M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. J’informe les membres de la commission des affaires sociales que nous nous réunirons à dix-neuf heures trente pour examiner les amendements.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création des emplois d’avenir.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
EMPLOIS D’AVENIR
Article 1er
Le chapitre IV du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est complété par une section 8 ainsi rédigée :
« Section 8
« Emploi d’avenir
« Sous-section 1
« Dispositions générales
« Art. L. 5134-110. – I. – L’emploi d’avenir a pour objet de faciliter l’insertion professionnelle et l’accès à la qualification des jeunes sans emploi âgés de seize à vingt-cinq ans au moment de la signature du contrat de travail soit sans qualification, soit peu qualifiés et rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi, par leur recrutement dans des activités présentant un caractère d’utilité sociale ou environnementale ou ayant un fort potentiel de création d’emplois. Les personnes bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et remplissant ces conditions peuvent accéder à un emploi d’avenir lorsqu’elles sont âgées de moins de trente ans.
« II. – L’emploi d’avenir est destiné en priorité aux jeunes mentionnés au I du présent article qui résident soit dans les zones urbaines sensibles au sens de l’article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire ou les zones de revitalisation rurale au sens de l’article 1465 A du code général des impôts, soit dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, soit dans les territoires dans lesquels les jeunes connaissent des difficultés particulières d’accès à l’emploi.
« III. – (Supprimé)
« Art. L. 5134-111. – (Non modifié) L’aide relative à l’emploi d’avenir peut être attribuée aux employeurs suivants :
« 1° Les organismes de droit privé à but non lucratif ;
« 2° Les collectivités territoriales et leurs groupements ;
« 3° Les autres personnes morales de droit public, à l’exception de l’État ;
« 4° Les groupements d’employeurs mentionnés à l’article L. 1253-1 qui organisent des parcours d’insertion et de qualification ;
« 5° Les structures d’insertion par l’activité économique mentionnées à l’article L. 5132-4.
« Par exception, lorsqu’ils ne relèvent pas d’une des catégories mentionnées aux 1° à 5° du présent article, les employeurs relevant de l’article L. 5422-13 et des 3° et 4° de l’article L. 5424-1 sont éligibles à l’aide relative aux emplois d’avenir s’ils remplissent les conditions fixées par décret en Conseil d’État relatives à leur secteur d’activité et au parcours d’insertion et de qualification proposé au futur bénéficiaire.
« Les particuliers employeurs ne sont pas éligibles à l’aide attribuée au titre d’un emploi d’avenir.
« Pour être éligible à une aide relative à l’emploi d’avenir, l’employeur doit pouvoir justifier de sa capacité, notamment financière, à maintenir l’emploi au moins le temps de son versement.
« Art. L. 5134-112. – L’emploi d’avenir est conclu sous la forme, selon le cas, d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi régi par la section 2 du présent chapitre ou d’un contrat initiative-emploi régi par la section 5 du même chapitre. Les dispositions relatives à ces contrats s’appliquent à l’emploi d’avenir, sous réserve des dispositions spécifiques prévues par la présente section.
« Un suivi personnalisé professionnel et, le cas échéant, social du bénéficiaire d’un emploi d’avenir est assuré par l’une des personnes mentionnées à l’article L. 5134-19-1. Un bilan relatif au projet professionnel du bénéficiaire et à la suite donnée à l’emploi d’avenir est notamment réalisé deux mois avant l’échéance de l’aide relative à l’emploi d’avenir.
« Sous-section 2
« Aide à l’insertion professionnelle
« Art. L. 5134-113 A. – (Supprimé)
« Art. L. 5134-113. – (Non modifié) L’aide relative à l’emploi d’avenir est accordée pour une durée minimale de douze mois et pour une durée maximale de trente-six mois, sans pouvoir excéder le terme du contrat de travail.
« Lorsque l’aide a été initialement accordée pour une durée inférieure à trente-six mois, elle peut être prolongée jusqu’à cette durée maximale.
« À titre dérogatoire, afin de permettre au bénéficiaire d’achever une action de formation professionnelle, une prolongation de l’aide au-delà de la durée maximale de trente-six mois peut être autorisée par les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 5134-19-1. La durée de la prolongation ne peut excéder le terme de l’action concernée.
