M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, du ton que vous y avez mis et de votre engagement en faveur du département du Gers, particulièrement de la belle ville de Lectoure.
Le ministère du redressement productif a été informé du projet de délocalisation de la base de produits frais Intermarché du Gers vers Montbartier dans le Tarn-et-Garonne par le maire de Lectoure, qui a été reçu par mon cabinet le 12 juin dernier.
Les dirigeants d’Intermarché, plus particulièrement le directeur de la logistique, ont également été reçus conjointement par mon cabinet et par celui du ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme le 9 juillet dernier, en présence du président du conseil général du Gers.
Il s’agissait d’obtenir d’Intermarché, qui avait effectivement été aidé dans son implantation en 1993 par les collectivités locales, des explications sur un projet qui menace près de 300 emplois directs et indirects, ce qui est beaucoup par rapport à la population de la commune.
Le groupe Intermarché a expliqué son choix par la recherche d’une implantation optimale des plates-formes logistiques dictée par la recherche d’une réduction du nombre de kilomètres parcourus pour assurer l’approvisionnement de ses magasins, dont les implantations se sont, elles-mêmes, fortement diversifiées depuis vingt ans. Telle est la position du groupe Intermarché.
En outre, Intermarché souhaite promouvoir des bases multi-activités pour optimiser ses livraisons. Le groupe souligne l’éloignement de Lectoure du principal réseau autoroutier. Intermarché, déterminé à faire aboutir son projet, a également indiqué souhaiter anticiper les conséquences de sa décision pour les salariés de Lectoure comme pour le bassin d’emploi. Son projet – toujours d’après le groupe – ne trouverait sa concrétisation qu’à échéance de trois ans.
Le ministère du redressement productif a exprimé son désaccord à l’égard d’Intermarché et a souligné l’extrême gravité pour le bassin d’emploi de Lectoure de la décision prise par le groupe. Il a rappelé l’entreprise à ses responsabilités vis-à-vis des salariés comme des collectivités locales qui l’ont accompagné dans son implantation.
Par ailleurs, nous avons rappelé que les textes en vigueur prévoyaient le remboursement des aides publiques en cas de délocalisation, même à 75 kilomètres du lieu.
Le ministère a demandé à Intermarché de reconsidérer le projet compte tenu de ses conséquences économiques et sociales pour Lectoure.
En tout état de cause, il n’est pas possible qu’Intermarché, dans le délai de trois années, se sépare de Lectoure sans encourir de sanctions. Si le groupe persistait dans son projet, nous lui demanderions des réparations pour le préjudice subi.
Monsieur le sénateur, je puis vous assurer que nous aurons l’occasion de reparler de ce projet de délocalisation, que le Gouvernement désapprouve.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, j’ai été, dans un premier temps, abasourdi par votre réponse, qui reprenait les arguments du groupe Intermarché !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Je les ai repris, mais uniquement pour exposer la position du groupe ; c’est une position que le Gouvernement réprouve !
M. Aymeri de Montesquiou. Quoi qu’il en soit, vous n’avez répondu qu’en partie à ma question.
Vous l’avez rappelé, le groupe Intermarché a reçu des fonds publics en provenance de l’État, de la région, du département et de la commune. La ville de Lectoure vient à peine de finir de rembourser ses emprunts. Et on voudrait la priver d’un élément essentiel pour elle, qui touche près du dixième de sa population ! Il est donc impératif qu’Intermarché rembourse les aides versées.
Néanmoins, il est également essentiel qu’Intermarché respecte la loi. Aujourd’hui, ce que propose le groupe est contraire au code du travail, code que vous devez faire respecter.
