Mme la présidente. Avant que nous n’entendions les orateurs inscrits dans la discussion générale, je me permets d’inviter chacun d’eux à respecter scrupuleusement son temps de parole, de manière qu’ils puissent tous s’exprimer d’ici à la suspension de nos travaux, à douze heures trente.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce PLFR, s’il est adopté, amplifiera notre déficit budgétaire, et donc notre besoin de financement, de 5 milliards d’euros.
Il nous conforte ainsi dans plusieurs idées que le groupe UDI-UC défend depuis longtemps ici même, bien avant votre arrivée aux affaires, monsieur le ministre.
Tout d’abord, nous sommes convaincus de la nécessité d’adopter sans tarder des mesures radicales pour soutenir la compétitivité des entreprises françaises. Je vous renvoie sur ce point à nos interventions dans cet hémicycle, en particulier celles du président Jean Arthuis, en faveur de la mise en place d’une TVA anti-délocalisation, qui fera d’ailleurs l’objet d’un amendement.
Ensuite, nous avons toujours mis en avant l’obligation d’être plus prudent dans les prévisions budgétaires. Les lois de finances initiales qui sont proposées à notre vote en fin d’année sont fondées sur des taux de croissance bien trop optimistes, nous obligeant à effectuer en cours d’année des ajustements drastiques, souvent mal ficelés, car établis dans la précipitation.
Enfin, nous considérons qu’il y a urgence à effectuer d’amples réformes de structure et à consentir des efforts, portant notamment sur les dépenses de personnel, faute de quoi le Gouvernement ne pourra pas tenir ses engagements de réduction des déficits publics.
Je commencerai par les deux derniers points, qui constituent la partie « classique » d’un collectif de fin d’année.
S’agissant des recettes, les hypothèses de croissance retenues pour l’élaboration des budgets de l’État sont systématiquement trop optimistes et poussent à des ajustements en cours d’année mal préparés. Notre groupe avait déjà lancé cette mise en garde ici même l’an dernier. Rendez-vous compte : nous avons voté en décembre 2011 un budget fondé sur une hypothèse de croissance de 1,75 % ; la croissance sera finalement, au mieux, de 0,3 % et, au pis, nulle.
Nous aurions pu, nous aurions dû intégrer ces chiffres dès nos premières prévisions budgétaires : le consensus des experts se faisait à l’époque sur une croissance de 1,2 % et notre recommandation était de nous placer, par prudence, à 0,5 point en dessous.
L’erreur du passé ne fait toujours pas leçon pour le présent : dans le PLF pour 2013, on fait la même erreur en croyant pouvoir forcer le destin avec 0,8 % de croissance pour établir la prévision budgétaire, quand tous les économistes tablent sur, au mieux, moitié moins et que nous aurons vraisemblablement une croissance nulle, voire négative.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pas tous les experts !
M. Vincent Delahaye. Pratiquement tous !
Dans ces conditions, il ne fait pas de doute que nos rendez-vous pour les collectifs budgétaires de 2013 seront aussi douloureux que ceux que nous aurons eu à subir cette année, notamment celui d’aujourd’hui.
De collectif en collectif, les recettes fiscales auront été revues à la baisse de 4,8 milliards d’euros depuis la loi de finances initiale, dont 4,2 milliards au titre de l’impôt sur les sociétés, et de 2,4 milliards d’euros dans le présent collectif.
Ce constat ne vous aura pas empêchés de surestimer encore les recettes fiscales dans le PLF pour 2013. Leur évolution dite « spontanée » a été estimée à 8 milliards d’euros, soit 3 % d’augmentation, alors que la croissance effective annoncée n’est pas meilleure qu’en 2012 et que la consommation des ménages et l’investissement des entreprises sont en berne.
Le choc fiscal en deux temps qui nous a été proposé, en juillet puis aujourd’hui, avec son côté récessif, va encore accentuer la déprime de l’économie française. Comment, dans ces conditions, valider une progression spontanée de nos recettes de 3 % ?
À cette question, que je lui avais déjà posée lors du débat sur le PLF pour 2013, M. Cahuzac n’avait pas répondu.
Si ce sont les modèles de Bercy qui aboutissent à ces hypothèses, il est grand temps d’en changer ! Un tel investissement est bien plus urgent que les énormes investissements immobiliers que vous nous proposez d’autoriser aujourd’hui.
