capital au même niveau que ceux du travail – magnifique slogan, vanté comme étant l'avant-garde de la réforme fiscale ! –, en réalité, elle aura surtout un impact sur les détenteurs d'entreprises, avec des effets de double peine. Au final, le capital entrepreneurial sera plus taxé que le travail.
En 2008, nous comptions, mes chers collègues, à peu près 7 millions de personnes qui avaient une épargne placée dans l’économie réelle, c'est-à-dire celle qui est exposée. Nous n’en sommes plus aujourd’hui qu’à 4 millions, alors que, nous le savons tous, le principal problème des entreprises françaises est d’accéder aux fonds propres. Cette stratégie du « tout fiscal », sans mesure de soutien à l’économie, est incohérente et ne peut que fragiliser les entreprises, dont une grande majorité de PME.
Dans ce climat défavorable pour les entreprises, les experts s'attendent à une destruction de 200 000 à 300 000 emplois, et je reprendrai les propos de M. Yvon Gattaz, dont personne ne conteste l’expertise en la matière : « Pour créer des emplois, la meilleure solution était encore de créer des employeurs ». Au lieu de décourager, il faudrait faciliter la création d'entreprise et l'accès au financement bancaire, tous les intervenants ayant, ici, signalé des difficultés.
Pour terminer, je voudrais rappeler que nombre de Français entrepreneurs, cadres dirigeants, artisans, qui travaillent dur, au-delà des 35 heures, sans statut, en ont assez de voir s’empiler les taxes et prélèvements. Ils en ont assez de jongler avec les normes et des règlements toujours plus confus. Ils en ont assez de l’instabilité fiscale. Ils sont au bord de l’asphyxie et de la révolte. Tous, ici, nous les connaissons. Et c’est aussi cela, le monde des PME ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai mon intervention par un constat : la crise mondiale sans précédent que nous connaissons dure et elle met à rude épreuve nos entreprises. En 2012, les tribunaux de commerce ont prononcé – soyons précis – 59 780 procédures de redressement judiciaire et de liquidation directe, soit une hausse de 2,7 % par rapport à 2011.
Ces défaillances sont d’abord dues, pour de nombreuses petites et moyennes entreprises, à des difficultés de financement, qui entravent leur capacité à innover, à exporter, à se développer, voire menacent leur survie. Les crédits de trésorerie reculent en effet de 3,5 % depuis un an.
Le Gouvernement a donc décidé, rapidement, de prendre ce problème à bras-le-corps – il y va, en effet, de la survie de notre économie. Vous le savez, le Premier ministre a demandé à Louis Gallois, en juillet dernier, de lui faire des propositions sur la compétitivité, la croissance et l'emploi. Ces propositions ont été reprises et adoptées par le Gouvernement dès le mois de novembre dernier.
Nous n’avons donc pas perdu de temps. Monsieur Delattre, vous disiez toute à l’heure que vous étiez d’accord avec le diagnostic du rapport Gallois. Toutefois, ce diagnostic n’est ni plus ni moins que le constat de l’échec cuisant d’une politique qui était menée depuis dix ans par la majorité précédente.
M. Pierre Hérisson. Ce n’est pas écrit dans le rapport !
M. Yannick Vaugrenard. Un arsenal complet de mesures, combinant des actions d'urgence et d'autres à plus long terme, a déjà commencé d’être mis en place et va continuer à l’être jusqu'en 2017. Je voudrais insister, d'une part, sur le rôle de la Banque publique d'investissement, outil de financement indispensable, et, d'autre part, sur les délais de paiement – ils ont déjà été évoqués et j’y reviendrai –, qui restent un problème majeur pour les PME.
La décision n° 4 du pacte pour la compétitivité porte, en effet, sur la création de la BPI, afin d'offrir aux entreprises un service de financement de proximité, à l'aide d'une palette élargie d'instruments financiers et de conseils, pour intervenir à toutes les phases du développement de l'entreprise.
