M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Alain Fouché. C’est la vérité !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous sommes tous profondément attachés au monde rural et à la représentation des territoires. (Marques de scepticisme sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. C’est faux !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous sommes même nombreux à considérer que la question doit être appréhendée au regard des évolutions démographiques de notre pays.
M. Alain Fouché. Pas seulement !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Les habitants des territoires ruraux sont aujourd'hui plus nombreux qu’il y a quelques années ; les derniers recensements en attestent.
M. Alain Fouché. Il n’y a aucun rapport entre les élus des villes et ceux du monde rural !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mon cher collègue, si vous le permettez, j’aimerais rappeler quelques éléments. Le Conseil constitutionnel s’est exprimé, et la règle des plus ou moins 20 % a été retenue pour les élections législatives, comme elle l’avait été pour feu l’élection des conseillers territoriaux. Quant au Conseil d'État, qui a été consulté par le Gouvernement, il s’est lui aussi prononcé. Toutes ces données existent ; elles se seraient imposées à tout gouvernement et à toute majorité, quels qu’ils fussent.
Dès lors que le Conseil constitutionnel a fixé une règle, pour des raisons d’ailleurs de respect du principe d’égalité, dès lors que le Conseil d'État l’a confirmée, voter autre chose nous exposerait à un recours devant le Conseil constitutionnel.
M. Bruno Sido. Il y en aura un de toute façon !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je vous remercie de cette annonce, mon cher collègue ; vous voyez donc face à quelle difficulté nous nous trouverions en adoptant un autre dispositif.
De deux choses l’une : soit vous respectez la jurisprudence du Conseil constitutionnel, soit vous ne la respectez pas, et vous devrez alors l’assumer.
M. Bruno Sido. Nous l’assumerons ! Et nous avancerons même d’autres arguments !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous serez obligés de répondre à cela.
M. Bruno Sido. Nous le ferons !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Dès lors que l’on prend acte de la réalité que je viens de rappeler, plusieurs systèmes sont possibles.
Nous ferons le maximum pour tenir compte des particularités géographiques et démographiques, dans la limite imposée par le nécessaire respect du principe d’égalité. Là encore, je vois mal un gouvernement et une majorité, quels qu’ils fussent, faire autrement ou justifier que l’on fît autrement.
Toutefois, ces rappels étant faits, s’il existe plusieurs solutions, celle qui nous est proposée a, convenons-en, deux mérites.
Premièrement, un tel dispositif permet d’instaurer la parité. Vous avez vous-même voté une révision constitutionnelle en ce sens, mes chers collègues.
M. Bruno Sido. Elle ne rend pas la parité obligatoire !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Certes, monsieur Sido, mais il est recommandé de tout faire pour la favoriser. Je suis certain que vous avez à cœur de satisfaire cet objectif.
M. Bruno Sido. Pas de manière aussi brutale !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On ne peut donc pas reprocher au Gouvernement de ne pas chercher à favoriser la parité ; il propose précisément des solutions concrètes pour la mettre en œuvre.
Deuxièmement, le dispositif qui nous est présenté…
M. Bruno Sido. … est brutal !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … permet à l’évidence de maintenir l’attachement au territoire.
M. Bruno Sido. Je vous démontrerai justement le contraire !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. D’ailleurs, nous connaissons déjà les objections qui seraient apportées à d’éventuelles autres formules.
Les uns réclament la proportionnelle ? Les autres répondront que cela couperait les conseillers départementaux des réalités du terrain !
MM. Roland Courteau et Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Et quand nous proposons un système garantissant que les élus seront bien attachés à un territoire, cela ne vous convient pas non plus, chers collègues de l’opposition.
Alors que, nous, nous respectons la règle des 20 %, vous ne nous expliquez pas comment vous comptez vous y prendre pour contourner la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas une jurisprudence.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En d’autres termes, on peut toujours formuler des objections. Toutefois, je serais pour ma part très curieux d’entendre des propositions de substitution, qui, premièrement, soient compatibles avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État, deuxièmement, favorisent effectivement la parité…
M. François Grosdidier. Vous voulez la parité partout, sauf dans les familles ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … et, troisièmement, maintiennent l’ancrage territorial des élus.