Nous surestimons donc chroniquement nos recettes, rendant finalement peu sincère la prévision initiale et ce n’est pas le milliard – très optimiste et même très utopique milliard ! – que vous espérez retirer des mesures anti-fraude de ce PLFR qui viendra me rassurer sur ce point.
Abordons à présent la question des dépenses publiques : monsieur le ministre, nous continuons de dépenser trop, beaucoup trop !
Je suis choqué, par exemple, de voir des ouvertures de crédits prévues au titre d’opérations immobilières visant au regroupement des services du Premier ministre, d’une part, et des services chargés des ministères de l’écologie et du logement, d’autre part, le tout pour un montant de plus de 900 millions d’euros en autorisations d’engagement.
M. Albéric de Montgolfier. Pour le ministère de la défense aussi !
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Cela a été décidé par le précédent gouvernement !
M. Vincent Delahaye. Eh bien, il faut arrêter !
Monsieur le ministre, ce sont les élus, et non l’administration, qui doivent décider. En la matière, ce sont eux qui ont la main !
Dans des temps comme ceux que nous traversons, je suis farouchement opposé à ce type de dépenses. À moins que vous nous fassiez une démonstration digne de ce nom du gain à en obtenir en retour. Mais, pour ce que j’en sais, la preuve est loin d’être établie.
Je saisis là une nouvelle et pénible occasion d’attirer votre attention, mes chers collègues, sur la question de la gestion du patrimoine immobilier de l’État. Un rapport de la Cour des comptes, rédigé à la demande de la commission des finances du Sénat, sur le patrimoine immobilier des établissements de santé nous avait déjà alertés, en janvier dernier, sur tout un ensemble de dysfonctionnements. Le sujet doit être approfondi, car il y a là, sans nul doute, un gisement important d’économies à réaliser. En la matière, je le répète, les élus ne doivent pas laisser le pouvoir à l’administration.
En ce qui concerne les dépenses de personnel, lors d’une séance de questions cribles thématiques sur la dépense publique qui s’est déroulée voilà un peu plus d’un mois, j’ai demandé à M. Cahuzac comment il comptait s’y prendre pour tenir l’objectif « zéro valeur » en se fixant comme ligne de conduite la stabilité des effectifs de la fonction publique d’État et de ses opérateurs, soit une enveloppe cumulée de plus de 100 milliards d’euros.
Or cette dépense augmentera mécaniquement de 2 % au moins chaque année, par l’effet des avancements et promotions, du glissement vieillesse technicité, de la GIPA, c’est-à-dire la garantie individuelle de pouvoir d’achat, et des indemnités catégorielles dont bénéficient, notamment, les fonctionnaires du ministère des finances.
M. Cahuzac avait balayé mon argument en minimisant tous ces effets. Or, dans le décret d’avance qui a précédé ce PLFR, il a inscrit 600 millions d’euros supplémentaires au titre des dépenses salariales : c’est un premier signe qui, je le crains, me donne raison.
Je vous prends à témoin, mes chers collègues : la reconduction dans le PLF pour 2013 du même niveau de masse salariale qu’en 2012 est un objectif inaccessible si les effectifs des fonctionnaires restent les mêmes, voire augmentent.
Voilà pourquoi je proposerai un amendement qui tend à réduire de 3 % les plafonds d’emplois des opérateurs de l’État en 2013, lesquels plafonds ne cessent d’augmenter depuis des années, quand des efforts ont été demandés à tous les ministères dans le cadre de la RGPP.
Il est grand temps que les opérateurs de l’État participent aux efforts de redressement des comptes publics. Il faut en finir avec la débudgétisation des services de l’État. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le rapport de l’Inspection générale des finances publié cet été, et je ne comprends pas qu’il ait si peu inspiré vos propositions budgétaires.
Nos efforts pour réduire les dépenses publiques ne sont donc pas suffisants et ne nous donnent aucune marge lorsqu’arrivent les mauvaises surprises, telles que la recapitalisation de Dexia à hauteur de 2,5 milliards d’euros, somme qui correspond en fait à la couverture des pertes dont nous ne voyons, d’ailleurs, ni l’ampleur ni la fin.