« Art. L. 5134-113-1. – (Suppression maintenue)
« Art. L. 5134-113-2. – (Supprimé)
« Art. L. 5134-114. – La demande d’aide relative à l’emploi d’avenir décrit le contenu du poste proposé, sa position dans l’organisation de la structure employant le bénéficiaire de l’emploi d’avenir, les conditions d’encadrement et de tutorat ainsi que la qualification ou les compétences dont l’acquisition est visée pendant la période en emploi d’avenir. Elle indique obligatoirement les actions de formation, réalisées pendant le temps de travail ou en dehors de celui-ci, qui concourent à l’acquisition de cette qualification ou de ces compétences et les moyens à mobiliser pour y parvenir. Elle précise les modalités d’organisation du temps de travail envisagées afin de permettre la réalisation des actions de formation.
« La demande d’aide décrit également les possibilités de pérennisation des activités et les dispositions de nature à assurer la professionnalisation des emplois.
« En cas de non-respect des engagements de l’employeur, notamment en matière de formation, le remboursement de la totalité des aides publiques perçues est dû à l’État.
« Sous-section 3
« Contrat de travail
« Art. L. 5134-115. – Le contrat de travail associé à un emploi d’avenir peut être à durée indéterminée ou à durée déterminée.
« Lorsqu’il est à durée déterminée, il est conclu pour une durée de trente-six mois.
« En cas de circonstances particulières liées soit à la situation ou au parcours du bénéficiaire, soit au projet associé à l’emploi, il peut être conclu initialement pour une durée inférieure, qui ne peut être inférieure à douze mois.
« S’il a été initialement conclu pour une durée inférieure à trente-six mois, il peut être prolongé jusqu’à cette durée maximale.
« Sans préjudice des dispositions de l’article L. 1243-1, il peut être rompu à l’expiration de chacune des périodes annuelles de son exécution à l’initiative du salarié, moyennant le respect d’un préavis de deux semaines, ou de l’employeur, s’il justifie d’une cause réelle et sérieuse, moyennant le respect d’un préavis d’un mois et de la procédure prévue à l’article L. 1232-2.
« Dans le cas prévu au dernier alinéa de l’article L. 5134-113, les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 5134-19-1 peuvent autoriser une prolongation du contrat au-delà de la durée maximale de trente-six mois, sans que cette prolongation puisse excéder le terme de l’action de formation concernée.
« Art. L. 5134-116. – Le bénéficiaire d’un emploi d’avenir occupe un emploi à temps plein.
« Toutefois, lorsque le parcours ou la situation du bénéficiaire le justifient, notamment pour faciliter le suivi d’une action de formation, ou lorsque la nature de l’emploi ou le volume de l’activité ne permettent pas l’emploi d’un salarié à temps complet, la durée hebdomadaire de travail peut être fixée à temps partiel, avec l’accord du salarié, sur autorisation des personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 5134-19-1. Elle ne peut alors être inférieure à la moitié de la durée hebdomadaire de travail à temps plein. Dès lors que les conditions rendent possible une augmentation de la durée hebdomadaire de travail, le contrat ainsi que la demande associée peuvent être modifiés en ce sens avec l’accord des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°.
« Sous-section 3 bis
« Reconnaissance des compétences acquises
« Art. L. 5134-116-1. – (Non modifié) Les compétences acquises dans le cadre de l’emploi d’avenir sont reconnues par une attestation de formation, une attestation d’expérience professionnelle ou une validation des acquis de l’expérience prévue à l’article L. 6411-1.
« La présentation à un examen pour acquérir un diplôme ou à un concours doit être favorisée pendant ou à l’issue de l’emploi d’avenir.
« À l’issue de son emploi d’avenir, le bénéficiaire qui souhaite aboutir dans son parcours d’accès à la qualification peut prétendre aux contrats de travail mentionnés au livre II et au chapitre V du titre II du livre III de la sixième partie, ainsi qu’aux actions de formation mentionnées à l’article L. 6313-1, selon des modalités définies dans le cadre d’une concertation annuelle du comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle.
« Sous-section 4
« Dispositions d’application
« Art. L. 5134-117 A. – (Supprimé)
« Art. L. 5134-117 B. – (Supprimé)
« Art. L. 5134-117. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application de la présente section, notamment les niveaux de qualification et les critères d’appréciation des difficultés particulières d’accès à l’emploi mentionnés au I de l’article L. 5134-110, qui peuvent différer selon que les jeunes résident ou non dans des zones urbaines sensibles ou des zones de revitalisation rurale ou dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon.
« Dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, des niveaux de qualification supérieurs au baccalauréat peuvent être pris en compte, à titre exceptionnel, pour les jeunes confrontés à des difficultés particulières d’insertion professionnelle.
« Art. L. 5134-117-1 (nouveau). – Les dispositions prises pour l’application de la présente section comportent :
« 1° Des mesures de nature à favoriser une répartition équilibrée des femmes et des hommes par secteur d’activité ;
« 2° Des dispositions particulières applicables aux emplois d’avenir créés dans le secteur de l’aide aux personnes handicapées, de nature à favoriser l’amélioration de la qualité de vie de ces personnes ;
« 3° Les adaptations nécessaires pour tenir compte de la situation particulière des collectivités territoriales d’outre-mer entrant dans son champ d’application. »
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai souhaité intervenir sur l’article 1er car il contient le cœur du dispositif proposé aux jeunes sans emploi ni qualification, qui sont condamnés à une marginalité sociale certaine, si nous n’agissons pas.
Je tiens à souligner que le taux de pauvreté des jeunes âgés de vingt ans à trente ans a doublé depuis 1970. Le chômage de masse qui frappe en priorité les jeunes depuis trente ans est véritablement un désastre générationnel.
Je veux aussi évoquer la dimension « pouvoir d’achat », qui est prise en compte dans ce projet de loi. En effet, l’ensemble des emplois qui seront créés redistribueront du pouvoir d'achat et participeront donc à la dynamique de la sphère économique.
Cela étant, si tous les jeunes connaissent l’allongement de cet embouteillage au démarrage de leur vie professionnelle, certains, avec la crise, n’ont même plus la chance de pouvoir la démarrer.
Il était donc essentiel que ces emplois dits « emplois d’avenir » s’adressent à celles et à ceux qui n’atteignent même pas une existence statistique, aux non qualifiés ou peu qualifiés, qui sont de plus en plus nombreux à ne même plus faire la démarche de se faire recenser dans les dispositifs existants. Seuls la moitié des 470 000 jeunes sans qualification ni emploi sont inscrits à Pôle emploi ! Les autres, cela a déjà été souligné, sont sortis des écrans radar de la société.
L’emploi d’avenir est aussi une chance, un tremplin pour remonter dans l’ascenseur social en se constituant une véritable expérience professionnelle. Pour ce faire et pour atteindre l’un ou l’autre de ces deux objectifs – la pérennisation ou la qualification –, le dispositif proposé ne tombe pas dans le travers de vouloir reproduire ce qui a marché. La situation a beaucoup changé : les jeunes de 2012 ne sont pas ceux de 1997 ; le marché de l’emploi n’est plus structuré de la même manière, avec l’explosion des temps partiels et l’apparition de nouveaux emplois, emplois technologiques, emplois liés à la gestion du développement durable, emplois de la société de services...
C’est pourquoi j’apprécie que l’emploi d’avenir ait été élaboré comme un dispositif adapté, ajusté de la manière la plus adéquate pour l’employeur et l’employé, en tenant compte, par exemple, de la capacité et du besoin d’un tutorat.
Au plus près des distorsions françaises, ce texte a aussi privilégié une approche territoriale qui nous est chère au Sénat. Priorité est ainsi donnée aux jeunes des zones urbaines sensibles, des zones de revitalisation rurale et de l’outre-mer. Remarquons qu’il s’agit d’un zonage à caractère prioritaire, mais non exclusif.
Ciblage du public, ciblage géographique, accompagnement des jeunes bénéficiaires avec suivi social personnalisé, obligation ou faculté d’un tutorat, sélection des structures titulaires de l’aide et des organismes de suivi, reconnaissance des connaissances et de l’expérience acquises, ce dispositif est précis, complet, structurant et a fait l’objet d’un examen de financement minutieux.
M. Roland Courteau. Alors, ne tardons pas ! Je me réjouis que la date d’entrée en vigueur des emplois d’avenir ait été avancée au 1er novembre 2012. Notre jeunesse ne peut plus attendre.
De grâce, que l’on ne me dise pas que les dépenses envers la jeunesse constituent uniquement un coût. Monsieur le ministre, vous avez eu raison de le préciser : nous affirmons au contraire qu’elles constituent un bel investissement sur l’avenir.
Oui, nous sommes soumis à l’urgence d’une situation dont nous venons d’hériter : réparer ce qui a été détruit, reconstruire la cohésion sociale, et cela passe par la lutte contre le chômage.