J’attends de vous, monsieur le ministre, que vous fassiez preuve d’une grande pugnacité sur ce dossier. La délocalisation de la base de produits frais Intermarché de Lectoure est un désastre pour tout un canton. Je pense aux écoles qui fermeront dans les villages alentour si les familles déménagent. Cette délocalisation aura des répercussions calamiteuses en chaîne.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de mettre tout votre poids pour faire appliquer la loi, conformément à vos déclarations pendant la primaire socialiste et à vos propos en tant que ministre, afin d’éviter la catastrophe sociale et économique qui se prépare.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Arnaud Montebourg, ministre. Monsieur de Montesquiou, il est hors de question que l’on déroge à la loi pour Intermarché. La loi sera appliquée dans toute sa rigueur et sa vertu. Si elle s’avère insuffisante, nous aurons à faire preuve de pugnacité. Vous demandez la pugnacité du Gouvernement, vous l’aurez, monsieur le sénateur !
urgence d'une autre orientation du transport de marchandises par le rail
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 51, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, le fret ferroviaire SNCF est en chute constante. J’ai interpellé, ici même à de nombreuses reprises, les différents ministres des gouvernements successifs. Malgré les discours, malgré les bonnes intentions du Grenelle de l’environnement, la situation ne fait qu’empirer chaque année un peu plus.
La part du ferroviaire dans le transport de marchandises en France est passée de 30 % en 1984 à 9,5 % en 2011, avec un nouveau recul en 2012, alors que le Grenelle de l’environnement avait fixé l’objectif de porter la part modale du non-routier et du non-aérien à 25 % pour 2022.
Cela est d’autant plus incompréhensible et absurde économiquement que ce recul se produit dans une période d’augmentation des prix du pétrole, qui ont été multipliés par trois depuis 2000 et qui risquent de doubler à l’horizon 2025.
Le transport routier de marchandises continue, lui, d’augmenter : il représente 88,3% de la part du marché et porte la responsabilité de 93,7% des émissions de gaz à effet de serre du secteur du transport, sans compter les autres polluants ayant des conséquences sur la santé et les milieux naturels.
Les chargeurs sont bien souvent contraints de faire ce choix du transport routier par manque de proposition viable par voie ferrée. Nous savons que des clients n’obtiennent pas toujours les réponses à leurs demandes. Je peux vous dire, monsieur le ministre, qu’ils seraient plus nombreux à faire le choix du transport par voie ferrée s’ils se sentaient plus écoutés.
Ne faudrait-il pas décentraliser les services commerciaux en région afin d’apporter une réponse adaptée et pertinente aux chargeurs ?
La création des autoroutes ferroviaires, que l’on nous donne toujours comme perspective – c’est en tout cas la réponse que l’on m’a systématiquement faite – ne permettra pas, à elle seule, de redresser la situation. On sait que ce système ne peut, au plus, transporter que 0,5 % à 1 % des marchandises.
C’est une réponse économique, sociale et financière globale qui doit être élaborée pour répondre aux besoins de ce secteur. Mais cela ne pourra se faire sans un engagement politique.
Il faudrait amplifier le travail entrepris sur la qualité du réseau alors qu’une récente enquête de la Cour des comptes effectuée à la demande de la commission des finances fait état d’une grave incertitude sur le financement futur de l’effort de rénovation du réseau.
Il faut également rouvrir, de toute urgence, les gares de fret fermées par le précédent gouvernement, et les moderniser.
Il faut remettre sur les rails les wagons isolés qui ont fait leur preuve chez nous et qui continuent à se développer dans d’autres pays européens, comme en Allemagne, si souvent donnée en exemple, alors que la France est en forte régression.
Le Centre d’analyse stratégique a émis récemment des préconisations, dont certaines sont intéressantes. L’une d’elles en particulier vise à encourager le développement de plateformes multimodales.
Le 13 septembre 2007, j’interpellais ici même Dominique Bussereau, alors secrétaire d'État aux transports, en ces termes : « La gare de triage de Saint-Pierre-des-Corps pourrait devenir le grand hub manquant sur ce territoire, car c’est un point stratégique pour les grandes circulations nord-sud et ouest-est. »
Le 22 juillet 2010, il reconnaissait la pertinence de notre site et déclarait : « Saint-Pierre-des-Corps est une plaque tournante importante. » Mais depuis, aucune réponse concrète n’a été apportée.
La grande région Ouest est abandonnée en matière de transport ferroviaire ! C’est un sentiment largement partagé. Mettons-nous autour de la table, monsieur le ministre. Un groupe de travail pourrait se réunir, à votre initiative, sur Saint-Pierre-des-Corps et travailler à cette dynamisation avec les partenaires du fret SNCF. Le potentiel existe véritablement.