À ce sujet, après qu’en commission des finances nous avons procédé à de nombreuses auditions sur le sujet et qu’on nous a « vendu » la garantie de l’État à Dexia comme indolore, voire profitable pour le budget de l’État – à l’instar de ce que l’on nous le dit aujourd’hui au sujet de la garantie apportée à la banque de PSA –, je suis surpris de voir arriver une facture, la première peut-être, d’un montant non négligeable.
Nous faisons semblant de fermer les yeux, puisqu’une astuce pourrait ne pas nous obliger à comptabiliser la somme dans le déficit du budget, alors que cette somme est bel et bien une charge pour l’État et que l’objectif d’un déficit situé à 4,5 % de PIB n’est, en réalité, pas tenu.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pourquoi Dexia en est-elle arrivée là ? (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Vincent Delahaye. C’est une bonne question, qui mériterait un débat un peu plus large.
Mme Michèle André. Il y en aura un !
M. Vincent Delahaye. Je demande à l’État ce qu’on peut demander à tout actionnaire digne de ce nom : une vision claire de la situation de cette banque et de ses perspectives de pertes pour éviter de nouvelles mauvaises surprises.
J’en viens maintenant aux deux amendements qu’a présentés le Gouvernement pour introduire, dans le texte, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Tout d’abord, comme d’autres le diront sans doute aussi, la forme est choquante, cavalière même pour une réforme de cette importance : quelques lignes, quelques pages, pour des mesures chiffrées à 20 milliards d’euros – excusez du peu ! –, sans aucune véritable étude d’impact.
Ce matin, M. Cahuzac a évoqué le rapport Gallois. Or, d’après mes souvenirs, ce dernier préconisait non pas un crédit d’impôt,…
M. Francis Delattre. Absolument !
M. Vincent Delahaye. … mais un choc beaucoup plus important de compétitivité.
M. Francis Delattre. Via la CSG !
M. Vincent Delahaye. Ce n’est pas du tout ce qui nous est proposé aujourd'hui.
Je suis d’ailleurs surpris que le Gouvernement ait attendu six mois et la publication du rapport Gallois pour s’apercevoir qu’il y avait un problème de compétitivité dans notre pays. Cela n’a jamais été dit pendant la campagne présidentielle, à aucun moment !
Mme Michèle André. Mais si !
M. Albéric de Montgolfier. Cela a même été nié !
M. Vincent Delahaye. Surtout, on a perdu beaucoup de temps.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pourquoi n’a-t-on rien fait pendant dix ans ?
M. Vincent Delahaye. Vous êtes arrivés aux affaires avec des dogmes en tête…
Mme Michèle André. Vous n’en avez pas, vous ?
M. Vincent Delahaye. … et l’envie d’en découdre, ou plutôt d’en « détricoter ».
Au final, les dispositions au service de la compétitivité des entreprises – bien qu’insuffisantes, nous l’avions dit à l’époque – que nous aurions pu mettre en œuvre dès le mois d’octobre à la suite de la loi votée en février dernier, vous nous proposez de ne les mettre en place qu’en 2014 – après avoir fait voter une surcharge de 10 milliards d’euros d’impôts pour les entreprises en 2013 – et, qui plus est, via un système de crédit d’impôt dont l’efficacité est bien moindre.
À la baisse des charges sociales, nettement plus favorable à l’emploi, vous avez préféré un crédit d’impôt qui risque fort de manquer sa cible puisque, par définition, il ne s’appliquera qu’aux entreprises redevables de l’impôt sur les sociétés, c’est-à-dire celles qui résistent le mieux à la crise et non pas celles qui sont à court terme dans la gêne.
Pour financer la mesure, plutôt que d’augmenter significativement le taux normal de TVA, vous choisissez de porter de 7 % à 10 % le taux intermédiaire, lequel ne concerne que des secteurs peu ou pas soumis à la concurrence des produits importés, à l’image de la restauration, de la rénovation des logements ou de l’hôtellerie.
Au lieu des 30 milliards d’euros préconisés par le rapport Gallois pour obtenir un vrai choc de compétitivité, vous annoncez des mesures représentant un montant de 20 milliards d’euros : un maxi-prix pour un mini-choc !
Qui plus est, toujours pour en revenir à notre sujet du jour, la sincérité de la prévision initiale, vous entendez nous faire voter une créance sur l’État constatée par les entreprises, mais non prise en compte par lui-même la même année. Comme Jean Arthuis l’a souligné, vous la chiffrez à 13 milliards d’euros pour 2014 quand nous devrions l’inscrire dans nos comptes, en tout cas dans notre dette, dès 2013.
