M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, dans un contexte que chacun s’accorde à reconnaître difficile, tant sur le plan économique que social, dès lors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 est un texte de protection, de redressement des comptes et de modernisation de notre système de santé, je le soutiens. J’ai d’ailleurs été heureuse d’entendre Mme Touraine dire que notre modèle social était un élément déterminant de notre compétitivité dans la mondialisation.
Pour la branche maladie, les dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires de base sont estimées à 190 milliards d’euros pour 2013, soit 40 % de l’ensemble des dépenses.
Quant au déficit, il est en légère diminution – pour s’établir à 5,1 milliards d’euros, soit 2,7 % des dépenses, après 8,5 % en 2011 et 5,5 % en 2012 – grâce aux mesures de redressement que nous avons prises dans le cadre des différents collectifs budgétaires de l’été 2012.
C’est un projet de loi de financement de la sécurité sociale de protection qui exprime clairement un changement de cap, après cinq ans de réduction de la protection de nos concitoyens, entraînant 15 % d’entre eux, parmi les plus précaires, à renoncer à des soins.
C’est un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui objective une augmentation de l’ONDAM de 2,7 % sur le plan tant des dépenses de ville que des établissements hospitaliers, soit 0,2 % de plus que l’année dernière. Cela doit améliorer la prise en charge des pathologies chroniques, la qualité des relations entre les professionnels et les patients ainsi que la qualité du travail des professionnels, mieux reconnus et mieux organisés en équipes.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 amorce en profondeur une réorganisation du système de santé autour du patient et du citoyen ; il instaure également des relations rééquilibrées et, dans le même temps, beaucoup plus complémentaires entre les professionnels libéraux, le monde hospitalier et le secteur médico-social.
À ce point de mon propos, je m’attarderai quelques instants sur un sujet qui interroge les usagers comme les professionnels : l’efficience et les économies proposées à hauteur de 2,4 milliards d’euros.
L’efficience est souhaitable dès lors que l’approche est strictement qualitative, prenant en compte l’état actuel des connaissances scientifiques, tant pour des situations générales que pour des situations particulières, tant dans le secteur libéral que dans le secteur hospitalier. L’efficience ne peut être une sanction comptable.
Mesdames les ministres, nous approuvons les 2,4 milliards d’euros d’économies qui sont prévues, mais si nous soutenons l’encadrement des dépenses de l’industrie pharmaceutique, nous pensons qu’il faut reconnaître la force et la compétitivité de ce secteur et dès lors lui permettre ses travaux de recherche. Par ailleurs, au-delà de la poursuite du développement du générique, et nous soutenons le générique français, il me semble que nous devons être attentifs à la prescription médicamenteuse.
M. Gilbert Barbier. Très bien !
Mme Catherine Génisson. De même, le maintien du maillage de la biologie sur notre territoire est une urgence, point vient d’être abordé.
Trois priorités président à l’architecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale : renforcer les soins de proximité, redonner sa force au service public et mettre en place des mesures de justice sociale.
Je dirai un mot des soins de proximité et de leur couverture.
Vous avez souhaité, avec une grande exigence de justice sociale, que les dépassements d’honoraires soient régulés et, pour cela, vous avez choisi la voie de la négociation. Cette dernière a abouti, même si elle laisse pour le moins certains perplexes, voire en colère, en particulier dans les secteurs de grande pénibilité comme la chirurgie, l’obstétrique ou l’anesthésie.
Cela étant, les internes, nos médecins de demain, s’interrogent sur leur avenir. La régulation des honoraires médicaux tant dans le privé que dans le public est une nécessité. Elle ne peut être basée sur le constat des excès inadmissibles d’une minorité, qui doit être simplement sanctionnée. Cette régulation est une nécessité, car elle est un des éléments, même si ce n’est pas le seul, du creusement des inégalités dans l’accès aux soins, inégalités tant territoriales que sociales.
La régulation des dépassements d’honoraires ne doit pas occulter des questions plus structurelles, qui perdurent et pour lesquelles les solutions sont d’autant plus complexes à mettre en œuvre que le contexte socioéconomique est contraint. Il s’agit, en particulier, de la revalorisation d’un certain nombre d’actes chirurgicaux, ainsi que de la possible prise en compte de la pénibilité de l’exercice de certaines spécialités, point qui n’a jamais été tranché par les professionnels eux-mêmes. Concernant les honoraires chirurgicaux, Mme la ministre nous a donné des informations qui vont dans le bon sens.