En effet, l'accès au crédit est en général, nous le savons tous, particulièrement difficile pour les PME, et la crise financière de 2008 a encore accentué les difficultés de financement que rencontraient déjà, traditionnellement, les petites entreprises.
Depuis le début de l'année 2011, on observe un durcissement supplémentaire de l'octroi des crédits aux PME, dans la mesure où certains dossiers acceptés dans les années antérieures sont désormais considérés par les mêmes banques comme trop risqués. Or le principal mode de financement des PME, nous le savons, est le crédit bancaire.
La création de la BPI va donc permettre d'apporter un soutien aux PME, en particulier durant cette période de crise financière où la raréfaction du crédit pourrait devenir la règle.
La capacité d'intervention de la BPI dépassera 40 milliards d'euros, avec un effet de levier extrêmement important.
Les PME auront également un meilleur accès aux ressources du programme des investissements d'avenir. Enfin, pour répondre aux besoins en fonds propres des entreprises tout en respectant leur choix de gouvernance, la BPI développera une activité de capital-risque et pourra intervenir à travers des titres de capital, sans droit de vote, bénéficiant en contrepartie d'une rémunération privilégiée.
L'action de la BPI devra être particulièrement décentralisée, pour une meilleure efficacité, au plus près des entreprises, grâce à l'appui constant des conseils régionaux.
Néanmoins, la BPI a également pour mission d'apporter son soutien aux entreprises, afin que celles-ci puissent croître davantage. La France se caractérise, en effet, par un nombre insuffisant d'entreprises de taille intermédiaire – je pense que nous sommes tous d’accord sur ce constat. Or ces dernières ont généralement moins de difficultés en matière d'accès aux financements.
Pourtant, on le sait, notre pays peine à développer ce type d'entreprises : on en compte 4 600 sur notre territoire, contre plus de 12 000 chez nos voisins allemands.
Du reste, un rapport sénatorial de 2010, Les Entreprises de taille intermédiaire au cœur d'une nouvelle dynamique de croissance, est éclairant sur ce point, car il montre comment les grandes entreprises veillent elles-mêmes à ne pas laisser prospérer d’entreprises suffisamment fortes pour leur faire concurrence… Ainsi, le processus d'absorption par des groupes est particulièrement fréquent, puisque moins de 5 % des entreprises de plus de 500 salariés seraient totalement indépendantes.
La Banque publique d’investissement devra donc intervenir afin d’enrayer ce phénomène et de soutenir nos PME dans leur développement. Elle leur apportera également une aide pour qu’elles deviennent des entreprises de taille intermédiaire, généralement plus dynamiques en termes d’emplois et susceptibles de constituer un levier pour nos exportations. C’est d’ailleurs l’un des objectifs fixés à l’article 1er de la loi relative à la création de cette institution.
J’évoquerai à présent une difficulté à laquelle se heurtent de très nombreuses entreprises, à savoir l’épineux problème des délais de paiement. Les défaillances des entreprises y sont en effet étroitement corrélées : celles qui retardent leurs règlements fournisseurs de plus de 30 jours présentent une probabilité de défaillance multipliée par six. Ces retards sont préjudiciables à la compétitivité et à la rentabilité des entreprises créancières.
Certes, la LME a globalement réduit le niveau de risque dans la sphère des PME, en limitant la transmission des difficultés de trésorerie d’une entreprise à l’autre. Entrée en application au 1er janvier 2009, cette loi a en effet imposé un délai maximal de paiement entre entreprises de 45 jours fin de mois, ou de 60 jours nets, à compter de la date d’émission de la facture. En l’absence de convention entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé à 30 jours, date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation.
Si, dans un premier temps, la LME a permis une réduction des délais de paiement, il apparaît aujourd’hui que seul un tiers des entreprises règle dans les délais et qu’un quart des créances des PME demeure en attente d’encaissement au-delà de 60 jours.