Si l’on ajoute ces 13 milliards d’euros aux 8 milliards d’euros de surestimation de recettes dont j’ai parlé tout à l’heure et qui, selon moi, ne figureront pas dans les coffres de l’État à la fin de 2013, ce sont quelque 21 milliards d’euros – pas moins ! – engagés effectivement par l’État en 2013 qui ne seront pas couverts par des recettes et viendront accroître le déficit et la dette réelle de l’État en fin d’année.
Le mécanisme du crédit d’impôt est coûteux et son efficacité, douteuse. Lorsqu’on gère une collectivité, en général, on s’abstient de prendre une mesure à la fois coûteuse et à l’efficacité douteuse !
Nous visons à une vraie réindustrialisation de notre pays – je serai d’ailleurs très vigilant quant aux résultats obtenus dans un an par la politique que vous menez à ce sujet –, mais seulement 20 % des sommes engagées iront à l’industrie. Pour financer le coût de la mesure, 10 milliards d’euros sont censés provenir d’économies sur le budget de l’État, quand vous avez été incapables de trouver le moindre milliard à économiser dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.
Vous inventez un système qui est une usine à gaz, tout juste bon à créer du contentieux fiscal. Les seules professions qui trouveront à en tirer bénéfice seront probablement les conseillers fiscaux…
Si je calcule bien, entre 2013 et 2017, ce crédit d’impôt coûtera 58 milliards d’euros cumulés au budget de l’État. On en espère, à vous entendre, la création de 300 000 emplois. Cela fait près de 200 000 euros par emploi ! C’est tout de même un peu cher ! Ou bien ce n’est pas assez efficace : sans aucun doute, on peut faire mieux avec une telle somme.
Monsieur le ministre, la stratégie que nous propose le Gouvernement est celle du dos rond. La crise finira bien par s’essouffler, selon vous : c’est le pari que vous faites de pouvoir rembourser nos dettes réalisées en 2013 sur 2014, en tablant sur une croissance de 2 % cette année-là pour y arriver.
Je crains, pour ma part, que la crise, loin d’être derrière nous, ne se trouve malheureusement encore devant nous. Je crains que le répit que les marchés nous accordent aujourd’hui en nous gratifiant de taux historiquement bas pour les emprunts que nous engageons ne soit de courte durée. Pour peu que la tendance des taux se retourne brutalement, et dans les proportions très élevées que nous avons pu voir, les conséquences que nous aurons à en subir sur le plan budgétaire seront très lourdes. J’ai bien peur que vous ne prépariez pas suffisamment les Français à un effort inévitable sur la durée.
Nous, élus, nous devons la vérité aux Français. Nous devons nous préparer à plusieurs années d’efforts si nous voulons ouvrir pour notre pays, pour nos enfants, pour nos jeunes, un cycle plus prometteur et plus durable.
Monsieur le ministre, l’action, ce doit être maintenant. Le courage, c’est maintenant. Les réformes structurelles, c’est maintenant. Demain, il sera trop tard ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il faut soutenir le Gouvernement, alors !
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2012 que nous examinons aujourd’hui aurait pu être un collectif budgétaire de fin d’année « classique ».
Lorsqu’il a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, voilà tout juste un mois, il comportait 31 articles consistant en des ouvertures et fermetures de crédits. Il se rapprochait donc, malgré des différences sur le fond, de ceux qui nous ont été présentés ces dernières années.
Après son adoption à l’Assemblée nationale, c’est un texte fort différent qui nous est soumis puisqu’il comprend désormais 90 articles, soit 59 articles additionnels ajoutés par nos collègues députés, dont la plupart, il faut le souligner, résultent de l’adoption d’amendements émanant du Gouvernement, lequel avait déposé pas moins de 52 amendements au total.
Monsieur le ministre, je tiens d’ailleurs à cette occasion à saluer l’efficacité des services ministériels concernés, capables d’écrire l’équivalent d’un second collectif budgétaire en moins d’un mois : c’est une forme d’exploit !
Au final, analyser ce texte dans le délai très court qui sépare son adoption par les députés de son examen par nous-mêmes, et ce malgré l’excellent travail de notre commission des finances, m’apparaît tout de même comme une gageure.
