M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, pour présenter l'amendement n° 15 rectifié.
M. Gérard Dériot. Le remplacement du bisphénol A par une autre substance est une opération complexe.
D'une part, il s'agit bien sûr de trouver un produit de substitution qui soit physiquement et chimiquement équivalent au bisphénol, c'est-à-dire qui ait la même action. D'autre part, il faut que l’industrie mette en place des techniques adaptées à la substance qui aura été inventée.
Or nous ne sommes pas sûrs de pouvoir remplacer le bisphénol par un produit qui ait exactement la même texture et la même viscosité, entre autres caractéristiques. Il faudra donc changer complètement les process industriels, ce qui demande du temps, mais aussi de l’argent, n’en déplaise à ceux qui écartent cette considération.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. De l’argent, il y en a ! Il n'est qu’à investir dans la recherche les sommes que touchent les actionnaires…
M. Gérard Dériot. Pour toutes ces raisons, il est nécessaire de donner un peu plus de temps ; pas beaucoup plus, d'ailleurs, puisqu’il ne s’agit que d’un an supplémentaire.
Pour les biberons, c’était facile. Le produit de substitution était disponible d’entrée de jeu : il suffisait de revenir aux bons vieux biberons en verre, qui avaient leurs qualités. Malheureusement, il est difficile de faire de même pour les boîtes alimentaires, car ce sont en général des conserves.
Au demeurant, on ne soulignera jamais assez ce point primordial : le bisphénol ne devient dangereux que quand il est chauffé. Or, jusqu’à preuve du contraire, et sauf peut-être quand on est scout ou éclaireur de France, on ne réchauffe pas ses légumes directement dans la boîte de conserve : on les transvase d'abord dans une casserole. (Murmures sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
Apparemment, chers collègues, vous passez votre temps à pique-niquer et à faire des feux de bois ! Votre vision est sympathique, mais ce n’est pas tout à fait comme cela que les choses se passent dans la réalité : on ne chauffe pratiquement jamais les boîtes de conserve en métal. Celles-ci peuvent donc être utilisées en attendant qu’un nouveau produit ait été inventé.
Je le répète, cet amendement vise à demander un report d’un an pour, d’une part, s’assurer de l’innocuité et de l’adaptation des substituts éventuels, et, d’autre part, permettre les adaptations industrielles nécessaires, ce qui n’est tout de même pas rien – je pense que vous en conviendrez, mes chers collègues –, surtout dans la période que nous traversons, alors que le chômage règne partout, et à quel niveau !
La situation économique générale est assez mauvaise comme cela : n’en rajoutons pas. Un délai supplémentaire d’un an ne changera strictement rien pour ce qui est purement de la santé publique.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié.
Mme Muguette Dini. Avec cet amendement, nous demandons également un report de date, au 1er janvier 2016. Bien que Mme la ministre ait déjà en partie répondu à cette question, je me permets de faire état de deux avis de l’AFSSA.
Le premier date du 29 janvier 2010. Dans le cadre de son travail de veille scientifique, afin d’analyser en continu les données les plus récentes sur la toxicité du bisphénol A, l’AFSSA a suggéré « la réévaluation de produits de substitution actuellement sur le marché, comme le polyéther sulfone à base de bisphénol S, qui est une macromolécule ayant des propriétés similaires au polycarbonate à température ambiante. Mais au contraire du bisphénol A, qui a fait l’objet de très nombreuses études scientifiques, les matériaux de substitution du polycarbonate n’ont pas tous été évalués de manière complète ».
Dans un autre avis, cette fois du 7 juin 2010, l’AFSSA indique que « parallèlement aux réflexions sur l’interdiction des produits contenant du bisphénol A, il convient de souligner que les possibilités de substitution du bisphénol A des revêtements époxy par d’autres substances sont peu nombreuses. Une mobilisation des industriels est donc nécessaire pour mettre au point des substituts au bisphénol A pour les usages alimentaires, et ces candidats devront faire l’objet d’une évaluation, ou d’une réévaluation préalable approfondie, afin de s’assurer que la substitution du bisphénol A par d’autres polymères ne présente aucun risque pour la santé ».
