M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.
Mme Marie-France Beaufils. Nous voterons évidemment en faveur de cet article 7, qui met un terme au traitement fiscal particulier en faveur des stock-options, instrument largement utilisé dans le passé pour permettre à quelques cadres dirigeants d’échapper à la « rigueur » de l’application du barème progressif de l’impôt sur le revenu.
Nous revenons de loin en la matière…
En 1993, alors même que les comptes publics étaient dans une situation guère plus florissante qu’aujourd’hui, un ministre du budget – Nicolas Sarkozy – avait estimé recevable qu’aucun délai de portage ne soit demandé aux détenteurs d’options d’achat pour la revente de leurs titres, alors taxés au régime des plus-values !
On voit qu’on aboutit à quelque chose d’assez différent aujourd’hui, et c’est heureux.
Certains considèrent que le durcissement de la fiscalité du capital, auquel contribue l’article 7, encouragerait « la fuite des cerveaux » et que nombre de chefs d’entreprise méritants chercheraient des cieux fiscaux plus cléments plutôt que de rester en France pour y diriger nos entreprises.
J’invite nos collègues préoccupés par cet aspect de la question à faire la liste – s’il y en a ! – de ces dirigeants français d’entreprises étrangères recrutés à longueur d’année sur le « Mercato des P-DG » et à nous en faire part au plus tôt !
Je les invite par la même occasion à nous prouver que les centaines de milliers de Français vivant à l’étranger l’ont fait pour des raisons exclusivement fiscales et à nous expliquer au nom de quelle étonnante logique des sociétés étrangères comme Bombardier ou Toyota viennent investir en France malgré la rigueur des régimes fiscaux en vigueur.
Je crains cependant qu’il ne soit plus difficile de trouver un grand patron français expatrié qu’une femme d’affaires siégeant au conseil d’administration d’une entreprise du CAC 40, mais plus facile de trouver un inspecteur des finances dans le privé qu’une entreprise d’origine étrangère renonçant à investir dans notre pays à cause de son système fiscal, alors qu’il est la cinquième ou la sixième économie du monde et qu’y être installé ouvre droit à une présence sur le marché européen...
Bref, nous voterons donc sans hésiter en faveur de l’article 7, lequel aura en plus le mérite d’alléger la taxation des stock-options détenues par les salariés aux revenus modestes, agrémentés parfois de deux ou trois actions en récompense de leurs bons et loyaux services.
M. le président. L'amendement n° I-211, présenté par M. Grignon, Mme Des Esgaulx, MM. de Montgolfier, du Luart et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. L’article 7 instaure une imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu des gains réalisés au titre de l’actionnariat salarié.
Depuis 2007, le régime fiscal et social des options et des attributions gratuites d’actions a été très régulièrement durci, en dernier lieu dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative adoptée en août 2012.
Or, les actions gratuites et les stock-options permettent d’associer les salariés à la réussite de l’entreprise et, de fait, renforcent leur motivation.
Le présent projet de loi de finances s’inscrit dans la même ligne : il prévoit de taxer les gains de stock-options et les attributions gratuites d’actions au barème progressif de l’impôt sur le revenu, sans pour autant supprimer la contribution salariale spécifique. Ce dispositif peut conduire à un total d’imposition et de prélèvements sociaux de plus de 70 %.
Dès lors, l’incitation au développement de l’actionnariat salarié est réduite à néant et les entreprises utilisant ces outils pour attirer des collaborateurs de haut niveau sont durement pénalisées.
C’est pourquoi le groupe UMP propose, au travers de cet amendement, de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Au stade où nous en sommes et à la suite des propos du ministre, la question est clairement posée de savoir quels sont ceux, dans cette assemblée, qui souhaitent le redressement des finances publiques et quels sont ceux qui ne le souhaitent pas !
M. Philippe Marini. Non !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Avec cet amendement, qui vise à soustraire à nouveau 40 millions d’euros des recettes et donc à déséquilibrer encore plus le projet de loi de finances, on voit bien quelles sont les intentions de l’opposition sénatoriale !
