M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous ne manquez pas de culot !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … et qu’une loi de finances rectificative s’impose naturellement.
M. François Rebsamen. On vous demandera conseil ! Vous êtes un expert en la matière !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous le savez vous-même, monsieur Rebsamen, il est assez difficile d’éviter, dans la conjoncture actuelle, plusieurs lois de finances rectificatives en cours d’exercice. Ce fut le cas en 2012 et le sera vraisemblablement en 2013.
Bref, mes chers collègues, les analyses que nous avons faites en première lecture sont validées aujourd'hui par la réalité.
Par ailleurs, le groupe auquel j’appartiens est tout à fait ouvert à la discussion.
Un sénateur du groupe socialiste. C’est nouveau !
M. Jean-Jacques Mirassou. Bien sûr…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous sommes prêts, s’il le faut, à consacrer tout le temps qui sera nécessaire à chaque amendement afin d’aller au bout du travail qui doit logiquement être fait par le Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Vincent Delahaye et Aymeri de Montesquiou applaudissent également.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous allons passer à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il est nécessaire que la commission des finances se réunisse afin d’examiner la motion tendant à opposer la question préalable. Mais peut-être Mme le ministre souhaite-t-elle auparavant répondre aux orateurs ? Il est d’ailleurs important que nous entendions sa réponse, car elle pourrait peser sur nos délibérations. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Bricq, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier le rapporteur général de son soutien. Il a rappelé les mesures ayant été introduites au Sénat, puis reprises par l’Assemblée nationale.
Sans m’appesantir, j’évoquerai ensuite un sujet important, à savoir le fonds de péréquation, notamment à l’échelon départemental. Le critère du revenu par habitant est apparu nécessaire compte tenu de l’insuffisance des richesses fiscales dans certains territoires à la suite, je tiens à le rappeler, de la réforme de la taxe professionnelle adoptée par nos prédécesseurs. Il nous a encore une fois fallu corriger un vice de cette réforme afin de ne pas pénaliser les territoires industriels, dans lesquels les revenus par habitant sont les plus faibles. Nous avions dit que nous en aurions pour dix ans : cela se vérifie.
Mme Michèle André. On l’avait dit !
Mme Nicole Bricq, ministre. Je tiens à dire à Albéric de Montgolfier, qui a évoqué la question de l’exil fiscal, qu’il exagère. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Aucun élément factuel précis n’étaye ses affirmations. En revanche, il est démontré que le bouclier fiscal a été sans effet. C’est sûr.
Gilles Carrez, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a demandé au Gouvernement de faire la transparence sur ce sujet. Jérôme Cahuzac, cet après-midi encore, a pris l’engagement de communiquer tous les éléments sur cette question à la représentation nationale. Je ne doute pas qu’il le fera.
Je rappelle que le Sénat a voté un amendement – j’étais alors sénatrice – voilà quelques années tendant à nous permettre d’obtenir ces éléments. Or nous n’avons jamais obtenu ici de réponse à nos demandes de la part des précédents gouvernements. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Voilà !
Mme Nicole Bricq, ministre. La transparence sera faite, et on saura alors de quoi on parle.
Monsieur Éric Bocquet, vous avez insisté sur la nécessité de renforcer la justice de notre système fiscal. Permettez-moi de vous rappeler un élément fort du présent projet de loi de finances : l’instauration d’une nouvelle tranche d’imposition à 45 %, le rééquilibrage entre la fiscalité sur le capital et celle sur le travail. Nous réalisons aujourd'hui l’alignement que nous avions proposé.
Monsieur Aymeri de Montesquiou, vous nous reprochez de faire du matraquage fiscal. Remettons les choses en perspective ! Souvenez-vous, ce n’est pas si ancien : Nicolas Sarkozy avait promis une baisse des prélèvements obligatoires de 4 points. Au final, ils ont augmenté de 1,4 point. Par ailleurs, je rappelle, mais vous le savez, que c’est l’ancienne majorité qui a porté le taux d’imposition cumulé à 38,5 % concernant les plus-values mobilières.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout cela s’ajoute !
Mme Nicole Bricq, ministre. Vous avez mis en œuvre deux paquets fiscaux très sérieux. Ayez donc un peu de mémoire !
