M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire est que cet article a fait beaucoup parler de lui, au point qu’il a failli occulter d’autres dispositions tout aussi intéressantes du texte.
Je ne m’attarderai pas sur l’un des aspects de fond de la question qui nous occupe, à savoir que le régime d’imposition séparée des plus-values n’a tout son intérêt – c’est le cas de le dire ! – que lorsque le taux d’imposition apparent est supérieur au taux d’imposition des plus-values. Cette réalité sélectionne d’emblée assez largement le « public » qui a tout intérêt à voir le maintien du dispositif actuel.
Songeons-y un instant. La grand-mère qui a quelques économies lui ayant permis d’acquérir pour 400 euros ou 500 euros de titres, parts de sociétés ou fonds communs de placement auprès de la banque de détail qui gère son compte courant bancaire n’a même pas intérêt à faire imposer les éventuelles cessions de parts au titre du régime des plus-values. Elle-même est, le plus souvent, soit non imposable au titre de l’impôt sur le revenu, soit redevable d’une cotisation réduite, pour partie soumise à décote ou bénéficiant d’un abattement spécifique.
Ceux qui trouvent donc tout intérêt au régime d’imposition séparée des plus-values sont bel et bien ceux dont le revenu global est taxé au-delà de 18 %.
Lors de l’examen de l'article 5, nous avons eu l’occasion de souligner que cela ne concernait pas grand monde. Je ne peux que réitérer cette observation qui nous amène à poser la question de l’intérêt général. Défendre une approche contraire revient à ne s’intéresser qu’au 1 % de foyers fiscaux véritablement bénéficiaires du régime séparé d’imposition.
Mes chers collègues, sur cet article 6, nous avons déposé un amendement tendant à rétablir le texte initial de l’article, rejetant par là même la position défendue par les fameux « pigeons » qui ont été entendus par le Gouvernement et ont contraint ce dernier à mettre en place des dispositions « compensatrices ». Je pense à la remise en cause des frais réels à l’article 4 ter.
Pour notre part, nous estimons que le cadeau fiscal de plusieurs centaines de millions d’euros proposé pour Noël aux patrons « pigeons » est parfaitement injustifié.
En effet, à qui fera-t-on croire que seuls le génie créatif et la prise de risque de quelques entrepreneurs audacieux suffisent pour lancer ici un site de rencontres exploitant la misère affective, là une plateforme d’échange de produits déclassés ou d’occasion, ailleurs un site de vente par correspondance en ligne ? Arrêtons quelque peu les fables et n’oublions jamais que, derrière l’aventure et le story telling fort en vogue en la matière – « parti de rien, il a créé sa société et s’apprête à la revendre en pleine gloire pour tenter un nouveau coup d’audace ! » –, se trouvent généralement quelques banquiers à l’affût, beaucoup d’arrangements avec le code du travail et, surtout, le souci de choisir le moment de quitter le bateau, notamment quand la profitabilité commence à décliner.
Ces entrepreneurs quelque peu pressés me semblent créer des entreprises à l’image des vins primeurs que nous pouvons goûter : une attaque franche et séduisante, mais un goût qui s’évanouit très vite en bouche, puisque le produit manque de saveur sur la longueur...
La levée de boucliers des pigeons – falsifiant au demeurant la réalité, puisqu’appliquer un taux d’imposition de 45 % ne signifie pas que toute la plus-value y est soumise – n’est, au fond, que la révolte de ces entrepreneurs qui savent pertinemment que leur start up a une profitabilité en expansion de trois ans et que, passé ce délai, la rentabilité s’atténue, ce qui, de fait, rend l’affaire moins séduisante...
Les créneaux de production de biens et de services réduits, les segments étroits de clientèle, cela marche quand on est tout seul ou que deux ou trois autres personnes s’embarquent avec vous, mais, dès que le développement est parti et que les charges de structure progressent, c’est tout de suite beaucoup moins intéressant financièrement. Quand on voit comment des segments d’activité comme le renseignement téléphonique, la téléphonie mobile ou la fourniture d’énergie, malgré l’ouverture à la concurrence, ont pu évoluer, on mesure immédiatement ce qu’il y a derrière le « complot des pigeons ».