À nos yeux, permettez-moi de le dire, le présent collectif n’est pas le reflet d’une coopération suffisamment efficace et constructive entre le Gouvernement et le Parlement. Nous le regrettons. Je le dis en toute franchise : sur ce point, des progrès peuvent être faits.
Après ces remarques préliminaires de forme, venons-en au fond.
Le texte, compte tenu notamment des modifications importantes dont il a fait l’objet – je pense, bien sûr, à l’article 24 bis, qui introduit le nouveau crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – est un texte majeur, un tournant essentiel en faveur de la compétitivité des entreprises ; j’y reviendrai tout à l’heure.
Je commencerai par un autre point du projet de loi, qui figurait, lui, dans le texte initial : les mesures visant à lutter contre la fraude et l’optimisation fiscales.
Je salue les efforts du Gouvernement et l’engagement dont il a fait preuve sur ce point dès la loi de finances rectificative de juillet dernier, puis dans le projet de loi de finances pour 2013, textes qui comportent déjà des dispositions très importantes, en particulier la limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunt pour les entreprises.
Ce troisième collectif budgétaire pour 2012 prévoit de nouvelles mesures anti-abus et accroît utilement les pouvoirs de l’administration fiscale, notamment à l’article 8, qui adapte ces derniers aux évolutions technologiques.
L’article 9 renforce les moyens de lutte contre la fraude à la TVA sur les voitures d’occasion. C’est également une avancée importante. Il faudra certainement poursuivre les efforts concernant la TVA, considérée par la Commission européenne comme deux fois plus « fraudée », si je puis oser ce barbarisme, que les autres impôts. La Commission évalue la fraude à 10 milliards d’euros pour notre pays : c’est un tiers des efforts demandés aux Français en 2013 pour redresser nos finances publiques. Il semble qu’il y ait donc là une manne importante pour le budget de l’État. Il faudra sans doute approfondir le sujet.
Pour être véritablement efficaces, les efforts menés dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales devront se poursuivre, et ce à l’échelle européenne. Je pense aux travaux sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, dont la mise en œuvre permettrait notamment de neutraliser l’optimisation fiscale que certaines entreprises réalisent par le biais des « prix de transfert ». Voilà indéniablement une piste sur laquelle il nous faut avancer avec nos partenaires européens pour sortir par le haut de la crise économique et financière.
La crise est également ressentie par les collectivités territoriales. Nous y sommes, ici, très sensibles et c’est le second point que je souhaitais aborder ce matin.
Au travers de ce collectif, les difficultés auxquelles font face les collectivités sont reconnues. Ainsi, l’article 17 duodecies, introduit à la suite de l’adoption d’un amendement gouvernemental, met en place un fonds exceptionnel de soutien aux départements en difficulté, fonds doté de 170 millions d’euros, conformément aux derniers engagements pris par le M. le Président de la République. Ce n’est pas rien, mais, nous le savons, ce n’est pas encore suffisant, et d’autres mesures plus structurelles, que nous appelons de nos vœux, devront être prises.
L’article 3 bis institue un autre fonds, plus discutable selon nous, en faveur des collectivités ayant souscrit des emprunts structurés, autrement dit des « emprunts toxiques ». L’adoption de l’amendement déposé par le rapporteur général permettrait d’améliorer le texte actuel puisqu’il vise à ne pas faire participer l’ensemble des collectivités, donc pas celles qui ont géré vertueusement leur budget, au « renflouement » d’autres collectivités qui se sont montrées sans doute moins prudentes. Voilà une mesure fondée sur des principes de justice et d’équité, que nous défendons au sein du RDSE.
Cependant, il conviendrait selon nous de supprimer purement et simplement l’article 3 bis, car son principe même constitue un aléa moral, souvent dénoncé dans la régulation financière, mais qui vaut tout autant s’agissant de la gestion des acteurs publics.
Quoi qu’il en soit, s’il y a urgence à venir en aide à certaines collectivités, il y a surtout urgence à mettre en place des dispositifs de péréquation verticale et horizontale véritablement justes, afin de réduire les inégalités qui ne cessent de se creuser entre les territoires. C’était, du reste, l’un des points soulignés, ici même, hier après-midi par le RDSE, à l’occasion de l’examen de notre proposition de résolution pour une politique de lutte contre la fracture territoriale, texte adopté, il faut le souligner, à l’unanimité par notre assemblée, chargée de la représentation des collectivités territoriales de la République.
