M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Stéphane Mazars. Force est également de constater que, en l’espèce, la saisine du Conseil constitutionnel par nos collègues de l’opposition aura eu le mérite de permettre cette amélioration du texte,…
M. Roland Courteau. Oui, il faut les remercier ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Ils avaient quelques arrière-pensées ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
M. Stéphane Mazars. … même si je ne suis pas certain que les auteurs de ladite saisine partagent notre analyse, à en juger par le nombre d’amendements qu’ils ont déposés !
Ainsi, mes chers collègues, en ce qui concerne la mise à disposition du foncier de l’État, des garanties supplémentaires ont été prévues en contrepartie de la décote. Elles nous paraissent tout à fait opportunes.
Nous avions émis une réserve sur cette mesure simple, rapide et efficace, en déposant un amendement au précédent texte, qui visait à conditionner la décote à la réalisation d’une part significative de logements sociaux et très sociaux. Pour des raisons qui nous avaient alors échappé, la commission des finances l’avait déclaré irrecevable.
Le plafonnement de la décote à 50 % pour les logements financés en PLS et pour les logements en accession sociale à la propriété lève totalement notre réserve. Si l’État doit aller jusqu’à céder des terrains gratuitement, la priorité absolue est de loger les ménages les plus fragilisés, c'est-à-dire de construire des logements financés via des PLAI.
De la même façon, à l’article 10, la disposition prévoyant l’application d’un taux obligatoire de 10 % de logements sociaux pour les communes non franciliennes de 1 500 à 3 500 habitants a été retirée. C’était la sagesse : vous le savez, madame la ministre, le groupe du RDSE était opposé à cette mesure, car les opérateurs traînent les pieds pour venir créer des logements dans ces communes, qui n’ont pas les moyens de leur offrir la participation financière qu’ils trouvent ailleurs. C’est aussi là que les ménages modestes pouvant tout de même accéder à la propriété viennent construire, car, précisément, les terrains y sont moins chers qu’ailleurs.
Nous sommes donc reconnaissants au Gouvernement d’avoir respecté son engagement et d’avoir retiré cette disposition introduite subrepticement, de nuit, par quelques députés.
Au-delà de ces améliorations, nous nous félicitons de ce que les dispositions introduites par le Sénat lors de l’examen du précédent projet de loi, notamment sur notre initiative, aient été maintenues dans le présent texte, comme le rapporteur vient de le rappeler. Nous y voyons une nouvelle illustration, s’il en était besoin, du fait que le bicaméralisme est un bienfait pour la qualité de notre droit, d’autant que la Haute Assemblée dispose de l’expérience concrète du terrain, grâce à la présence en son sein d’un nombre important d’élus locaux, particulièrement de titulaires de fonctions exécutives, en première ligne sur la question du logement !
Je pense par exemple à l’institution, à l’article 15, pour les communes soumises aux dispositions de l’article 55 de la loi SRU non couvertes par un programme local de l’habitat, d’un plafond de 30 % de PLS et d’un plancher de 30 % de PLAI.
Je pense aussi à la suppression du « prélèvement HLM » prévue par l’article 33. Ce prélèvement inique affectait fortement les capacités d’investissement des organismes d’HLM et était incompatible avec l’objectif ambitieux du Gouvernement en termes de construction de logements sociaux.
Nous espérons que le dispositif de cession gratuite de terrains de l’État et de certains de ses établissements publics sera mis en œuvre rapidement sur le terrain.
Certains maires sont récalcitrants à la mixité sociale et, à ce titre, ils sont condamnables : le renforcement des sanctions financières devrait être incitatif. D’autres sont de bonne volonté mais se heurtent à la rareté du foncier ou à une accumulation de contraintes administratives : il faut les aider.
Ce texte est un premier « coup de pouce », mais il faudra aller plus loin. Des réflexions restent à mener sur la simplification des règles d’urbanisme : entre excès d’application du principe de précaution et excès de bureaucratie, le terrain à bâtir finit par devenir inconstructible ! Dans ce registre, comment ne pas parler aussi des recours abusifs, qui bloquent les projets parfois pendant des années ?
Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe du RDSE, dans sa quasi-totalité, soutient pleinement ce projet de loi, qui constitue une première réponse à la hauteur de la grave crise du logement que connaît notre pays. (Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes réunis ce soir à cause d’une question de procédure ; en revanche, sur le fond, aucun point n’a été soulevé qui remettrait en cause le bien-fondé du texte qui avait été élaboré par le Gouvernement et très enrichi par le travail parlementaire des deux assemblées.
Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui ne présente pas de changements essentiels par rapport au précédent. Il y a urgence à agir : nous nous devons d’apporter des réponses rapides aux plus de 3 millions de personnes, dont 600 000 enfants, qui sont mal logées en France.
En une période où il est beaucoup question, à juste titre, de l’égalité pour tous, il est temps pour nous d’affirmer avec force que l’accès de tous à un logement est la première expression du droit à vivre dans la dignité.
Beaucoup reste à faire, surtout au regard de l’objectif ambitieux de construire 150 000 nouveaux logements sociaux par an. Néanmoins, on ne peut pas dire que rien n’est entrepris par le Gouvernement. Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit de consacrer au total plus de 9 milliards d’euros au logement et d’allouer près de 14 milliards d'euros de dépenses fiscales à la construction et à la rénovation. L’objectif a été clairement fixé.
Toutefois, le logement social méritait aussi qu’on lui applique un taux de TVA de 5 % pour la construction et les travaux d’amélioration. C’est la mort dans l’âme que, à la demande de M. Cahuzac, nous avons retiré notre amendement tendant à cette fin.
Mme Mireille Schurch. Il ne fallait pas !
M. Joël Labbé. Nous n’étions pas seuls à vouloir cette mesure,…
M. Alain Fouché. C’est exact !
M. Joël Labbé. … mais votre collègue chargé du budget, madame la ministre, nous a expliqué qu’une refonte de la TVA interviendrait l’année prochaine.
M. Alain Fouché. On n’est pas obligé d’obéir à M. Cahuzac !
M. Joël Labbé. Nous attendons cette réforme, tout comme nous attendons votre grande loi sur le logement, si nécessaire.
Pour financer la politique du logement, il faudra bien oser envisager, un jour prochain, une lourde taxation des plus-values réalisées sur les terrains à construire. Il est scandaleux de constater que, à la suite d’une décision municipale, la valeur d’un terrain peut être multipliée par cinquante, voire cent ou même davantage, sans qu’un prélèvement en faveur du logement soit opéré par l’État. Il y a là une véritable ressource.
En libérant du foncier et en mettant en place une décote pouvant atteindre 100 % du coût du foncier, on facilitera la construction de logements réellement sociaux. Nous partageons cette volonté du Gouvernement. Parallèlement, les mesures anti-spéculatives sont renforcées.
Ce projet de loi réaffirme également un principe fort : toutes les villes doivent participer à l’effort de construction de logements sociaux. Oui, nous devons dépasser les égoïsmes. En ce sens, le renforcement des dispositions de la loi SRU, afin de fixer à 25 % le taux minimal de logements sociaux par ville, est nécessaire. La pertinence et les bénéfices de la loi SRU sont aujourd’hui reconnus, du moins dans les discours ; à charge, pour le Parlement, de veiller à ce que cette loi soit bel et bien appliquée dans les faits.
Pour notre part, monsieur Mazars, nous regrettons que les villes de plus de 1 500 habitants appartenant à une communauté de communes de plus de 50 000 habitants comportant une ville-centre de plus de 15 000 habitants et situées hors de l’Île-de-France n’aient pas l’obligation de construire 10 % de logements sociaux. Cela aurait permis d’anticiper les évolutions démographiques de ces territoires, tout en répondant aux besoins existants.
Pour conclure, ce texte est une première étape importante en vue d’atteindre les objectifs ambitieux du Gouvernement et de la majorité.
C’est la raison pour laquelle le groupe écologiste votera unanimement ce projet de loi, en souhaitant qu’il soit adopté conforme. C’est d’ailleurs la position que la commission de l'économie a prise la semaine dernière. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Calvet.
M. François Calvet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est proposé aujourd’hui n’est que très peu différent de celui qui a été voté en octobre, hormis la prise en compte des remarques du Conseil d’État.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. C’est vrai !