La LME n’a donc pas permis de mettre un terme aux difficultés liées aux délais de paiement. C’est pourquoi le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a repris en main ce dossier ; c’était indispensable. Tel est l’objet de la décision n° 3 du levier 2 du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, « Établir un plan d’actions pour lutter contre l’allongement des délais de paiement ». Les PME pourront désormais s’appuyer sur l’administration, qui sera dotée d’un pouvoir de sanction efficace, afin d’obtenir le respect des délais de paiement légaux. Cette mesure devrait être adoptée cette année. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer à quel moment le dispositif sera mis en œuvre ?
Pour montrer l’exemple, l’État s’engage, quant à lui, à réduire ses propres délais de paiement sur le quinquennat, afin de parvenir à un maximum de 20 jours en 2017.
À l’échelon européen, la Commission a adopté deux directives visant à réduire les délais de paiement dans les transactions commerciales au sein de l’Union européenne ; cela concerne aussi nos entreprises.
La première directive, datée de 2000, a instauré un droit à intérêts 30 jours après la date de la facture, à moins qu’un autre délai n’ait été négocié dans le contrat.
La seconde directive, adoptée en 2011, est plus contraignante, puisque, tout en instaurant le même délai de règlement, elle impose au-delà de 60 jours des intérêts de retard. Cette directive a été transposée en droit français, notamment par un décret publié au début du mois d’octobre 2012, qui est entré en vigueur le 1er janvier dernier. Souhaitons qu’il ouvre la voie à des procédures de recouvrement beaucoup plus nombreuses.
Nos PME ont soif de croissance. Renforcées grâce à une croissance externe, encouragées par la puissance publique, conduites vers un développement plus rapide et soutenues par des mesures législatives adaptées, elles pourraient être plus nombreuses, plus créatrices d’emplois, plus exportatrices encore, et contribueraient ainsi durablement et efficacement à la régénération du tissu économique français.
Pour conclure, je suis convaincu que le soutien de notre économie, par conséquent le soutien à l’emploi, passe par une attention accrue aux PME et aux ETI. Leur réactivité et leur inventivité doivent être accompagnées, car elles sont un maillon essentiel de notre chaîne économique. Les grandes entreprises doivent mieux comprendre qu’il est de leur intérêt d’aider, sans domination, à la croissance mais aussi à la diversification des entreprises sous-traitantes. C’est en effet cela qui peut permettre une saine émulation et un meilleur effort dans la recherche et l’innovation.
Dans cette période économique délicate que traverse, avec d’autres, notre pays, c’est d’esprit d’équipe et de solidarité que la France a besoin. Les petites et moyennes entreprises doivent bénéficier de cet indispensable sens du collectif et de cette nécessaire attention nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat de ce soir s’ouvre alors même que les plans sociaux dans les PME se multiplient. En effet, sur les 60 450 défaillances d’entreprises recensées par la Banque de France entre octobre 2011 et octobre 2012, 56 600 ont concerné des PME de moins de 250 salariés, soit 93 %.
Je ciblerai mon propos sur deux secteurs qui me tiennent particulièrement à cœur, le secteur du bâtiment et celui de l’hôtellerie-restauration. Le premier a d’ailleurs organisé une journée d’action nationale, vendredi 18 janvier dernier.
Voila bien deux domaines qui contribuent à l’aménagement du territoire, à l’activité économique des régions et à l’emploi non délocalisable. Or les dispositions fiscales votées à la fin du mois de décembre dernier par le biais de la dernière loi de finances rectificative pour 2012 sont extrêmement préoccupantes pour leur pérennité.
Les enjeux économiques dans ces secteurs d’activité sont très importants, en termes d’emplois et de santé des entreprises, dans le contexte de crise économique que nous connaissons depuis près de quatre ans maintenant.