L’avenir de l’économie française n’est pas dans le soutien aux aventures d’un Charles Beigbeder, qui a échoué à vendre Annecy comme ville olympique et s’est déjà débarrassé de Poweo, son opérateur alternatif d’électricité, avant d’être confronté aux difficultés, ou d’un Pierre Kosciusko-Morizet, dont le site PriceMinister a dû être vendu à un fonds japonais pour éviter la cessation de paiement. Les belles histoires de l’économie de la connaissance et de la bulle cybernétique, des « entrepreneurs » audacieux en phase avec leur époque valent bien les fables que l’on raconte de temps à autre sur l’économie d’avant la naissance du capitalisme.
Autant nous comprenons fort bien qu’un chef d’entreprise ayant tenu la barre de son entreprise pendant quinze, vingt ou vingt-cinq ans, ayant largement réinvesti ses bénéfices dans l’affaire pour la conforter, puisse bénéficier d’un régime favorable de traitement de ses plus-values, autant il ne sous semble pas opportun de faire de même pour les créateurs d’entreprises à durée limitée, pressés de se débarrasser de leurs sociétés.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons l’article 6 que s’il est rétabli dans sa rédaction initiale.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-23 rectifié est présenté par MM. Doligé et du Luart, Mme Des Esgaulx, M. de Montgolfier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° I-389 est présenté par M. Delahaye, Mme Létard, MM. Dubois, Guerriau et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Doligé, pour présenter l'amendement n° I-23 rectifié.
M. Éric Doligé. L’amendement n° I-23 rectifié vise à corriger une erreur de raisonnement économique. En effet, les revenus du capital ne peuvent pas être fiscalisés de la même manière que les revenus du travail, dans la mesure où les premiers rémunèrent une prise de risque. Il est donc totalement injuste de les assimiler les uns aux autres.
En dépit du compromis trouvé à l’Assemblée nationale sur cet article, le nouveau dispositif fait preuve d’une rare complexité, inégalée au regard des régimes de taxation existants à l’étranger. Or il importe de rapprocher nos dispositifs de ceux des pays qui nous sont concurrents.
Pour rendre le dispositif lisible et praticable pour les investisseurs et continuer à assurer la correcte allocation de capitaux vers les entreprises, il convient de ne pas tenter d’opposer investisseurs et actionnaires en fonction d’un seuil de détention du capital ou d’une durée de détention des titres – ce sont en effet des éléments majeurs –, afin de ne pas détourner les épargnants et les salariés du financement des entreprises.
Il est d’ailleurs légitime de se demander s’il est bien nécessaire de perturber ainsi le financement de l’économie et la prise de risque pour un gain budgétaire désormais relativement minime.
Afin de ne décourager ni les investisseurs ni les entrepreneurs et de ne pas créer un nouveau dispositif de nature à détériorer l’attractivité du site France, il convient de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° I-389.
M. Vincent Delahaye. Cet amendement vise aussi à supprimer cet article. Il est vrai qu'avec l'article 5 et l'article 6 nous sommes au cœur de la promesse de François Hollande de taxer les revenus du capital à un même niveau que les revenus du travail.
Si cette idée peut séduire en soi, il faut encore y travailler pour aboutir à un système permettant de taxer un peu plus les revenus du capital sans décourager ceux qui ont envie d'investir dans l'économie.
Le candidat François Hollande avait aussi promis une grande réforme fiscale. On ne la voit pas encore ce soir : à peine est-elle esquissée dans ce projet de loi de finances pour 2013. Pourtant, il nous faut nous acheminer vers une telle réforme, qui soit socialement juste et économiquement efficace.
Monsieur le ministre, j'ai l'impression que, si vous avez souvent recherché le socialement juste, vous avez négligé l'économiquement efficace. Pour moi, une bonne réforme fiscale doit allier ces deux qualités.
Il faut veiller à ne pas décourager les investisseurs ; M. Bocquet en a cité un certain nombre tout à l'heure. Même si on investit l'argent de la grand-mère dans une entreprise, on n’est pas sûr de récupérer sa mise à la fin et l’on prend un risque réel, beaucoup plus grand sans doute que lorsque l’on investit dans des œuvres d'art ou des voitures de collection, pour reprendre l’exemple que j’ai cité tout à l’heure.