M. François Calvet. Je tiens à déplorer, au nom du groupe UMP, que, après trois modifications de l’ordre du jour concernant la date de discussion de ce projet de loi, nous nous retrouvions dans cet hémicycle, un lundi soir, à vingt et une heures trente, pour débattre d’un texte dont les dispositions auront des incidences pour des milliers de communes. Cette manière de traiter le Sénat est difficilement acceptable ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Il va falloir s’y faire !
M. François Calvet. Chacun s’accorde sur le diagnostic de la nouvelle crise du logement que nous traversons. L’année 2012 figurera parmi les plus mauvaises pour le secteur du logement neuf depuis près de vingt ans.
M. Roland Courteau. Raison de plus pour changer la loi !
M. François Calvet. La mise en chantier et les ventes de logements neufs ont chuté de 25 % au troisième trimestre par rapport à la même période de 2011. Le dernier trimestre ne sera pas meilleur.
Avec 300 000 logements construits en 2012, nous serons donc très loin de l’année du « choc de l’offre » que vous aviez annoncée, et nous ne croyons pas que ce « choc de l’offre » puisse être transformé en « pacte de l’offre logement » avec ce texte et les premières mesures prises par le Gouvernement. Nous sommes convaincus que, à la fin de 2013, nous serons également bien loin de votre objectif de 500 000 logements construits.
M. Alain Néri. On va avancer encore !
M. François Calvet. En effet, il ne suffit pas de décréter la construction de logements sociaux et de prélever un nouvel impôt déguisé en amende sur les collectivités locales pour asseoir une dynamique de construction, quand la résolution des problèmes est bien loin de dépendre de la seule volonté des autorités publiques.
Si les communes ne parviennent pas à construire suffisamment de logements, c’est pour des raisons objectives,…
M. Jean-Pierre Caffet. Ben voyons !
M. François Calvet. … liées à l’explosion du coût du foncier, au renchérissement de 50 % du coût de la construction en dix ans, à cause d’une inflation des normes, souvent européennes et environnementales.
M. Roland Courteau. Et la mauvaise volonté ?
M. Claude Dilain. Il y en a qui y arrivent, pourtant !
M. Alain Néri. Pas à Neuilly !
M. François Calvet. L’augmentation de trois points du taux de TVA aura un effet fortement négatif sur le coût de la construction. Je ne comprends pas non plus que la subvention de l’État pour les PLAI passe de 9 500 euros à 7 500 euros par logement.
Plus inquiétant encore, vous faites reposer l’effort nécessaire pour réaliser votre ambition sur les collectivités locales, alors qu’elles ne peuvent plus emprunter auprès des banques à des taux acceptables. À titre d’exemple, pour financer les travaux d’assainissement et de réseaux, la communauté d’agglomération de Perpignan empruntait jusqu’à présent à 3 % sur trente ans ; ce taux est passé, ces six derniers mois, à 5 % sur quinze ans. Or ces travaux, indispensables à l’aménagement de zones constructibles, permettent d’alléger le coût du foncier pour les opérateurs.
Les établissements publics fonciers voient désormais fondre leurs capacités et leurs réserves foncières, faute de pouvoir emprunter auprès des banques. Nous vous alertons sur la dégradation sans précédent des conditions d’accès au crédit pour les collectivités publiques et leurs établissements, ainsi que sur les difficultés croissantes que rencontrent les collectivités pour garantir leurs opérations. Nous n’avons jamais eu, ni en séance ni en commission, de réponse du Gouvernement sur ce point fondamental. Là est pourtant la limite essentielle de votre politique.
Les conditions d’accès au crédit se sont aussi dégradées pour les particuliers, malgré des taux très bas : les banques demandent de plus en plus de garanties et refusent un nombre croissant de dossiers. L’exigence en matière d’apport initial est désormais de 50 000 euros en moyenne, alors que, en 2012, les Français ont emprunté en moyenne 160 000 euros pour l’achat d’un bien immobilier. Le taux de désistement des acquéreurs est monté à près de 25 % sur les six premiers mois de l’année, en raison du refus des banques d’octroyer un crédit.
