M. Francis Delattre. Effectivement !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … qui fait que le CNC, bien que disposant d’une réserve de trésorerie pour l’achat immobilier, emprunte, d’ailleurs à un taux plus élevé que ce que lui rapportent ses 23 millions d’euros de trésorerie, quand il les place. Il s’agit d’un curieux choix financier, qui ne peut que susciter l’étonnement quand on sait que le directeur du CNC est un ancien inspecteur des finances. Peut-être a-t-il oublié certaines règles élémentaires en changeant de fonction ?
Il est vrai que le CNC ne fait plus partie des opérateurs dont les taxes affectées sont plafonnées. Pour autant, quand nous sommes arrivés aux responsabilités, le montant des taxes affectées aux opérateurs était de 3 milliards d’euros. Si la loi de finances initiale est votée telle que le Gouvernement le souhaite, le montant de taxes affectées s’élèvera à 4,5 milliards d’euros. Un facteur multiplicateur de 1,5 d’une année sur l’autre, monsieur le président de la commission des finances, nourrit peut-être quelques regrets chez vous, mais ne devrait pas appeler de critiques trop virulentes dès lors que les choses sont examinées avec un peu d’objectivité.
Quant au solde, il sera maintenu. Les annonces faites par le Gouvernement hier, dont j’aurai naturellement à m’expliquer, ne remettent pas en cause ce solde. Là est l’essentiel.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Merci de cette réponse, monsieur le ministre !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. D’autres parlementaires ont repris vos critiques sur les éléments relatifs à la compétitivité.
Certes, monsieur Delattre, nous souhaitons prélever 10 milliards d’euros sur les entreprises. Prétendre qu’au fond on prélèverait ce que l’on s’apprête à rendre, c’est méconnaître que ceux qui sont sollicités ne sont pas ceux qui seront aidés, sauf à feindre d’ignorer ce que sont lesdites mesures de prélèvement, qui sont d’ailleurs, pour l’essentiel, sinon exclusivement, des mesures d’assiette ne concernant que les grandes entreprises. J’en ai dit un mot tout à l’heure.
La vérité, qu’il s’agisse de la loi de finances rectificative, de la loi de finances initiale ou de la loi de financement de la sécurité sociale, est que les PME et les ETI, les entreprises de taille intermédiaire, sont scrupuleusement préservées des mesures de prélèvement. Le dispositif pour les jeunes entreprises innovantes est maintenu, de même que l’ISF-PME. L’avantage au titre de l’impôt sur le revenu de la loi Madelin est lui aussi préservé. Tous ces dispositifs concernent les petites et moyennes entreprises. Les fonds communs de placement sont également préservés. Cela représente plusieurs centaines de millions d’euros chaque année. Ces dispositifs, objectivement, préservent les PME et les ETI ; j’aurais du mal à imaginer qu’ils soient critiqués sur certaines travées puisque c’est précisément de ces travées que la plupart d’entre eux émanent.
Aussi, je ne crois pas que l’on puisse retenir l’argument des 10 milliards d’euros prélevés puis rendus. Les bénéficiaires ne sont pas les payeurs. Nous consentons un effort tout à fait légitime et nécessaire en faveur des PME et des ETI.
D’autres intervenants ont souhaité aborder des sujets différents.
M. Bocquet a remis en cause les économies qui sont réalisées. Le Gouvernement a fait un choix politique, celui de ne pas juger raisonnable un ajustement des finances publiques de l’ampleur que nous connaissons en n’utilisant que le levier de la fiscalité. Je peux comprendre que l’on critique ce choix, mais il faut, selon moi, bien prendre conscience que l’effort fiscal que nous demandons au pays est important. Il est d’ailleurs tellement important qu’il est comparable à celui qui fut demandé par la majorité précédente. Un article récent, datant d’une quinzaine de jours, du journal Les Échos, qui n’est pas connu comme l’un des soutiens les plus acharnés à la politique de l’actuel gouvernement, faisait remarquer qu’entre les plans Fillon 1, Fillon 2 et les mesures votées en loi de finances initiale le gouvernement précédent et la majorité précédente avait consenti un effort fiscal de l’ordre de 30 milliards d’euros, et que le gouvernement actuel, au travers des différentes lois de finances et de financement, s’apprêtait à consentir un effort comparable en recettes.