M. Jacques-Bernard Magner. Bien sûr !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit bien de vider de son contenu l’ensemble du dispositif gouvernemental qui a vocation à assainir les finances publiques, puisque nous avons trouvé un déficit de plus de 80 milliards d’euros et un endettement gigantesque. Les efforts entrepris aujourd’hui par le Gouvernement devraient être soutenus par tous. Nous devrions nous mobiliser devant la situation très grave dans laquelle se trouve notre pays. Au lieu de cela, que voit-on ? Pour des questions de posture politique, on essaie de vider progressivement les recettes…
M. Philippe Marini. Oh ! Vous exagérez !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … en supprimant l’article 7, après avoir supprimé à l’instant l’article 6, comme l’avait souhaité le groupe UMP.
Vous voulez réduire à néant la totalité des moyens dont le Gouvernement veut doter notre pays pour l’aider à se redresser. Une telle attitude est tout à fait regrettable. Veut-on assainir les finances publiques ? La réponse est clairement « non » pour certains dans cette assemblée.
M. Philippe Marini. Ne répondez pas à notre place !
M. Jacques-Bernard Magner. Ils ont suffisamment coulé les finances publiques depuis dix ans !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’avis de la commission est donc nécessairement défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement ne peut qu’émettre un avis défavorable, puisque l’amendement vise à supprimer l’article.
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. De manière très modérée, je voudrais rappeler à notre excellent rapporteur général que l’opposition s’oppose. Elle ne part pas de la copie du Gouvernement pour y adhérer ; elle a une autre logique.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous attendons vos propositions en matière de recettes !
M. Philippe Marini. Le jour venu, l’opposition formulera ses propositions.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. On a vu les résultats depuis dix ans !
M. Philippe Marini. Les dernières compétitions électorales ont eu lieu encore récemment, et vous savez très bien ce qu’ont été les engagements pris devant le peuple français par les candidats à l’élection présidentielle.
Le candidat que je soutenais a formulé des propositions qui demeurent la ligne générale de nos orientations. Le candidat que vous, vous avez soutenu réalise très peu des promesses qu’il a faites…
M. Yves Pozzo di Borgo. Tout à fait !
M. Philippe Marini. … et doit l’expliquer à son électorat. Certes, il sait faire preuve de l’excellente technicité qui est la sienne, mais je doute que ce soit toujours très convaincant. Il doit fournir de grands efforts, voire éventuellement quelques contorsions intellectuelles, pour expliquer aux différentes fractions de son électorat qu’il se tient dans la ligne de ses promesses.
Il faut que vous tolériez, chers collègues socialistes, qu’il y ait d’autres visions que la vôtre. (M. Richard Yung s’exclame.) Le Sénat n’est pas une hypertrophie du groupe socialiste.
Mme Michèle André. Voilà qui est aimable !
M. Philippe Marini. Vous y avez toute votre place,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est gentil !
M. Philippe Marini. … qui est éminente, mais il faut que vous acceptiez que d’autres raisonnent selon une logique différente. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Yves Pozzo di Borgo. Bien sûr !
M. Philippe Marini. C’est pour cela que je me permets d’intervenir et de rappeler que je voterai cet amendement de suppression, car je suis intellectuellement en opposition assez profonde avec un grand nombre de dispositions de cette loi de finances.
L’assainissement de nos finances publiques, objectif auquel j’adhère profondément, chacun le sait ici, peut passer par d’autres chemins que ceux qui consistent à créer une pression fiscale excessive sur celles et ceux qui investissent, qui créent des richesses et qui, au final, risquent bien de se détourner du territoire français,… (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
M. Jacques-Bernard Magner. Sauvez les riches !
M. Philippe Marini. … et, que vous le vouliez ou non, ceci est un enjeu.
Je respecte profondément vos options, elles ont été couronnées de succès en mai et juin derniers, pas très largement mais suffisamment, et il serait équitable que vous respectiez aussi les options des autres sans les soupçonner d’être des laxistes souhaitant que le déficit budgétaire se creuse encore plus.
M. Jacques-Bernard Magner. C’est pourtant bien le visage que vous avez montré à l’instant !
M. Philippe Marini. Il y a seulement un an, lorsque, cher rapporteur général, Nicole Bricq était à votre place, que ne disiez-vous et que ne vous répondait-on pas, en vous disant : « mobilisez-vous derrière le Gouvernement ! L’intérêt général est en cause ! ». Ces postures sont quelque peu dérisoires et peut-être pourrions-nous passer à une autre phase de nos débats.