Dans ce contexte, permettez-nous de douter du succès de votre nouvelle niche fiscale. L’an dernier, j’ai voté des deux mains la suppression du dispositif Scellier. Je n’ai jamais été favorable aux niches fiscales immobilières, qui faussent le prix du mètre carré depuis des années. Je constate que la majorité des 7 000 logements vacants recensés à Perpignan sont issus de programmes Scellier. Je regrette que vous n’ayez pas profité de la suppression de cette niche fiscale pour réfléchir à la mise en place d’un autre système, non inflationniste, d’encouragement à l’accession à la propriété, qui ne profiterait pas seulement aux promoteurs immobiliers.
Nos voisins Allemands, qui deviennent une référence en matière d’orthodoxie budgétaire, se gardent bien de créer des niches fiscales, mais, en revanche, ils soutiennent l’accession à la propriété via des prêts bonifiés très intéressants. L’État fédéral propose en effet des prêts bonifiés à un taux inférieur de 30 % à l’offre du marché bancaire, dans la limite d’un montant de 120 000 euros, le remboursement des intérêts étant différé les deux premières années. L’intervention de l’État fédéral peut être appuyée par les Länder, qui peuvent ainsi moduler la bonification en fonction de leurs priorités en matière de logement.
Au moment où tant de familles n’arrivent pas à accéder au crédit – c’est là que se trouve désormais la vraie difficulté en France –, nous pourrions imaginer, selon le même principe, que l’État propose des prêts bonifiés et que les régions modulent leur effort en fonction des tensions de leur marché local. Une bonification du crédit par l’État et les régions, sur le modèle allemand, serait certainement plus efficace que la création d’une énième niche fiscale. Les niches fiscales n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité pour résorber le manque de logements dans notre pays. Nous ne voyons pas comment le nouveau régime fiscal que vous proposez, qui portera à jamais votre nom, madame la ministre, pourrait y parvenir, puisqu’il ne fait que reprendre le dispositif des lois précédentes,…
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Pas tout à fait !
M. François Calvet. … avec des contraintes supplémentaires et un moindre rendement…
Votre politique du logement n’est pas en phase avec la nouvelle donne économique et bancaire apparue ces six derniers mois,…
M. Jean-Louis Carrère. Parce que vous, vous êtes en phase ?
M. François Calvet. … et le texte que vous nous proposez à nouveau ne permettra pas de relever le défi que vous vous êtes lancé.
Nous avons bien compris que vous souhaitez que le Sénat adopte conforme le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale ; permettez-nous tout de même de faire quelques remarques…
Concernant la mise à disposition gratuite de terrains publics pour construire des logements sociaux, nous sommes d’accord sur le principe s'agissant des terrains de l’État, mais nous le sommes moins pour les terrains de ses établissements publics, lesquels rencontrent eux aussi de grandes difficultés.
Il a été annoncé que cette « aubaine » pourrait concerner 900 sites et 2 000 hectares, pour la construction de 110 000 logements d’ici à 2016. Nous restons dubitatifs quant à la réalité de l’existence de ces terrains. Pour ne parler que de Perpignan, nous avons constaté que les terrains qui étaient présentés comme cessibles soit n’existaient pas, soit étaient déjà vendus ! Je peux vous citer l’exemple d’un terrain de 25 000 mètres carrés appartenant à Réseau ferré de France, RFF, qui figure sur la liste des sites cessibles alors qu’il est en fait déjà promis à un promoteur privé pour la réalisation de la deuxième tranche d’une zone d’aménagement concerté. Si les pouvoirs publics imposent la cession de ce terrain à une collectivité avec une décote par rapport au prix négocié avec le promoteur, RFF se retournera forcément contre l’État pour demander une compensation. J’ajoute que ce terrain nécessite des travaux importants de dépollution, et que rien ne pourra sortir de terre avant quatre ans au moins.
Cet exemple concret nous amène à nous interroger sur la réalité et la disponibilité des terrains recensés par les services de l’État. Il serait utile que les collectivités territoriales puissent disposer de données fiables quant aux terrains effectivement accessibles et exploitables.