Très clairement, nous approuvons cette volonté de réguler les dépenses d’honoraires ; nous souhaitons un encadrement efficace et nous demandons que le sujet soit traité dans sa globalité. Les solutions se construiront en toute responsabilité, en tenant compte de l’environnement économique et social.
Pour nos concitoyens, dans le cadre du pacte républicain, nous devons construire la médecine de demain.
En matière de soins de proximité, le Gouvernement fait des propositions très concrètes. Il prévoit ainsi de mobiliser 200 praticiens territoriaux de médecine générale par an sur des zones sous-dotées médicalement. Nous approuvons également le remboursement à 100 % de l’interruption volontaire de grossesse ainsi que la gratuité de la contraception pour les mineures. Nous vous félicitons de ces décisions, mais au-delà de la revalorisation de l’IVG, il faudra remobiliser les jeunes étudiants, car les médecins militants qui ont permis l’existence de la loi défendue avec tant de courage par Mme Veil ne sont peut-être plus là. Il me semble qu’il y a beaucoup à faire sur la question.
Mme Michelle Meunier. C’est vrai !
Mme Catherine Génisson. Félicitons-nous du développement du tiers payant, en particulier pour les étudiants. Nous proposerons, d’ailleurs, des amendements qui vont en ce sens.
Je vous remercie également, mesdames les ministres, de redonner toutes ses couleurs au service public hospitalier. C’était tellement attendu. On ne peut saucissonner les missions de service public. Le service public est un. C’est une obligation pour l’hôpital public que de servir et d’assumer le service public. Sur ce sujet, il me semble que la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », a voulu induire une compétition qui n’avait pas lieu d’être entre le secteur public et le secteur privé. La médecine n’est pas une marchandise ; la médecine est une science humaine.
Je vous remercie également d’avoir retenu la proposition votée à l’unanimité pas les deux rapporteurs de la MECSS, Jacky Le Menn et Alain Milon, d’« abroger » – j’utilise ce terme à dessein – enfin le processus de convergence tarifaire.
Madame la ministre, le texte prévoit d’améliorer la vie quotidienne des hôpitaux. Nous devons poursuivre la réflexion sur le devenir des hôpitaux locaux, qui doivent trouver de nouvelles fonctions dans le système de santé. Félicitons-nous de l’expérimentation de l’optimisation des parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie. Cette initiative illustre le bien-fondé qu’il y a à diversifier la reconnaissance des parcours de soins source du travail tant médical que paramédical, et dès lors d’imaginer de possibles forfaits, sans supprimer pour autant le paiement à l’acte sur des situations simples.
Par ailleurs, saluons l’amélioration de la situation des demandeurs d’emploi et celle des détenus.
Avant de terminer mon propos, j’évoquerai rapidement quelques sujets.
Il me semble nécessaire en matière de fiscalité comportementale de dépasser le choc frontal entre production, tradition et enjeux de santé publique. Certains d’entre nous vous feront des propositions, car il est important de ne pas créer de discriminations entre les différents producteurs sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, il est également important de voter des taxes sur les produits reconnus comme étant éminemment dangereux, je pense à l’huile de palme ou aux produits énergisants.
De surcroît, au nom de la justice sociale, il est important de traiter de l’avenir de la sécurité minière et de l’égalité des territoires quand les indicateurs socio-sanitaires sont si inégaux. Le Président de la République l’a d’ailleurs rappelé à la Mutualité lorsqu’il a évoqué la situation de la région Nord-Pas-de-Calais. Il est nécessaire de mettre en place des mécanismes pour corriger ces inégalités.
Mesdames les ministres, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 est un texte d’engagement, exprimant votre courage politique, votre exigence de justice sociale et votre volonté de moderniser la protection sociale dans notre pays. Je sais que vous êtes ouvertes au débat ; nous vous soutiendrons tout au long de nos échanges, qui, je le crois, seront constructifs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Jean Desessard. Ah, suspense !
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce budget sera-t-il celui du changement ?
Voilà plus de dix ans que la Haute Assemblée examine des projets de loi de financement de la sécurité sociale élaborés par la droite. Dix ans que nous constatons, avec toujours plus d’inquiétude, la manière dont les politiques libérales mises en œuvre cassent l’emploi, creusent la dette publique et appauvrissent la sécurité sociale. Dix ans que nous constatons, de manière plus ou moins directe, le basculement d’un régime de protection sociale fondé sur les cotisations vers un système de plus en plus assis sur l’impôt et les contributions personnelles.