Il faut tenir compte de ce risque et le mesurer pour ne pas aller trop loin dans cette taxation. Le fait que le Gouvernement soit déjà revenu sur ses positions initiales à la suite du mouvement dit « des pigeons » est déjà un premier pas dans la bonne direction. Il serait cependant souhaitable, monsieur le ministre, de continuer à réfléchir sur ce sujet. En effet, si demain plus personne ne veut se risquer à investir dans les entreprises – et les nouvelles entreprises ont, elles aussi, besoin d'investisseurs –, cela aura des conséquences préjudiciables pour notre économie.
Vous l'aurez compris, cet amendement est un appel à la bonne volonté et à la réflexion de tous. Chacun d’entre nous doit être conscient que, sans une économie dynamique et sans entreprises dans lesquelles il y a des investisseurs, nous ne créerons pas d'emploi et la situation de notre pays aura peu de chance de se redresser.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression, dont l'adoption reviendrait à priver la France d’une recette de 250 millions d'euros. Ce n'est pas rien ! En outre, ils sont en totale contradiction avec la volonté exprimée par nos concitoyens en élisant François Hollande, qui avait fait de cette mesure – aligner la taxation du capital sur celle du travail – une disposition phare de son programme, répondant ainsi à une forte exigence dans notre pays.
L'un des arguments qui nous est opposé et qui vient d’être rappelé à l'instant, c'est que, s’il n'est pas idiot de vouloir être plus juste, le socialement juste n'est pas forcément économiquement efficace.
Mon cher collègue, j’attire votre attention sur le fait que toutes les grandes réussites, que ce soit dans le domaine économique ou non, dans notre pays ou ailleurs, résultent d'une mobilisation totale de toutes les énergies autour d'un objectif commun.
Si, aujourd'hui, dans la situation où se trouve notre pays, nous ne sommes pas capables de nous fédérer afin de redresser le pays, nous aurons beaucoup de difficultés à atteindre cet objectif.
Pour créer cette mobilisation collective, il faut envoyer des signaux, notamment donner le sentiment que, en matière fiscale, chacun est traité équitablement. Ainsi, si ceux qui travaillent considèrent que les rentiers sont taxés de façon moins sévère qu’ils ne le sont, cela entraînera des blocages. Comment mobiliser les personnes qui, au quotidien, apportent leur énergie, mais qui, de fait, ont du mal à se reconnaître dans le combat collectif qu’on leur demande de mener avec leurs concitoyens ?
Dans ces conditions, cette disposition me paraît fondamentale. Il s'agit de donner à chacun le sentiment que le rentier n'est pas traité plus favorablement que celui qui apporte chaque jour sa contribution et son énergie.
D'un point de vue symbolique comme sur le plan des principes, il faut préserver cet article, même si les ajustements qui y ont été apportés ont pu susciter des interrogations. M. le ministre nous en exposera la philosophie dans un instant, mais je peux d’ores et déjà dire que ces ajustements s'inscrivent dans la volonté de trouver un équilibre et dans un contexte où chacun, les chefs d'entreprise comme les autres, doit se mobiliser. Le Gouvernement propose aujourd'hui un équilibre qui pourra évoluer au fur et à mesure que la situation s'améliorera.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques. Ce projet de loi de finances pour 2013 s’intéresse aux trois catégories de revenus du capital qui existent : plus-values, intérêts, dividendes. Nous avons examiné les dividendes avant la suspension de séance ; nous discutons maintenant la nouvelle fiscalité relative aux plus-values.
Entre le moment où le projet de loi de finances a été adopté et cette séance au cours de laquelle nous examinons les dispositions votées par l'Assemblée nationale, des discussions intéressantes ont eu lieu. Elles ont permis d'aboutir à un résultat que l'on peut objectivement qualifier d'équilibré.
D'abord, la question de la rétroactivité pouvait se poser ; ensuite, nous avons considéré que, dans l’ensemble, au-delà de quelques exemples caricaturaux, les chefs d’entreprise qui investissent, qui prennent des risques, qui consacrent beaucoup de temps à leur travail sans toujours se rémunérer de manière très satisfaisante car ils en espèrent une récompense plus tard sous la forme d’une plus-value, devaient se voir réserver un sort particulier, la qualification de revenu du capital ou revenu du travail étant largement discutable, dans un sens comme dans l’autre.
Le Gouvernement propose donc que, pour les cessions intervenues en 2012, le prélèvement forfaitaire libératoire reste ce qu’il était jusqu’alors. De ce point de vue au moins, il me semble délicat de qualifier ce projet de dangereux pour l’économie.