J’insiste donc ce point : la date du 1er janvier 2016 ne serait-elle pas une échéance plus réaliste ?
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mme Aïchi, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer la date :
1er janvier 2015
par la date :
1er janvier 2014
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Cet amendement a pour objet de rétablir les délais d'exécution qui figuraient dans le texte initial, voté à l’Assemblée nationale le 12 octobre 2011.
Le texte adopté l’an dernier prévoyait en effet une interdiction du bisphénol A dans l’ensemble des contenants et ustensiles alimentaires à partir du 1er janvier 2014 et, pour les contenants destinés aux enfants en bas âge, à partir du 1er janvier 2013.
Lors de la première lecture au Sénat, la commission des affaires sociales a voté un amendement repoussant ce délai au 1er janvier 2015 et conservant la date butoir du 1er janvier 2013 pour les contenants destinés aux enfants âgés de zéro à trois ans.
Ce report prolonge inutilement un très grave problème sanitaire, alors même qu’il est contre-productif et ne repose sur aucun fondement économique.
Mes chers collègues, de quoi s’agit-il exactement ? En reportant d’une année l’application de cette mesure, nous programmons consciemment un désastre sanitaire à venir. Quelque 830 000 femmes enceintes seront exposées à ce poison ; nous acceptons de mettre à son contact des enfants à naître alors que nous savons déjà que 400 garçons souffriront de troubles de la fertilité.
Pourtant, oui, nous savons !
En outre, depuis octobre 2011, de nouvelles études sont parues montrant que le bisphénol A induit des maladies métaboliques et cardio-vasculaires, des cancers hormono-dépendants, des troubles du comportement et de la reproduction ; et je ne parlerai même pas de ses conséquences financières, le fardeau qu’est le déficit de la sécurité sociale s’en trouvant alourdi.
Face à l’urgence sanitaire, l’argument économique ne fait pas le poids. De nombreux industriels ont déjà développé des solutions de rechange au BPA, pour les différents usages de cette substance.
D’une part, si la date du 1er janvier 2013 est conservée pour les contenants destinés aux enfants en bas âge, il semble envisageable que le marché puisse s’adapter pour l’ensemble des contenants avec un délai supplémentaire de douze mois. Si certaines entreprises peuvent se conformer en à peine trois mois, les autres peuvent bien le faire en quinze…
D'autre part, voilà un an que les industriels sont avertis de l’existence de cette mesure et qu’ils ont pu déployer les moyens de recherche nécessaires.
La conserve en carton, par exemple, constitue un emballage alternatif sans BPA, qui peut s’adapter aux légumes cuisinés, légumes secs, soupes, sauces ou compotes.
Pour un emballage de 400 millilitres, l’émission de gaz à effet de serre est de 81 grammes pour du carton, contre 126 grammes pour une conserve en métal. Le gain est considérable ! En France, faute de demande, l’offre n’est pas développée, mais 3,2 millions d’emballages pourraient être fabriqués en carton.
En développant le potentiel de production français, nous pourrions donc économiser l’émission de 12 000 tonnes de C02 par an. Et je n’évoquerai même pas les conséquences en termes de création d’emplois.
Mes chers collègues, cet emballage est déjà présent chez 110 grandes marques, à travers 40 pays.
En Italie, la marque Coop a systématiquement remplacé les boîtes métalliques par les conserves en carton, et 96 % de ses clients en sont satisfaits. Dans l’ensemble de la péninsule, ces emballages concernent 18 % du conditionnement des légumes secs et, globalement, 10 % de celui des légumes. En Suède, 23 % des légumes secs, 24 % des tomates et 7 % de l’alimentation destinée aux animaux domestiques bénéficient de ce mode de conditionnement, et on prétend que c’est impossible en France !
Comme moi, vous avez certainement été interpellés par les associations de protection de la santé environnementale, qui défendent la santé des générations futures. Que doit-on leur répondre ? Qu’il est normal de sacrifier ces générations sur l’autel de la rentabilité économique ? Non, mes chers collègues : pour le bisphénol A comme pour tous les autres perturbateurs endocriniens, nous devons prendre la mesure de l’urgence à agir.