Je remercie Yvon Collin d’avoir rappelé les étapes chaotiques de l’examen de ce projet de loi de finances et mentionné l’adoption par l’Assemblée nationale des propositions du groupe du RDSE, notamment à l’article 6 relatif aux plus-values. Il a également évoqué l’exigence de redressement des comptes, le soutien à la croissance et la justice sociale. Je le remercie de soutenir, au nom de la majorité du groupe RDSE, le Gouvernement.
M. Joël Labbé a rappelé que la modernisation de l’action publique – c’est une réponse à la fois à M. Aymeri de Montesquiou et à M. le président de la commission des finances – sera réalisée dans la concertation, de façon ciblée et intelligente. Le Parlement sera pleinement associé à ce processus.
Par ailleurs, le Gouvernement est résolu à moderniser notre fiscalité écologique dans le cadre des travaux du comité de la fiscalité écologique installé ce matin même.
Monsieur le président de la commission, vous avez contesté la sincérité de la loi de finances s’agissant des prévisions de croissance. Je porte à votre crédit que vous l’avez également parfois fait sous la précédente majorité. Mais vous devez savoir – et vous l’avez dit d’une certaine manière – que les incertitudes européennes ont largement pesé sur la perception de nombreux organismes internationaux. Or ces incertitudes sont en train de se lever, je l’ai rappelé, notamment du fait de la résolution de la crise grecque et du consensus qui a été trouvé sur la supervision bancaire unifiée. On peut donc espérer que, la résolution de la crise de la zone euro, crise dont nous ne sommes pas sortis depuis quatre ans, favorisera une hypothèse de croissance plus optimiste.
Par ailleurs, le choix de faire appel à la capacité contributrice des entreprises les plus fortes et des ménages les plus aisés permet de limiter l’impact sur l’activité, à la fois celle qui résulte de la consommation des couches populaires et moyennes et celle du tissu industriel, des PME-PMI et des ETI.
Le projet de loi de programmation qui vous sera présenté demain en nouvelle lecture n’est nullement rendu caduc par l’instauration du CICE. Les grands équilibres, le solde, le déficit ne sont pas modifiés. Ce dispositif est intégralement financé. Il a un impact sur l’équilibre de l’effort, entre les recettes et les dépenses. Cet impact vous sera présenté en détail demain lors de l’examen du projet de loi tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale aujourd'hui.
S’agissant de l’exil fiscal, j’ai déjà répondu et je n’y reviens donc pas.
La majorité a commenté avec ses sensibilités différentes le mouvement engagé par ce gouvernement, dans une période qui est, nous le savons, très difficile. Des efforts sont demandés, les Français le savent et l’acceptent, pour autant que le cap de la justice sociale soit maintenu, et c’est ce que nous faisons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Yvon Collin applaudit également.)
Mme la présidente. Monsieur le président de la commission, de combien de temps la commission a-t-elle besoin pour examiner la motion tendant à opposer la question préalable ? Dix minutes seront-elles suffisantes ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le temps de rejoindre notre salle de réunion, d’entendre M. Rebsamen nous présenter la motion, de répondre à ses arguments, puis de regagner l’hémicycle : il nous faudrait une demi-heure.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux afin de permettre à la commission de se réunir.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt heures quarante, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Rebsamen, Mme M. André, MM. Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, d’une motion n°I-80.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 229, 2012-2013).
La parole est à M. François Rebsamen, auteur de la motion.
M. François Rebsamen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, décidément, il se passe toujours quelque chose au Sénat ! Ce soir, c’est sur la Haute Assemblée que sont braqués les feux des projecteurs.
Avouez, en effet, qu’il est pour le moins étrange, pour le président du principal groupe de la majorité sénatoriale, soutien affirmé et de longue date du Président de la République comme du Premier ministre, d’appeler le Sénat à constater que, selon la formule consacrée, « il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération » sur le projet de loi de finances pour 2013, soit, en réalité, sur un texte essentiel du Gouvernement, qui travaille sous leur responsabilité.