Pour les autres cessions, il est prévu pour 2012 une majoration du prélèvement forfaitaire libératoire. Je crois qu’il est assez légitime de demander à ces cédants, en dépit de l’aspect potentiellement rétroactif de la mesure, dont nous avons vu tout à l'heure que le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel l’admettaient parfaitement, d’accepter une majoration de 5 points. Une telle majoration ne constitue pas une quelconque manœuvre déloyale, encore moins un prélèvement confiscatoire, mais simplement l’effort supplémentaire que l’on est en droit de demander à ceux qui ont réalisé une plus-value. En 2013, ils contribueront donc davantage qu’ils ne l’ont fait les années précédentes au redressement du pays.
Ensuite, le barème de l’impôt sur le revenu s’appliquera à ces cédants, avec un certain nombre d’abattements qui inciteront à la détention longue, car le but est bien de laisser des capitaux investis dans les entreprises. Nous le savons, l’un des problèmes de notre économie est le niveau et la pérennité des fonds propres des entreprises. Pour que les capitaux restent durablement investis dans les entreprises, il faut prévoir des mécanismes incitatifs. C’est pourquoi, dans le dispositif que nous proposons, l’abattement est de 20 %, 30 % ou 40 % selon que les plus-values sont réalisées deux, quatre ou six ans après l’investissement, ce qui me semble acceptable. Une fois l’abattement opéré, c’est le barème de l’impôt sur le revenu qui s’applique à ces plus-values.
Telle est l’économie générale du dispositif, dont des recettes supplémentaires sont effectivement attendues. Monsieur Doligé, vous avez vous-même indiqué le montant de ces recettes. Il est certes important, mais il ne me paraît pas hors de portée pour ceux qui seront ainsi sollicités. Je ne pense pas que le dispositif suscitera chez ces derniers découragement, amertume, dépression ou envie d’exil.
Nous estimons qu’il existe une forme de patriotisme économique de bon aloi, à laquelle nous pouvons les uns et les autres faire référence. Au demeurant, si les chefs d’entreprise concernés par le dispositif ne font pas l’effort qui leur est demandé, qui le fera ? Faut-il le demander aux salariés modestes, à ceux qui ne paient pas d’impôt sur le revenu ? Faut-il diminuer les prestations sociales, et pour qui ? Il serait d'ailleurs intéressant de connaître les propositions de ceux qui estiment que la contribution que nous souhaitons instaurer est excessive.
Je connais l’argument selon lequel il faudrait plutôt faire des économies supplémentaires. Si je peux comprendre cette demande, je réponds tout de même à ceux qui seraient enclins à la formuler ou à la répéter que nous ne faisons pas moins d’économies qu’eux en ont fait, et que nous nous apprêtons même, selon toute vraisemblance, à en réaliser bien davantage.
Voilà dans quel contexte économique nous conduisons notre action. Voilà à quels ressorts – une forme de patriotisme économique – nous tentons de faire appel. Il n’est certes jamais très agréable de payer davantage d’impôts – je ne prétends pas le contraire –, mais il me semble que la situation actuelle rend notre demande légitime. Je crois sincèrement que l’ensemble de nos concitoyens sont convaincus que ces efforts sont justes, et que ceux à qui nous les demandons peuvent les consentir sans que leur esprit d’entreprise, leur ardeur au travail ou leurs espoirs de récompense s’en trouvent compromis ou amenuisés pour autant.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Je réagirai d'abord à ce qu’a dit M. le rapporteur général. Il est vrai que les promesses du candidat Hollande l’engagent, et c’est tout à son honneur de vouloir les mettre en œuvre. Cependant, on ne peut pas dire que l’élection présidentielle s’est jouée sur les promesses dont nous parlons maintenant. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques-Bernard Magner. Alors sur quoi s’est-elle jouée ?
M. Vincent Delahaye. Si on analyse le résultat et l’élection en elle-même, il est clair que ce n’est pas du tout cet élément qui a été décisif. On pourrait en débattre davantage si vous le souhaitez, mais cet argument ne m’apparaît pas très convaincant.