L’autre mesure phare de votre projet de loi consiste à porter à 25 % les exigences en matière de logements sociaux et à multiplier par cinq les sanctions contre les communes « mauvaises élèves », pour reprendre une expression employée tout à l’heure par M. le rapporteur. Les collectivités territoriales ont fait beaucoup d’efforts, depuis l’adoption de la loi SRU,…
M. Roland Courteau. Pas toutes !
M. François Calvet. … pour tendre vers l’objectif de 20 % de logements sociaux. Le rythme de construction de logements sociaux a été soutenu ces dernières années, comme le montre le record de 130 000 réalisations en 2010.
Il n’en demeure pas moins que, malgré les efforts des communes pour respecter les objectifs de rattrapage imposés par la loi, moins de cinquante communes auraient atteint le taux de 20 % depuis 2001. Même lorsqu’elles sont volontaristes, les communes rencontrent de vraies difficultés pour trouver et acquérir le foncier, pour faire face aux recours qui se multiplient, pour respecter les nouvelles normes et contraintes environnementales, qui étendent les zones inconstructibles.
Au-delà du problème du foncier disponible, la production de logements sociaux doit tenir compte à la fois des prescriptions liées aux risques et de la réglementation relative à l’accessibilité. Le respect de ces obligations engendre des surcoûts très importants, qui ne permettent pas d’équilibrer financièrement les opérations de construction de logements sociaux.
Vous avez expliqué en commission, madame la ministre, que la spécificité des plans de prévention du risque inondation, les PPRI, avait été prise en compte par l’insertion d’une disposition exonérant totalement les communes de leurs obligations lorsque plus de la moitié de leur territoire est inconstructible. Pour les autres, une instruction précisera comment s’appliqueront les sanctions. Permettez-moi de ne pas être d’accord avec les modalités de prise en compte de la spécificité des PPRI, car votre texte cible les seuls territoires urbanisés, et non la totalité du territoire de la commune.
Comme les communes vont rencontrer les plus grandes difficultés pour atteindre des objectifs qui sont en fait inatteignables, nous sommes convaincus que votre but est avant tout de leur faire payer un impôt supplémentaire. À l’échelle de l’agglomération de Perpignan, les premières simulations donnent à penser qu’il va falloir produire près de 18 000 logements locatifs sociaux en douze ans. Cette production imposée par la loi devrait donc bénéficier de près de 50 millions d'euros d’aides directes de l’État, sous réserve que le niveau de ces aides n’évolue pas.
Il serait sans aucun doute intéressant de faire une projection pour l’ensemble des communes actuellement concernées – ou qui le seront à l’avenir – par le dispositif de la loi SRU… Personne ne peut croire que les 120 millions d'euros annoncés suffiront à répondre aux besoins de financement que vous allez créer à l’échelle nationale.
Votre projet est irréaliste, car il ne sera pas financé ; le Gouvernement le sait bien. Nous estimons qu’il est malhonnête de montrer du doigt les communes, alors que l’objectif essentiel est de ponctionner leur budget. Le Conseil d’État a d'ailleurs ramené ce prélèvement à 7,5 % des dépenses de fonctionnement, ce qui est déjà énorme et ne va pas arranger des finances locales devenant exsangues en temps de crise.
J’ajoute que l’échelon de la commune est désormais inapproprié. Depuis l’adoption de la loi SRU, le contexte législatif a fait évoluer la stratégie en matière de production de logements locatifs sociaux. La montée en puissance des EPCI en matière d’habitat – il s’agit d’une compétence obligatoire pour les communautés d’agglomération et les communautés urbaines – a conduit nos collectivités à se doter d’outils de coordination des politiques d’aménagement intégrant la production de logements. Il aurait fallu que la loi prenne en compte cette réalité, en permettant la mutualisation des obligations de production de logements sociaux à l’échelon intercommunal.
Enfin, nous continuons à penser qu’il convient d’encourager l’accession sociale à la propriété, en intégrant ces opérations dans le quota de logements sociaux imposé par le dispositif de la loi SRU. L’accession sociale à la propriété répond au souhait de nombreuses familles, et permet notamment de préserver de nombreux retraités de la précarité. Cette solution permet aussi de libérer des logements sociaux au bénéfice de ceux qui n’y ont pas encore accès et d’augmenter la capacité financière des bailleurs sociaux.