Tout cela nous éloigne un peu plus du principe originel de la sécurité sociale : chacun cotise en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins.
Ce basculement est le fruit de choix politiques que nous n’avons eu de cesse de dénoncer, à savoir la prédominance accordée systématiquement au capital sur le travail, avec ce mythe démenti pourtant chaque jour que la libéralisation du marché du travail et des règles fiscales, ainsi que la libre concurrence profiteraient automatiquement à l’emploi et donc au pays.
Il suffit de regarder autour de nous pour mesurer les effets concrets de ces politiques. Les bas salaires, les contrats précaires, les mauvaises conditions d’emploi et de travail ont augmenté. Des millions de salariés ne parviennent plus à vivre dignement du fruit de leurs efforts et le chômage, indemnisé ou non, connaît un développement continu.
Confrontés aux diktats des actionnaires contre l’économie réelle, les salariés sont de plus en plus souvent victimes de méthodes de management, qui nient leur humanité, les réduisant souvent à de simples variables d’ajustement. La sécurité sociale paie, au final, les pots cassés de tous ces gâchis.
La droite, celle qui voudrait aujourd’hui donner des leçons de gestion et d’équilibre, est pleinement responsable de cette situation.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Dominique Watrin. Entre 2002 et 2012, la dette sociale supportée par la CADES est passée de 29 milliards d’euros à plus de 137 milliards d’euros.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’était avant la crise !
M. Dominique Watrin. Par ailleurs, 700 000 emplois industriels ont été sacrifiés avec le silence complice des précédents gouvernements.
Parallèlement, la part de financement des employeurs à la sécurité sociale n’a eu de cesse de diminuer. À l’inverse, nos concitoyens, y compris les plus modestes, ont été soumis à de nouveaux prélèvements fiscaux, destinés à compenser l’insuffisance des contributions patronales. Franchises, déremboursements et forfaits, instauration d’une journée dite de « solidarité », fiscalisation des indemnités journalières des accidents du travail, taxation des mutuelles, sortie automatique au bout de cinq ans du régime des affections de longue durée, les ALD, réduction de la prise en charge des patients en ALD atteints d’hypertension artérielle, voilà le bilan de la droite !
Malgré ces mesures, toutes plus injustes les unes que les autres, présentées comme devant responsabiliser les patients et réduire les déficits, celui de la branche maladie est passé de 1 milliard d’euros en 2001 à 5,5 milliards d’euros en 2012.
Au vu de ces résultats, nous sommes en droit de soulever une question que se posent d’ailleurs nos concitoyens : à quoi ont servi les sacrifices demandés aux Français, si ce n’est à accroître les dividendes versés aux actionnaires ?
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exactement !
M. Dominique Watrin. Quelle efficacité ont eu les 170 milliards d’euros d’aides publiques et sociales versées annuellement aux entreprises ?
Quel bilan tirer des 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales consenties tous les ans aux entreprises et dont une part n’est tout simplement jamais compensée ?
Mes chers collègues, si nous défendons la sécurité sociale par rapport au modèle assurantiel, ce n’est pas seulement parce que nous considérons que c’est un héritage utile. Nous la défendons, parce que nous pensons que garantir à chacun une protection contre les aléas économiques, sanitaires et sociaux tout au long de la vie, de la naissance jusqu’à la mort, est à la fois un projet humain de grande actualité et une visée d’avenir. Car tout ce qui est soustrait au secteur commercial, au profit d’un système solidaire, est au final un atout majeur pour notre pays, pour notre économie et pour nos entreprises !
La sécurité sociale ne peut et ne doit pas être déconnectée des richesses créées dans les entreprises. Faire participer ces dernières à l’effort de solidarité n’est que justice ; c’est aussi un moyen de lutter contre le poids trop grand pris par la finance sur l’économie.
Dans ce contexte, l’élection de François Hollande a suscité d’importantes attentes. Le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté par un gouvernement de gauche a engendré de l’espérance et même de l’exigence.