Sur le fond, la mesure que vous proposez me semble importante. Il est important également de mobiliser l’ensemble des Français – je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre –, mais encore faut-il le faire dans de bonnes proportions. La question est là. Or les proportions que vous avez retenues me semblent excessives, même si vous les avez modifiées et même si j’ai entendu vos arguments.
Vous avez insisté sur le fait que la suppression du dispositif entraînerait une perte de recettes pour l’État. Pour ma part, j’ai de nombreuses idées d’économies. J’en ai déjà fait part à la commission des finances, et j’espère que nous en reparlerons dans l’hémicycle si nous avons la chance de pouvoir examiner la deuxième partie de ce projet de loi de finances. En tout cas, je suis persuadé que nous pouvons facilement trouver 250 millions d'euros. La preuve, c’est que vous avez réussi à gager en très peu de temps 144 millions d'euros pour financer des dépenses nouvelles.
J’ai également noté que M. le ministre avait déclaré, en commission des finances, que l’effort fiscal qui serait demandé cette année serait le plus important. Par conséquent, j’espère que les prochaines propositions fiscales que vous formulerez seront équilibrées, que les prélèvements sur l’économie et les Français en général, qui sont déjà élevés, ne seront pas encore alourdis, et que les ajustements opérés seront équitables.
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini
M. Philippe Marini. Je souhaiterais, l’occasion de l’examen de ces amendements de suppression, que je voterai bien entendu, revenir en quelques mots sur la question des plus-values de cession et sur le résultat obtenu par ce groupe spontané de chefs d’entreprises et d’investisseurs qui s’étaient eux-mêmes dénommés les « pigeons ».
Je m’interroge encore sur le texte adopté par l’Assemblée nationale, après un recul assez significatif du Gouvernement. En effet, le nouveau dispositif prévoit un régime assez innovant, il faut bien en convenir, pour la fiscalité des plus-values de cession. Mais, en dépit du recul que je viens de mentionner, ce régime demeure nuisible pour l’attractivité de notre pays.
En tout cas, ledit régime est d’une rare complexité, probablement inégalée dans les systèmes étrangers traitant du même sujet. L’article 6 comporte pas moins de neuf hypothèses différentes d’imposition des plus-values de cession d’actions, dont sept concernent les seuls entrepreneurs, en négligeant quelques variantes additionnelles issues de dispositifs particuliers qui préexistaient.
À mon avis, ce nouveau dispositif crée des inégalités flagrantes entre actionnaires, ainsi que des rigidités qui n’ont pas de véritable justification économique. J’en donnerai trois exemples : en premier lieu, les salariés actionnaires sont exclus de mesures présentées comme favorables ; en deuxième lieu, l’article 6 instaure une différence de traitement fiscal en fonction de seuils ou de durées de détention, de situations ou de liens entre l’entrepreneur et ses cofinanceurs, s'agissant en particulier des fameux anges providentiels, et ce système entraîne une « inéquité », ou en tout cas une nette inégalité entre des investisseurs pourtant placés dans une situation comparable ; en troisième lieu, l’article 6 exclut sans justification les secteurs financiers et immobiliers, comme s’il ne pouvait pas s’y conduire de projet d’entreprise.
Ce nouveau régime, même présenté comme plus favorable, crée donc des effets pervers allant à l’encontre de la croissance et du développement des entreprises, en particulier des entreprises petites, moyennes et de taille intermédiaire. J’ajoute que notre fiscalité des plus-values de cession d’actions, qui était déjà parmi les plus élevées d’Europe, se prépare à battre encore des records, puisqu’elle pourra atteindre, dans certains cas, plus de 60 %.
La mise en place d’un tel dispositif ajouterait donc de la complexité à l’injustice. Je me permets de rappeler que le Conseil constitutionnel a coutume de veiller au principe d’intelligibilité de la loi. À cette heure de la soirée, je vous avoue, mes chers collègues, que je ne me reconnais plus très bien dans cet article 6, et je crois que, si j’étais un responsable d’entreprise, je m’y reconnaîtrais encore moins.
Mme Nathalie Goulet. Oh !
M. Philippe Marini. Pour toutes ces raisons, les amendements de suppression me semblent vraiment inspirés par la sagesse, ce qui n’est pas surprenant quand on sait quels sont leurs auteurs.