Cependant, cette décision s’impose, et ce non pas comme un désaveu des choix du Gouvernement, que nous, sénateurs socialistes, avons soutenu tout au long des dernières semaines de discussion budgétaire, comme l’ont fait, d’ailleurs, nos collègues députés, mais comme un refus des artifices et le constat d’un blocage.
Refus des artifices, tout d’abord. La première lecture du projet de loi de finances pour 2013 aurait dû permettre, selon le calendrier prévu, d’examiner l’ensemble des crédits du budget général de l’État, sur la base des travaux de nos rapporteurs spéciaux, qui furent intenses, et de nos rapporteurs pour avis.
C’était le mercredi 28 novembre au soir, ici même. J’interpellais les collègues de l’opposition, dont nous connaissions le vote final, pour leur dire qu’ils n’avaient pas le droit de ne pas permettre la tenue du débat sur les missions, pas le droit d’empêcher nos collègues qui avaient mené un travail de fond et qui avaient rapporté devant leur commission ne puissent pas le faire ici même, en séance publique.
M. Yannick Botrel. Très bien !
Mme Maryvonne Blondin. Tout à fait !
M. François Rebsamen. Rien, en réalité, n’a été débattu de ces missions.
M. Claude Bérit-Débat. Eh non !
M. François Rebsamen. Refus des artifices mais aussi constat d’un blocage, disais-je. L’absence d’accord sur le contenu de la première partie a rendu le débat malheureusement impossible et laissé à l’Assemblée nationale le soin de prendre en compte un certain nombre des préconisations émises par les sénateurs, dont la plupart, d’ailleurs, avaient été formulées par le rapporteur général de la commission des finances.
Certains groupes politiques, qui avaient exprimé leur désaccord tant sur les recettes que sur les dépenses, et qui avaient voté contre la première partie, ont tout récemment fait connaître, en commission des finances, leur souhait de reprendre aujourd’hui la discussion sur l’ensemble du texte, et indiqué que, pour ce faire, ils choisiraient la voie de l’abstention lors du vote sur la première partie, une formule que je n’hésiterai pas à qualifier d’« abstention-blocage ».
Chacun en a bien conscience, en effet, ce débat serait purement artificiel, car les positions des différents groupes sur les recettes ont déjà été clairement exposées pendant les travaux en commission, ce qui condamne d’avance les amendements qui pourraient être présentés, voire adoptés.
Mme Maryvonne Blondin. Cela ne servirait à rien !
M. François Rebsamen. Si l’intention est de faire du Sénat un théâtre pour empêcher l’adoption dans les temps d’une loi de finances sur laquelle le Gouvernement puisse appuyer son action, nous nous y opposons !
M. Claude Bérit-Débat. Bien sûr !
M. Jacques Chiron. Bien !
M. François Rebsamen. Et demander qu’un nouveau travail sur ce texte soit mené en commission des finances, comme l’a fait son président, c’est faire vraiment peu de cas des efforts réalisés tout au long des mois d’octobre et de novembre, qui avaient permis, je le crois, un certain nombre d’avancées.
Pourquoi reprendre le travail aujourd'hui si ce qui a été fait au terme de deux mois de labeur ne vous satisfaisait pas, chers collègues ?
Le choix de l’opposition – un choix purement tactique -, de s’abstenir aujourd'hui sur la première partie du projet de loi de finances afin de pouvoir discuter de l’ensemble du texte, aurait évidemment pu se justifier en première lecture, le 28 novembre dernier. Mais ceux qui réclament aujourd'hui l’examen du texte dans son ensemble n’avaient alors pas fait ce choix. Les motivations réelles de leur démarche aujourd’hui ne font donc aucun doute.
D’ailleurs, l’abstention fut la position adoptée, en première lecture, par certains sénateurs de l’opposition, comme Philippe Adnot.
Dans son explication de vote, notre collègue déclarait que, pour lui, s’abstenir n’était pas approuver le fond du projet de loi de finances, mais que « laisser adopter la première partie du projet de loi de finances » c’était « permettre au Sénat de jouer son rôle, tout son rôle, d’analyser et de critiquer, mission par mission, le projet de budget présenté par le Gouvernement. » Si notre collègue s’abstenait aujourd’hui, il le ferait pour les mêmes raisons, et nous ne pourrions que reconnaître la cohérence et la continuité de ses choix, malgré nos désaccords sur le fond.