Aujourd'hui est enfin venu le temps de la mobilisation. En effet, s’il est un domaine où le mot « urgence » s’impose, c’est bien en matière d’emploi et de lutte contre le chômage. C’est là la bataille prioritaire avec la nécessité de prendre non seulement des mesures d’urgence, comme nous le faisons aujourd'hui avec les emplois d’avenir et bientôt avec les contrats de génération, mais aussi des mesures plus structurelles, par l’engagement de réformes de fond de relance de l’emploi.
Bref, aujourd'hui, il s’agit notamment d’envoyer un signal à la jeunesse pour lui dire qu’elle a un avenir et que celui-ci se trouve dans l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Stéphane Mazars applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme ma collègue Isabelle Pasquet, je considère que, face à la situation dramatique subie par les jeunes de notre pays, il fallait que le Gouvernement agisse promptement. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui, modifié d’abord par l'Assemblée nationale, puis par la commission des affaires sociales du Sénat, nous semble amélioré par rapport à sa version initiale.
Ainsi, le volet formation a été renforcé. Cependant, les nouvelles dispositions n’ont pas encore suffisamment de force contraignante pour les employeurs, c’est-à-dire qu’elles ne garantissent pas encore suffisamment leur pleine application. Cela résulte sans doute du fait que les engagements en la matière, comme la pérennisation des contrats, concernent exclusivement la demande d’aide, comme si l’engagement de la structure d’accueil ne valait que pour l’État, au motif que celui-ci finance.
Messieurs les ministres, pour que ces droits soient pleinement opposables aux bénéficiaires des emplois d’avenir, sans doute aurait-il été souhaitable que les engagements de l’employeur figurent non seulement sur la demande d’aide – ce qui est légitime –, mais également sur le contrat de travail qui lie l’employeur au salarié ainsi recruté, ce dernier ne pouvant, en cas de contestation, que se prévaloir de son contrat de travail.
Cela est d’autant plus important que, en raison de la dématérialisation de la procédure de demande d’aide, il semble que, contrairement aux anciens contrats uniques d’insertion, les CUI, les bénéficiaires des emplois d’avenir ne soient pas appelés à signer la demande d’aide. Aussi serait-il utile que les décrets d’application prévoient les modalités d’information des jeunes recrutés quant à l’existence de leurs droits, par exemple en prévoyant, lors de la signature du contrat, un livret d’information.
Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est donnée d’aborder cette question, pour vous interroger, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, sur les conséquences d’un amendement du rapporteur, adopté en commission des affaires sociales, qui tend à supprimer l’obligation d’information des institutions représentatives du personnel sur un sujet pourtant fondamental, « l’exécution de ces contrats, notamment quant aux obligations de formation ».
Si j’ai bien compris, cet amendement de suppression ne serait que formel (M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social opine.), dans la mesure où le code du travail prévoit déjà une disposition similaire. (M. le ministre opine de nouveau.) Or il me semble que cette réponse n’est que partielle et je crains qu’en l’état actuel du droit les dispositions déjà en vigueur ne correspondent pas tout à fait à celles que prévoyait l’alinéa supprimé. En effet, l’article L. 2323-48 du code du travail prévoit effectivement une information des comités d’entreprises et, le cas échéant, des délégués du personnel sur « la conclusion des conventions ouvrant droit à des contrats initiative-emploi [et] à des contrats d’accompagnement dans l’emploi ».
Or le projet de loi prévoyait que l’information portait également sur l’exécution des obligations de formations, ce qui n’est pas le cas dans l’article L. 2323-48. Ce volet formation constitue pourtant une priorité pour notre groupe et une véritable chance pour les bénéficiaires. C’est pourquoi nous considérons que l’information des institutions représentatives du personnel sur l’état d’avancement des actions de formations mises en œuvre est encore légitime.
Messieurs les ministres, je vous poserai une dernière question relative à l’intégration des emplois d’avenir dans l’effectif de la structure d’accueil. À l’heure actuelle, ils en sont exclus, comme l’ensemble des CUI d’ailleurs. Or, au mois d’octobre dernier, le tribunal d’instance de Marseille a rendu une décision contraire au projet de loi, puisqu’il considère que « les salariés en contrats aidés devaient être comptabilisés dans les effectifs des entreprises, ce qui leur donne accès au droit fondamental à une représentation syndicale et à une représentation du personnel ». Le tribunal d’instance a considéré que l’article L. 1111-3 du code du travail, qui exclut les salariés en contrats aidés des effectifs, était contraire au droit européen, plus précisément à la directive du 11 mars 2002 établissant « un cadre général relatif à l’information et à la consultation du travailleur ». Une telle disposition prive « le salarié titulaire d’un contrat aidé [...] du droit de bénéficier d’institutions représentatives du personnel. [Cela] n’est pas conforme au droit communautaire qui détermine une protection minimale à laquelle les États ne peuvent déroger qu’en adoptant des mesures nationales plus favorables aux travailleurs ».