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Baylet, Collin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer la date :
1er janvier 2015
par la date :
1er juillet 2015
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. On l’aura compris, dans cet hémicycle, une très grande majorité, voire une unanimité se dessine en faveur de la disparition du bisphénol A dans les emballages alimentaires.
Néanmoins, il serait regrettable que ce consensus butte sur un problème de calendrier. À cet égard, le groupe du RDSE considère que chacun doit faire un pas : voilà pourquoi je propose, par le présent amendement, la date du 1er juillet 2015, pour permettre l’adoption du présent texte à l’unanimité. (Sourires.)
M. Bernard Cazeau. C’est du pur radicalisme !
M. Jean Desessard. C’est vrai !
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Adnot, Husson et Türk, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Le présent amendement a pour objet de supprimer les alinéas 6 et 7 de l’article 1er, dans la mesure où l’étiquetage des denrées alimentaires relève de la compétence communautaire : imposer ces mentions sanitaires au niveau national ouvrirait la voie à des litiges et à des distorsions de concurrence.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par M. du Luart, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette disposition ne s’applique qu’aux conditionnements fabriqués après la publication du décret précité.
La parole est à M. Roland du Luart.
M. Roland du Luart. L’avertissement sanitaire prévu à l’alinéa 7 concerne principalement les canettes et les conserves, et partant des produits présentant une longue durée de conservation et de stockage, propriété qui a du reste fait leur succès auprès des consommateurs.
Par exemple, les fruits et les légumes sont conditionnés lors de leur récolte, mais les conserves produites sont écoulées pendant plusieurs mois après leur fabrication. Ainsi, lorsque la nouvelle contrainte de l’avertissement sanitaire entrera en vigueur, de nombreux produits déjà fabriqués et étiquetés seront déjà stockés en vue de leur vente prochaine.
Il me semble donc nécessaire de préciser que le nouvel étiquetage ne s’applique qu’aux conditionnements fabriqués après la publication du décret fixant les conditions d’application de la présente disposition. C’est une mesure de sagesse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. L’amendement n° 25 tend à étendre la suspension de commercialisation aux matériels médicaux risquant d’entrer en contact avec les patients. Comme Chantal Jouanno, ses auteurs posent une véritable question. J’estime, comme eux, que nous devons lutter contre l’exposition aux perturbateurs endocriniens des personnes malades, qui sont naturellement en situation de fragilité.
De fait, les études établissent clairement ce constat : le bisphénol A présente des risques plus élevés à certaines périodes de l’existence, notamment pendant la grossesse et au début de la vie.
Pour autant, un doute sérieux subsiste quant à notre capacité à trouver des substituts pour l’ensemble des matériels visés, dont l’étendue est d’ailleurs incertaine. Dans la situation actuelle, l’adoption d’un tel amendement induirait donc un risque sanitaire non négligeable et difficile à évaluer.
Comme pour les médicaments, il est nécessaire de considérer le matériel médical en termes de bénéfices et de risques pour le patient. Il ne s’agit pas d’empêcher les soignants d’employer du matériel susceptible de sauver une vie.
Face à de telles incertitudes, la commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement. Pour ma part, à ce stade, je serais plutôt favorable à un retrait de cet amendement.
Les amendements nos 1 rectifié, 17 rectifié, 10 et 22 rectifié, sont de même nature.
Leurs auteurs proposent de remplacer la formule : « comportant du bisphénol A », soit par l’expression « fabriqués à partir de » soit par les termes « produits à base de ». Dans mon rapport, j’ai évoqué cette question qu’ont soulevée plusieurs industriels lors des auditions que j’ai organisées.
La rédaction proposée par Gérard Dériot en 2010 pour les biberons, « produits à base de », était satisfaisante, parce que les biberons en question étaient en polycarbonate, c’est-à-dire, de facto, en bisphénol A. (M. Gérard Dériot acquiesce.)
Toutefois, la question dont nous traitons aujourd’hui est plus complexe. De fait, la présente proposition de loi embrasse un champ beaucoup plus large : les conditionnements que nous visons sont fabriqués ou produits à base d’acier, d’aluminium, de verre ou d’autres matériaux. Ils contiennent ou comportent, à titre principal ou accessoire, du bisphénol A.