En revanche, il est impossible de trouver des justifications valables au fait de défendre aujourd'hui cette position pour la première fois, à trois jours de la suspension des travaux du Sénat en séance publique ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Voilà quelques semaines, notre collègue Philippe Marini expliquait son vote sur la première partie en ces termes : « […] quelle qu’ait été la qualité de l’appui dont nous avons bénéficié de la part de nos services, quelle qu’ait été la qualité de la présidence ou des interventions de M. le ministre, il va falloir que nous prenions nos responsabilités. » Pour lui, prendre ses responsabilités signifiait voter contre.
De mon point de vue, en affirmant qu’il faut aujourd'hui reprendre l’ensemble des travaux sur le présent projet de loi de finances, M. Marini fuit ses responsabilités institutionnelles et se comporte en agitateur d’opposition ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini. Vous exagérez !
M. François Rebsamen. Je sais que vous avez très vite endossé les habits de l’opposant, monsieur Marini.
M. Philippe Marini. Ce n’est pas désagréable !
M. François Rebsamen. Mais la cohérence fait également défaut à nos collègues de l’UDI-UC.
En première lecture, d’après ce que j’avais cru comprendre, ils avaient souhaité, dans un premier temps, s’abstenir sur la première partie du projet de loi de finances, avant de décider finalement de voter contre. Et voilà qu’en nouvelle lecture ils en reviennent à leur position initiale !
M. Arthuis avait déclaré qu’il ne voulait pas voter contre la première partie car il estimait que « le Sénat a une contribution essentielle à apporter en matière d’économies de dépenses, qui viennent en discussion en deuxième partie. » Mais, si la discussion n’a pas eu lieu, c’est parce que son groupe a finalement décidé, à la veille du vote sur l’ensemble de la première partie, de voter contre. Certes, on a le droit de changer d’avis ; mais, en l’occurrence, il s’agit aujourd’hui du même texte. Comme nous l’enseigne un adage qui ravira M. Marini et les nombreux latinistes – je pense à notre collègue Edmond Hervé – siégeant sur les travées de la gauche : Nemo auditur propriam turpitudinem allegans. (Exclamations laudatives sur les travées du groupe socialiste. – Marques de surprise sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
Sans vouloir vexer quiconque par des citations de potaches, je ne peux m’empêcher de vous poser la question, chers collègues de l’opposition : ne pensez-vous pas que votre attitude actuelle relève de l’hommage du vice à la vertu ? (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini. N’en faites pas trop !
M. François Rebsamen. Pour ma part, je le crois. Il y a en effet une hypocrisie certaine dans votre démarche. Vous avancez masqués, car n’avez d’autre dessein que d’empêcher l’adoption du projet de loi de finances dans les délais constitutionnels. Vous savez très bien que tout doit être terminé vendredi. Vous vous inscrivez donc bien dans une démarche d’agitation et de blocage face à la majorité sénatoriale.
Compte tenu de vos changements de position successifs, et de leur incohérence, tout le monde aura bien compris que, pour demander aujourd’hui un examen intégral du projet de loi de finances par le Sénat, vous n’avez d’autre but que de retarder l’adoption du texte.
Mme Maryvonne Blondin. Bien sûr !
M. François Rebsamen. Or, comme le soulignait tout à l’heure, mais pour d’autres raisons, notre collègue Jean Arthuis, prendre un tel retard poserait une réelle difficulté constitutionnelle.
Le problème n’est pas seulement d’examiner vos vingt et un amendements ; d’ailleurs, ce sont bien souvent des amendements de suppression, et nous les connaissons par cœur. Il faudrait aussi, ou plutôt il aurait fallu, quand il en était encore temps, entendre les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis, qui avaient travaillé sur le fond, afin de pouvoir défendre nos choix et peser sur l’Assemblée nationale.
M. Claude Bérit-Débat. Bien sûr !
M. François Rebsamen. Mais nous avons pris du retard, et nous sommes contraints par les dispositions de l’article 61 de la Constitution, qui, même s’il permet un examen accéléré du texte par le Conseil constitutionnel, impose tout de même de laisser aux Sages un délai de huit jours. Une adoption tardive du texte par le Parlement empêcherait donc sa promulgation avant le 31 décembre 2012. Il faudrait alors procéder par ordonnances, comme dut le faire en son temps Raymond Barre, ce qui ne lui avait guère réussi, d’ailleurs.
Est-ce ce que vous voulez ? Sans doute non ! En tout cas, ce n’est pas du tout ce que souhaite la majorité sénatoriale.
La situation économique impose une mise en œuvre rapide des priorités de justice fiscale et sociale décidées par la majorité à l’Assemblée nationale, devant laquelle le Gouvernement est responsable.
Chers collègues de l’opposition, vous ne pensez qu’à la tactique ; nous, nous pensons aux Français ! Nous voulons redresser le pays, qui en a bien besoin ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur certaines travées de l’UMP.)
Tout à l’heure, j’ai entendu quelques arguments qui méritent d’être relevés.
Monsieur de Montgolfier, vous devriez vous rappeler de l’état dans lequel vous avez laissé notre pays voilà à peine sept mois. Ayez un peu de mémoire, chers collègues ! Comme le soulignait François Mitterrand, quand la gauche arrive au pouvoir, c’est que la droite a mis le pays en faillite !
Mme Michèle André. Voilà !
M. François Rebsamen. C’était déjà le cas en 1981. C’était aussi le cas en 1997 ; à l’époque, vous n’étiez pas capables de qualifier notre pays pour l’euro ! Et c’est encore le cas aujourd'hui. D’ailleurs, vous ne contestez même pas avoir mis le pays en faillite : déjà, en 2007, vous le reconnaissiez, et vous en étiez réduits à vous défausser sur vos prédécesseurs ! (Approbations sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Albéric de Montgolfier. Votre nez s’allonge !
M. François Rebsamen. Cinq ans plus tard, à cause de votre politique, la faillite est encore plus grave. Et c’est à nous de faire face, et nous agissons !
M. Vincent Delahaye. Plus c’est gros, plus ça passe !
M. Albéric de Montgolfier. Et plus le nez de Pinocchio s’allonge !
M. François Rebsamen. Je salue les quelques avancées qui ont pu être obtenues grâce à l’excellent travail mené par notre rapporteur général. Mais aller plus loin serait vain, en raison du rejet certain du texte par la Haute Assemblée.
C’est donc l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot ; c’est bien ce que vous vouliez en réalité, et depuis longtemps, chers collègues. Politiquement, cela ne nous gêne pas : nos collègues députés soutiennent le Gouvernement et les textes qu’il présente ; nous aussi !
Je renvoie de nouveau chacun à ses responsabilités, et j’en appelle à la cohérence. J’espère que les groupes de la majorité sénatoriale refuseront les manœuvres dilatoires irresponsables de certains. D’ailleurs, d’une manière plus générale, j’appelle l’ensemble des groupes à faire en sorte, à l’avenir, que le temps parlementaire soit pleinement utilisé lorsqu’il est disponible, et non après !
Je vous demande donc, chers collègues de la majorité sénatoriale, en application de l’article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat, d’adopter la présente motion tendant à opposer la question préalable et de décider ainsi qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2013. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, contre la motion.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, cette séance est vraiment surprenante.
Monsieur Rebsamen, vous avez vous-même siégé dans l’opposition pendant un certain temps.
M. François Rebsamen. Oui ! Et c’est ce que vous faites aujourd'hui !
M. Philippe Marini. Avez-vous jamais voté en faveur de la première partie d’un projet de loi de finances présenté par des gouvernements que vous combattiez ?
M. Gérard César. Jamais !
M. Philippe Marini. Avez-vous jamais émis un vote positif sur l’article d’équilibre quand vous étiez dans l’opposition ?
M. Albéric de Montgolfier. Jamais !
M. Jean-Paul Emorine. Jamais, en effet, et c’est logique !
M. Philippe Marini. En tout cas, je n’en ai pas le souvenir.
M. Jean-Pierre Caffet. Pourquoi faites-vous pareil maintenant ?
M. François Rebsamen. Oui, pourquoi ?
M. Philippe Marini. Reconnaissez que le rôle de l’opposition, sa responsabilité, est d’argumenter pour l’avenir et de contester ce qui lui semble contestable dans les positions défendues par le gouvernement du moment. Nous n’avons pas fait autre chose.