Cela va dans le sens de la décision de votre ministère de mettre en place une « commission des sages » afin d’évaluer les projets d’infrastructures de transports en vue d’un meilleur aménagement du territoire.
C’est par une politique volontariste orientée vers le développement du trafic et non par sa réduction que le fret SNCF pourra trouver un nouveau rebond.
Monsieur le ministre, je vous demande donc aujourd’hui quelle nouvelle orientation donnera le Gouvernement à la SNCF pour que le redressement du fret ferroviaire se produise enfin et quelles mesures immédiates et urgentes sont à l’ordre du jour pour inverser la tendance.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui met en exergue tout l’intérêt que vous portez au ferroviaire, particulièrement au fret.
Vous l’avez justement signalé, les déclarations ont été nombreuses dans le cadre du Grenelle de l’environnement, qui avait vertueusement fixé l’objectif ambitieux de porter la part du transport alternatif à la route de 14 % à 25 % à l’horizon de 2022. Cela devait passer par la nécessaire reconquête de parts de marché du fret ferroviaire.
Les annonces du précédent gouvernement, comme vous l’avez vous-même souligné, étaient louables en la matière mais elles n’ont pas été suivies d’effet. Le Gouvernement actuel est déterminé à redonner sa juste place au fret ferroviaire, qui est un mode écologique et sûr dans le cadre d’une politique de report modal vers les transports les plus respectueux de l’environnement.
Il ne s’agit pas pour moi de faire de grandes annonces, nous n’en avons eu que trop d’exemples, mais bien de prendre en compte de façon pragmatique le dossier du fret ferroviaire, comme vous m’y invitez, afin de lever les blocages réels en mettant en place des mesures destinées à renforcer la pertinence et la performance des opérateurs.
Donc, il n’est pas question ici d’annoncer des mesures miracles mais bien d’afficher des objectifs qui soient à la fois réalistes et qui permettent d’affirmer la volonté et l’ambition du Gouvernement de répondre à cet enjeu.
Vous l’avez souligné, il faut que les freins, notamment la pertinence de la demande locale, puissent être pris en compte et que le développement du fret ferroviaire passe par des actions pratiques.
Les autoroutes ferroviaires, que vous avez évoquées, seront un axe de développement, mais je ne veux pas suivre l’exemple de mes prédécesseurs, qui, depuis 2007, dites-vous, vous renvoient dans leurs réponses à la seule perspective des autoroutes ferroviaires. Encore faut-il, pour qu’il y ait autoroutes ferroviaires, qu’il y ait pertinence des sillons, notamment que des corridors puissent être mis en place en fonction d’un plan d’aménagement du territoire.
Les services du ministère travaillent actuellement sur cette question afin de favoriser une connexion entre ces autoroutes ferroviaires et les ports français, notre façade portuaire pouvant constituer un élément fort de la compétitivité française. C’est en effet en irriguant par des infrastructures pertinentes l’hinterland que nous réussirons à désenclaver les ports français, et c’est en mettant en place des plateformes portuaires de transport combiné que nous favoriserons le développement de ce mode de transport.
Il y a quelques jours, la solution heureuse – en tout cas moins malheureuse que nous ne le redoutions – trouvée pour Novatrans a permis de sauver plusieurs centaines d’emplois. C’est à la fois une satisfaction mais aussi un motif de regret puisque cela signifie que l’opérateur ferroviaire historique se retire de ce transport combiné.
Il faut donc le réorienter, il faut porter une exigence, notamment vis-à-vis de Fret SNCF, de manière que, dans le cadre de rencontres régionales, les demandes, là où elles existent, puissent être analysées, et que l’opérateur de fret soit en mesure de fournir aux entreprises un service de qualité répondant à leurs besoins.
Les petites entreprises seront effectivement les donneurs d’ordre et un certain nombre d’opérateurs, aujourd’hui, apparaissent sur le marché.
Pour autant, tant que nous n’aurons pas réglé la question de l’écart de coût parfois extrêmement sensible entre la route et le rail, la compétitivité du ferroviaire restera insuffisante.