M. Gérard Le Cam. Vous ne voulez pas du pluralisme ! C’est scandaleux ! Nous ne voterons pas cette partie du texte !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous pouvez toujours critiquer. J’attends que vous nous fassiez part d’autres solutions répondant à ces trois exigences. Nous pourrions alors avoir un débat passionnant, mes chers collègues.
Je veux enfin aborder la question des dates. (Exclamations.)
Sur ce point, M. le ministre s’est, comme toujours, montré très éloquent. (Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.)
M. Henri de Raincourt. Après le lapsus de tout à l'heure, voilà qui est intéressant…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cinq élections sont prévues au cours de la même année. Sur ces cinq scrutins, quatre sont à deux tours, sauf évidemment lorsqu’un candidat est élu au premier tour. Nous avons donc potentiellement neuf tours de scrutin la même année. À mon sens, aucun gouvernement, aucune majorité, quels qu’ils soient, n’auraient jugé possible d’organiser cinq élections, donc neuf tours de scrutin, la même année.
M. Didier Guillaume. Évidemment !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Et tout le monde sait bien qu’il est totalement impossible d’organiser trois élections le même jour.
M. Bruno Sido. Aux États-Unis, comment font-ils ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur Sido, la culture américaine est différente. Nous, nous avons des traditions françaises. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mes chers collègues, reprenons les trois grands volets du débat.
Premièrement, quel que soit le gouvernement, quelle que soit la majorité, il faut trouver une solution sur la question des dates. Nous en proposons une. Pouvez-vous en suggérer une autre ?
Deuxièmement, une réforme du mode de scrutin départemental est nécessaire et inéluctable. Elle doit respecter trois impératifs. Or, à ce jour, personne parmi vous n’a présenté de solution de rechange répondant à ces objectifs. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Pierre-Yves Collombat. Si ! Nous en avons proposé une !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Troisièmement, il y a une avancée majeure s’agissant de l’intercommunalité. On peut encore améliorer ou affiner le dispositif, mais nul ne peut contester qu’il s’agisse d’une avancée majeure vers plus de démocratie.
Voilà pourquoi la commission des lois a adopté ce texte. Je suis certain qu’il éveillera votre intérêt, voire votre passion, mes chers collègues. J’espère qu’il emportera aussi votre adhésion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Rappel au règlement
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, mes chers collègues, je souhaite faire un rappel au règlement concernant l’organisation de nos travaux, sur le fondement de l’article 29 ter du règlement.
Le texte qui nous est proposé aujourd’hui a été déposé sur le bureau du sénat le 28 novembre dernier.
Le rapporteur a été nommé par la commission des lois le 5 décembre. Le rapport a été présenté en commission des lois le 19 décembre, soit moins de quinze jours ouvrables après le dépôt du texte et moins de dix jours ouvrables après la nomination du rapporteur.
M. Bruno Sido. C’est scandaleux !
M. Jean-Jacques Mirassou. Et alors ?
Mme Catherine Troendle. Comment celui-ci a-t-il raisonnablement pu effectuer en si peu de temps un travail approfondi sur un texte essentiel pour le devenir des collectivités territoriales et de la représentation élective ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Ce texte touche, je vous le rappelle, à 101 départements, à 4 056 cantons, à 2 581 EPCI, dont une métropole, à 15 communautés urbaines, à 202 communautés d’agglomération, à 2 358 communautés de communes, à 6 642 communes, c'est-à-dire, en fait, à 64 490 952 Français recensés en 2012, dont 62 465 709 personnes en métropole et 2 025 243 dans les départements d’outre-mer ! (M. Bruno Sido applaudit.)
La liste des personnes entendues est pour le moins courte : cinq associations, la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, et le bureau des élections et études politiques.
