M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, chères collègues sénatrices, chers collègues sénateurs, le texte que nous nous apprêtons à voter est significatif de la volonté politique du Président de la République, du Gouvernement et de la majorité de répondre à la grave crise du logement que connaît notre pays.
Il est bon de le rappeler, l’accès au logement correspond à un droit essentiel à vivre dans la dignité, mais aussi à un devoir de solidarité de notre société à l'égard de toute personne, de tout ménage, de toute famille.
Le projet est ambitieux : il s’agit de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, alors que, dans notre pays, 10 millions de personnes sont touchées par la crise du logement. On compte 3,6 millions de mal-logés, parmi lesquels 600 000 enfants. Il était donc nécessaire d’agir en urgence. Nous avons tous subi le recours à la procédure accélérée, y compris vous et votre équipe, madame la ministre, mais lorsqu'il y a urgence, il faut y aller !
Les dispositions que nous allons adopter font suite aux engagements pris par le Président de la République et le Gouvernement. Elles s’inscrivent dans la continuité des mesures qui avaient été votées voilà douze ans sur l’initiative du gouvernement Jospin : la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains portait des idéaux de mixité sociale, de solidarité ; elle visait à développer le logement social sur l'ensemble du territoire, afin de permettre aux ménages à faibles revenus de se loger. D'une certaine façon, cette loi était révolutionnaire. Elle a aussi permis de mettre un frein à l'étalement urbain. Certes, elle a porté ses fruits, mais elle ne répondait qu’en partie à la crise du logement. Ces dix dernières années s'est constituée une bulle immobilière rendant l’accès au logement plus difficile et plus coûteux.
Cette bulle n’est pas seulement spéculative, elle est aussi la conséquence du manque de près de 1 million de logements en France. Ainsi, construire massivement des logements sociaux permettra de répondre à la demande, mais aussi de détendre un marché de l’immobilier marqué par le manque d’offre.
Le présent texte n’apporte qu’une réponse partielle, mais nous aurons l’occasion de la compléter au cours du premier semestre de 2013. C’est en tout état de cause un premier pas important.
Le texte sur le logement et l'urbanisme qui nous sera soumis l’année prochaine sera de portée plus ample. Nous souhaitons qu'il prenne en compte l'habitat alternatif, l'habitat partagé, ainsi que la problématique du logement des demandeurs d'asile et de leurs familles ou celle des populations particulièrement fragiles.
Pour l’heure, le présent texte permettra de mobiliser le foncier public et de construire des logements dans les zones tendues, dans les territoires qui en ont besoin. Il s’agit d’un véritable investissement de l’État, et non pas d’un gaspillage, comme nous avons pu l’entendre dire ici ou là.
Renforcer le dispositif de la loi SRU en portant de 20 % à 25 % la part de logements sociaux à l'horizon de 2025 permettra de répondre à la demande.
Renforcer ce dispositif, c’est aussi garantir le respect de la loi par les communes qui, aujourd’hui, ne jouent pas le jeu. Il en existe quelques-unes : il est temps d’en finir avec les ghettos de pauvres comme avec les ghettos de riches et d’étendre la mixité sociale.
Plusieurs amendements défendus par les écologistes sont venus améliorer le projet de loi. Je pense notamment à la fixation d’un taux obligatoire de 10 % de logements sociaux dans les villes comptant entre 1 500 habitants et 3 500 habitants, hors Île-de-France, et appartenant à une agglomération de plus de 50 000 habitants. On inscrit ainsi dans la loi une règle de solidarité entre collectivités territoriales, lesquelles bénéficieront davantage du soutien de l’État.
Un autre amendement soutenu par les écologistes et adopté tendait à prévoir que toute opération de construction d’immeuble collectif de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher devra comporter au moins 30 % de logements sociaux.
On peut regretter – je l’avais déjà souligné lors de la première lecture – que le minimum de PLAI et le maximum de PLS pour atteindre le taux de 25 % de logements sociaux prévu par la loi SRU ne s'appliquent qu'aux villes n'ayant pas de programme local de l'habitat, c'est-à-dire à trop peu de communes.
Personnellement, j'ai également regretté, comme tous les membres de mon groupe, que l'amendement visant à la prise en compte de la biodiversité sur les grands terrains cédés par l'État, en centre-ville ou en périphérie, n’ait pas été retenu.