À cet égard, la mise en place de l’écotaxe poids lourds permettra, bien évidemment, de financer des projets d’aménagement. J’ai parlé des plateformes, du rehaussement du niveau de qualité du réseau ferroviaire qui est, comme vous l’avez signalé, extrêmement préoccupant.
Il s’agit non pas de jouer la route contre le fer ou le fer contre la route mais bien de développer une vision combinée de l’ensemble des modes de transports, notamment de marchandises, sachant que, derrière tout cela – c’est vrai à Saint-Pierre-des-Corps comme ailleurs –, c’est l’emploi, en particulier l’emploi ferroviaire, qui compte.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre réponse. Je crois en effet – et c’est le sens de ma question – qu’il faut examiner comment, régionalement, un certain nombre de problèmes pourraient trouver une réponse.
Nous constatons qu’un certain nombre de trains qui, autrefois, prenaient du fret en passant par notre gare continuent de la traverser mais ne prennent plus de fret. Cela signifie qu’on a modifié la conception dans laquelle on travaillait mais que, parallèlement, on n’a pas apporté de réponse à ceux qui étaient utilisateurs du fret jusqu’à maintenant et que l’on renvoie vers la route un certain nombre d’opérateurs qui étaient pourtant très intéressés par la conservation de ce fret.
Par ailleurs, au motif de mieux équilibrer les comptes, on fait aux entreprises qui jusqu’à maintenant utilisaient le fret des propositions dans lesquelles les prix sont multipliés par deux ou par trois : il est évident que la route est alors choisie prioritairement.
J’espère donc que votre proposition d’accélérer la mise en œuvre de la taxe poids lourds – qui, depuis le temps qu’il en est question, n’est pas sans rappeler l’Arlésienne ! – nous aidera à mieux faire prendre en compte la réalité du coût du transport routier. D’autres mesures en ce sens, que je n’évoquerai pas dans cette courte intervention, seront nécessaires.
Mon souci, c’est vraiment qu’on puisse trouver des solutions concrètes. Je serai donc amenée à prendre contact avec votre cabinet, monsieur le ministre, afin que puisse être mené un travail peut-être plus spécifique sur l’avenir régional du fret ferroviaire.
mise à 2 x 2 voies totale de la rcea entre montmarault et mâcon et paray-le-monial, chalon-sur-saône
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, auteur de la question n° 60, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le ministre, je tiens à appeler votre attention sur le dossier de mise à deux fois deux voies totale de la route Centre Europe Atlantique, RCEA, notamment entre Montmarault et la ville de Mâcon, dont je suis le maire, et entre Paray-le-Monial et Chalon-sur-Saône pour la branche nord.
La mise à deux fois deux voies complète et la sécurisation de la RCEA est, aujourd’hui, attendue par l’ensemble des habitants, des riverains, des élus et des acteurs économiques des départements de l’Allier et de la Saône-et-Loire.
À la suite du débat public qui a été organisé sur ce dossier en 2010-2011, le présent Gouvernement a décidé, l’été dernier, de retenir l’option de la mise en concession pour financer ce projet.
Opposé à cette solution, le conseil général de Saône-et-Loire propose de recourir au dispositif de l’écotaxe, avec tous les problèmes juridiques que cela pose.
D’autres élus, dont je fais partie avec René Beaumont, qui siège à mes côtés, militent, quant à eux, pour la solution de la mise en concession avec franchise de péage, ce qui permettrait d’assurer le financement pérenne de ce projet, sa rapidité de réalisation, tout en garantissant la gratuité pour les usagers locaux de cette route, ce qui paraîtrait tout à fait justifié puisque les départements ont financé, avec l’État et la région, déjà une grosse partie de ces travaux.
Aujourd’hui, le flou est le plus complet sur l’avenir de ce dossier puisque les intéressés ont appris, récemment par voie de presse, à la fois que le lancement d’avis de la procédure d’attribution de marché avait été initié par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement Auvergne pour la mise en concession autoroutière, mais aussi que les travaux de génie civil pour la mise en place des portiques de points de contrôles pour l’écotaxe poids lourds, sur ce tronçon de la RCEA, débuteraient cet été.