En tout état de cause, je voterai résolument contre l’article 7. (MM. Pozzo di Borgo et Albéric de Montgolfier applaudissent.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-30 rectifié est présenté par MM. Doligé, P. André et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Cambon, Charon, Cléach, Cornu et Couderc, Mme Deroche, MM. P. Dominati, B. Fournier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grignon et Houel, Mlle Joissains, MM. Lefèvre, de Legge, P. Leroy, du Luart et Pointereau, Mme Sittler et M. Trillard.
L'amendement n° I-115 est présenté par Mme Des Esgaulx.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 21
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Il en est de même en cas d’opérations d’apports d’actions réalisées dans les conditions prévues au second alinéa du III de l’article L. 225-197-1 du code de commerce.
La parole est à M. Éric Doligé, pour présenter l'amendement n° I-30 rectifié.
M. Éric Doligé. Je voudrais tout d’abord faire remarquer que l’UMP n’est pas majoritaire dans cet hémicycle et qu’il ne faut donc pas la « flécher » comme étant responsable d’une nouvelle majorité. Nous sommes minoritaires…
M. Philippe Marini. Nous sommes une minorité agissante ! (Sourires.)
M. Éric Doligé. … et pourtant, vous le voyez, les propositions qui ont été faites dans l’article 6 n’ont pas été acceptées.
J’ai bien entendu les arguments de M. le ministre, qui a rappelé que la taxation des plus-values était un élément essentiel de la campagne de celui qui est devenu Président de la République.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Absolument !
M. Éric Doligé. Je constate cependant que cet élément essentiel n’est pas reconnu au Sénat six mois seulement après l’élection. Il faut croire que certaines déceptions se font jour parmi ceux qui l’ont soutenu. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Je me permets également de rappeler à M. le ministre que j’ai proposé sept amendements à l’article 6 et, avec un peu d’ouverture d’esprit de la part du Gouvernement, le sort de l’article aurait peut-être été différent et cela aurait été moins coûteux pour l’article d’équilibre.
M. Philippe Marini. Virtuel et provisoire !
M. Éric Doligé. Sans doute faut-il un peu écouter l’opposition : certains de ses amendements n’engendrent pas des coûts insupportables.
Je rappellerai enfin que le précédent Président de la République avait fait des propositions en matière de TVA anti-délocalisation qui avaient quelque intérêt : nous avons donc des recettes à proposer afin de compenser celles que vous voyez disparaître.
L’amendement n° I-30 rectifié – et cette présentation vaudra également pour l’amendement n° I-31 rectifié – est assez simple : il prévoit d’aligner le droit fiscal sur le droit commercial en supprimant des conditions surabondantes.
Le nouveau dispositif que vous proposez prévoit un report d’imposition de plus-value lorsque l’opération consiste en une opération intercalaire. Je ne vais pas entrer dans la démonstration car ce serait sans doute un peu compliqué. Pour le dire simplement, les trois conditions que vous proposez sont inexistantes dans le code de commerce. Par ailleurs, ce dispositif réduit considérablement les possibilités de réinvestissement dans les entreprises.
J’espère que vous entendrez mon appel et celui de mes collègues au travers de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° I-115 n’est pas soutenu.
L'amendement n° I-277, présenté par M. Fouché, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Remplacer le taux :
10 %
par le taux :
12,5 %
Cet amendement n'est pas soutenu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-31 rectifié est présenté par MM. Doligé, P. André et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Cambon, Charon, Cléach, Cornu et Couderc, Mme Deroche, MM. P. Dominati, B. Fournier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grignon et Houel, Mlle Joissains, MM. Lefèvre, de Legge, P. Leroy, du Luart et Pointereau, Mme Sittler et M. Trillard.
L'amendement n° I-116 est présenté par Mme Des Esgaulx.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 21
Supprimer les mots :
l’attribution a été réalisée au profit de l’ensemble des salariés de l’entreprise et que
L’amendement n° I-31 rectifié a déjà été défendu.
L'amendement n° I-116 n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos I-30 rectifié et I-31 rectifié ?