Peut-on affirmer qu’une canette ou qu’une boîte de conserve est produite « à base de » bisphénol A, ou qu’un pot pour bébé est « fabriqué à partir de » bisphénol A ? Non, pas exactement. Les formulations proposées par les auteurs des différents amendements pourraient donc – il y a un doute – exclure du champ de ce texte les canettes ou conserves, voire les pots pour bébés, ce qui n’est évidemment pas notre objectif.
M. Jean-Pierre Godefroy. Absolument !
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. Voilà pourquoi je privilégie l’expression « comportant du », qui englobe davantage de conditionnements, contenants et ustensiles.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces quatre amendements.
L’amendement 6 rectifié bis a pour objet d’autoriser la seule exportation de conditionnements comportant du bisphénol A. Nous avons déjà évoqué cette question en commission : si nous suspendons la commercialisation des conditionnements alimentaires à base de bisphénol A, c’est parce que nous estimons que cette substance présente un risque pour la santé humaine. Dans ces conditions, comment accepterions-nous d’en exporter ?
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Jean Desessard. C’est vrai !
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. Pourrions-nous, en toute connaissance de cause, écouler à l’étranger des produits que nous estimons nocifs en France ?
Les auteurs du présent amendement invoquent la compétitivité des entreprises françaises. Précisément, je ne suis pas certaine qu’il soit dans l’intérêt des entreprises françaises de laisser coexister deux chaînes de fabrication, l’une employant le bisphénol A, et l’autre l’excluant.
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement 7 rectifié bis tend à suspendre uniquement la fabrication, l’importation et l’exportation de conditionnements alimentaires comportant du bisphénol A, tout en autorisant leur mise sur le marché. Ses auteurs posent une question judicieuse : celle des stocks de produits fabriqués avant l’interdiction. Néanmoins, la réponse proposée est trop générale et constituerait un bien mauvais signal. Si cet amendement était adopté, la mesure que nous envisageons serait de facto reportée d’une année, ce qui ne me semble pas opportun.
Les industriels disposeront de deux années pour réorganiser leurs chaînes de production, délai qui me paraît suffisant.
En outre, le Gouvernement pourra gérer le processus avec souplesse, le moment venu, si des problèmes surviennent. En l’état actuel de nos connaissances, je préfère préserver la plénitude de la mesure, sans en atténuer a priori la portée.
Voilà pourquoi la commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 14 tend à remplacer les mots « conditionnement, contenant » par « matériau d’emballage destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires ».
Comme pour les amendements visant les termes « comportant du », il me semble que ce libellé limite le champ de la présente proposition de loi, notamment en le restreignant au contact direct avec des denrées alimentaires. J’estime que nous devons conserver un champ large d’interdiction, pour réduire au maximum le risque d’exposition au bisphénol A.
J’émets, en conséquence, un avis défavorable.
Les auteurs de l’amendement n° 16 rectifié proposent de décaler au 1er juillet 2013 la suspension de commercialisation des produits destinés aux nourrissons et aux enfants en bas âge. À mes yeux, il faut au contraire maintenir un signal fort en direction de la population, en ciblant une période de la vie qui, selon des études nombreuses et concordantes, est particulièrement critique quant à l’exposition au bisphénol A.
Du reste, lors des auditions menées par la commission, on m’a indiqué que la très grande majorité des fabricants, anticipant l’adoption de la loi, ont déjà remplacé le bisphénol A dans les pots pour bébés.
La commission émet donc un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 12, je me dois de rappeler dans quelle logique s’inscrit la présente proposition de loi : suspendre la commercialisation des produits en cause, tout en permettant au Gouvernement de l’autoriser par la suite. L’amendement n° 12 tend à inverser cette logique, en maintenant cette suspension sous réserve d’une décision du Gouvernement.
La formulation de cet amendement n’est pas explicite, mais on comprend que cette décision devrait être fondée sur l’innocuité et l’adaptation des substituts.