Il fallait donc faire cet effort de 55 à 60 milliards d’euros. D’une certaine manière, peut-être pourrons-nous les uns et les autres nous rassurer en constatant que chacun aura pris la part qui lui revient de cet effort, l’opposition jouant naturellement son rôle chaque fois qu’une majorité propose et adopte quelques mesures difficiles. Évidemment, il n’est jamais agréable d’augmenter les impôts. Solliciter les ménages ou les entreprises n’est pas chose plaisante. On sait ce que cela suppose d’efforts de la part des uns et des autres. Pour autant, il faut malheureusement en passer par là, car ceux qui imaginaient que, année après année, endettement supplémentaire après endettement supplémentaire, les choses pourraient se régler comme par magie ou ne pas se régler et continuer de la sorte se trompaient.
Il est incontestable que les impôts de cette année comme ceux de l’année prochaine résultent clairement des endettements successifs. Tous les gouvernements y ont contribué. On peut néanmoins constater que certains y ont contribué plus que d’autres. Je rappelle qu’entre 2002 et 2012 le stock de dette a doublé ; or notre pays n’a pas connu la crise pendant ces dix années. À tout le moins peut-on regretter sur certaines travées les 300 milliards d’euros de dette supplémentaire contractée entre 2002 et 2007 sans que la crise puisse expliquer quoi que ce soit.
Si nous n’avions pas ces 300 milliards d’euros dans notre stock de dette, convenons-en, la situation de notre pays serait plus simple et ni vous, mesdames, messieurs les parlementaires de l’opposition, ni vous, mesdames, messieurs les parlementaires de la majorité de la gauche ou gouvernementale, n’auriez eu à vous poser la question d’une augmentation d’impôt. De telles augmentations, on le voit, sont toujours difficiles à décider, délicates à voter et compliquées à assumer quand il peut nous en être fait reproche.
Mme Marie-France Beaufils. Nous ne contestons pas l’augmentation des impôts en soi, mais l’usage qui en est fait.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ces augmentations d’impôts servent clairement à rétablir l’équilibre des finances publiques, pour des raisons parfaitement assumées. En effet, nous estimons que dès lors que l’on souhaite que la France continue à parler haut et fort et à être entendue dans le concert des nations – il me semble que c’est un souhait partagé par tous –, il lui faut mettre de l’ordre dans ses comptes publics, sauf à constater la situation que nous connaissons depuis quelques années, un affaiblissement de notre parole en Europe et plus généralement dans le monde, précisément parce que nos comptes et notre économie vont mal. La puissance d’un pays ne se juge pas uniquement au nombre de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins,…
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … pas davantage à un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, elle se juge aussi à la force de son économie et à la puissance de son industrie. Or nous en sommes là, à restaurer la puissance de notre économie et celle de notre industrie, qui complètera heureusement ce que la tradition depuis près de cinquante ans a permis à la France d’avoir, c'est-à-dire une capacité de dissuasion faisant de notre pays une des grandes puissances du monde et une des grandes économies, même si, constatons-le, parmi les forts nous sommes désormais devenus faibles, et cela, quels que soient les choix politiques que l’on peut faire, n’est évidemment pas acceptable.
Ces mesures relatives à la compétitivité, que M. Bocquet a un peu critiquées par anticipation, ne seront pas totalement sans contrepartie. Il existe des dispositions qui ne relèvent pas de la compétitivité prix, mais qui sont prévues dans le plan présenté par le Premier ministre et dont le Parlement sera bien sûr saisi, en début d’année prochaine, je vous le confirme, monsieur le président de la commission des finances.
Ces mesures permettront de disposer d’un certain nombre de garde-fous afin d’éviter que l’effort que la nation s'apprête objectivement à consentir pour l'économie, c'est-à-dire pour les entreprises et, partant, pour les salariés, ne soit mal utilisé par certains chefs d'entreprise, auxquels il n’est pas destiné. En effet, si les entreprises vont mal, il sera difficile de les sauver et, par conséquent, de faire refluer le chômage. Chacun sait bien ce qu’il en est à cet égard.