Puis, le rapporteur s’est contenté – mais pouvait-il faire autrement, étant donné le calendrier ? – d’analyser les contributions écrites de trois associations, dont l’Association des maires de France, l’AMF, l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, et l’Association des régions de France, l’ARF. Les représentants des partis politiques n’ont pas été entendus, alors qu’il s’agit d’un texte électoral.
Comment travailler dans des délais aussi courts sur des textes aussi lourds de conséquences ? La question se pose aujourd’hui, comme elle s’est posée depuis le début de cette législature.
Le travail est bâclé, la réflexion annihilée. C’est certainement cela, le changement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Haut. C’est inadmissible !
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. J’écoute toujours avec intérêt les interventions de Mme Catherine Troendle.
Toutefois, en l’occurrence, je ne vois pas en quoi l’article 29 ter du règlement peut être invoqué ici ! Cet article précise que : « L’organisation de la discussion générale des textes soumis au Sénat et des débats inscrits à l’ordre du jour peut être décidée par la conférence des présidents – ce fut le cas –, qui fixe la durée globale du temps dont disposeront les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
« Ce temps est réparti par le président du Sénat de manière à garantir à chaque groupe un temps minimum […] ».
Vous êtes donc hors sujet, ma chère collègue ! (Mme Catherine Troendle proteste.) Votre intervention n’a aucun lien avec l’article du règlement que vous évoquez !
M. Bruno Sido. Peu importe !
M. François Rebsamen. Vous auriez au moins pu faire référence à un article ayant quelque chose à voir avec votre propos. Votre exposé est totalement hors sujet !
Mme Catherine Troendle. Pas du tout, il s’agit de l’organisation de nos travaux !
M. François Rebsamen. L’article 29 ter, que j’ai sous les yeux et dont je pourrais vous donner entièrement lecture, n’a absolument aucun rapport avec votre rappel au règlement ! Il s’agit d’une intervention d’opportunité, et je la regrette. Vous avez le droit de formuler de telles observations, mais pas de faire un rappel au règlement en vous appuyant sur un article qui n’a rien à voir avec les faits que vous dénoncez ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Discussion générale commune (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun sait ici que j’étais favorable à la suppression du conseiller territorial, qui préfigurait la fusion des départements et des régions.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas ce que vous avez défendu de meilleur !
M. Philippe Adnot. Je regrette d’autant moins ma position quand je vois ce qui se passe avec les chambres de métiers et de l’artisanat, les chambres de commerce et d’industrie et les chambres d’agriculture ! Les départements avaient beaucoup à y perdre.
Qu’il me soit permis de dire d’entrée de jeu que je suis favorable au redécoupage des cantons : il aurait été nécessaire de les rééquilibrer – ce point ne prête pas à discussion – et une telle décision aurait été également prise par le précédent gouvernement.
Pour autant, je souhaite que les dérogations prévues dans le texte en fonction des contraintes géographiques soient couplées aux problèmes démographiques.
En effet, là où le nombre d’habitants au kilomètre carré est faible, il est nécessaire de moduler la règle des plus ou moins 20 %. Monsieur le ministre, il me semble que, sur le sujet, vous avez entrouvert la porte. Nous gagnerions tous à travailler dans le sens d’un maximum de cohérence.
Le redécoupage ne signifiait pas qu’il était nécessaire de changer le mode électoral alors que le lien entre l’élu et le territoire a fait la preuve de sa pertinence et de sa force. Je ne nie pas que la représentation féminine et la difficulté d’appréhender les lignes de partage en milieu urbain justifiaient une réflexion, voire des modifications.
C’est pourquoi je suggérerai que l’on introduise la proportionnelle en milieu urbain. Il nous a été demandé tout à l’heure d’avancer des propositions. En voici une : je souhaite que la proportionnelle s’applique dans les communautés d’agglomération à partir de 100 000 habitants, par exemple. Ainsi, nous augmenterons la représentation féminine tout en préservant, en dehors des agglomérations, le lien, qui me paraît excellent, entre l’élu et le territoire.