Au regard de l’urgence de ce dossier, il nous paraît indispensable de connaître quel mode de financement sera choisi pour ce projet, sachant que les contingences financières actuelles tant de l’État que du conseil général de Saône-et-Loire sont limitées et, surtout, quel calendrier sera retenu pour le déroulement des travaux de la mise à deux fois deux voies totale de la route Centre Europe Atlantique.
Compte tenu de l’attente de la population et du caractère particulièrement accidentogène de cette route – deux morts supplémentaires ont malheureusement été dénombrées ce week-end –, je souligne que ces précisions sont très attendues, monsieur le ministre, tant par les élus que par la population.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question ; elle me permet de revenir sur l’actualité de ce dossier qui a provoqué une grande émotion sur le territoire concerné. Permettez-moi, à mon tour, de donner un certain nombre d’explications.
J’ai conscience des difficultés que soulève ce dossier. Cet itinéraire, qui est emblématique des risques que fait peser le manque de sécurité de cette infrastructure, mêle des trafics locaux à un important trafic longue distance, constitué notamment de très nombreux poids lourds. La situation est donc extrêmement préoccupante sur le plan de la sécurité.
Vous y avez fait référence, on constate de trop nombreux accidents graves, mortels même, et ce week-end en a encore été la preuve.
La mise à 2x2 voies de cette route apparaît comme la solution qui permettrait de répondre le mieux à ces enjeux tout en améliorant la qualité de service de cet axe, ainsi que la desserte et le développement des territoires qui en ont besoin. Les investissements nécessaires sont toutefois importants : ils sont estimés entre 950 millions et un milliard d'euros. Se pose dès lors la question centrale de leur financement.
Vous l’avez dit, le précédent gouvernement a décidé, à l’issue d’un débat public, de recourir à la mise en concession de l’axe pour financer la mise à 2x2 voies de la RCEA. Cette décision a soulevé, et continue de soulever, l’inquiétude de nombreux usagers locaux de cette route quant à l’évolution du coût d’usage de la voie. Elle pose également un problème de légalité. En effet, compte tenu d’un nombre insuffisant d’itinéraires alternatifs, une fois la RCEA devenue payante, quid du libre accès et, notamment, de la liberté de circulation ? Tous ces points doivent être expertisés.
Des solutions de financement sans mise à péage – j’en parlais il y a un instant avec mon collègue Arnaud Montebourg – ont été proposées. Le département de Saône-et-Loire avait décidé d’utiliser les recettes, qui bénéficient aux conseils généraux, de l'écotaxe poids lourds perçue sur une partie de la RCEA et sur des itinéraires départementaux. Cette taxe permet ainsi d’apporter un cofinancement, conformément d’ailleurs à sa finalité : permettre l'amélioration et la modernisation des équipements et des infrastructures routières ou autoroutières.
D'autres perspectives avaient été envisagées, comme le transfert au conseil général de la Saône-et-Loire d’une partie de l'itinéraire, à charge pour lui de l'aménager.
La commission du débat public à laquelle vous avez fait référence faisait d’ailleurs état dans ses conclusions des divergences d’opinion sur le dossier et de la tension perceptible sur les territoires. Elle émettait « le souhait que les propositions alternatives de montage financier, les propositions d’aménagement de sécurité et les principaux amendements soient examinés de façon contradictoire, au besoin chiffres contre chiffres, afin que les ministres disposent de tous les éléments d’appréciation avant leur prise de décision, mais également afin que les auteurs de ces propositions aient le sentiment d’avoir été respectés, conformément aux principes du débat public ». Eh bien, c'est précisément ce que je fais.
Nous tirons aujourd'hui la conséquence des conclusions de ce débat, ce qui n’avait pas été fait : il est nécessaire de procéder à des analyses et à des échanges et de faire expertiser les différentes solutions. J’ai très rapidement demandé qu'une expertise soit menée et, avant même que la décision n'ait été publiquement annoncée, j’ai confié, dès cet été, une étude au Conseil général de l'environnement et du développement durable, le CGEDD. Il lui revient de mettre à plat l’ensemble des dispositifs envisageables, d'expertiser tous les montages possibles pour satisfaire les attentes légitimes des élus sur les différents territoires, quels que soient les départements concernés. Le CGEDD rendra ses conclusions au plus tard dans quatre ou cinq mois.