M. Albéric de Montgolfier. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-23 rectifié et I-389.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de vingt amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-144, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I.- Le code général des impôts est ainsi modifié :
A.- Au 2 de l’article 13, après la référence : « VII bis », est insérée la référence : « et au 1 du VII ter » et après les mots : « présente section », sont insérés les mots : « ainsi que les plus-values et créances mentionnées à l’article 167 bis ».
B.- L'article 80 quindecies est ainsi modifié :
1° Les mots : « mentionnée au dernier alinéa du 8 du II de l’article 150-0 A » sont remplacés par les mots : « constituée dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et dont l’objet principal est d’investir dans des sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers français ou étranger, ou d’une société qui réalise des prestations de services liées à la gestion de cette entité » ;
2° Après les mots : « règles applicables », la fin de cet article est ainsi rédigé : « aux traitements et salaires. »
C.- Au premier alinéa de l'article 150 quinquies, les mots : « à l'article 96 A et au taux prévu » sont supprimés.
D.- Au premier alinéa de l'article 150 sexies, les mots : « au taux prévu au 2 de l'article 200 A » sont supprimés et les mots : « à l'article 96 A » sont remplacés par les mots : « au 2 de l'article 200 A ».
E.- Au 3 des articles 150 nonies et 150 decies, les mots : « , l'article 96 A » sont supprimés.
F.- Le II de l'article 150-0 A est ainsi modifié :
1° Au 7, les mots : « et du 8 » sont supprimés ;
2 ° Le 8 est abrogé.
G.- L’article 150-0 D est ainsi modifié :
1° Le 1 est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Les gains nets retirés des cessions à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts et les compléments de prix mentionnés au 2 du I de l'article 150-0 A y afférents sont réduits d'un abattement égal à :
« a) 5 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins deux ans et moins de quatre ans à la date de la cession ;
« b) 10 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de sept ans à la date de la cession ;
« Le taux de l'abattement prévu au b est augmenté de cinq points par année de détention supplémentaire à compter de la septième année et jusqu'à la douzième année révolue.
« Pour l’application de cet abattement, la durée de détention est décomptée à partir du 1er janvier de l'année d'acquisition ou de souscription des actions, parts ou droits ou, pour ceux acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2013, à partir du 1er janvier 2013, selon les modalités prévues aux II et III de l’article 150-0 D ter. » ;
2° Le 11 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas d’option pour l’application des dispositions du 2° du I de l’article 163-0 A, les moins-values de cession constatées au cours d’une année sur des titres ou droits détenus respectivement, à la date de la cession, depuis moins de deux ans, de deux ans à moins de quatre ans et depuis au moins quatre ans sont imputables sur les plus-values de cession de même nature réalisées au cours de la même année sur des titres ou droits détenus dans les mêmes conditions de durée.
« Les moins-values constatées au cours d’une année non imputées sur les plus-values de même nature réalisées au titre de la même année sont, indépendamment de la durée de détention des titres concernés, imputables sur les plus-values de même nature réalisées au titre des dix années suivantes. »
H.- Au premier alinéa de l'article 150-0 F, les mots : « soumises au taux d'imposition prévu » sont remplacés par les mots : « imposées dans les conditions prévues ».
I.- Au II de l’article 154 quinquies, après la référence : « c », sont insérés les mots : «, e, à l’exception des gains définis aux 6 et 6 bis de l’article 200 A, ».
J.- L’article 158 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du 1, la référence : « 6 » est remplacée par la référence : « 6 ter » ;
2° Sont ajoutés un 6 bis et un 6 ter ainsi rédigés :
« 6 bis. Les gains nets de cession de valeurs mobilières, de droits sociaux et titres assimilés sont déterminés conformément aux dispositions des articles 150-0 A à 150-0 E. Sont également imposables dans cette catégorie les profits réalisés sur les marchés d’instruments financiers et assimilés, déterminés conformément aux dispositions des articles 150 ter à 150 undecies, les distributions de plus-values mentionnées à l’article 150-0 F et au 1 du II de l’article 163 quinquies C lorsque l’actionnaire est une personne physique fiscalement domiciliée en France.