J’ai entendu certains dire au cours du débat qu’on était là pour le logement social et non pour la biodiversité. Je tiens à leur répondre que c’est la prise en compte de l’ensemble des piliers qui concourt au développement durable. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Joël Labbé. La définition du logement social inscrite à l’article L. 411 du code de la construction et de l’habitation est très claire : « La construction, l’aménagement, l’attribution et la gestion des logements locatifs sociaux visent à améliorer les conditions d’habitat des personnes de ressources modestes ou défavorisées. »
Voilà l’objectif vers lequel nous devons tendre ! Or l’esprit du projet de loi est précisément d’assurer une plus grande solidarité avec les ménages les plus modestes, avec ceux qui subissent plus que d’autres la crise du logement.
Ce texte relance l’effort national en faveur du logement et permettra de construire les logements dont nous avons tant besoin. En outre, nous soutiendrons ainsi l’activité dans le secteur du bâtiment, ce qui est bien nécessaire actuellement. C’est pourquoi les sénateurs et sénatrices écologistes voteront avec force le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec l’examen de ce projet de loi, le Gouvernement nous a fait vivre une situation inédite dans notre histoire parlementaire.
Il a convoqué le Parlement en urgence, après les sondages catastrophiques de l’été. L’impréparation était telle qu’il a dû s’y reprendre à deux fois pour publier le décret de convocation du Parlement sans erreur ! Il lui a ensuite fallu improviser un ordre du jour en inscrivant ce projet de loi à peine délibéré en Conseil des ministres.
La procédure accélérée a été engagée avec plusieurs heures de retard, après la conférence des présidents. Le Sénat, qui est censé examiner en séance publique le texte modifié par la commission saisie au fond – c’est le cœur de la réforme constitutionnelle de 2008 –, a directement délibéré sur le texte déposé par le Gouvernement. Cela revient à bafouer le droit d’amendement en commission.
Nous n’avions jamais vu cela dans cette assemblée, et pour cause, puisque cette procédure n’est pas constitutionnelle. Nous avons d’ailleurs l’intention de saisir le Conseil constitutionnel.
Madame la ministre, vous nous avez répété que ce projet de loi était essentiel, car porteur d’un enjeu national fort. Pourtant, ce texte a des conséquences financières considérables pour nos collectivités territoriales. Son examen aurait donc mérité un vrai travail de fond au Parlement. Il contient des mesures très lourdes pour toutes nos communes, sans étude préalable, dans la précipitation, sans concertation ou presque, sans travail parlementaire en amont.
L’examen de ce texte, présenté par le Gouvernement comme un levier majeur pour répondre aux attentes de nos compatriotes en matière de logement, s’achève au moment où l’actualité nous rappelle une autre préoccupation majeure des Français, avec le passage de la barre des 3 millions de chômeurs.
M. Alain Néri. La faute à qui ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Élisabeth Lamure. Je croyais que le changement, c’était maintenant ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Emploi et logement : sur ces deux thèmes, chacun attendait une ambition forte, une mobilisation massive de la part du Gouvernement.
Mme Christiane Demontès. C’est vrai que vous avez des leçons à nous donner !
Mme Élisabeth Lamure. Madame la ministre, nous ne sommes pas convaincus par un projet de loi qui est loin de répondre à nos préoccupations.
Je veux dénoncer l’illusion créée par ce texte, au moyen duquel vous exercez une forme de manipulation… (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Savin. Tout à fait !
Mme Élisabeth Lamure. … visant à faire croire à ceux qui suivent nos débats que les maires sont responsables du logement social dans notre pays. Parce que 199 communes sur plus de 36 000 n’auraient pas atteint le seuil des 20 % de logements sociaux, le logement social serait en panne dans notre pays par la faute des maires ! Dès lors, c’est à eux qu’il appartiendrait de régler le problème ; en étendant un certain nombre d’obligations aux maires des communes de 1 500 à 3 500 habitants, vous renforcez cette idée.
Nous n’acceptons pas ce transfert de compétences déguisé, et nous vous redisons avec force que la responsabilité du logement social incombe à l’État. C’est à vous qu’il appartient de trouver les moyens nécessaires pour construire le nombre de logements voulu.