Vous le savez, madame la ministre, l’hôtellerie-restauration est un secteur de PME à forte intensité de main-d’œuvre : on y compte plus de 200 000 entreprises partout en France, dont 96 % emploient moins de 10 salariés. Cela représente donc plus 700 000 salariés, qui, je le répète, sont autant d’emplois non délocalisables.
Un quart de ces salariés ont moins de 26 ans, un tiers moins de 30 ans ; 80 % des contrats de travail sont à durée indéterminée, auxquels il faut ajouter 91 000 jeunes en formation professionnelle initiale en 2011.
Or, en dépit de la crise économique, ce secteur a créé plus de 50 000 emplois sur la période comprise entre juillet 2009 et juillet 2011. Il est l’un des premiers secteurs créateurs d’emploi, avec un chiffre d’affaires de 58,5 millions d’euros.
Les métiers de l’hôtellerie-restauration sont par ailleurs un moteur essentiel pour notre activité touristique, très importante dans la balance commerciale, même si l’on constate la disparition de 25 % du parc hôtelier indépendant depuis une quinzaine d’années.
Les chiffres sont parlants : 1 700 hôtels indépendants ont définitivement disparu en huit ans, soit une moyenne de 212 établissements par an. En outre, ces disparitions, en fonction de leur implantation, montrent la fragilité de l’hôtellerie hors secteur urbain. Or le potentiel touristique se trouve aussi dans nos provinces françaises ! Des mesures de protection du parc hôtelier de la France touristique s’imposent avant que nous ne soyons confrontés à une totale désertification.
Enfin, toute une batterie de charges supplémentaires, validées à la fin de l’année 2012 par le Gouvernement, devront être supportées par ces professionnels. Je pense notamment à l’augmentation de la TVA, à celle de la taxe sur les bières, à la taxe sur les sodas, à la hausse de la taxe « éco emballage », à l’impact des nouvelles bases d’imposition de la contribution économique territoriale.
À cela s’ajoute un alourdissement des coûts de fonctionnement : renchérissement particulièrement important des prix de gros alimentaires, hausse sans précédent des coûts des matières premières – le prix de la viande bovine a par exemple augmenté de 24 % sur dix ans, celui du sucre de 47 %, celui des céréales de 42 % ; le coût de l’électricité a crû de près de 30 %, en trois ans –, majoration successive des loyers commerciaux, de l’énergie ou encore – et ce n’est pas rien ! – mises aux normes coûteuses des bâtiments.
J’en viens au secteur du bâtiment, dont les responsables ont manifesté à la fin de la semaine dernière.
Alors que ce secteur a créé 32 300 emplois entre 2009 et 2011, ce sont bien plus des liquidations directes que des redressements qui sont actuellement prononcés par les tribunaux de commerce. Les carnets de commande, qui permettaient une projection de six à douze mois, sont rétrécis à deux ou trois mois.
Dans mon seul département de l’Aisne, ce sont près de 1 800 emplois qui ont été perdus ces deux dernières années. Sur tout notre territoire, près de 35 000 emplois ont été supprimés en fin d’année.
Rappelez-vous que ce secteur a subi un relèvement de 5,5 % à 7 %, puis à 10 % de la TVA, que le crédit d’impôt compétitivité emploi ne s’applique pas aux travailleurs indépendants – plus de 200 000 artisans se voient donc exclus du dispositif –, que les délais de paiement sont intenables et les trésoreries exsangues, que l’accompagnement bancaire demeure plutôt frileux. En outre, l’instabilité réglementaire récurrente concerne également les aides entrant dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
L’ensemble de ces mesures plonge les artisans dans une situation très précaire, d’autant qu’ils sont confrontés à une concurrence déloyale résultant de la création du régime de l’auto-entrepreneur. Beaucoup a déjà été dit sur le sujet.