Notre niveau d’intervention se situe là ; il n’est certainement pas dans la surenchère ni non plus en en rabattant sur les convictions que nous avons toujours défendues ici et que certains partageaient, pas plus tard que l’année dernière, sur les autres travées de la nouvelle majorité sénatoriale.
Nous attendions donc de ce nouveau gouvernement qu’il rompe clairement avec les logiques que nous avions dénoncées ici ensemble, qu’il revienne sur les dispositions que nous avions combattues, et même qu’il avance sur un projet plus ambitieux, tant il est urgent de redonner un nouveau souffle à notre système de santé.
Certes, ce texte comporte des mesures positives que nous accueillons favorablement, même si nous regrettons que, dans leur ensemble, elles demeurent trop partielles.
En ce qui concerne la branche maladie, nous nous réjouissons que le Gouvernement ait pris la décision de rembourser à 100 % les interruptions volontaires de grossesse. En commission, nous avons déploré que cette augmentation ne s’accompagne pas d’une revalorisation des tarifs de cet acte médical. Nous pensons que cette demande devrait être prise en compte.
Positif également est l’amendement adopté par l’Assemblée nationale permettant aux jeunes filles mineures de bénéficier de la gratuité de la pilule. Nous avons déposé un amendement complétant l’article en question afin que la pilule puisse être distribuée de manière anonyme et que les examens biologiques complémentaires soient également assurés de manière gratuite et anonyme.
Pour ce qui est de la branche famille, nous considérons comme une avancée l’expérimentation du tiers payant pour le complément de mode de garde proposé aux parents recourant à une assistante maternelle. Nous proposons d’étendre cette expérimentation aux parents qui confient leurs enfants à des micro-crèches. Nous regrettons surtout qu’aucune mesure n’ait été prise pour augmenter le nombre de places en crèches.
Pour ce qui est de la branche AT-MP, nous restons là aussi en attente. Certes, permettre aux salariés âgés de soixante ans, indépendamment de leur statut et de leur régime, de pouvoir liquider leurs pensions plus rapidement au titre de l’amiante, est un progrès. Mais le véritable changement aurait été d’élargir les conditions d’accès à l’ACATAA en faisant en sorte que les salariés puissent en bénéficier avant d’être malades. Il aurait non seulement fallu réintroduire la contribution patronale supprimée par la droite, mais aussi – et surtout, ai-je envie de dire – ne pas conditionner l’accès à l’ACATAA à une durée de cotisation de quarante et une annuités, repère légal issu de l’allongement de la durée de cotisation imposé par la contre-réforme des retraites.
Mes chers collègues, pris par le temps, et souhaitant pouvoir laisser ma collègue Laurence Cohen intervenir sur la question des hôpitaux, je ne détaillerai pas ici l’ensemble du PLFSS, mais vous aurez compris qu’au final nous demeurons, pour ce qui relève des recettes, insatisfaits.
M. Jean Desessard. Ah, mince !
M. Dominique Watrin. Nous aurions pu, c’est vrai, trouver quelques motifs de satisfaction dans deux mesures. Je pense à l’élargissement aux éléments de rémunération complémentaire de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, à la charge des sociétés d’assurance ou bien à l’assujettissement au forfait social des indemnités versées par les employeurs en cas de ruptures conventionnelles, mesure ô combien importante, tant il y a eu, on le sait, des abus en ce domaine : 300 000 ruptures conventionnelles en 2011 ! Mais en retenant le principe de taxes plutôt que de cotisations, non seulement le Gouvernement s’est privé de recettes nouvelles pour la sécurité sociale, mais il a aussi privé les salariés de droits nouveaux, notamment pour la retraite, qu’ils auraient pu acquérir par les cotisations.
Vous comprendrez surtout que nous ne pouvons pas laisser passer cette nouvelle taxe sur les retraites dite contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA.
Prévue à l’article 16 du PLFSS, la CASA constitue une taxe sur les pensions de retraite et d’invalidité. Dès le 1er avril 2013, elle devrait s’imposer à plus de 7,5 millions de retraités, qui sont assujettis à la CSG au taux de 6,6 %, soit ceux dont le montant de l’impôt sur le revenu est supérieur à 61 euros.
Je veux le dire avec responsabilité et gravité, nos concitoyens n’ont pas voté en faveur d’un gouvernement de gauche pour recevoir en boomerang une mesure de droite, surtout quand cette mesure est une des plus importantes contenues dans ce premier budget de sécurité sociale du nouveau gouvernement et, qui plus est, quand elle reprend, à peu de choses près, la proposition de notre collègue Gérard Roche du groupe centriste, votée par les sénateurs UMP il y a quelques semaines seulement.
