M. Yves Daudigny. Il y aura deux conseillers !

M. Bruno Sido. Mes chers collègues, avec une circonscription aussi vaste, il ne sera plus possible de parler sérieusement d’élus de proximité, même si, effectivement, il y aura deux conseillers.

Tournons-nous un instant vers un département d’Île-de-France, la Seine-et-Marne. D’après le projet de loi, le canton moyen compterait 60 221 habitants et le plus petit 48 177. Comment les zones les plus rurales de ce département seront-elles représentées ? Je pense au canton de Lizy-sur-Ourcq et à ses 17 000 habitants ou encore à celui du Châtelet-en-Brie et à ses 15 000 habitants.

Plus au sud, dans les Alpes-Maritimes, le canton le moins peuplé devrait totaliser 57 532 habitants. Je pense avec inquiétude, comme vous, monsieur Mézard, à la représentation dont vont disposer demain nos concitoyens de l’actuel canton de Coursegoules, qui sont 2 282 !

Dites-leur, monsieur le ministre, que leur canton, demain, devra compter vingt-cinq fois plus d’habitants, et bon courage à vous pour leur expliquer, sans rire, que votre projet de loi maintient la proximité existante entre l’élu et la population ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Et je ne vous parle pas de Cucugnan ! (M. Alain Bertrand s’exclame.)

Vous me direz peut-être que le texte prévoit ces situations, par référence à l’article 23, lequel dispose que « seules les exceptions de portée limitée spécialement justifiées par des considérations géographiques ou par d’autres impératifs d’intérêt général peuvent être apportées aux dispositions du III ».

Les zones de montagne et les territoires ruraux à faible densité d’habitants seront-ils concernés ? Nous n’en savons rien.

Cet article 23, dont la rédaction est très floue, sera bien évidemment précisé par un décret, mais décret que, par définition, nous ne verrons même pas passer et dont nous ne connaîtrons rien, mes chers collègues.

Pour l’heure, les seuls critères qui encadrent la révision de la carte cantonale sont les suivants : la continuité du territoire de chaque canton, l’intégration dans un seul canton de toute commune dont la population est inférieure à 3 500 habitants, le respect du tunnel des 20 %. C’est tout !

En outre, le Gouvernement entend procéder à cette opération par voie réglementaire au lieu d’emprunter la voie législative.

Sur ce point, je suis d’accord avec Jacques Mézard.

Certes, j’ai lu avec soin le rapport de la commission, qui conclut à la validité juridique des deux approches. Celui-ci nous indique que le tunnel des 20 % est conforme à la jurisprudence du Conseil d’État, mais rien ne permet de penser qu’un taux différent permettant plus de souplesse tout en réduisant considérablement les écarts de représentation serait inconstitutionnel. Adaptons enfin notre principe d’égalité des suffrages et notre objectif de réduction des écarts de représentation aux situations de terrain !

Je fais une proposition pour un texte plus équilibré : envisageons que la population par nouveau canton puisse varier de 40 % à 50 %, à la hausse comme à la baisse, autour de la moyenne départementale. Prenons le temps d’examiner sérieusement cette possibilité, et chacun constatera qu’elle n’a rien d’excessif et qu’elle permet déjà de mettre fin à la plupart des déséquilibres significatifs de représentation, sans créer des cantons d’une superficie démesurée.

Je me souviens que c’était au nom de la défense des départements et du lien de proximité entre l’élu et son territoire d’élection que nos collègues de gauche avaient dénoncé, lors de l’examen de la loi de réforme des collectivités territoriales, la création du conseiller territorial. Et avec quelle énergie ! Avec quelle fougue ! Avec quel talent !

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Merci !

M. Bruno Sido. Chers collègues de la majorité, je suis très surpris de constater que vous soutenez aujourd'hui un projet de loi qui cause non seulement aux départements mais aussi plus largement à la ruralité un dommage considérable, puisqu’il va laminer la représentation des cantons ruraux et menacer les équilibres fragiles entre le monde urbain et le monde rural.

Je demande, dans un souci de transparence et de respect de nos assemblées, que la voie législative soit choisie pour examiner un projet de loi qui aurait pour objet de proposer au Parlement une modification du périmètre des circonscriptions d’élection que seront demain les nouveaux cantons. L’article 34 de la Constitution le permet. Dans cette hypothèse, la saisine pour avis des conseils départementaux permettrait utilement d’éclairer la discussion parlementaire.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces deux textes soumis à notre examen ne correspondent pas, dans leurs principales dispositions, aux intérêts des territoires. Le lien de proximité avec nos concitoyens, principal intérêt du scrutin majoritaire, ne serait plus qu’un souvenir.

C’est le sens même du mandat de conseiller général qui changerait, alors que tous, Gouvernement compris, nous affirmons notre attachement au maintien de la spécificité de ce mandat.

Pour ces raisons de fond, et malgré quelques points positifs, comme le changement d’appellation – et encore… – de nos collectivités ou le passage d’un renouvellement par moitié tous les trois ans à un renouvellement unique tous les six ans – à quand un tel changement pour le Sénat ? –, les présidents de conseil général des groupes de la droite, du centre et des indépendants ne soutiennent pas ce projet de loi.

Sauf à imaginer de significatives évolutions au cours des débats parlementaires, il me semble très difficile, pour ne pas dire impossible, de voter ces dispositions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

 
 
 

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 16 janvier 2013 à quinze heures et le soir :

- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’engagement des forces armées en réponse à la demande d’intervention militaire formulée par le Président du Mali, en application de l’article 35, alinéa 2, de la Constitution.

- Suite du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (n° 166 rectifié, 2012–2013) et du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux (n° 165 rectifié, 2012–2013) ;

Rapport de M. Michel Delebarre, fait au nom de la commission des lois (n° 250, 2012–2013) ;

Textes de la commission (nos 252, 2012–2013 et 251, 2012–2013).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 16 janvier 2013, à zéro heure quarante-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART