M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur Raffarin, la situation que vous avez décrite est celle non seulement de la France, mais de l’ensemble de la zone euro, dans un contexte mondial de croissance dégradée, affectant tous les pays.
Je suis d’accord avec vous sur un point essentiel : toutes les forces doivent s’unir pour réussir le redressement du pays, mais aussi la réorientation de l’Europe. Celle-ci ne se décrète pas. Le Président de la République, dites-vous, n’en a pas parlé dimanche soir. Mais quel a été son premier acte, le jour même de sa prise de fonctions et de ma nomination, le 15 mai dernier ? Ce fut de se rendre à Berlin, pour discuter avec Mme Merkel de l’avenir de l’Europe. Vous l’avez vu, il n’a pas ménagé sa peine, au cours des premières semaines de son action, et déjà des résultats ont pu être obtenus. Sont-ils suffisants ? À l’évidence, non, mais il faut mesurer le chemin parcouru !
Avant de développer ce point, je voudrais tout de même souligner que nous avons trouvé, à notre arrivée, une situation dégradée, au-delà même de ce que nous imaginions. Nous étions conscients, je l’ai dit à l’occasion de ma déclaration de politique générale, de la gravité de la crise. Le Président de la République a parlé, à Châlons-en-Champagne, d’une « crise d’une gravité exceptionnelle ».
Vous avez évoqué la situation de PSA, mais nous avons découvert des plans sociaux retardés, des secteurs industriels en grande difficulté, des problèmes d’accès au crédit, non seulement pour les PME et les TPE, mais aussi pour les collectivités territoriales. Telle est la réalité à laquelle nous sommes confrontés ; nous agissons chaque jour avec détermination, tout en faisant face à l’urgence.
Je vous remercie d’ailleurs d’avoir annoncé que, même si vous ne partagez pas nos choix politiques, vous alliez voter le texte du Gouvernement portant création des emplois d’avenir. En effet, nous ne pouvons pas laisser tomber tous ceux qui sont, aujourd’hui, très éloignés de l’emploi, en particulier les jeunes sans qualification.
Nous devons relever le défi de la réforme de notre système éducatif, de la refondation de l’école. Il faudra des moyens et du temps pour former de nouveau les futurs professeurs, les nommer là où il y a des besoins. En même temps, nous devons agir dans l’urgence : c’est le sens des contrats de génération, qui compléteront le dispositif que je viens d’évoquer.
S’agissant du pouvoir d’achat, le Parlement sera amené à se prononcer sur un texte relatif à une tarification progressive de la consommation de gaz et d’électricité, venant s’ajouter au projet de loi sur le logement adopté ce matin même par le Sénat.
Cela suffira-t-il pour réorienter notre économie vers la croissance ? À l’évidence, non ! Nous engageons des réformes de structures. J’en ai évoqué une, essentielle. Hier, le Président de la République et moi-même avons réuni les présidents de région. J’ai signé avec le président Rousset un accord portant sur quinze engagements réciproques entre l’État et les conseils régionaux. Ceux-ci connaissent bien la réalité de nos territoires, de nos entreprises, qu’il s’agisse des PME, des TPE ou des ETI, ces entreprises de taille intermédiaire qui ne sont pas encore assez nombreuses dans notre pays, ni suffisamment puissantes. Je sais que vous êtes sensible à ce sujet, monsieur Raffarin.
Nous avons également décidé la mise en place de la Banque publique d’investissement, qui vous sera présentée dans quelques semaines. Vous avez parlé de l’accès au crédit. Le Président de la République, dans son discours du Bourget, avait souligné que la finance devait être mise au service de l’économie. Le premier acte allant dans ce sens est la création de la Banque publique d’investissement, qui comportera des antennes régionales, dans le fonctionnement desquelles les conseils régionaux seront impliqués, y compris dans le cadre des procédures d’engagement.
Nous voulons aider les PME à innover, à investir, à exporter. C’est le défi que nous relevons. J’ai même fixé un objectif s’agissant du commerce extérieur : alors que nous enregistrons aujourd’hui un déficit de 25 milliards d’euros, hors énergie, nous entendons au moins revenir à l’équilibre à la fin du quinquennat. Voilà un engagement extrêmement volontariste, comme l’est celui du Président de la République de lutter contre le chômage.
Il est vrai que redresser nos comptes publics est également une nécessité. Ceux-ci sont très dégradés. Nous avons commencé à traiter le problème au travers de la loi de finances rectificative pour 2012, nous continuerons à le faire dans la loi de finances pour 2013. L’objectif de ramener le déficit à 3 % du PIB ne nous est pas imposé de l’extérieur ; c’est nous qui avons décidé de maîtriser une dette qui a augmenté de 600 milliards d’euros en cinq ans. En effet, ce sont notre indépendance, notre souveraineté qui sont en jeu.