M. Jean-Pierre Plancade. C’est abusif !
M. Dominique Watrin. Les quatre millions d’électeurs qui, au premier tour, se sont reconnus dans les propositions du Front de gauche et se sont reportés au second tour sur François Hollande, pour battre Nicolas Sarkozy et rejeter sa politique d’austérité, attendaient autre chose de ce gouvernement qu’une taxe aussi injuste que celle-ci. Car, comme je l’ai déjà dit, je le répète ici au nom du groupe CRC, on n’est certainement pas un nanti lorsqu’on gagne plus de 1 215 euros par mois.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Dominique Watrin. Si nous sommes opposés à cette taxe, c’est que nous considérons aussi que le postulat sur lequel elle repose est mauvais. Nous avons entendu le Gouvernement nous dire que cette mesure était une première étape vers une réforme d’ampleur destinée à prendre en charge la perte d’autonomie. Cela reste d’abord à prouver, car nous faisons, pour le moment, le constat, sauf erreur, que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie serait dépouillée parallèlement et pour le même montant financier d’une part de recettes de la CSG.
Plus généralement, permettez-moi de le dire, mesdames les ministres, c’est un bien mauvais signal que de commencer à poser la question de la prise en charge de la perte d’autonomie, non pas en se souciant d’abord des besoins des personnes, mais en se préoccupant de son seul financement.
Au groupe CRC, nous sommes convaincus que la prise en charge des besoins liés à la perte d’autonomie doit relever de la sécurité sociale, et ce dans sa totalité. Son financement doit donc être assuré par les cotisations sociales élargies aux revenus financiers. Nous refusons l’idée selon laquelle le non-assujettissement des retraités à la journée de solidarité serait une niche sociale.
Je note aussi, sur ce sujet, que, pendant que l’Assemblée nationale adoptait la CASA, en en augmentant le taux, elle exonérait, sur l’initiative du Gouvernement, les plus-values réalisées par les fonds d’investissement de la taxe prévue à l’article 14.
Mme Éliane Assassi. Et voilà !
M. Dominique Watrin. Cela donnait ainsi l’impression que l’exonération consentie à une minorité de privilégiés devait être compensée par le rehaussement d’une mesure touchant des retraités modestes. À l’issue des travaux de l’Assemblée nationale, le rendement de la CASA est curieusement passé de 350 000 à 500 000 euros quand les prétendus pigeons se voyaient exemptés des 150 000 euros de taxe prévus.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Dominique Watrin. Alors, mesdames les ministres, s’il faut trouver des moyens nouveaux pour financer notre protection sociale, moyens fondés sur la justice, laissez-moi vous rappeler que les sénateurs communistes et socialistes avaient voté ensemble, l’année dernière, la suppression des exonérations de cotisations sociales consenties à des entreprises qui, en ne respectant pas l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, bafouent les lois de la République.
Rien ne justifie, en effet, que des entreprises qui ne respectent pas les lois puissent bénéficier, en échange de leur comportement délictueux et antisocial, d’exonérations de cotisations sociales, d’où l’amendement que nous proposons en substitution de l’article 16.
Ce PLFSS, le premier d’un gouvernement de gauche depuis dix ans, devrait être la marque du changement et prendre résolument le parti des assurés sociaux contre la finance. Il devrait marquer, selon nous, la première étape d’un financement majeur de la sécurité sociale afin de lui permettre de répondre aux exigences nouvelles nées de la crise, de la spéculation et de l’accaparement par une minorité des richesses produites par le travail.
Tel est le sens des amendements que nous avons déposés, en matière tant de recettes que de dépenses.
En conclusion, je veux le dire ici très clairement, le groupe communiste républicain et citoyen ne se réjouit pas de rejeter ce PLFSS, pas plus qu’il ne s’y résout. Il attend des actes forts sur la partie recettes, étant entendu que le montant et la nature de celles-ci déterminent le niveau de solidarité que nous voulons collectivement atteindre.