M. Éric Doligé. Attention, c’est le sort de l’article qui est en jeu !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable sur les deux amendements de M. Doligé, lesquels auraient pour conséquence de conférer un caractère intercalaire à des opérations de prise de contrôle de société par des cadres dirigeants. Le Gouvernement ne vise que les seuls regroupements d’actionnariat salarié, afin de faciliter leur gestion par les sociétés émettrices qui supportent actuellement des inconvénients et des frais de gestion.
Je voudrais, enfin, donner un élément de réponse à M. Marini. Il nous indique que l’an passé, face à un gouvernement de droite, l’actuelle majorité du Sénat faisait preuve d’une opposition permanente…
M. Philippe Marini. Systématique !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … systématique. J’attire son attention sur le fait que, l’année dernière, notre groupe majoritaire avait formulé des propositions de recettes et de dépenses permettant d’améliorer le solde budgétaire de 11 milliards d’euros. Nous avions proposé des solutions.
Tout un canevas de mesures avait été dessiné. Vous ne pouvez donc pas nous dire nous étions dans l’opposition systématique, comme vous l’êtes aujourd’hui, en essayant de taper sur toutes les mesures qui sont proposées.
Nous avions suggéré un ensemble de dispositifs vertueux pour réaliser des recettes et des économies sur les dépenses. Il faut regarder les choses telles qu’elles sont et telles qu’elles se sont passées ! C’est bien ainsi que notre ligne de conduite doit être prise en considération. Nous avions opté pour une opposition constructive. Aujourd’hui, nous soutenons ce gouvernement qui veut redresser la France et je considère comme tout à fait légitime de notre part d’essayer de mobiliser les Français et, surtout, le Sénat, pour qu’il apporte son soutien à ce remarquable effort de redressement.
M. Philippe Marini. Encore plus de fiscalité sur les entreprises !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, qui sont particulièrement techniques et visent à corriger par la loi ce qui est une pratique doctrinale constante de l’administration, à savoir le rescrit.
M. le rapporteur général a bien indiqué qu’il s’agit d’éviter, sous couvert de regroupement d’actions gratuites, des opérations de perte de contrôle d’entreprises. Je voudrais vraiment attirer l’attention du Sénat sur le risque potentiel que peut faire courir l’adoption de telles dispositions à la vie d’entreprises, notamment françaises. Au regard de ce risque, le Gouvernement appelle très fermement au rejet de ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
I. – Après la section 0I du chapitre III du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts, est insérée une section 0I bis ainsi rédigée :
« Section 0I bis
« Contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus d’activité
« Art. 223 sexies A. – I. – Il est institué à la charge des personnes physiques, dans les conditions de l’article 4 A, une contribution exceptionnelle de 18 % sur la fraction de leurs revenus d’activité professionnelle qui excède 1 000 000 €.
« Les revenus d’activité professionnelle pris en compte pour l’établissement de la contribution s’entendent de la somme, sans qu’il soit fait application des règles prévues aux articles 75-0 B, 84 A et 100 bis, des revenus nets imposables à l’impôt sur le revenu suivants :
« a) Les traitements et salaires définis à l’article 79, à l’exclusion des allocations chômage et de préretraite et des distributions et gains mentionnés à l’article 80 quindecies.
« Les revenus soumis à la retenue prévue au I de l’article 204-0 bis sont retenus pour leur montant net de la fraction représentative de frais d’emploi ;
« b) Les rémunérations allouées aux gérants et associés des sociétés mentionnées à l’article 62 ;
« c) Les bénéfices provenant des activités relevant des bénéfices industriels ou commerciaux mentionnés aux articles 34 et 35, des bénéfices non commerciaux mentionnés au 1 de l’article 92 et des bénéfices agricoles mentionnés à l’article 63, lorsque ces activités sont exercées à titre professionnel au sens du IV de l’article 155.
« Les revenus soumis aux versements libératoires prévus à l’article 151-0 sont retenus pour leur montant diminué, selon le cas, de l’abattement prévu au 1 de l’article 50-0 ou de la réfaction forfaitaire prévue au 1 de l’article 102 ter ;
« d) Les avantages définis au I des articles 80 bis et 80 quaterdecies, dans leur rédaction issue de l’article 7 de la loi n° … du … de finances pour 2013, à l’exception de ceux soumis à la contribution mentionnée à l’article L. 137-14 du code de la sécurité sociale.