On me répondra certainement qu’il n’est pas possible de faire cohabiter deux systèmes électoraux dans un même territoire. Cet argument est faux ! Il l’est d’autant plus que les sénateurs, qui sont des élus de la Nation, connaissent bien cette organisation électorale. J’ai consulté d’éminents spécialistes, qui m’ont assuré que cette objection n’était pas justifiée.
Mes chers collègues, je sais que certains parmi vous, quelle que soit leur sensibilité politique, sont favorables au système que je proposerai par voie d’amendement. Je ne me fais pas grande illusion sur nos chances de parvenir à le faire adopter. Néanmoins, si tous ceux qui pensent que ce système est meilleur votaient mon amendement, ils feraient progresser cette proposition, qui mérite réflexion. Je vous invite donc tous à voter en ce sens.
Je ne nie pas l’intérêt du système binominal ; nombre de critiques qui lui sont adressées méconnaissent, en réalité, le fait que les élus départementaux sont non pas des gestionnaires locaux, mais des gestionnaires départementaux. J’ai entendu, par exemple, demander : qui va s’occuper de quoi ? Je suis désolé, les représentants élus à l’Assemblée départementale par le système binominal devront gérer de manière totalement égalitaire les affaires du département. Ils n’auront pas à gérer en fonction de considérations locales.
M. François Rebsamen. Tout à fait !
M. Philippe Adnot. Par conséquent, la bataille annoncée n’aura pas lieu. Ne cherchons pas de mauvais arguments pour contester certaines propositions !
Le reproche que j’adresse au système qu’on nous propose est l’importance des secteurs géographiques qui seront créés. Si l’amendement que j’ai déposé afin d’introduire la proportionnelle en milieu urbain n’était pas retenu, le système binominal serait bon, sous réserve que l’on fasse évoluer le critère des plus ou moins 20 %. Sur un tel sujet, nous pourrions tomber d’accord.
En résumé, mes chers collègues, je préfère, dans l’ordre : premièrement, le maintien du système actuel avec un redécoupage modulé, qui satisferait tout le monde ; deuxièmement, le système proportionnel en milieu urbain et le maintien du système actuel hors agglomération, si nous le trouvons intéressant ; troisièmement, un système binominal modulé.
Le mécanisme que je ne souhaite en aucun cas est celui de la proportionnelle intégrale, car celle-ci pourrait créer des situations catastrophiques. Nous le voyons bien dans les représentations régionales. Comment s’organise une liste départementale ? C’est l’agglomération la plus importante qui a les leaders ! Toutes les listes de tous les partis politiques désignent en tête les représentants des grandes agglomérations.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Philippe Adnot. Il pourrait donc y avoir des secteurs entiers sans aucun représentant.
M. Roland Courteau. C’est le problème !
M. Philippe Adnot. Nous ne devons pas aller dans cette direction. C’est pourquoi, lorsque nous voterons, il sera important de réfléchir, pour éviter que le pire ne nous arrive !
S’agissant des municipales, je salue l’évolution qui a permis de passer le seuil de 500 à 1 000 habitants. Lors des états généraux de la démocratie territoriale, toutes les communes nous ont signifié qu’il s’agissait d’une bonne décision. Elles nous demandent simplement d’aller au-delà des 1 000 habitants. Il serait bon de les écouter et de porter ce seuil à 1 500 habitants.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Adnot. Monsieur le ministre, vous avez ouvert la porte à une évolution en ce sens. Nous nous honorerions à prendre en compte les demandes des communes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, mes chers collègues, M. le ministre vient de nous le rappeler, on nous annonce une grande loi sur la décentralisation – c’est un engagement du candidat François Hollande –, qui demeure selon moi bien floue.
M. Bruno Sido. Vous n’êtes pas le seul à la trouver floue ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. François Grosdidier. M. Delebarre sera sans doute encore rapporteur !
M. Jean-Jacques Hyest. Nous verrons ce qu’il en sera. Par ailleurs, il nous faudra bien aborder un jour le cumul des mandats, autre engagement de François Hollande.
La grande loi de 1982, qui a été une véritable révolution…
M. Jean-Michel Baylet. Faite par la gauche !
M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !
M. Pierre-Yves Collombat. Et refusée par la droite !
M. Jean-Jacques Hyest. Pas par moi : je n’étais pas élu à l’époque !
Rappelez-vous que, avant 1982, le préfet était l’exécutif du département. Cela paraît invraisemblable aujourd’hui, quarante ans après !
Beaucoup a été tenté depuis lors – Jean-Pierre Sueur a rappelé la loi de 1992, je m’en souviens fort bien ; il y a eu aussi la loi Chevènement et la loi Raffarin –,…
M. Daniel Raoul. Ça se dégradait !
M. Jean-Jacques Hyest. … et parfois réussi, pour faire de notre pays une République certes une, mais plus décentralisée. Ce point figure d’ailleurs désormais dans la Constitution.
Chez les experts de tout poil – ils ne manquent pas, qui siègent en vase clos et ne dépassent guère en général le périphérique parisien – la mode est toujours de supprimer les petites communes, qui ne serviraient à rien, et les départements, qui seraient complètement dépassés ! Hélas pour ces grands ordonnateurs de la pensée unique, les communes et les départements ont résisté aux tentatives de suppression.
M. Yves Daudigny. M. Copé veut supprimer les départements !
M. Henri de Raincourt. M. Attali aussi !
M. Jean-Jacques Hyest. Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, comme tous vos prédécesseurs, vous nous avez rassurés sur ce sujet.
La longue progression des intercommunalités, confortée par la loi de 2010 – une loi que personne ne semble sérieusement remettre en cause sur ce point – conforte aussi les communes, en excluant l’élection des délégués communautaires à un suffrage universel direct spécifique. En effet, certains voulaient qu’on élise directement les conseillers communautaires, alors que leur élection se fait aujourd'hui au sein des conseils municipaux.
Qu’il me soit d’ailleurs permis de rappeler à mon excellent collègue Jean-Pierre Sueur que le suffrage universel est certes prévu depuis 1793, mais qu’aucun texte constitutionnel n’a jamais prévu qu’il soit direct ! Le suffrage indirect est aussi un suffrage universel, et le Sénat en offre l’exemple. À vous prendre au mot, monsieur le président de la commission des lois, nous ne serions pas aptes à voter le budget… Mais je ne vais pas donner une leçon de droit ce soir !
Si le projet de loi ne comportait que des dispositions permettant le « fléchage », je pense que la plupart d’entre nous pourraient se rallier à la position de la commission des lois, même s’il faut encore améliorer le dispositif.
M. Bruno Sido. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest. L’idée est quand même de laisser un peu de souplesse, de manière à éviter que des gens qui auraient été élus ne siègent pas et qu’on soit obligé de changer constamment de délégués.
La stabilité devrait permettre de trouver une solution, à condition que le seuil retenu pour le scrutin de liste aux élections municipales soit réaliste. Beaucoup d’élus nous ont d’ailleurs fait part de préoccupations diverses sur ce sujet.
Mme Jacqueline Gourault. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. Notre collègue Philippe Adnot évoquait le seuil de 1 500 habitants. Nous pensons que le seuil de 2 000 habitants est pertinent ; il correspond d’ailleurs à la définition retenue par l’INSEE pour les communes rurales. D’autres considèrent qu’il faut fixer le seuil à 500. C’est ce que disait l’AMF il y a quelque temps, mais elle a évolué depuis.
M. François Rebsamen. Et vous aussi !
M. Jean-Jacques Hyest. Quand on se rappelle combien avait été critiquée la procédure des schémas de l’intercommunalité, on s’aperçoit que, globalement, plus personne ne remet en cause le travail réalisé à ce sujet.
Mme Cécile Cukierman. À quel prix !
M. Jean-Jacques Hyest. La carte des intercommunalités est presque achevée et, malgré le changement de Gouvernement, les préfets ont confirmé les décisions qui avaient été prises antérieurement. Cela me permet de dire que les préfets sont au service de la République et qu’ils ont fait leur travail honnêtement.