Messieurs les ministres, au regard de cette décision et de sa portée concrète pour les salariés, ne pensez-vous pas qu’il serait souhaitable de revenir sur cette situation ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Giudicelli, sur l'article.
Mme Colette Giudicelli. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes tous d’accord pour reconnaître que la situation du chômage des jeunes est très préoccupante.
Près de 120 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire « sans diplôme », 40 000 jeunes par an décident d’interrompre leurs études sans un niveau de qualification reconnu.
Bien évidemment, nous souhaitons tous aussi trouver des solutions pour notre jeunesse dont l’insertion professionnelle est de plus en plus difficile.
Cependant, messieurs les ministres, nous divergeons sur la méthode et les moyens pour y parvenir. La recette de l’emploi aidé n’est pas la bonne solution pour les jeunes sans formation.
La liste est très longue des dispositifs qui ont échoué ou qui n’ont pas vraiment permis d’insérer les jeunes dans l’emploi. Chacun se souvient des travaux d’utilité collective, les TUC, de 1984, des contrats emploi solidarité, les CES, des contrats emploi consolidé, les CEC, des contrats d’accompagnement dans l’emploi, les CAE, des nouveaux contrats initiative emploi, les CIE, des contrats uniques d’insertion, les CUI, des contrats d’insertion dans la vie sociale, les CIVIS ; j’en ai certainement oublié. Aujourd’hui, vous nous proposez les emplois d’avenir.
Tous ces emplois aidés qui ont été fort coûteux n’ont jamais vraiment réussi à répondre au problème du chômage des jeunes sans qualification. Procurer une occupation à des jeunes pendant quelques années ne suffit pas. Il faut leur donner une véritable formation qui leur permette d’aller sur le marché de l’emploi trouver un vrai travail.
Dans tous les cas, c’est le développement de l’apprentissage qui devrait être la priorité nationale. Plus de deux tiers des jeunes apprentis décrochent un emploi à l’issue de leur contrat d’apprentissage, près de 90 % au bout de trois ans. L’Allemagne compte 1,6 million d’apprentis, contre 425 000 environ en France !
Au cours des dernières années, les différents gouvernements ont favorisé cette logique de formation et d’insertion professionnelle par alternance au titre desquelles figurent justement les contrats d’apprentissage, mais aussi les contrats de professionnalisation.
Même si je reconnais que le volet formation de ces contrats d’avenir a été amélioré par nos collègues de l'Assemblée nationale, j’ai quelques interrogations concernant ce nouveau dispositif.
Messieurs les ministres, dans un contexte budgétaire extrêmement préoccupant, est-il raisonnable de mobiliser plus de 1,8 milliard d’euros par an ?
M. Roland Courteau. Oui !
Mme Colette Giudicelli. En effet, le coût représentera 1,5 milliard d’euros pour l’État – 75 % du SMIC – et c’est entre 300 millions d'euros et 400 millions d'euros que vous demanderez aux collectivités ou associations.
Sur ce sujet, messieurs les ministres, pouvez-vous nous apporter des précisions sur le coût global de ce dispositif ?
Je m’interroge également sur la fin du contrat. Que se passera-t-il au bout de trois ans ? Que deviendront ces jeunes ?
On nous cite souvent le succès de l’ancien dispositif des emplois jeunes : 60 % de ceux qui avaient un emploi jeune sont restés chez leur employeur à l’issue du contrat. Il s’agit d’un très mauvais exemple, car c’est oublier que 40 % des bénéficiaires étaient des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur. Pour les employeurs, une fois encore, la charge de ces contrats pèsera sur les collectivités ou les associations, générant pour elles des frais de personnel supplémentaires. (M. Jean-Pierre Godefroy hoche la tête.)
Je ne vois pas comment les associations ou les collectivités territoriales pourront financièrement pérenniser ces emplois à l’issue des contrats de trois ans. Par ailleurs, un vrai travail ne saurait être exclusivement un emploi public.