M. Alain Néri. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait avant ? Qu’a fait M. Apparu ?
Mme Élisabeth Lamure. Par ailleurs, vous allez créer beaucoup d’angoisses au sein des communes, en particulier dans celles qui, en dépit de leur bonne volonté, ne réussiront pas à atteindre les objectifs que vous leur avez assignés. Avec la multiplication par cinq des sanctions les frappant tel un nouvel impôt, ces communes auront-elles d’autre choix que d’augmenter la pression fiscale ? Non seulement cette augmentation des sanctions est aberrante, mais elle se révélera également inefficace. Nous souhaitons dénoncer fermement vos pratiques, qui consistent à faire croire aux Français que la question du logement dépend uniquement des maires.
Si nous ne pouvons qu’adhérer aux objectifs du projet de loi – relance de la construction, impérative pour soutenir l’emploi, et développement du parc de logements sociaux –, en revanche nous nous opposons très fortement aux moyens utilisés. Nous en venons même à considérer que cette réforme risque de ralentir la construction.
Ce projet de loi ne permettra pas de construire un seul logement de plus, parce que les règles que vous allez faire adopter imposeront une nouvelle répartition entre le logement social et les autres types de logement et parce que la programmation déjà en vigueur se situe à un niveau très élevé sur les prochaines années, de sorte qu’il sera difficile de le dépasser, surtout en période de crise.
Comment allez-vous atteindre votre objectif d’offre de logements sur cinq ans ? Rien n’est proposé sinon une annonce médiatique. Vous êtes dans l’affichage politique et non dans la réalité des véritables problèmes du logement. Vous n’apportez pas les vraies réponses au financement d’une politique ambitieuse en faveur du logement social.
M. Michel Savin. Tout à fait !
Mme Élisabeth Lamure. Quant au versement des nouvelles pénalités dans un nouveau fonds, il s’agit tout simplement de remplir les caisses de l’État à bon compte.
Mme Christiane Demontès. Vous les avez vidées !
Mme Élisabeth Lamure. Nous souhaitions inclure l’accession sociale à la propriété dans le calcul des 25 %, mais vous avez refusé, sans doute par idéologie. Nous estimions également que tous les logements ayant une fonction sociale devaient être comptabilisés dans ce calcul, mais vous nous avez à nouveau opposé un refus. Nulle part vous ne dites que la mixité sociale doit jouer dans les deux sens, alors que la mesure existe déjà dans notre législation et n’est jamais appliquée.
Quant à la cession gratuite des terrains, quel est le manque à gagner pour nos finances publiques déjà si mal en point ?
M. Michel Vergoz. La faute à qui ?
Mme Élisabeth Lamure. Il est vrai qu’un certain nombre des terrains proposés par votre ministère avaient déjà été cédés…
Concernant les autres communes, celles qui n’auront pas la chance d’avoir de tels terrains, comment feront-elles ? Et que dire des maires bâtisseurs qui ont respecté leurs objectifs mais qui se trouveront dans l’impossibilité d’assumer leurs nouvelles obligations ? Feront-ils l’objet d’un constat de carence ? C’est totalement inacceptable.
De plus, votre majorité à l’Assemblée nationale a aggravé, avec votre assentiment, certaines dispositions du projet de loi. Comme l’ont rappelé mes collègues, l’article 4 oblige maintenant les communes – hors Île-de-France – comptant entre 1 500 et 3 500 habitants, appartenant à une agglomération, à disposer de 10 % de logements sociaux. Notre rapporteur a eu la sagesse d’ajouter qu’il ne s’agissait que des communes situées dans les zones tendues, mais celles-ci doivent encore être définies par décret.
Nous avons toutefois pu obtenir en commission mixte paritaire la suppression de l’article 3 bis A, visiblement téléguidé par le président socialiste de la région Île-de-France. En effet, cet article prévoyait tout bonnement la suppression des établissements publics fonciers départementaux des Yvelines, des Hauts-de-Seine et du Val d’Oise, ainsi que de la Vendée.
M. Claude Dilain. Non, il ne prévoyait pas cette suppression !
Mme Élisabeth Lamure. Madame la ministre, l’urbanisme demande du temps.
M. Ronan Kerdraon. Vous avez eu dix ans !
Mme Élisabeth Lamure. Une ville équilibrée, la mixité sociale, cela ne se décrète pas par des contraintes financières insupportables ni ne se décline en objectifs irréalistes. Voilà pourquoi le groupe UMP – cela ne vous surprendra pas – votera contre le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis dix ans, le logement est devenu progressivement un simple objet de spéculation, voire un capital garanti pour la retraite. Mythe du « tous propriétaires », baisse des crédits de la mission dans le cadre des lois de finances successives, mise en faillite de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, soumission à une logique marchande des offices d’HLM, vente du patrimoine locatif social et atteintes maintes fois renouvelées à l’article 55 de la loi SRU, tels sont les termes des débats qui nous occupent depuis trop longtemps.