« 6 ter. Les plus-values latentes sur droits sociaux, valeurs, titres ou droits, les créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix et certaines plus-values en report d’imposition imposables lors du transfert du domicile fiscal hors de France sont déterminées conformément aux dispositions de l’article 167 bis. »
K.- Le I de l’article 163-0 A est ainsi modifié :
1° Avant les mots : « lorsqu’au cours », est inséré la mention : « 1. »
2° Sont ajoutés un 2 et un 3 ainsi rédigés :
« 2. Lorsqu’au cours de l'une des années 2012, 2013 ou 2014, un contribuable a réalisé des gains nets de cession mentionnés aux I et II de l’article 150-0 A ou bénéficié de distributions de plus-values mentionnées à l’article 150-0 F et au 1 du II de l’article 163 quinquies C imposées dans les conditions prévues au 2 de l'article 200 A, l’intéressé peut demander que l’impôt correspondant soit calculé en ajoutant à son revenu net global imposable :
« a) la moitié de ces gains lorsque les titres ou droits correspondants sont détenus depuis au moins deux ans et moins de quatre ans à la date de la cession et en multipliant par deux la cotisation supplémentaire ainsi obtenue ;
« b) le quart de ces gains lorsque les titres ou droits correspondants sont détenus depuis au moins quatre ans à la date de la cession et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue ;
« L’ensemble des gains mentionnés aux alinéas précédents et réalisés au titre de l’année sont pris en compte.
« Pour les gains nets de cession mentionnés aux I et II de l'article 150-0 A, la durée de détention mentionnée aux a et b est décomptée selon les modalités prévues aux II et III de l’article 150-0 D ter.
« Pour les distributions d’une fraction des actifs d’un fonds commun de placement à risques mentionnées au 7 du II de l’article 150-0 A et pour les distributions de plus-values mentionnées à l'article 150-0 F et au 1 du II de l'article 163 quinquies C, cette durée de détention est décomptée à partir du 1er janvier de l'année d'acquisition ou de souscription des titres. L'année d'acquisition ou de souscription retenue pour ce calcul est l'année la plus récente entre celle de l'acquisition ou de la souscription des titres du fonds ou de la société de capital-risque par le contribuable et celle de l'acquisition ou de la souscription des titres cédés par le fonds ou la société.
« 3. La demande du contribuable s'exerce indépendamment pour chacune des options prévues aux 1 et 2. »
L.- Au premier alinéa du I de l'article 163 bis G, les mots : « et aux taux prévus à l'article 150-0 A, ou au 2 de l'article 200 A » sont remplacés par les mots : « prévues à l'article 150-0 A et au taux de 19 % ».
M.- Le 1) du II de l’article 163 quinquies C est ainsi modifié :
1° Après les mots : « du 31 décembre 2001 sont », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « imposées dans les conditions prévues au 2 de l’article 200 A lorsque l’actionnaire est une personne physique fiscalement domiciliée en France au sens de l’article 4 B, ou soumises à la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis lorsqu'elles sont payées dans un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A, ou soumises à cette même retenue à la source aux taux de 19 % pour les gains réalisés avant le 1er janvier 2013 et de 45 % pour ceux réalisés à compter de cette date lorsque l’actionnaire est une personne physique fiscalement domiciliée hors de France. Toutefois, les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B peuvent demander le remboursement de l'excédent du prélèvement de 19 % ou 45 %, selon le cas, lorsque ce prélèvement excède la différence entre, d’une part, le montant de l'impôt qui résulterait de l'application de l'article 197 A à la somme des distributions mentionnées au présent alinéa et des autres revenus de source française imposés dans les conditions de l'article 197 A précité au titre de la même année et, d’autre part, le montant de l'impôt établi dans les conditions prévues audit article 197 A sur ces autres revenus. » ;
2° Les deuxième à huitième alinéas sont supprimés.
N.- L'article 167 bis est ainsi modifié :
1° Le 4 du I est abrogé ;
2° Au II, les mots : « imposables lors de ce transfert au taux d’imposition mentionné au 4 du I du présent article » sont remplacés par les mots : « également imposables lors de ce transfert » ;
3° Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis.- L’impôt relatif aux plus-values et créances déterminées dans les conditions prévues aux I et II est égal à la différence entre, d’une part, le montant de l’impôt résultant de l’application de l’article 197 à l’ensemble des revenus de source française et étrangère mentionnés au 1 de l'article 167 auxquels s’ajoutent les plus-values et créances imposables en vertu des I et II du présent article et, d’autre part, le montant de l’impôt établi dans les conditions prévues à l'article 197 pour les seuls revenus de source française et étrangère mentionnés au 1 de l'article 167. » ;
4° Au deuxième alinéa du 4 du VIII, les mots : « taux d’imposition mentionné au 4 du I » sont remplacés par les mots : « le rapport entre, d’une part, l'impôt calculé dans les conditions du II bis et, d’autre part, la somme des plus-values et créances déterminées dans les conditions des I et II », et les mots : « taux d'imposition mentionné au même 4 » sont remplacés par les mots : « rapport entre, d’une part, l'impôt calculé dans les conditions du II bis et, d’autre part, la somme des plus-values et créances déterminées dans les conditions des I et II ».