Si nous ne menons pas cette action, nous ne retrouverons pas les marges de manœuvre nécessaires. Dans le même temps, la prochaine loi de finances devra bien sûr être juste, et elle le sera, à l’image des décisions que nous avons déjà prises depuis le mois de mai dernier, par décrets ou au travers de dispositions votées par le Parlement.
Nous ne voulons pas nous laisser imposer par les marchés financiers un plan d’austérité qui mettrait à mal l’avenir de notre pays. Nous voulons garder notre liberté, reconquérir des marges de manœuvre pour que, au lieu de consacrer d’abord l’argent public au remboursement de la dette, nous puissions le mettre au service des investissements d’avenir dont notre pays a besoin. C’est le choix que nous avons fait.
Quant à l’Europe, l’élection de François Hollande a permis, à l’évidence, de faire bouger les lignes. Sans elle, il aurait été bien difficile d’obtenir un accord sur le pacte de croissance lors du Conseil européen des 28 et 29 juin derniers.
M. François Rebsamen. Très bien !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il aurait été bien difficile de lancer le chantier de la supervision des banques sous l’autorité de la Banque centrale européenne ou celui de la création d’une indispensable union bancaire.
Il aurait été très difficile, sans doute impossible, d’obtenir l’instauration de la taxe sur les transactions financières, que nous réclamons depuis tant d’années et qu’il n’était pas possible de mettre en place à l’échelle de l’Europe.
Ces résultats, nous les avons obtenus grâce au vote des Français. Mais nous souhaitons aller plus loin : après la ratification du traité européen, que, je l’espère, le Parlement autorisera, un débat devra s’ouvrir entre les dirigeants européens en vue de concilier la nécessaire maîtrise des comptes publics, la lutte contre la dette et les déficits et la mise en œuvre d’initiatives pour la croissance.
À cet égard, le Conseil européen des 28 et 29 juin a permis une avancée, mais elle n’est pas suffisante. L’Espagne, l’Italie partagent nos attentes en la matière.
Sur ce plan, nous comptons aussi sur le soutien du Parlement. Nous verrons ce que vous direz sur ce sujet, monsieur Raffarin, mais la réorientation de l’Europe vers la croissance est une nécessité. Nous y prendrons toute notre part, mais c’est la responsabilité historique de l’ensemble des dirigeants européens : il y va de l’avenir du projet européen ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
psa aulnay
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif.
Avant son élection, M. le Président de la République avait déclaré aux salariés de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois : « Après le 6 mai, si les Français me choisissent, nous aurons rendez-vous. » Le rendez-vous n’a pas tardé : les effets de la crise que connaît le secteur automobile, aggravés par des difficultés spécifiques à une entreprise qui a choisi, et c’est heureux, de concentrer sa production en France, ont conduit à l’annonce d’un plan social de grande ampleur.
Certes, PSA s’est engagé à ne procéder à aucun licenciement sec. Mais ce plan est un traumatisme fort pour les salariés de l’entreprise. Nous en mesurons les conséquences pour eux, comme pour le territoire qui accueille le site d’Aulnay et l’ensemble du département de la Seine-Saint-Denis. La fermeture de ce site est un sujet de portée nationale.
À la suite de compromis négociés entre les salariés et l’entreprise, le site de Sevelnord sera, au contraire, pérennisé. C’est un sujet que ma collègue Valérie Létard a suivi de près.
Ce contre-exemple doit nous fournir une base de discussion pour l’ensemble des sujets industriels. Il faut préférer la négociation à l’outrance, le dialogue à la mise en cause, l’adaptation négociée aux rodomontades sans suite. Monsieur le ministre, on ne peut pas jouer avec le désespoir des salariés et d’un territoire qui souffrent.
Au mois de juillet, M. le Président de la République considérait ce plan « inacceptable en l’état ». Dimanche soir, sur TF1, il a finalement appelé à « trouver des compromis », pour qu’il y ait « moins d’emplois supprimés et plus de reconversions ».
Vous demandez maintenant, monsieur le ministre, l’organisation de réunions tripartites. N’auriez-vous pas dû appeler ainsi au dialogue dès le départ ?
« Renégocier, reformater et réduire le plan social », dites-vous ; oui, sans doute, mais, dès lors que votre propre expert juge ce plan légitime et quasiment inévitable, n’est-ce pas vous compliquer la tâche ? Sur un sujet aussi douloureux, on peine à percevoir votre stratégie, monsieur le ministre.
Comme il s’agit de dialogue social, j’ai écouté avec attention les déclarations des syndicats.
« M. Montebourg nous a dit avant l’été : “Je vais tout casser, je vais tout empêcher, c’est inadmissible.” Il a donné de l’espoir aux salariés de Peugeot et aujourd’hui il nous dit : “Calmez-vous, soyez raisonnables.” Au lieu de se prendre pour un super-syndicaliste, je pense que le rôle du ministre était plutôt de regarder la réalité en face et les difficultés telles qu’elles existent. »
Ces phrases, qui peuvent paraître provocantes, ne sont pas de moi : elles sont du secrétaire général de la CFDT, M. François Chérèque.