M. Aymeri de Montesquiou considère que ceux qui sont au pouvoir depuis cinq mois sont responsables du bilan que nous faisons de la situation de notre pays ; d’autres intervenants ont feint de penser la même chose. Nous aurions vraiment fait preuve de beaucoup de maladresse et d'une rare incompétence si, en cinq mois, on pouvait nous reprocher 900 milliards d'euros de déficit supplémentaire, 3 millions de chômeurs, 73 milliards d'euros de déficit commercial, une hausse incontestable de la dépense publique rapportée au PIB et des prélèvements obligatoires.
Sommes-nous responsables de cette situation, que chacun connaît, de par les cinq mois qui nous voient responsables des affaires de ce pays ? Poser la question, c'est évidemment y répondre.
Je comprends bien l'art politique qui consiste à décrire une situation regrettable en faisant comme si ceux qui sont au pouvoir en portent l'entière responsabilité, mais chacun sait bien ce qu'il en est en réalité. Il n'est peut-être pas indispensable que je revienne sur les responsabilités précises des uns et des autres, qu’il s’agisse de ceux qui étaient au pouvoir entre 2002 et 2007 ou de ceux qui le furent entre 2007 et 2012. Ce qui est vrai, c'est que des décisions ont été prises, des engagements souscrits, notamment en termes de stabilité fiscale, en particulier à l'égard des entreprises. Nous devrons tenir ces engagements, car la visibilité à moyen et à long terme est un élément de compétitivité pour les entreprises. On peut regretter tel ou tel aspect de la fiscalité, mais chacun s'accorde à reconnaître que la stabilité, quel que soit son point d’équilibre, est un élément nécessaire à notre compétitivité.
M. Jean-Michel Baylet a souhaité que le Gouvernement reprenne à son compte un certain nombre de propositions, notamment en matière de baisse d’impôt sur les sociétés. Si cette mesure ne figure pas dans le plan de compétitivité, elle a néanmoins été annoncée de manière assez forte par le Président de la République devant les responsables d’OSEO. Il serait intéressant, me semble-t-il, de la mettre en œuvre, peut-être dans un autre cadre. D’ailleurs, c’était un engagement du candidat aujourd'hui Président de la République. J’imagine assez mal que cet engagement ne soit pas tenu.
Monsieur Placé, vous avez indiqué au début de votre propos que la croissance serait de 0,8 % en 2013 et de 2 % en 2014. Ces chiffres, que je confirme, sont réalistes et volontaristes, pour les raisons que j’ai indiquées tout à l’heure ; 2 %, c’est raisonnable car, je le répète, c’est moins que ce que notre pays a pu faire en sortie de crise, c'est-à-dire après une récession ou une stagnation, des épisodes que notre pays a déjà malheureusement connus. Je ne crois donc pas que ce soit exagérément optimiste. D’ailleurs, par rapport au consensus des économistes, nous ne sommes pas si déraisonnables que cela, et pas davantage par rapport à la Commission européenne ou au FMI.
Nous croyons à notre capacité de résoudre la crise, notamment européenne. Je l'ai dit, des décisions fortes ont déjà été prises depuis plusieurs mois. Je pense au plan de relance, qui va être mis en œuvre par la Banque européenne d'investissement – 240 milliards d'euros. Je pense également aux décisions de la Banque centrale européenne, qui a lancé un programme de rachat des dettes à court terme de certains États. Je pense encore à la mise en œuvre du Mécanisme européen de stabilité, ou à la décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui a totalement validé les positions de l'Allemagne, dont nous connaissons l'importance dans la conduite des politiques européennes. Tous ces éléments invitent à un optimisme raisonnable, en tout cas certainement pas au pessimisme.
Quant à la fiscalité écologique, le plan « compétitivité » annonce clairement un chantier, puisqu’il s’agit d'élaborer d’ici à 2015 une fiscalité écologique d’un rendement important, non pas parce que la fiscalité écologique se doit d'avoir un fort rendement – après tout, c'est le propre de toute fiscalité ! –, mais parce que cela sera le signe qu'une politique incitative forte est mise en œuvre pour assurer la transition écologique, qui est l’un des engagements de campagne du Président de la République.