O.- Au troisième alinéa du 1 de l'article 170, après la référence : « 150-0 D bis, », sont insérés les mots : « le montant de l'abattement mentionné à l'article 150-0 D ter, le montant des plus-values soumises au prélèvement prévu à l’article 244 bis B, ».
P.- L'article 200 A est ainsi modifié :
1° Au 2, les mots : « imposés au taux forfaitaire de 19 % » sont remplacés par les mots : « pris en compte pour la détermination du revenu net global défini à l’article 158 » ;
2° Le 5 est complété par les mots : « ou au taux de 19 % s’il intervient postérieurement. » ;
3° Le 7 est abrogé.
Q.- L’article 242 ter C est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « au dernier alinéa du 8 du II de l’article 150-0 A » sont remplacés par les mots : « à l'article 80 quindecies » ;
b) Après les mots : « gains nets et distributions mentionnés », la fin du 1 est ainsi rédigée : « à l’article 80 quindecies » ;
2° Au 2, les mots : « au dernier alinéa du 8 du II de l’article 150-0 A » sont remplacés par les mots : « à l'article 80 quindecies ».
R.- L'article 244 bis B est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « et imposés » sont supprimés et après la référence : « 150-0 E », sont insérés les mots : « et soumis à un prélèvement au taux de 19 % ou, pour les gains réalisés à compter du 1er janvier 2013, de 45 %. » ;
b) Il est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Le prélèvement est libératoire de l’impôt sur le revenu dû à raison des sommes qui ont supporté celui-ci. Toutefois, les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B peuvent demander le remboursement de l'excédent du prélèvement de 19 % ou de 45 %, selon le cas, lorsque ce prélèvement excède la différence entre, d’une part, le montant de l'impôt qui résulterait de l'application de l'article 197 A à la somme des gains nets mentionnés au présent alinéa et des autres revenus de source française imposés dans les conditions de l'article 197 A précité au titre de la même année et, d’autre part, le montant de l'impôt établi dans les conditions prévues audit article 197 A sur ces autres revenus. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Avant les mots : « Les gains », sont insérés les mots : « Par dérogation, » ;
b) Les mots : « , par dérogation au taux prévu au 2 de l'article 200 A et, » sont supprimés.
S.- Au a bis du 1° du IV de l’article 1417, après les mots : « du même article », sont insérés les mots : « , du montant des abattements prévus au 1 de l’article 150-0 D et à l'article 150-0 D ter, du montant des plus-values soumises au prélèvement prévu à l’article 244 bis B ».
II.- Le I de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
A.- Au e, les mots : « à un taux proportionnel » sont supprimés et les références : « aux 7 et 8 » sont remplacées par la référence : « au 7 ».
B.- Au dixième alinéa, après la référence : « de l’article 125-0 A, », est insérée la référence : « au 1 de l’article 150-0 D, ».
III.- A la seconde phrase du 2° du II de l’article L. 221-31 du code monétaire et financier, les mots : « au dernier alinéa du 8 du II de l’article 150-0 A du code général des impôts » sont remplacés par les mots : « à l'article 80 quindecies du code général des impôts ».
IV.- A la fin de la seconde phrase du A du XVIII de l’article 29 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, l’année : « 2013 » est remplacée par l’année : « 2017 ».
V.- Les I, II et III s’appliquent aux gains et profits nets réalisés à compter du 1er janvier 2012 et aux distributions perçues à compter du 1er janvier 2012, à l’exception du G du I qui s’applique aux gains nets réalisés à compter du 1er janvier 2013 et du N du I qui s’applique aux transferts de domicile fiscal hors de France intervenus à compter du 28 septembre 2012.
La parole est à M. Éric Bocquet.