Dans mon rapport, j’ai évoqué la difficulté à laquelle se heurtent les industriels pour mettre au point un substitut aux propriétés aussi universelles que le bisphénol A pour toute la gamme des produits alimentaires.
Toutefois, nous avons estimé que cet argument ne pouvait pas suffire pour justifier que l’on s’affranchisse des impératifs de protection de la population. Les industriels devront trouver plusieurs substituts : c’est une réalité. Ils y sont d’ailleurs déjà parvenus pour presque toute la gamme alimentaire, sauf peut-être pour un ou deux produits acides, comme les cornichons.
M. Philippe Adnot. Ah ! (Sourires.)
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. Je reste donc favorable à la logique inverse : nous devons poser le principe de la fin des conditionnements alimentaires comportant du bisphénol A.
La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 8 reprend le « sous réserve » de l’amendement no 12, mais pour l’interdiction générale de tout conditionnement contenant du bisphénol A. Pour les raisons de logique précédemment avancées, je ne peux émettre qu’un avis défavorable.
Qui plus est, l’adoption de cet amendement repousserait l’entrée en vigueur de la mesure au 1er janvier 2016. Or j’ai longuement expliqué dans mon rapport, comme au cours de la discussion générale, les raisons pour lesquelles le 1er janvier 2015 était une date certes volontariste, mais raisonnable.
L’amendement n° 11, dit de repli, maintient la date du 1er janvier 2015 mais reprend, pour tous les conditionnements, la logique d’une suppression de commercialisation, « sous réserve » d’une décision du Gouvernement.
Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 18 rectifié bis de M. Dériot est plus explicite que les amendements précédents de MM. Adnot, Husson et Türk, mais il va dans le même sens : inverser la logique, en subordonnant la suspension de la commercialisation à la confirmation de l’innocuité des substituts au bisphénol A.
Une telle mesure ne me semble pas constituer un bon signal.
L’innocuité et l’adaptabilité des produits de substitution doivent être contrôlées, sans pour autant conditionner l’entrée en vigueur de la mesure, sous peine de la rendre inopérante. Quel intérêt auraient les industriels à chercher des substituts, sinon ?
La commission émet donc un avis défavorable. (M. Gérard Dériot s’exclame.)
Les amendements identiques nos 4, 15 rectifié et 24 rectifié tendent à repousser la date d’entrée en vigueur de la mesure générale de suspension de la commercialisation des conditionnements alimentaires contenant du bisphénol A au 1er janvier 2016.
J’ai longuement expliqué au cours de la discussion générale pourquoi j’avais proposé la date du 1er janvier 2015. Ce délai me semble possible pour les industriels, et plus que souhaitable pour protéger la population.
J’émets donc un avis défavorable.
L’amendement n° 27 tend à fixer au 1er janvier 2014 la date de suspension de la commercialisation de tout conditionnement alimentaire comportant du bisphénol A. La commission a préféré conserver un délai de deux ans entre la date présumée de l’adoption du présent texte et l’entrée en vigueur de la mesure.
Je confirme ma position : une fois adoptée, cette proposition de loi fera de la France le premier pays au monde à avoir programmé la fin de semblables conditionnements alimentaires.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 2 rectifié constitue une variante par rapport aux amendements précédents de Gérard Dériot et de Muguette Dini. Il tend à fixer la date de suspension au 1er juillet 2015. À ce rythme-là, nous aurons bientôt passé en revue tous les mois de l’année ! (Sourires.)
Notre choix est plus volontariste, je le maintiens. L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 9 vise à supprimer l’avertissement sanitaire déconseillant les conditionnements alimentaires comportant du BPA aux femmes enceintes, aux femmes allaitantes et aux enfants en bas âge. Les auteurs de l’amendement évoquent une distorsion de concurrence au sein de l’Union européenne. Je me référerai simplement au pictogramme adopté en France pour déconseiller l’alcool aux femmes enceintes : cette mesure nationale fonctionne plutôt bien, les contrôles de la répression des fraudes ne révélant pas d’infractions particulières, y compris à l’importation.
Ce pictogramme, très décrié au départ, est maintenant admis ; il pourrait éventuellement être amélioré, mais il a permis de sensibiliser la population sur une question essentielle de santé publique. Il en est de même pour l’avertissement sanitaire « bisphénol A ». Je ne peux évidemment pas souscrire à sa suppression pure et simple.