À ces constats s’ajoutent d’autres difficultés pour les PME, plus généralement celles qu’elles rencontrent pour accéder à la commande publique – Natacha Bouchart l’a souligné –, le faible soutien à l’exportation et à l’expansion à l’étranger, la fiscalité lors de la transmission de l’outil de travail, l’accès difficile au crédit pour les collectivités territoriales et les particuliers.
Madame la ministre, les responsables du secteur de l’artisanat et du bâtiment ont des propositions sur lesquelles nous souhaiterions recueillir vos commentaires. Il s’agit, par exemple, de la prolongation de l’éco-prêt, de la bonification du crédit d’impôt développement durable, le CIDD, de la création d’un prêt énergie rénovation des logements, de la sécurisation des délais de paiement fournisseurs, d’une limitation du régime d’auto-entrepreneur dans le temps avec une évolution programmée vers une micro-entreprise.
La situation de nos PME dans ces deux secteurs n’appelle que des constats alarmants. Il en est de même pour d’autres domaines. Je pense, par exemple, aux opticiens indépendants. Voila une profession particulièrement dynamique, qui touche à l’innovation, mais qui est aussi actrice à part entière de la santé. Le métier a profondément évolué pour pallier le manque patent d’ophtalmologistes. Les opticiens peuvent désormais assurer des examens de vue et délivrer les équipements – lunettes ou lentilles – avec une correction adaptée. Or l’avenir de ces PME innovantes est étroitement lié à la préservation du dynamisme des opticiens.
En réformant le code de la mutualité pour autoriser les mutuelles à pratiquer des remboursements différenciés, la proposition de loi relative au fonctionnement des réseaux de soins autorisera les plateformes de santé à imposer aux opticiens des critères tarifaires stricts et à promettre aux assurés des baisses de tarifs en optique de l’ordre de 30 % à 40 %.
Or, pour respecter ces nouveaux tarifs forcés, les opticiens, qui réalisent en moyenne un excédent brut d’exploitation de 23,4 %, seront contraints de descendre en gamme, ce qui les conduira inévitablement à importer leurs produits depuis des filières low cost étrangères, au détriment de la filière française.
Par conséquent, au-delà des suppressions de postes chez les opticiens, les entreprises innovantes françaises de fabrication de produits d’optique seront aussi mises à mal.
Ainsi, ce texte, s’il était adopté, coûterait cher à une filière ainsi qu’à des PME françaises jusqu’à présent relativement préservées par la crise.
En conclusion, je rappelle que les PME ont avant tout besoin de modération et de stabilité fiscale pour continuer à créer des emplois et être des moteurs de croissance. Sachons garder vivace le dynamisme de nos entrepreneurs ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis.
M. Marc Daunis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on pourrait certes s’interroger sur l’opportunité, aujourd’hui, à cette heure, d’un débat sur la place des PME dans notre économie. Retrouvons-nous dans un grand élan consensuel pour admettre qu’il n’est jamais inutile de débattre des PME et des TPE ! (Sourires.)
Cela a déjà été souligné, les PME représentent le premier employeur national, constituent un pilier de notre économie, s’articulent avec l’intelligence de nos territoires.
Permettez-moi de livrer un sentiment plus personnel. Je suis particulièrement sensible à ce sujet, ayant l’honneur de représenter dans cette enceinte un territoire fort d’un écosystème singulier. Je pense évidemment à la technopole de Sophia-Antipolis qui, avec ses 1 500 entreprises et ses 31 500 emplois, est une terre d’innovation technologique, lieu de fertilisation croisée entre l’industrie, la recherche et le monde académique, et matrice des autres technopoles que compte notre pays.
Je dis d’ailleurs très courtoisement à notre collègue Francis Delattre, maire de Franconville-la-Garenne, qu’il n’y a pas dans cet hémicycle, d’un côté ceux qui aiment les créateurs et les entrepreneurs et, de l’autre, des obscurantistes nostalgiques de l’émigration des Huguenots ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Soyons sérieux ! Dans un débat de ce type, nous sommes tous mobilisés pour notre pays et nous essayons de trouver des solutions dans un contexte particulièrement difficile.