Nous saluons donc d’emblée ce projet de loi, qui symbolise le réengagement public en faveur de la réalisation du droit au logement, constitutionnellement reconnu. Nous saluons également l’esprit qui a prévalu durant les débats. Ceux-ci ont permis d’enrichir le texte qui nous avait été initialement présenté. Il s’agit d’un premier signe encourageant, et à ce titre nous approuvons ce projet de loi, mais la route est encore longue pour réhabiliter une politique publique digne de ce nom.
Madame la ministre, vous nous avez d’ores et déjà annoncé la discussion d’un prochain texte de loi sur le thème du logement dans le courant de l’année 2013. Ce texte devrait permettre d’appréhender cette problématique de manière plus complète. Nous l’attendons donc avec impatience.
Le présent projet de loi ne vise que la mobilisation du foncier public et le renforcement de la loi SRU. Nous considérons que la démarche est bonne. En effet, trop de tentatives ont été menées ces dernières années pour vider de leur substance les obligations de mixité sociale. Trop de maires ont impunément violé leurs obligations légales, certains faisant même de cet acte délictueux un argument de campagne électorale.
En renforçant tout à la fois les obligations et les sanctions, le projet de loi fait œuvre utile, même si nous pouvons porter une appréciation différente sur le niveau nécessaire de rehaussement des obligations et des sanctions. Vous avez fixé un objectif de 25 % de logements locatifs sociaux en zone tendue, alors que nous prônions un objectif de 30 %, à l’image de ce que prévoit le schéma directeur de la région Île-de-France.
Nous considérons que le corollaire du renforcement des obligations de construction et des sanctions pour les collectivités récalcitrantes doit être le renforcement du soutien de l’État aux collectivités bâtisseuses. À notre sens, cela passe principalement par un effort budgétaire important. Or les premiers éléments dont nous disposons ne nous rassurent pas. L’enveloppe budgétaire qui nous sera présentée recourt une nouvelle fois à l’externalisation du financement de la politique du logement : le 1 % logement est encore appelé à la rescousse ; les aides à la pierre n’augmentent pas de manière suffisamment significative et n’atteignent donc pas le niveau qui serait nécessaire pour répondre aux engagements présidentiels de financement de 500 000 logements, dont 150 000 logements sociaux.
Nous regrettons aussi qu’aucune aide financière ne soit envisagée en matière de prêt pour les offices d’HLM dans le cadre du futur projet de loi de finances, alors même que nous avions fait adopter l’an dernier un amendement en ce sens. Par ailleurs, l’augmentation du taux du livret A n’atteint pas le doublement souhaité par l’ensemble des acteurs, mais il se limite à 25 %. Nous estimons qu’il faudra également revenir sur ce point.
Sur le fond, nous voyons dans ce manque d’ambition une nouvelle illustration de l’impasse que constitue le vote du traité de stabilité européen et de la règle d’or, qui condamnent la puissance publique à mettre en œuvre une politique de rigueur budgétaire incompatible avec la garantie effective du droit au logement. Nous considérons en effet que la puissance publique est garante du respect d’un certain nombre de droits fondamentaux, ce qui justifie qu’elle exerce certaines compétences régaliennes ; la question du logement en fait partie.
Pour cette raison, et en accord avec l’objectif de mobilisation du foncier pour la construction affiché par le Gouvernement, nous avons proposé la création d’une agence nationale foncière pour le logement. Cette idée a été repoussée une première fois au nom de l’article 40 de la Constitution, véritable guillotine pour l’initiative parlementaire, puis une seconde fois lorsque nous avons demandé un rapport sur cette question, le refus étant alors justifié par la multiplication des rapports – celle-ci est certes réelle, mais il n’en demeure pas moins que certains rapports sont nécessaires.
La question reste posée, et les débats tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale ont, d’une certaine manière, légitimé notre démarche, notamment en reconnaissant l’utilité du recours aux baux emphytéotiques. Les débats ont également montré que le rôle des établissements publics fonciers était central et qu’il fallait renforcer leur mission au service de l’intérêt général. Notre proposition de loi le permettait, et nous réengagerons donc le débat.