Avec nos propositions, nous offrons la possibilité au Gouvernement, non seulement de faire gagner la gauche, mais aussi de renforcer la sécurité sociale. Nous lui offrons la possibilité de porter la protection sociale à un niveau au moins égal, voire supérieur à celui que nous connaissions avant les dix ans de droite, de libéralisme et d’austérité. Telle est la seule ambition, le seul objectif du groupe CRC dans le cadre de l’examen du PLFSS pour 2013. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, M. Jean-Marie Vanlerenberghe a terminé son intervention en évoquant la question du financement de la protection sociale. Je débuterai la mienne par la même question. Notre groupe est en effet convaincu que le mode de financement de notre sécurité sociale est dépassé. Nous le martelons depuis des années. D’ailleurs, le premier état des lieux établi par le nouveau Haut Conseil du financement de la protection sociale nous donne raison.
J’en ai retenu trois observations.
À elles seules, les cotisations sociales effectives constituent 56 % des ressources totales de la protection sociale.
En leur sein, les cotisations acquittées par les employeurs représentent 63 % de cette masse, celles qui sont supportées par les salariés sont de l’ordre de 29 %. Ces cotisations patronales et salariales sont toutes deux assises sur la rémunération brute du travail.
La contribution sociale généralisée, qui s’est, pour une part importante, substituée à des cotisations sociales salariales, constitue le second poste de ressources, 13 % du total. C’est encore l’assiette des revenus d’activité qui contribue de manière prépondérante au rendement de la CSG ; en 2011, la CSG sur les revenus d’activité représentait 70 % du produit total de cette contribution, dont 60 % sur les seuls salaires.
Nous dénonçons cette logique de financement qui n’est plus tenable. Elle pèse trop sur l’emploi et la compétitivité de nos entreprises.
Financer la santé et la famille doit se faire par l’impôt et non plus par les revenus d’activité.
Nous sommes opposés au volet recettes du PLFSS, qui augmente considérablement le poids des prélèvements sociaux sur les revenus d’activité.
Tel est le sens de nos divers amendements.
Je voudrais insister en particulier sur cinq dispositions que nous jugeons inacceptables.
Nous sommes contre le déplafonnement des cotisations maladie des travailleurs indépendants non agricoles, qui touchera de plein fouet les petits commerçants et artisans. Nous préférons à cette mesure un relèvement de la taxe environnementale sur les émissions d’oxyde d’azote, l’écotaxe NOx.
Nous sommes contre la hausse des cotisations des auto-entrepreneurs, plus exactement contre cette analyse grossière de leur activité. La dernière enquête lancée par l’INSEE auprès des créateurs d’entreprise est d’ailleurs fort intéressante, notamment parce qu’elle nous informe précisément sur le portrait type de l’auto-entrepreneur. L’objectif premier de celui-ci est d’assurer son propre emploi : 66 % de ces auto-entrepreneurs sont d’anciens chômeurs. Ils doivent absolument être soutenus, à la différence des salariés et retraités à la recherche d’une activité de complément et sur lesquels pourraient peser les dispositions de l’article 11.
Nous sommes contre une nouvelle atteinte au dispositif des services à la personne, déjà mis à mal ces dernières années. Loin de coûter à l’État, il est à l’origine de recettes substantielles. Contrairement aux entreprises qui cumulent plusieurs dispositifs de soutien à l’emploi – allégements de cotisations, réduction et crédits d’impôts, contrats aidés –, les particuliers employeurs ne bénéficient que de la réduction d’impôt et d’un allégement de charges. Mais surtout, l’efficacité de ce dispositif n’est plus à prouver, particulièrement en termes de créations d’emplois, puisque plus de 700 000 emplois ont été créés depuis ces quinze dernières années. Ces emplois, tous non délocalisables, concernent des publics éloignés du marché du travail ou à faible niveau de qualification. Remettre de nouveau en cause ce soutien aux emplois à domicile entraînera, à coup sûr, une diminution du nombre d’heures déclarées, le développement du travail non déclaré et la destruction d’emplois.
Nous sommes contre l’assujettissement au forfait social des petites indemnités de ruptures conventionnelles.
Enfin, nous sommes contre l’élargissement de la taxe sur les salaires aux participations des employeurs, à la prévoyance et aux assurances complémentaires santé.
Notre critique sera moins vive sur le volet dépenses du PLFSS, sans doute parce que les dispositions qui y figurent ne sont pas de grande envergure.
Nous saluons les efforts faits pour un meilleur accès de tous aux soins. Je pense à la gratuité de la contraception pour les jeunes filles mineures,…