« Il n’est pas tenu compte des plus-values et moins-values professionnelles à long terme, ni des déficits des années antérieures.
« II. – La contribution est déclarée, établie, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes garanties et sanctions qu’en matière d’impôt sur le revenu. »
II. – Le I s’applique au titre des revenus des années 2012 et 2013.
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, sur l'article.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus encore que le fisc, les réalités savent imposer leur loi aux gouvernants qui ne sont pas tout à fait dénués de raison. C’est le cas du nouveau Président de la République. Il a reconnu que la France n’avait pas fait face sérieusement à la situation internationale et que notre pays prend, par rapport à ses compétiteurs étrangers, un retard en passe de s’accélérer.
Nombre de citoyens français qui reviennent d’Asie ou des États-Unis considèrent que la France est devenue provinciale. Je suis moi-même un provincial élu à Paris, et c’est la raison pour laquelle, plutôt que d’employer le mot « provincial », j’emploierai le mot « archaïque ». Oui, la France est archaïque à beaucoup d’égards.
Une bonne partie de nos problèmes résulte de décisions prises avec les meilleures intentions du monde, comme la réduction du temps de travail hebdomadaire à 35 heures, la retraite à 60 ans ou la décentralisation forcenée vers les 36 000 communes, héritées du quadrillage religieux réalisé par l’Église au Moyen Âge.
Ce constat est difficile à accepter pour des politiques qui n’ont cessé de se proclamer progressistes. La remarque est valable pour nous, membres de l’ancienne majorité, mais elle s’applique surtout à vous, parce que les réalisations que vous disiez « socialistes » ont souvent enfoncé davantage notre pays dans un passé qui ne manque certes pas de charme, mais ne promet à nos descendants qu’un avenir de gardiens de musée.
Candidat de ce passé, qui, de plus en plus, recèle beaucoup de passifs, François Hollande doit affronter aujourd’hui ses partisans, encore plus exigeants que les réalités mondiales. D’où une démarche de vérité orale entamée malheureusement avec les gros souliers de l’idéologie, et surtout beaucoup de contradictions.
Pour ne prendre qu’un exemple, il est inquiétant que les premières bouffées d’oxygène accordées aux entrepreneurs, encore insuffisantes, soient assaisonnées de commentaires traduisant une conception autoritaire des relations avec la société civile.
C’est ainsi que le ministre de l’économie exige des contreparties pour le « don » de 20 milliards d’euros qu’il fait aux entreprises… avec l’argent prélevé sur leurs activités !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et les travailleurs !
M. Yves Pozzo di Borgo. En forçant le trait – vous m’en excuserez –, cette forme de pensée rappelle le raisonnement soviétique : « Je te prends ta montre, mais je te donnerai l’heure ».
Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi !
M. Yves Pozzo di Borgo. Le Président de la République, dans sa conférence de presse du 13 novembre dernier, a reconnu qu’il était urgent d’alléger les frais généraux de la nation. Cela prouve qu’il est conscient des réformes à opérer. Il faut reconnaître qu’elles n’ont pas été vraiment abordées par le Président Jacques Chirac, que j’ai soutenu, mais entamées par le Président Nicolas Sarkozy, notamment pour ce qui concerne les retraites et la réforme des collectivités territoriales, que vous avez déjà supprimée.
Le système bipolaire qui caractérise la Ve République pousse les opposants à critiquer sans retenue ni nuance – c’est souvent mon cas – les affirmations de l’actuel Président. Il pourrait apparaître, au vu de ses déclarations en conférence de presse, que celui-ci mérite, au contraire, d’être encouragé. Mais les textes qu’il nous fait voter par votre intermédiaire sont en complète contradiction avec ses mêmes déclarations et les décisions qu’il faudrait prendre pour affronter la gravité des problèmes rencontrés par notre pays.
Ainsi, pour redresser la balance commerciale – l’un des objectifs affirmés par le Président de la République –, il faut donner aux entreprises les moyens de répondre à la loi d’airain de la concurrence (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.), en allégeant le poids inutile que représentent pour elles, dans cette compétition, les charges diverses.
La contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus d’activité, proposée à l’article 8, même si elle est exceptionnelle, participe à cette pesanteur sur la compétitivité de nos entreprises et, donc, sur l’attractivité de notre pays. Elle risque de se traduire par des pertes induites dans l’économie française et la destruction de nombreux emplois, aujourd’hui et demain.
À l’évidence, cet article, bien qu’il soit une promesse de campagne du Président de la République actuel, est l’exemple type de la contradiction qui existe entre les décisions prises et la volonté affichée par M. Hollande et son gouvernement, auquel vous appartenez, monsieur le ministre, de restaurer la compétitivité des entreprises, et donc celle du pays. (MM. Philippe Marini et Albéric de Montgolfier applaudissent.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° I-199 est présenté par M. de Montgolfier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° I-249 est présenté par M. Pozzo di Borgo.
L'amendement n° I-378 est présenté par MM. Arthuis, Détraigne et Dubois, Mme Férat, MM. Maurey, Marseille, Merceron, Bockel, Deneux, Delahaye, Amoudry, J. Boyer et Capo-Canellas, Mme Dini, M. J.L. Dupont, Mmes N. Goulet, Gourault et Goy-Chavent, MM. Guerriau et Jarlier, Mme Jouanno, M. Lasserre, Mme Létard, MM. Mercier et de Montesquiou, Mme Morin-Desailly et MM. Namy, Roche, Tandonnet, Vanlerenberghe et Zocchetto.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour présenter l’amendement n° I-199.
M. Albéric de Montgolfier. Cet amendement vise à supprimer l’article 8, qui tend à instaurer une contribution exceptionnelle de 18 % aboutissant de fait à une taxation globale au taux de 75 %.
L’application d’une telle mesure comporte deux vrais risques. Le premier est d’ordre économique, le second d’ordre constitutionnel. Il ne s’agit pas ici d’idéologie.
Nous pouvons craindre, tout simplement, une délocalisation des cadres dirigeants. Je prendrai un exemple très précis, qu’Éric Doligé et moi-même connaissons bien, puisque nous sommes d’une région comportant des entreprises cotées en bourse, qui exportent fortement, dans le domaine, notamment, du luxe. Leurs cadres dirigeants de haut niveau travaillent dans le monde entier. Ils l’affirment très clairement, si cette mesure était appliquée, les cadres de leur groupe habiteraient désormais à l’étranger. On le sait, lorsque les centres de décision ne sont plus en France, il existe un risque de délocalisation des centres de production. Ce n’est donc pas une affaire idéologique !
L’article 8 nous fait également courir un risque constitutionnel, et je pèse bien mes mots, monsieur le ministre.
Il y a, selon moi, une vraie rupture en matière d’égalité devant les charges publiques, puisque le principe retenu en matière d’impôt sur le revenu est, jusqu’à maintenant, l’imposition par foyer fiscal. Pour cette contribution exceptionnelle, vous avez individualisé la taxation retenue par le législateur, en prévoyant une imposition non plus par foyer mais par personne.
À cet égard, je reprendrai l’exemple que cite en détail M. François Marc dans son rapport. Un couple qui perçoit 1,2 million d’euros peut se retrouver dans une situation tout à fait différente selon que l’un des conjoints ou les deux travaillent : dans le premier cas, le prélèvement supplémentaire sera de 36 000 euros ; dans le second, il n’y en aura aucun. Autrement dit, le système entraîne une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.
En outre, ce nouvel impôt revêt tout simplement un caractère confiscatoire. Avec un taux de 75 %, auquel il faudra ajouter encore d’autres impositions, notamment fiscales, on risque d’atteindre la borne que le Conseil constitutionnel considère comme celle à ne pas dépasser.
J’ajouterai que la mesure est éminemment contestable, dans la mesure où, vous l’avez avoué vous-même, monsieur le ministre, ce n’est pas une mesure de rendement. Elle rapporterait quelque 200 millions d'euros. M. le rapporteur général prévoit une fourchette plus large, mais je fais le pari que les montants annoncés ne seront pas au rendez-vous.
Cette contribution est instituée pour deux ans. Il s’agit là d’une sage décision, monsieur le ministre. Je fais effectivement un autre pari : au bout de trois ans, il n’y aura plus de contribuables pour la payer, ils auront tous disparu !