Force est de reconnaître que le dispositif de cession avec décote des terrains de l’État et de ses établissements publics prévu par le présent projet de loi demeure limité. Nous déplorons que les garanties offertes sur la destination réelle des terrains cédés ne soient toujours pas mises en œuvre. Fondamentalement, nous regrettons que le Gouvernement ne s’attaque pas aux maux qui entravent la réalisation du droit au logement.
Nous ne citerons que deux de ces maux. Le premier est la perte par nos concitoyens d’une partie de leur pouvoir d’achat. De plus en plus de Français ne peuvent plus faire face à leurs charges locatives ou même aux échéances de remboursement de leur prêt. Ainsi, selon le dernier sondage IPSOS, 83 % d’entre eux jugent l’accès au logement difficile, soit une hausse de cinq points par rapport à un sondage identique réalisé l’an dernier.
L’un des leviers d’action en matière d’accès au logement est donc très clairement l’augmentation des salaires. En outre, nous proposons de fixer un objectif afin que la proportion du loyer et des charges ne pèse pas excessivement sur le budget des familles et n’excède pas 20 % de leurs revenus.
Le second mal dont souffre le logement tient à la structuration même du marché immobilier, hautement spéculatif, qui est en passe d’aggraver toutes les inégalités sociales et territoriales. Un trop grand nombre de nos concitoyens ne peuvent plus se loger en centre urbain faute de revenus suffisants. La puissance publique doit par conséquent reprendre la main. C’est ce que nous proposions au travers de l’agence nationale foncière, permettant la création d’un domaine public consacré au logement locatif social, sortie des logiques financières, et soulageant les acteurs du logement du coût d’acquisition des terrains.
Mes chers collègues, ne nous y trompons pas : en traitant le problème du logement, du foncier du point de vue de l’exigence de mixité sociale, nous abordons très concrètement la question de la ville et des principes qui doivent guider sa construction ainsi que celle des bourgs ruraux.
À l’issue de la présente discussion et parce que nous voulons participer à la mise en œuvre d’une politique progressiste, je souhaite vous décliner les mesures qui nous semblent particulièrement urgentes. Il en est ainsi, par exemple, de l’interdiction des expulsions locatives prononcées à l’encontre des personnes ne pouvant accéder au logement par leurs propres moyens, notamment de celles qui ont été désignées comme prioritaires au titre du droit opposable au logement. Nous estimons également nécessaire de réquisitionner les biens immobiliers vacants, qu’il s’agisse des logements – nous soulignons à ce propos tout l’intérêt de l’adoption des amendements présentés par notre collègue André Chassaigne à l’Assemblée nationale – ou des bureaux, que nous suggérons de taxer dans notre proposition de loi.
La feuille de route du Gouvernement et de la gauche doit bien être motivée par la sortie du logement des logiques de marchandisation auxquelles il a été soumis. Aujourd’hui, nous sommes à un point d’étape. Nous nous engageons avec vous à aller encore plus loin afin que le fait d’avoir un toit soit considéré non plus comme un luxe, mais comme un droit.
Le présent projet de loi va dans le bon sens. Vous l’aurez compris, les sénateurs communistes sont des partenaires loyaux à gauche, et ils le soutiendront. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Dilain.
M. Claude Dilain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 25 septembre dernier, lors du congrès de l’Union sociale pour l’habitat, le Premier ministre a confirmé que le logement était l’une des priorités du Gouvernement en ces termes : le logement « est devenu une denrée rare dans de nombreuses zones. Il est cher, trop cher. Cette situation dure et s’aggrave depuis des années. Elle doit cesser. […] Alors, faisons preuve d’audace et d’imagination. Mobilisons-nous. Et rendons effectif le droit au logement pour tous. […] Il nous faut d’abord construire davantage ».
La gravité et l’urgence de la situation justifient la hâte avec laquelle nous avons examiné le présent projet de loi. Je tiens d’ailleurs à remercier M. le rapporteur, qui, dans ces conditions difficiles, a réussi à faire un travail remarquable, ainsi que tous ceux qui se sont mobilisés.