Je voudrais par ailleurs rectifier un effet d'affichage concernant les crédits de la mission « Écologie ». La lecture des documents budgétaires laisse à penser que ceux-ci baissent de 11,4 %. En réalité, il faut tenir compte de l'affectation par la loi de la fameuse taxe poids lourds, qui entraîne une diminution à due concurrence des crédits budgétaires. Ces crédits ne baissent pas dans la proportion que vous avez indiquée, monsieur Placé, mais de moins de 1 %. J'espère avoir eu raison des inquiétudes que vous avez pu manifester, lesquelles m’ont permis – et je vous en remercie d'ailleurs – d’apporter cette correction en valeur. Le ministère de l’écologie est certes soumis à la norme « zéro valeur », mais les crédits, je le redis, ne baissent pas de 11,4 %. En réalité, en faisant masse de l'ensemble, notamment des taxes affectées, ils augmentent de 3,7 %.
Monsieur Delattre, vous avez été bien sévère avec la politique du Gouvernement,…
M. Francis Delattre. Mais non !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … mais nous y sommes habitués. Et c'est parce que vous êtes très modeste que vous protestez !
Vous me faites penser, malgré vous, à un dessin humoristique (Ah ! sur plusieurs travées de l'UMP.) paru voilà quelques mois dans un grand journal du soir.
M. Éric Doligé. Enfin quelque chose d’amusant !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. On y voyait se promener deux personnages, la mine sombre, l’un disant à l'autre que réduire les déficits, c'est comme faire un barbecue : dès que quelqu’un s’y met, un autre vient lui expliquer que ce n'est pas du tout comme ça qu'il faut s'y prendre ! (Sourires.) Au fond, c'est ce que vous nous avez dit. Alors que nous avons le même but – la réduction des déficits –, vous nous expliquez que notre méthode n’est pas du tout la bonne. J'ai quand même envie de vous rappeler que vous avez soutenu un gouvernement – j'ignore si vous avez approuvé les modalités qu’il avait choisies pour réduire le déficit –…
M. Francis Delattre. Je n’étais pas là !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … dont on ne peut que constater que, au regard du bilan des cinq dernières années – je n’ose parler des dix dernières ! – le chemin qu’il a suivi n’était pas le bon.
J'espère que mon humour ne vous a pas froissé, mais vous m’avez vraiment fait penser au personnage de ce dessin : vous êtes d'accord pour réduire les déficits, comme pour faire un barbecue, mais pas de cette façon-là ! Encore que, si vous faites un barbecue, nous serons peut-être d’accord quand je viendrai vous dire que c’est exactement ainsi qu’il faut s’y prendre, espérant de cet accord pour cette activité essentielle du week-end tirer de votre part un accord pour l’activité essentielle de la semaine qui nous réunit quand il s’agit de parler de finances publiques ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Sur la politique économique, vous avez mis l'accent sur les taux d'emprunt que notre pays connaît aujourd'hui pour vous féliciter – et vous avez bien raison – de leur valeur actuelle. Là encore, on voit bien quelle aurait été l’argumentation : les taux sont bas, c'est grâce à la politique que vous avez soutenue ; les taux seraient élevés, ce serait la conséquence de décisions que nous aurions prises.
M. Rémy Pointereau. Bien sûr !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je n'imagine pas que vous puissiez dire l'inverse : si les taux sont bas, c'est grâce aux politiques que nous menons, en dépit de celles que vous avez soutenues.
M. Francis Delattre. Disons 50-50 !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Aussi, nous pourrions convenir que l'ensemble y a concouru. Toutefois, j’observe que selon les prévisions très sombres qui avaient été faites par beaucoup de vos amis politiques – j’ignore si vous les aviez vous-même faites –, si François Hollande gagnait l'élection présidentielle et si la majorité élue à l'Assemblée nationale confortait ce résultat, alors les agences de notation ne manqueraient pas de dégrader la France, et les taux d'intérêt de s'envoler. Constatons, à tout le moins, que cette sombre prédiction, faite dans l'ardeur d’une campagne électorale, ne s'est pas réalisée. Monsieur Delattre, souhaitons ensemble que notre pays ne connaisse pas ce qu'il a connu quand vous étiez majoritaires, c'est-à-dire une dégradation de sa note par au moins une agence de notation. (M. Bernard Piras applaudit.)