En conséquence, l’avis est défavorable.
L’amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Roland du Luart, tend à restreindre le champ des produits devant comporter sur leur étiquetage l’avertissement sanitaire dont nous venons de parler aux seuls conditionnements fabriqués après la publication du décret d’application.
Cet amendement pose la question des produits déjà fabriqués à cette date, mais encore en stock ou en vente dans les magasins. Or on sait que les conserves – c’est ce qui a fait leur succès – ont une durée de vie assez longue, de plusieurs années.
Pour autant, je ne souhaite pas réduire trop fortement l’impact de l’avertissement sanitaire. Et le décret que notre commission a prévu pourra éventuellement, selon l’expertise qui aura été menée par le Gouvernement, adapter les conditions d’application de cette mesure aux différents produits.
M. Roland du Luart. C’est une ouverture !
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je serai brève pour ne pas risquer la redondance après l’excellente argumentation de Mme la rapporteur, que le Gouvernement partage pleinement, et les propos tenus lors de la discussion générale.
L’amendement n° 25 vise à étendre la mesure envisagée aux dispositifs médicaux. Je voudrais insister sur ce point très important, qui fera l’objet de discussions ultérieures. Le bisphénol A est aujourd’hui utilisé dans de nombreux dispositifs médicaux, notamment des respirateurs, des instruments à usage unique, des tubulures ou des poches de perfusion.
Nous n’avons pas aujourd’hui connaissance d’alternatives satisfaisantes pour ces produits. Il nous faut en effet trouver des matériaux qui fassent preuve à la fois de transparence, de souplesse et de résistance à la stérilisation.
Un travail a donc été engagé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, avec les industriels, pour les accompagner dans la recherche d’un produit de substitution.
La Commission européenne a été saisie. Elle doit remettre un rapport avant la fin de l’année, qui nous permettra d’évaluer les risques existants et de constituer un répertoire des dispositifs en circulation. Ce travail nous permettra ensuite, y compris au niveau strictement national si nous le jugeons utile, d’engager des démarches en vue de l’interdiction du bisphénol A dans les dispositifs médicaux, dès lors que des produits de substitution fiables seront disponibles.
Toutefois, nous ne sommes pas en mesure de le faire aujourd’hui, compte tenu de l’absence d’alternatives crédibles. C’est pourquoi je vous invite à retirer cet amendement, madame la sénatrice. Il ne faut surtout pas y voir un signe de mauvaise volonté du Gouvernement à l’égard de la démarche du groupe écologiste. Nous avons vraiment la volonté de travailler sur ce problème, mais, aujourd’hui, nous ne sommes pas en mesure d’apporter une réponse technique satisfaisante pour que votre amendement, s’il est maintenu, puisse être mis en œuvre.
Les amendements nos 1 rectifié, 17 rectifié, 10 et 22 rectifié visent à modifier la rédaction du texte, de manière à substituer les mots « produit à base de » aux mots « comportant du ».
Je voudrais rappeler que la rédaction qui a été retenue dans la proposition de loi consiste à prendre en compte le produit tel qu’il se présente au moment de la consommation, et non simplement au stade de la production. Or, quand on parle d’un conditionnement « produit à base de », on se réfère à l’objet tel qu’il se présente au moment où il sort de la chaîne de production, sans tenir compte de ses conditions éventuelles de stockage, de transport ou de transformation.
Cette rédaction nous semble donc insuffisamment protectrice, raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
En ce qui concerne l’amendement n° 6 rectifié bis, je ne peux que donner un avis défavorable : ce qui n’est pas bon pour le consommateur français ne saurait être considéré comme acceptable pour le consommateur étranger.