Pour autant, on ne peut se satisfaire de la situation dont j'hérite. Je tiens à vous préciser qu'aucune procédure de mise en concession n’a été lancée, contrairement à ce que vous avez indiqué. L’avis d’appel d’offres auquel vous faites référence portait simplement sur un marché d’assistance dans le pilotage technique du dossier.
Par ailleurs, la RCEA étant toujours dans le réseau routier national non concédé, il est normal que son usage soit soumis à la future taxe poids lourds comme le reste du réseau routier structurant français ; cela explique la mise en place des portiques auxquels vous avez fait allusion.
Quoi qu'il en soit, on ne peut faire l’économie du temps nécessaire à l'expertise si l’on veut se fonder sur des analyses pertinentes. Sachez que je suis particulièrement mobilisé, tout comme les services de mon ministère, pour faire en sorte que les délais de l’expertise réalisée par le CGEDD soient tenus afin que nous puissions rapidement avoir pleine connaissance de toutes les possibilités de financement et de cofinancement. Je n'exclus pas la concession mais, avant de prendre toute décision, je veux être informé de toutes les solutions envisageables dans le cadre d’un nouvel environnement financier.
En effet, l’écotaxe poids lourds sera effective dès 2013. Il revient donc à notre gouvernement la responsabilité de la mettre en œuvre, et nous l’assumerons. Une occasion nous est ainsi donnée d’ouvrir une discussion avec les collectivités locales.
Au demeurant, dès 2012, le ministère a débloqué une enveloppe de 40 millions d’euros dans Allier et dans la Saône-et-Loire pour que, ainsi que je l'avais indiqué lorsque la décision a été prise, des mesures concrètes soient rapidement mises en place sur les tronçons les plus accidentogènes.
Voici les résolutions prises par le Gouvernement sur ce dossier : de la clarté, une expertise sérieuse et une décision rapide.
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le ministre, nous sommes d'accord sur un certain nombre de points, notamment sur le coût des travaux, qui s’élèverait à un milliard d'euros. S’agissant des deux départements traversés, je rappelle que celui de l'Allier était d'accord pour la concession et que ne restait donc que le problème de la Saône-et-Loire.
Le dossier soulève par ailleurs des questions juridiques puisque l'écotaxe, dont vous avez parlé dans le cadre de la question précédente, doit normalement servir au développement des transports alternatifs. Une autre utilisation supposerait tout de même de modifier la loi, ce qui prendrait un certain temps !
Nous avons, nous aussi, fait des calculs. Aussi aimerions-nous nous être associés aux travaux qui sont actuellement menés à votre demande pour examiner toutes les possibilités envisageables. Nous avons calculé ce que la Saône-et-Loire devrait emprunter pour terminer les travaux en prenant les chiffres donnés dans le débat public pour l'écotaxe, et en en déduisant le delta restant à la charge du département. Le montant est considérable, d’autant qu’il faut y ajouter les frais d'entretien et de fonctionnement de la route, lesquels sont loin d'être négligeables.
L’entretien d’une route à 2x2 voies – j’en ai une sur le territoire de ma commune – représente un coût considérable, rien que pour le déneigement. Je le répète, je suis tout à fait d'accord, si vous le souhaitez, pour travailler avec la commission afin de prendre la meilleure décision possible dans les délais les plus rapides.
Par ailleurs, je vous rejoins sur les problèmes que pose une mise en concession totale sans itinéraires alternatifs. J'ai été maire d'une commune dans laquelle il n'y avait pas de voie alternative. Nous avons proposé, comme cela a été fait aux alentours de Dijon et au sud de Paris, d’ouvrir des secteurs libres d'accès, afin de permettre la circulation intra-muros et de ne pas gêner le financement des autoroutes.