M. Rémy Pointereau. On verra bien en fin d’année !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Merci à M. Jean-Pierre Caffet de ses propos et de son soutien à ce projet de loi et, plus généralement, à la politique du Gouvernement ! C'est à juste titre qu’il a rappelé ce que s'apprêtait à être l'effort de la puissance publique en matière de dépenses. Je le rappelle, entre 2002 et 2007, la dépense publique a augmenté chaque année de 2,3 % et, entre 2007 et 2012, la hausse en moyenne par an a été de 1,7 %.
Dans le texte qui vous est soumis, l'évolution sera au plus de 0,7 % par an. Elle sera moindre si le projet de loi portant réforme de la compétitivité était adopté. En effet, il prévoit une économie supplémentaire de 10 milliards d'euros, ce qui conduirait à passer de 0,7 % à probablement 0,6 %.
Nous nous apprêtons à dépenser durant cette mandature beaucoup moins que nos prédécesseurs au cours des dix dernières années. Ils ont pourtant beaucoup parlé de la maîtrise de la dépense publique, en indiquant que cette dépense devait diminuer. Finalement, ce seront peut-être leurs successeurs qui vont vraiment la mettre en œuvre, pour des raisons que nous assumons parfaitement. Il est effectivement temps de mettre un terme à l'assèchement des liquidités sur les marchés, afin que celles-ci puissent être investies dans le secteur productif et cessent d'être consommées pour financer, par exemple, des frais de fonctionnement que les générations futures n’ont pas à acquitter via le remboursement d'une dette.
Monsieur de Montgolfier, vous avez estimé que le projet de loi de programmation était caduc. Je l’ai déjà rappelé, le précédent de 2009 devrait inciter à être un peu moins sévère : la loi de finances rectificative était intervenue avant même que la loi de finances initiale soit votée. En l’occurrence, nous ne sommes pas, pour notre part, tombés dans ce qui à l’époque fut présenté comme une caricature du travail du Gouvernement et de la manière dont il traitait le Parlement.
Quant à l'équilibre entre les recettes et les dépenses, je ne crois pas qu'il y ait un véritable débat de fond entre nous dès lors que l’on accepte de mettre les choses en perspective. C'est le FMI, et non le Gouvernement, qui avance que l'augmentation d'impôts est plutôt moins récessive à très court terme, c'est-à-dire d'une année sur l'autre, et que la réduction de la dépense est évidemment préférable sur le moyen et le long terme. C'est exactement ce que nous faisons !
Pour éviter une croissance décevante l'année prochaine, nous avons préféré demander un effort fiscal. La stabilité sera la règle ensuite, et ce sont les économies dans la dépense qui prendront le relais de l'effort d'ajustement budgétaire pour arriver, en fin de mandature, à un ajustement d'une centaine de milliards d'euros, 50 milliards d’euros de fiscalité et 50 milliards d’euros d’économies de dépense. En réalité, les économies seront plus importantes si l’on tient compte des 10 milliards d’euros annoncés par le Premier ministre dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.
L'effort est assez équilibré. (M. Albéric de Montgolfier s’exclame.) On peut toujours dire, à cet instant, que notre gouvernement ne fait qu’augmenter les impôts ou créer des taxes. À mon sens, cette présentation, si elle est de bonne guerre sur le plan politique, est, sur le fond, assez injuste, car nous avons bien l’intention de partager l’effort de redressement entre la fiscalité et les économies. Elle est d'autant plus injuste lorsqu’on sait ce que fut la créativité de la majorité précédente en matière de création ou d'augmentation d’impôts ou de taxes. J’ai eu l’occasion de les rappeler hier à l'Assemblée nationale, lors des questions d'actualité.