Pour terminer sur le thème des collectivités et pour assurer une transition avec mon sujet suivant, je parlerai de la cotisation foncière des entreprises, la CFE. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, notre excellent rapporteur général avait proposé un amendement, adopté à l’unanimité, qui visait à permettre aux collectivités de procéder à une seconde délibération sur le montant de la base minimum de CFE due au titre de 2012.
L’absence de simulations disponibles pour les collectivités au moment de leur première délibération avait en effet conduit à des augmentations très importantes et particulièrement inopportunes de l’imposition de certaines entreprises. Nous avions eu, bien sûr, beaucoup de retours à ce sujet. Il était donc urgent d’agir, et je me réjouis qu’une disposition introduite à l’Assemblée nationale à l’article 17 de ce collectif reprenne l’esprit de l’amendement adopté par le Sénat dans le projet de loi de finances pour 2013. C’est pourquoi nous soutiendrons les amendements du rapporteur général qui tendent à améliorer le dispositif prévu par l’article sur la base minimum de CFE.
J’en viens à mon dernier sujet : les entreprises. Il occupe manifestement le devant de la scène depuis la remise par Louis Gallois, au début du mois de novembre, de son excellent rapport, auquel est venu s’ajouter l’examen des textes relatifs à la Banque publique d’investissement.
Comme je l’ai déjà dit, le collectif a fait l’objet d’une modification plus que substantielle, avec l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale qui instaure, à l’article 24 bis, un dispositif évalué à 20 milliards d’euros : il s’agit du fameux CICE. Celui-ci correspond à l’une des mesures annoncées par le Premier ministre dans son Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, répondant ainsi à une urgence, celle de créer un « choc de compétitivité », comme le préconise le rapport Gallois.
Je sais que le Gouvernement n’a pas souhaité reprendre le terme de « choc ». Mais peu importe les éléments de langage retenus, l’idée est bien là : il faut redonner à nos entreprises, en particulier à celles du secteur industriel, les moyens de briser le cercle vicieux de la faiblesse des marges, qui conduit à une faiblesse des investissements, de l’innovation, les empêchant de monter en gamme et, surtout, d’exporter.
Je regrette cependant que, comme le dispositif proposé par la précédente majorité, le CICE ne vise pas spécifiquement ou principalement le secteur industriel. Car c’est grâce à la capacité d’innovation et à la compétitivité de nos industries que nous retrouverons véritablement une croissance soutenue et durable ; mon collègue Christian Bourquin a eu l’occasion de le dire avec force lors de la discussion du projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement.
Soutenir d’autres secteurs, moins exposés à la concurrence internationale et dans lesquels l’innovation a un impact moins important sur la croissance, ne devrait pas être une priorité.
Un débat intéressant a eu lieu en commission des finances – j’espère que nous le poursuivrons ici – sur ce qu’il y a de troublant à voir le CICE s’appliquer, même pour une petite partie, aux services financiers, qui n’en ont vraisemblablement pas besoin. Peut-être n’était-il pas possible de faire autrement ? Je suis bien conscient des difficultés que pose la législation européenne sur les aides d’État, qui menace tout dispositif beaucoup trop ciblé. Quelques marges de manœuvre ne subsistent-elles pas néanmoins ? J’aimerais beaucoup entendre la position du ministre délégué chargé du budget sur cette question.
D’ailleurs, monsieur le rapporteur général, même si vous vous en êtes expliqué, nous regrettons que vous ayez retiré ce matin en commission votre amendement n° 22, qui réécrivait très ingénieusement, selon nous, une partie de l’article 24 bis, démontrant ainsi qu’il était possible d’augmenter, dans ce nouveau dispositif, la part dont bénéficierait l’industrie. Nous étions prêts à le soutenir avec ardeur, car il aurait sans doute permis de supprimer l’effet de seuil du CICE, d’en réduire le coût, sans en diminuer pour autant l’effet positif sur l’emploi. Je fais partie de ceux qui trouvent dommage que cet amendement n’ait pas pu poursuivre son parcours !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Oui, mais il aurait fallu deux commissions mixtes paritaires !