Nous avons eu raison de nous hâter. En effet, les termes « gravité » et « urgence » ne sont pas simplement des mots. Ils correspondent à une réalité concrète sur le terrain. Ainsi, aujourd’hui, j’ai vainement essayé de trouver une solution pour une famille qui a trois enfants, dont un en bas âge. La mère est enceinte, les deux parents travaillent et, par conséquent, n’ont pas de problème de revenus, mais ils n’ont pas de logement, faute de logement vacant. Si l’un de vous, mes chers collègues, a des idées, je suis preneur !
Sans reprendre la totalité du texte que M. le président de la commission a parfaitement exposée, j’aimerais revenir sur les principaux débats qui ont émaillé son examen tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, débats arbitrés ensuite lors de la commission mixte paritaire.
Pour ce qui concerne le titre Ier, je souhaite aborder la décote accordée lors de la cession des terrains de l’État pour la construction de programmes de logement social.
Après discussions, nous avons obtenu la garantie qu’elle pourra atteindre 100 % de la valeur vénale du terrain. Non seulement cette disposition est écrite, mais encore vous en avez pris vous-même l’engagement, madame la ministre.
Nous avons également pu définir avec précision – point important – les terrains cessibles en cause. Il s’agit des terrains appartenant à l’État ou à une société détenue par l’État et ses filiales publiques.
Je partage néanmoins les inquiétudes exprimées par M. Raoul, à savoir l’apparition de freins ou d’oppositions. Madame la ministre, là encore, nous aurons peut-être besoin de votre soutien. En tout cas, nous resterons mobilisés afin que rien ni personne ne puisse entraver l’esprit de la future loi.
Par ailleurs, le bail emphytéotique constitue aussi un enrichissement important, qui va peut-être permettre d’atténuer les craintes de ceux qui pourraient freiner ce texte.
J’ai également relevé – personne n’a encore évoqué ce point – la possibilité d’édifier des équipements publics au bénéfice des habitants des HLM. Ainsi pourront être menées des opérations d’aménagement équilibrées sur les terrains en cause, caractérisées par une diversité de logements, une pluralité sociale – c’est possible dans le logement, comme vous l’avez noté, madame la ministre – et par une variété de fonctions.
J’en viens au titre II.
Le débat majeur a visé l’apport de l’Assemblée nationale consistant à imposer l’obligation de construire 10 % de logements sociaux aux communes de 1 500 à 3 500 habitants situées hors Île-de-France. Je peux comprendre les inquiétudes qui se sont fait jour ici ou là. Mais rappelons précisément à quelles conditions est soumise cette obligation. Les communes doivent être situées dans une agglomération ou un EPCI à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente moins de 10 % des résidences principales. De surcroît, ces communes doivent être implantées en zone tendue, c’est-à-dire une zone dans laquelle l’offre est faible alors que la demande est extrêmement forte. Selon moi, l’extension proposée est juste.
Madame la ministre, je partage l’engagement que vous avez pris visant à ce que vous-même et le Premier ministre précisiez ces dispositions. En effet, il n’est pas question de construire du logement social en l’absence de besoin.
J’évoquerai maintenant les établissements publics fonciers d’État.
L’article 3 bis A a été supprimé, à la satisfaction de tous, semble-t-il. Cependant, le problème reste entier. Je le dis franchement, j’ai du mal à accepter la présence d’un établissement public dans une région où le marché immobilier est positif, où il fait bon vivre, et l’absence d’un tel établissement dans le cas de figure inverse, dans des zones difficiles. Je ne comprends pas non plus l’absence de mutualisation ou de « péréquation », selon le terme de M. Raoul. Ce point n’est pas un détail technique. Il doit faire l’objet d’un véritable arbitrage politique.
Si j’ai bien compris, le problème ne se pose qu’en Île-de-France. Admettons !
J’en viens, transition facile, au Grand Paris. Je vous félicite, madame la ministre, de la cohérence existant entre la région et les contrats de développement territorial. Je vous remercie surtout d’avoir pris un engagement très clair, que vous avez rappelé dans cet hémicycle, afin de répondre aux inquiétudes de certains élus confrontés à des problèmes budgétaires et de permettre ainsi la réalisation du Grand Paris. Cette mesure, surtout la construction de la rocade grand-est, est très importante. Vous aurez compris mon allusion…
En conclusion, le projet de loi est juste et équilibré. Il comporte un volet « incitations » ainsi qu’un volet « sanctions », que nous approuvons tous. Nous attendons avec impatience et confiance les autres étapes que vous allez nous proposer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)