M. Jean-François Husson. Vous allez les supprimer ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ai alors eu le plaisir d’évoquer une disposition que vous aviez peut-être votée, monsieur de Montgolfier, la taxation des poissons, crustacés et mollusques. Avouez qu'il faut beaucoup d'imagination pour en arriver là, même si l’assiette étant alors très large, elle serait tentante ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur Germain, merci pour les propos que vous avez tenus ! (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Merci d’assumer la politique que le Gouvernement a annoncée et d'avoir rappelé cette vérité forte : c’est aujourd'hui que nous devons faire un effort si l'on veut préparer l'avenir ! Le rétablissement d'un emploi satisfaisant dans notre pays est un objectif qui nécessite d’en passer par là. Merci d’avoir indiqué que la consolidation de notre modèle social suppose précisément les efforts que vous avez, me semble-t-il, a priori approuvés. J'ai été bien sûr très sensible à vos propos.
J’ai trouvé M. Jean Arthuis assez sévère, mais il en a l’habitude ! Il l’a été – ô combien ! – avec le gouvernement précédent ; il l’est avec l’actuel Gouvernement. Je lui reconnais une vraie constance, sinon dans la sévérité, en tout cas dans les propos qu’il tient et qui, en aucune manière, ne peuvent être jugés de circonstance.
Monsieur Arthuis, vous avez fait une remarque que je me dois absolument de relever.
Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, CICE, prévu dans le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, serait, si j’ai bien compris votre raisonnement, une créance qui dégraderait le déficit public au moins en 2013.
Je ne crois pas que ce sera le cas. En effet, le crédit d’impôt que nous nous apprêtons à proposer est calqué sur un précédent : le crédit d’impôt recherche. (M. Jacques Chiron opine.) La créance qu’auront les entreprises au regard de la mesure que nous proposons et celle qu’ils font valoir auprès de l’État quand ils investissent et font de la recherche sont de nature rigoureusement identique.
Or, nous le savons bien, la créance au titre du crédit d’impôt recherche ne dégrade pas le déficit public, ni de l’État ni des autres administrations publiques.
M. Francis Delattre. Cela ne fait pas 20 milliards !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. L’argument qui m’a été objecté par M. Arthuis consiste effectivement à indiquer que le crédit d’impôt recherche représente, à terme, de 5 milliards à 6 milliards d’euros, alors qu’il s’agit, pour le crédit d’impôt que nous proposons, de 20 milliards d’euros.
En matière de finances publiques, de deux choses l’une : on estime qu’une créance s’impute, c’est-à-dire qu’elle doit donc être comptabilisée en déficit public, soit du fait de son niveau, soit du fait de sa nature. Mais on ne peut pas dire qu’elle ne s’impute que si elle dépasse un certain seuil. En effet, quel est alors ce seuil ? Bien malin qui pourrait le fixer !
En vérité, il s’agit d’une créance qui s’impute du fait de sa nature. Or la nature du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et celle du crédit d’impôt recherche sont rigoureusement les mêmes. Ce dernier n’ayant pas dégradé le déficit public ces dernières années, le crédit d’impôt que nous proposerons ne le dégradera pas davantage !
À cette raison qui ne relève que d’un raisonnement analogique, j’ajouterai une raison technique assez simple : le crédit d’impôt n’a pas d’effet sur le déficit de l’année courante. En effet, c’est une créance qui n’est constatée qu’après la clôture de l’exercice. Il n’y a aucun impact ni en caisse, ni en trésorerie, et donc ni sur le déficit budgétaire, ni sur le déficit maastrichtien.
Enfin, la nature des deux crédits d’impôt étant la même, je rends hommage à l’astuce dont ont fait preuve celles et ceux qui avaient imaginé le crédit d’impôt recherche et que nous nous permettons de reprendre à notre compte. Je rends donc hommage non aux actuels gouvernants, mais à ceux qui les ont précédés ! (MM. Albéric de Montgolfier et Éric Doligé applaudissent.)
J’espère que, ce faisant, les choses sont désormais claires et que je suis parvenu à calmer les inquiétudes de M. Arthuis que je savais nourries à sa sincérité la plus parfaite.