Une autre de mes interrogations porte sur la discrimination territoriale que vous souhaitez mettre en place. L’article 1er du projet de loi accorde une importance essentielle aux territoires. Vous avez décidé de donner la priorité aux jeunes résidant dans certains d’entre eux. L’extension du dispositif aux zones de revitalisation rurale ne règle pas tout.
Messieurs les ministres, vous avez décidé de créer 150 000 emplois d’avenir, alors que la cible du dispositif comprend potentiellement 470 000 jeunes peu ou pas qualifiés.
Ce sont ces territoires prioritaires qui vont consommer la quasi-totalité des moyens.
Certes, les jeunes des quartiers sensibles doivent être accompagnés, mais c’est la situation sociale de chaque jeune concerné qui doit être l’unique critère.
Je ne comprends pas que l’ensemble des jeunes Français en situation de précarité ne puisse pas accéder au dispositif prévu et que vous fixiez comme priorité ceux qui vivent dans les zones défavorisées. (M. le ministre lève les bras au ciel.)
Pour l’ensemble de ces raisons, je ne voterai pas ce projet de loi.
M. Roland Courteau. Notre collègue n’a rien écouté !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, sur l’article.
Mme Sophie Primas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma prise de parole ira dans le sens de celle de ma collègue précédente.
Il est évident que l’insertion professionnelle des jeunes peu ou pas qualifiés est devenue bien difficile dans un contexte de crise économique qui les touche en priorité. La situation de ces jeunes, que nous connaissons tous, eux qui, comme on le dit dans ma banlieue parisienne, « tiennent les murs » tant l’inactivité est importante, est particulièrement préoccupante.
L’objectif fixé par le Gouvernement pour l’insertion des jeunes sans qualification est donc louable et rassemble, nous l’avons dit, toutes les travées de notre hémicycle.
En ce sens, d’ailleurs, je voudrais rappeler que le choix du précédent gouvernement avait été de conduire une politique sans précédent en faveur de l’apprentissage et de la formation en alternance, véritables voies de succès pour une insertion pérenne. Les investissements d’avenir en faveur du développement et de l’extension des établissements, la promotion de l’apprentissage vont porter leurs fruits dans les années à venir. Il aurait d’ailleurs fallu continuer ces efforts en allégeant en particulier les contraintes administratives, souvent trop lourdes pour les entreprises.
Si le dispositif proposé aujourd’hui va dans le sens de la bataille que tout gouvernement doit mener contre ce fléau qu’est l’éloignement des jeunes de l’activité professionnelle, il est en décalage avec la réalité de l’emploi en France.
Ces emplois dits « d’avenir », annoncés quelque peu en urgence, manifestement pour répondre à l’inquiétude grandissante des Français, sont bien sûr insuffisants, vous l’avez dit vous-même tout à l’heure, monsieur le ministre. Je crains que les contrats de génération, que vous nous avez annoncés en complément, ne suffisent pas.
Je regrette que le budget important engagé pour ces emplois conduise à ne créer majoritairement que des contrats temporaires dans un cadre restreint, empêchant la plupart du temps les jeunes concernés de déboucher sur des emplois pérennes.
Il s’agira principalement d’emplois créés dans le secteur public ou le secteur associatif, tous deux soumis à une politique de réduction des dépenses publiques, et dont plusieurs études, menées ici même, au Sénat, ont montré qu’ils ne permettaient pas un taux d’insertion comparable à celui qui existe dans le secteur privé.
Certes, le secteur public et le secteur associatif peuvent être un vivier pour trois ans, mais, in fine, l’objectif primordial doit être de pérenniser les emplois créés et non de précariser à retardement.
Dans les conditions économiques actuelles, nous aurions préféré que vous puissiez proposer de tels contrats avant tout aux entreprises, notamment aux TPE et aux PME (M. Didier Guillaume s’exclame.), quitte à prioriser, en accord avec les organisations professionnelles, les secteurs d’activité en tension dans lesquels l’éloignement des jeunes au travail peut être plus facilement comblé.
Plus grave pour moi, monsieur le ministre, est le fait que ce dispositif me semble inéquitable et inexplicable. Comment expliquer aux jeunes en grande difficulté de ma vallée de Seine industrielle, qui n’auraient pas la chance – quel paradoxe ! – d’habiter dans les quartiers sensibles, qu’ils sont écartés de ce dispositif ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)