Ce dernier point est important, car le vrai problème auquel nous sommes désormais confrontés, c’est celui du bouclage du financement des opérations de logement social. Entre la réduction des aides à la pierre, l’augmentation des coûts de construction, les difficultés d’accès au crédit pour les collectivités et le refus croissant de la Caisse des dépôts et consignations d’apporter sa garantie aux collectivités, de plus en plus d’opérations immobilières sont désormais à l’arrêt. Si vous ne réglez pas la question du financement, plus aucun logement social ne pourra sortir de terre. L’enjeu est là, et pas ailleurs : les collectivités ne pourront bientôt plus boucler financièrement leurs opérations.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Et la taxe professionnelle ?
M. François Calvet. Je terminerai en posant, en ma modeste qualité de vice-président de l’agglomération de Perpignan Méditerranée chargé de l’habitat, une question très concrète, mais qui concerne tous les départements.
Le préfet de région vient d’annuler le comité régional de l’habitat qui devait délibérer cet après-midi, à Montpellier, sur trois projets de programme local de l’habitat – PLH – de la région Languedoc-Roussillon ; d’où ma présence ici ce soir… Il a estimé qu’il était difficile de faire approuver des PLH alors que votre texte va imposer de nouvelles obligations. L’annulation de ce comité régional de l’habitat bloque la procédure d’adoption définitive du PLH de l’agglomération de Perpignan, qui représente deux ans de travail.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne fallait pas déposer de recours devant le Conseil constitutionnel !
M. François Calvet. Les PLH finalisés et en cours d’adoption peuvent-ils être approuvés en l’état par les préfets, sachant que nous sommes prêts à les réviser dans les meilleurs délais afin de satisfaire aux nouveaux objectifs que posera votre texte ? Nous ne pouvons nous permettre d’attendre six mois de plus,…
M. Alain Néri. On a attendu dix ans, avec vous !
M. François Calvet. … d’autant que la nouvelle loi n’affectera qu’un seul aspect des PLH, à savoir la déclinaison par commune de la production de logements locatifs sociaux. J’attends votre réponse sur ce point, madame la ministre, et manifestement les préfets l’attendent aussi !
M. Jean-Louis Carrère. Cela fait déjà dix-sept minutes qu’il parle !
M. François Calvet. Pour conclure (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.), je tiens à rappeler que le gouvernement Fillon a financé 120 000 logements sociaux en 2009,…
M. Jean-Louis Carrère. Et Copé ?
M. François Calvet. … 130 000 en 2010 – c’est le record absolu depuis trente ans – et 120 000 en 2011, cela dans une période de crise. Nous vous souhaitons de faire aussi bien, madame la ministre, car de nombreuses entreprises du bâtiment sont en train de mettre la clé sous la porte, et un nombre croissant de Français ne peuvent plus se loger. Nous vous souhaitons de réussir, mais ce n’est pas ce projet de loi ni les moyens engagés par l’État qui vous le permettront.
Eu égard au faible nombre de modifications que vous avez acceptées lors du débat sur votre premier texte, et dans la mesure où nous savons d’ores et déjà que vous allez refuser toute nouvelle proposition, le groupe UMP ne votera pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, parce qu’il y a urgence à répondre à la crise du logement que traverse notre pays, une crise dramatique qui prive chaque jour davantage de nos concitoyens du droit, fondamental, d’avoir un toit, le Gouvernement a voulu agir vite.
Ainsi, la première loi du quinquennat est venue abroger la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire, et, au tout début du mois de septembre, vous nous avez présenté un projet de loi visant à mobiliser le foncier public et à accroître les obligations de construction des collectivités. Ce faisant, vous avez oublié, madame la ministre, que la droite était en embuscade (Exclamations sur les travées de l’UMP.), prête à déployer n’importe quel argument pour faire échouer ce projet de loi que nous avons adopté le 9 octobre dernier.
En effet, ce qui gêne nos collègues dans ce texte, ce n’est pas la procédure qui a présidé à son adoption, mais bien son contenu même ; la preuve vient de nous en être donnée.