Dois-je rappeler que, depuis dix ans, nous nous heurtons à une dette publique colossale – performance qui mérite d’être saluée, sans humilité aucune, bravo ! –, ...
M. Francis Delattre. Quelle envolée ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Marc Daunis. ... à un déficit commercial qui s’est creusé de 42 milliards d'euros, à une industrie qui a perdu 750 000 emplois ?
Cher collègue de l’opposition, comment pouvez-vous parler d’immobilisme et d’attentisme s’agissant de ces six derniers mois et, pour illustrer votre propos, évoquer la TVA sociale, qui allait entrer en application en 2013 et aurait, selon vous, porté ses fruits, alors qu’elle a été votée en 2011, c'est-à-dire en fin de mandat ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est sûr, la supprimer a été une grosse erreur !
M. Francis Delattre. Vous êtes plus adroit que cela, d’habitude !
M. Marc Daunis. Chers collègues, je vous en prie, ayons un débat digne et évitons ce genre d’attitude, qui n’est guère utile pour l’avenir de notre pays.
Je me permettrai d’aborder cinq points : premièrement, le contexte économique, qui n’épargne pas nos PME ; deuxièmement, le constat partagé de leurs difficultés, une base commune sur laquelle nous pourrions peut-être nous appuyer ; troisièmement, la nécessité de les consolider, qui semble, là encore, faire consensus ; quatrièmement, les mesures importantes prises par le Gouvernement depuis quelques mois, que vous devriez apprécier à leur juste mesure, chers collègues ; enfin, cinquièmement, quelques pistes pour mettre en perspective la nécessaire adaptation des PME au monde de demain.
Le contexte économique, précédemment décrit, s’impose à nous. La majorité présidentielle et le Gouvernement ne sont pas dans une situation où ils pourraient refuser l’héritage, jugeant le passif trop lourd : ils se doivent de faire face à la situation de notre pays.
En l’occurrence, au cœur de la crise, alors que les grands groupes licenciaient massivement sous la pression de la bourse ou pour satisfaire la voracité de quelques actionnaires, les TPE et les PME, elles, ont conservé l’essentiel de leur personnel et de leur savoir-faire, souvent au détriment de l’investissement ! En conséquence, les marges bénéficiaires des entreprises sont aujourd’hui au plus bas. D’où la nécessité absolue du pacte national pour la compétitivité, la croissance et l’emploi.
Incidemment, on ne peut pas dire que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est inefficace et, dans le même mouvement, en demander l’extension aux artisans. S’il est inefficace, à quoi bon l’étendre aux artisans et aux professions libérales ? Voilà une contradiction supplémentaire de nos collègues de l’opposition sur laquelle je ne m’appesantirai pas davantage.
M. Daniel Raoul. Très bon tacle !
M. Francis Delattre. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Marc Daunis. Vous relirez vos propos dans le compte rendu de la séance, cher collègue.
M. Francis Delattre. J’ai déploré qu’aucune mesure n’ait été prévue pour 2013 !
M. Marc Daunis. Le constat que nous faisons sur les difficultés de nos PME est partagé. Accès de plus en plus difficile au financement, contraction de l’accès au crédit, hausse fulgurante des taux d’intérêts : plusieurs orateurs, de toutes sensibilités politiques, ont rappelé ces problèmes.
En conséquence, les entreprises ont des difficultés pour grandir et accéder à de nouveaux marchés. Elles ont par ailleurs un besoin d’accompagnement tout au long de leur vie, et pas simplement lors de leur création.
La faiblesse de notre tissu de TPE et PME constitue un lourd handicap, de même que la difficulté pour nos TPE de croître et de devenir des PME ayant une taille suffisante. Or l’enjeu est très important. Notre collègue Martial Bourquin dirait que c’est grave, très grave même.