De surcroît, si l’article d’équilibre a été repoussé par le Sénat en première lecture, ce n’est pas du fait de l’opposition. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Vous vous êtes à l’instant adressé à l’opposition, monsieur Rebsamen, mais elle n’est en rien responsable du rejet de l’article d’équilibre. Celui qui est responsable de ce rejet, et totalement responsable, est un groupe qui se prétend encore membre de la majorité sénatoriale ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Et vous le savez aussi bien, voire mieux que moi, monsieur Rebsamen.
Vous essayez à présent de démontrer, notamment dans un communiqué de presse, que nous nous livrerions à je ne sais quelles manœuvres. Vous allez jusqu’à me qualifier d’ « agitateur d’opposition ».
M. François Rebsamen. C’est vrai !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. « Agitateur gauchiste » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini. Mais avez-vous regardé le nombre d’amendements ? Le groupe UMP en a déposé une vingtaine.
M. Albéric de Montgolfier. Vingt-trois !
M. Philippe Marini. Le groupe CRC, qui appartient théoriquement, bien qu’il vote parfois contre, à la majorité sénatoriale, en a déposé lui aussi une vingtaine.
Monsieur Rebsamen, pour être rompu à la procédure parlementaire, vous savez fort bien que nous pourrions venir à bout de cette nouvelle lecture en deux journées, du fait du faible nombre d’amendements à examiner et du fair-play qui est de tradition dans notre assemblée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Et il n’y a évidemment, dans notre démarche, aucune espèce de menace à l’égard du Gouvernement et sa capacité à tenir les délais pour rendre la loi de finances exécutoire.
Votre présentation est habile, cher collègue, mais la ficelle est vraiment un peu grosse…
De tout cela il ressort qu’il y a aujourd'hui une vraie difficulté de coordination et de cohérence au sein de la majorité sénatoriale. C’est ce qui contraint le principal groupe de la majorité à cette contorsion extraordinaire, obligé qu’il est de refuser d’examiner le budget proposé par le gouvernement qu’il soutient ! Voilà tout de même un bien singulier paradoxe…
À la vérité, s’il y a encore une majorité au Sénat, et vous en faites vous-même la démonstration, c’est une majorité négative,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Et le projet de loi sur le logement ?
M. Claude Bérit-Débat. Oui, et la mobilisation du foncier public en faveur du logement ?
M. Philippe Marini. … au moins pour les textes économiques, financiers et fiscaux.
M. François Rebsamen. Parce que le projet de loi sur la banque publique d’investissement n’est pas un texte économique, peut-être ?
M. Philippe Marini. Pour les autres textes, la situation est, certes, un peu différente.
Mais, pour tous les textes économiques, financiers ou fiscaux – je pense à la loi de programmation des finances publiques, à loi de financement de la sécurité sociale, à la loi de finances, à la loi de finances rectificative –, bref, sur tous les textes essentiels, le Gouvernement n’a plus de majorité positive dans l’hémicycle du Sénat. C’est ce que nous observons.
D’ailleurs, monsieur Rebsamen, vous allez vous-même faire usage, différemment, de cette majorité négative. Vous allez sans doute parvenir à obtenir l’adoption d’une motion tendant à opposer la question préalable, ce qui est tout de même l’initiative négative par excellence, puisque votre objectif est de ne pas examiner un texte que vous approuvez par ailleurs.
Mes chers collègues, je crois qu’il est inutile que j’aille plus loin dans mon propos. On aura compris maintenant que l’UMP et d’autres groupes de cette assemblée sont prêts à examiner le projet de loi de finances article par article.
Je conclurai sur un dernier argument, de fond : le Gouvernement lui-même a introduit en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale un nombre important d’amendements, certains traitant en particulier des collectivités territoriales. La péréquation des ressources des départements a ainsi été substantiellement modifiée sur l’initiative du Gouvernement, en nouvelle lecture, à l’Assemblée nationale.
À la limite, monsieur Rebsamen, ne pourrions-nous pas convenir, par une sorte de gentlemen’s agreement,…