Les quelques assouplissements bienvenus qui sont contenus dans la proposition d’Alain Richard que nous avons votée récemment devraient d’ailleurs faciliter la gestion des intercommunalités et éviter quelques crispations locales. Nous ne pouvons que nous satisfaire de voir nos choix confirmés sur ce sujet.
Pour en revenir au débat sur la région et le département, il faut convenir que, si tout a été tenté pour affaiblir les départements, ceux-ci ont résisté. Il reste qu’ils sont aujourd’hui en grand péril financier. Mes collègues développeront cet aspect inquiétant, sur lequel le Gouvernement, pour l’instant, n’avance aucune proposition, alors que, par exemple, l’effondrement du produit de la taxe sur les droits de mutation va encore aggraver la situation de la plupart des départements.
M. Bruno Sido. Eh oui !
Un sénateur du groupe socialiste. Ce n’est pas le cas de la Seine-et-Marne !
M. Jean-Jacques Hyest. La Seine-et-Marne a bénéficié de 38 millions d'euros d’Eurodisney, je le reconnais, mais c’est une exception.
Et pourtant, à la gauche de notre assemblée, vous vous étiez montrés particulièrement prolixes dans le combat parlementaire que vous aviez mené à ce sujet ; je ne sais pas si nous arriverons à en faire autant ! Vous voulez supprimer le conseiller territorial. Soit. Mais celui-ci représentait une véritable réforme – pas une réformette –, que votre conservatisme ne pouvait accepter. (Protestations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
Cette réforme visait à la fois à conforter le département et à clarifier et faciliter les relations entre les deux collectivités, maintenant le lien entre l’électeur et l’élu – ce que vous souhaitez faire pour les conseillers généraux – et assurant une juste représentation des territoires.
M. Gérard Miquel. Et la parité ?
M. Jean-Jacques Hyest. Au moment où l’on nous répète que les collectivités locales doivent prendre leur part dans la maîtrise des dépenses publiques, quelles économies auraient pu être réalisées, non pas sur les indemnités des élus, mais en évitant les doublons,…
M. François Rebsamen. Mais si, on aurait doublonné !
M. Jean-Jacques Hyest. … les agences de toutes sortes et les politiques dont l’intérêt est souvent purement clientéliste et d’affichage ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Daniel Dubois applaudit également.)
Comme vous n’oubliez jamais l’intérêt politicien,…
M. François Rebsamen. Il est intéressant que vous fassiez cette remarque. On s’en resservira !
M. Jean-Jacques Hyest. … vous ne touchez pas au scrutin régional, mais vous profitez de l’occasion pour bouleverser fondamentalement le scrutin départemental.
Je rappelle d’ailleurs, monsieur le président Sueur, et nous le dirons à nouveau en défendant notre exception d’irrecevabilité, qu’aucun motif d’intérêt général ne justifie le report à 2015 des élections régionales (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)…
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. … puisqu’on peut très bien les coupler avec les élections européennes, qui ont le même mode de scrutin. Donc, vos raisons sont à rechercher ailleurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Henri de Raincourt. Mais où donc ? Dites-le nous ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce ne sont pas les mêmes circonscriptions !
M. Jean-Jacques Hyest. Peu importe ! Tout le monde vote en même temps, que je sache. Lorsqu’on élisait à la fois les conseils généraux et les conseils municipaux, les circonscriptions n’étaient pas les mêmes. Donc, cet argument ne tient pas.
M. Pierre Hérisson. Il est bidon !
M. Jean-Jacques Hyest. Au nom de la parité, vous avez inventé un mode de scrutin incompréhensible pour l’électeur (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.), inconnu, à une exception près – je ne sais si elle est islandaise ou écossaise, mais elle est exotique –,de la totalité des systèmes électoraux du monde occidental,…
Mme Françoise Cartron. Quel mal y a-t-il à innover ?
M. Jean-Jacques Hyest. … et qui, couplé à un redécoupage de ces nouvelles circonscriptions, les cantons bénéficiant désormais d’une représentation « binomiale »,…