Tous ces éléments doivent être examinés avec attention, monsieur le ministre, dans l'intérêt des territoires et surtout des usagers de cette route. Si vous le souhaitez, je le redis, je suis tout à fait prêt, avec René Beaumont et l'Association pour la route Centre-Europe-Atlantique, à travailler avec la commission pour trouver sinon la meilleure solution, du moins la moins mauvaise.
réalisation de la déviation de livron-loriol sur la rn7
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, auteur de la question n° 41, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, beaucoup de Français – peut-être en faites-vous partie – connaissent la Drôme, notamment le Vercors et l’histoire de son maquis, les Baronnies provençales, le Palais Idéal du facteur Cheval… L’olive de Nyons, la lavande et le château de Grignan en sont les plus beaux fleurons. Je signale au passage que la Drôme est aussi le premier département « bio » de France. Vous en connaissez sans doute aussi les vins : Vinsobres, Clairette de Die, Grignan-les-Adhémar, Hermitage, Crozes-Hermitage… autant de noms qui nous mettent, si j’ose dire, l’eau à la bouche ! (Sourires.)
Mais il n’y a pas que les vins de la Drôme : il y a aussi ses bouchons ! (Nouveaux sourires.) Je veux parler de la fameuse nationale 7, chère à Charles Trenet, qui traverse le département du nord au sud. Son trafic est un véritable fléau par la congestion qu’il provoque et la dangerosité qui en résulte à hauteur des communes de Loriol et de Livron. Une déviation, déclarée d’utilité publique en 2001, est attendue depuis trop longtemps.
Selon les derniers comptages effectués en novembre 2011, on enregistre un trafic journalier de l’ordre de 23 000 véhicules, dont près de 1 400 poids lourds et une moyenne de trente convois exceptionnels, le trafic pouvant même atteindre 35 000 ou 40 000 véhicules par jour en période de pointe, notamment en été. Personne ne peut nier l’impact de cette situation en termes de nuisances, notamment de pollution sonore en centre-ville.
Monsieur le ministre, ce projet de déviation répond à une nécessité, au regard à la fois de la fluidité du trafic et, dans un secteur particulièrement accidentogène, de la sécurité routière.
L’état d’avancement du projet laisse perplexe : les terrains sont acquis, les expropriations ont été menées à bien, vingt maisons auraient été détruites, le tracé est piqueté depuis de très nombreuses années, mais, de report en report, d’étude en étude, et après la réalisation d’un premier rond-point qui ne débouche sur rien, tout le monde se demande si le projet n’est pas maintenant au point mort et si la déviation verra jamais le jour, faute de financements.
Pourtant, des intentions, il y en a bien eu : le précédent Président de la République lui-même, à la fin de 2008, avait fait figurer ce dossier dans son plan de relance. Ce projet avait également déjà été inscrit dans le contrat de projet État-région 2000-2006. D’annonce en annonce, le temps passe et l’on ne parle plus, semble-t-il, que de la réalisation d’un barreau central, qui, au lieu de jouer le rôle de déviation, risque de se transformer en souricière s’il n’est pas immédiatement suivi de la réalisation effective, au sud comme au nord, des branches d’accès aux communes de Loriol et de Livron.
Après de nombreuses fluctuations, le coût d’objectif a été fixé par l’État à 95 millions d’euros. Cependant, hormis les études et les travaux préparatoires, selon les informations recueillies auprès des services de l’administration, seuls 18 millions d’euros seraient aujourd’hui réellement disponibles, en plus des 12 millions d’euros déjà dépensés. Mettre 30 millions d’euros sur la table pour un projet dont tout le monde sait qu’il en coûtera au moins le triple, ce n’est pas sérieux ! Qui paiera les 65 millions qui manquent ?
Aucun d’entre nous n’ignore la situation financière de notre pays, et notre inquiétude quant à l’avancement de ce projet ne s’en trouve que renforcée. Les habitants de Livron et de Loriol seront-ils sacrifiés sur l’autel des promesses non tenues du précédent gouvernement ? Personne n’ose y croire, monsieur le ministre, et c’est au nom de l’ensemble des élus et des habitants de la Drôme que je vous questionne sur ce projet : oui ou non, la déviation de Loriol-Livron se fera-t-elle ? Et si oui, avec quel financement global et dans quels délais de réalisation ?