L’amendement n° 7 rectifié bis, également présenté par M. Paul, nous semble obéir à la même logique. Dès lors que nous considérons que les biberons sont dangereux, nous ne pouvons pas accepter de ne pas protéger le plus vite possible, dans la mesure où cela est réalisable, les nourrissons.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 14 de M. Philippe Adnot s’inscrit dans le prolongement des amendements rédactionnels précédents, puisqu’il vise à remplacer les mots « conditionnement, contenant » par les mots « matériau d’emballage destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires ». Nous ne souhaitons pas qu’il soit adopté, car nous pensons que le fait de limiter le champ d’application de la présente proposition de loi aux seuls matériaux d’emballage constituerait une restriction excessive. Il s’agit pour nous d’aller au-delà et d’être même des précurseurs en Europe.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Par l’amendement n° 16 rectifié, M. Dériot pose le problème des dates. Nous avons déjà eu une discussion sur ce sujet. Cet amendement, bien qu’il soit plus précis que d’autres, va aussi dans le sens d’une extension du délai d’entrée en vigueur de l’interdiction pour les produits destinés aux enfants. Nous n’y sommes pas favorables.
L’amendement n° 12 de M. Adnot aboutirait, là encore, s’il était adopté, à renverser la charge de la preuve, en dispensant les industriels de leur obligation de démontrer l’innocuité des produits.
Le Gouvernement est défavorable à cette démarche.
L’amendement n° 8 de M. Adnot, qui rejoint les amendements n° 11 et 18 rectifié bis, obéit à la même logique que certains des amendements précédents. D’une part, nous ne souhaitons pas repousser l’entrée en vigueur de ce texte, parce que nous considérons aujourd’hui que les industriels sont en mesure de répondre aux nouvelles normes que vous vous apprêtez, je l’espère, à leur fixer. D’autre part, nous ne voulons pas inverser la charge de la preuve au profit des industriels.
En conséquence, l'avis est défavorable.
Les amendements identiques nos 4, 15 rectifié et 24 rectifié concernent aussi un problème de calendrier. Je me contenterai d’ajouter à ce stade, notamment à l’intention de Mme Dini, qui a évoqué plusieurs études un peu anciennes, que les industriels ont été informés et ont pris conscience de la nécessité de rechercher des produits de substitution. Aujourd’hui, ils déclarent très majoritairement et très massivement qu’ils sont en mesure de satisfaire à cette nouvelle obligation.
J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
L’amendement n° 27, de Mme Leila Aïchi, va en sens inverse. Je vais émettre un avis défavorable, et j’en suis vraiment désolée, madame la sénatrice.
Il n’entre pas dans notre intention de donner, par principe, du temps aux industriels. Il s’agit de respecter la logique du dispositif législatif initial, qui donnait à ces derniers un délai de deux ans pour s’adapter. Ce délai peut être respecté dans les mêmes conditions dès lors que la navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat a pris un peu de retard. Il me semble que nous avons trouvé un compromis qui me paraît honnêtement acceptable par tous les acteurs.
En ce qui concerne l’amendement n° 2 rectifié, je salue l’esprit de synthèse – ou de compromis – de son auteur, M. Gilbert Barbier. Nous pourrions en effet trouver des points de rencontre. Mais, au fond, il y a déjà eu un report, dans la mesure où nous avons souhaité tenir compte du retard pris dans la transmission du texte entre l’Assemblée nationale et le Sénat, lequel s’explique par diverses raisons, le processus électoral n’étant pas une des moindres.
Le report d’un an prévu dans le texte nous semble donc suffisant et l’avis sur l’amendement est défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 9. Monsieur Adnot, ce n’est pas parce que nous sommes en période de transition que nous sommes pour autant dispensés d’engager un processus d’avertissement sanitaire en direction des populations à risque. L’absence d’information même dans cette période transitoire serait inacceptable.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, l’amendement n° 5 rectifié revient, lui aussi, à restreindre l’obligation d’avertissement sanitaire, cette fois aux seuls produits fabriqués après publication du décret.
Je comprends la démarche qui consiste à dire que nous ne pourrons sans doute pas traiter de la même manière les produits déjà existants et ceux qui vont arriver sur le marché. Il me semble toutefois que ce sera au décret d’application de traiter ce problème et qu’il n’est pas utile d’intervenir à ce stade par la loi. Je m’efforcerai de proposer des conditions d’application adaptées lors de la rédaction du texte réglementaire.
En conséquence, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.