M. Jean Arthuis. J’y reviendrai !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Arthuis, je ne suis pas vraiment surpris de vous entendre dire cela, car je vous connais un peu. Nous aurons ce débat, n’en doutez pas !
Ce dispositif – car ce fut une autre de vos critiques – est-il très compliqué ? Non, je ne le crois pas. Baisser directement les charges sociales pouvait se heurter à une difficulté : la nature des charges sociales « obligatoires » ou « conventionnelles. Si nous n’avons pas voulu le faire, c’est précisément pour éviter d’avoir à nous poser la question des cotisations relevant de décisions de partenaires sociaux, tels que l’Agirc-Arrco ou d’autres.
Par conséquent, c’est bien le dispositif que nous proposons qui est le plus simple, d’autant qu’il permet de cibler, sur une distribution de revenus, jusqu’à 2,5 SMIC. En nous inspirant d’un dispositif astucieux, nous avons plutôt fait quelque chose qui s’avérera utile.
Je voudrais remercier M. Jacques Mézard pour les propos qu’il a tenus et lui préciser qu’effectivement la péréquation sera une préoccupation ; elle est d’ailleurs doublée dans le projet de loi de finances initial.
Son appel à un effort maintenu et amplifié sur les niches fiscales rencontre un écho tout à fait favorable au sein du Gouvernement, puisque l’année prochaine, au-delà de l’affectation et du plafond des taxes dont j’ai déjà parlé, il sera tout à fait nécessaire de mener un travail sur les niches fiscales. Nous avons commencé et nous continuerons année après année, je l’espère, avec un succès qui ne se démentira pas.
Je remercie également M. Jacques Mézard pour la précision qu’il a bien voulu apporter, à savoir que, si le redressement est nécessaire, nous nous efforçons, de bonne foi et je l’espère avec succès, de le faire sans insulter la justice, c’est-à-dire en demandant à ceux qui le peuvent de contribuer à cet effort dans la mesure précisément de leurs moyens.
M. Dominique de Legge m’a appelé à prendre en compte l’impact des normes sur les dépenses. Oui ! C’est un problème qui n’est pas ancien ; je me souviens même d’un chef de l’État appelant à un moratoire sur les normes et, à la suite de cette décision, des propos du président de la Commission consultative d’évaluation des normes indiquant que ladite commission n’avait jamais examiné autant de normes !
Des engagements ont été pris en la matière par le Président de la République, par le Premier ministre, et je crois qu’ils seront tenus. Nous sommes tous sensibles à cet aspect des choses, car tous, peu ou prou, avons exercé des responsabilités locales et savons donc très bien ce qu’il en est.
Je crois vous avoir répondu quand j’ai indiqué ce qu’il fallait penser de la modification introduite récemment. Elle ne compromet pas, je crois, le projet de loi de programmation des finances publiques que je vous propose dans la mesure où le solde ne sera pas changé et où des précédents existants me paraissent beaucoup plus caricaturaux que celui-là.
Je remercie M. Michel Berson d’avoir rappelé que l’effort partagé demandé aux collectivités restera mesuré. C’est ce que le Gouvernement s’est engagé à faire : « zéro valeur » l’année prochaine pour les dotations sous plafond, puis 750 millions d’euros en 2014 et 750 millions en 2015, soit 1,5 milliard d’euros en trois ans. Je crois que c’est raisonnable.
Prenons bien conscience que l’État seul ne peut, par la réduction de ses dépenses seulement, parvenir à l’ajustement budgétaire, via les économies ou la maîtrise de la dépense. C’est demander une chose que je crois impossible ! Un effort partagé est évidemment tout à fait nécessaire et, parce qu’il sera partagé, il doit évidemment être discuté au préalable avec les uns et les autres. C’est ce que nous avons fait et continuerons de faire, vous le savez bien.
Quant à la péréquation, je vous le redis, elle sera multipliée par deux par rapport à 2012. Cela figure dans le projet de loi ; je pense que vous en avez pris connaissance, puisque les documents ont été transmis voilà maintenant quelques semaines à la Haute Assemblée.
J’espère n’avoir oublié personne. D’après mes notes, je ne le crois pas, mais, si c’est le cas, je prie les parlementaires de m’en excuser.