Monsieur le ministre, quelle est, enfin, votre politique, celle du Gouvernement s’agissant du site PSA d’Aulnay ? Quand tiendrez-vous aux salariés un langage de vérité ? Quand parlerez-vous de dialogue social, de compétitivité, de revitalisation du territoire, de maintien de l’emploi et d’accompagnement exigeant des reconversions ? (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les conditions dans lesquelles le Gouvernement fait face à un plan social massif qui a choqué les Français et traumatisé les salariés de PSA, inquiets pour l’avenir de leur entreprise.
Le Gouvernement a d’abord choisi de faire la lumière sur les raisons pour lesquelles le groupe PSA en est arrivé là. Après en avoir informé les organisations syndicales et les élus territoriaux des régions concernées, il a chargé M. Emmanuel Sartorius, ingénieur général des mines, d’étudier la situation.
Le rapport de M. Sartorius, qui résulte d’un travail d’équipe très approfondi, souligne d’abord clairement que le groupe PSA est confronté à des difficultés sérieuses. Je rappelle que les partenaires sociaux n’étaient pas d'accord sur ce diagnostic avant l’été. Il est important que nous soyons au clair sur cette question, pour éviter de nous tromper. En particulier, le Gouvernement doit pouvoir adopter le bon positionnement face à un plan social très douloureux. Nous devons aider non seulement les salariés qui risquent de perdre leur emploi, mais aussi ceux qui resteront dans l’entreprise et doivent pouvoir compter sur un rebond, une relance de PSA.
En outre, le rapport émet un certain nombre de jugements très sévères à l’égard de la direction de PSA, confirmant ainsi ceux que j’avais portés au mois de juillet. Je vous invite à le lire ! Vous y découvrirez comment des erreurs commises par la direction ont conduit PSA à la situation actuelle.
Mais ce qui importe, ce n’est pas le passé, c’est de définir comment affronter ensemble l’avenir.
En juillet, le Gouvernement a indiqué qu’il souhaitait que le plan soit renégocié, reformaté, rediscuté. Il n’a pas changé de langage aujourd'hui. La seule différence, c’est que nous savons maintenant que des difficultés sérieuses touchent le groupe PSA. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Yves Pozzo di Borgo. Parce que vous ne le saviez pas déjà ?
M. Arnaud Montebourg, ministre. Dans le cadre de cet exercice de reformatage, auquel doivent être associés à la fois les partenaires sociaux – c'est-à-dire la direction de PSA, les salariés et leurs représentants syndicaux –, les élus territoriaux et le Gouvernement, il faut trouver les moyens de limiter ce plan social à ce qui est strictement nécessaire à la survie de l’entreprise.
C’est ce que le Président de la République a dit, c’est ce que j’ai déclaré devant l’ensemble des partenaires sociaux, c’est ce que je m’apprête à souligner cet après-midi devant M. Varin, le président du groupe PSA.
Enfin, nous devons y voir clair sur la stratégie de PSA pour rebondir. Plusieurs questions sont soulevées dans le rapport. L’alliance avec General Motors est-elle pertinente ? Un certain nombre d’investissements, notamment en matière de recherche-développement, ne sont pas au rendez-vous. Ce sont autant de sujets qui nous préoccupent et dont nous discutons avec la direction.
La bataille de la négociation commence donc.
M. Alain Gournac. Et le site d’Aulnay va fermer quand même !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Il est nécessaire que les forces de la nation se rassemblent pour sauver PSA, qu’il s’agisse des partenaires sociaux, de la direction du groupe, des élus territoriaux ou, bien sûr, du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
déplacement du président de la république à rennes
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Ma question s’adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le ministre, le monde agricole et rural souffre. . Les revenus des agriculteurs sont trop bas. Au cours des dix dernières années, la France a perdu le quart de ses exploitations agricoles Il faut tout faire pour enrayer cette hémorragie. Les agriculteurs nous font vivre ; ils nourrissent nos concitoyens et sont des acteurs indispensables de l’aménagement du territoire. Nous devons affirmer ensemble, à la Haute Assemblée, que ces hommes et ces femmes sont nécessaires à la France.
La hausse inquiétante des cours mondiaux des céréales nous fait craindre de revivre le scénario de 2007-2008, marqué par une flambée généralisée des prix des matières premières.
Du fait de la sécheresse aux États-Unis et des mauvaises récoltes en Russie et en Ukraine, on note aujourd'hui une hausse très importante des cours du maïs, du soja ou du blé, ce qui a des conséquences pour l’approvisionnement de notre pays.
Par le renchérissement du coût de l’alimentation pour les animaux et des coûts de production de la viande et du lait, cette situation met en difficulté l’ensemble des filières. Le secteur de l’élevage en est la principale victime, alors qu’il représente beaucoup d’emplois directs, mais aussi d’emplois indirects dans l’agroalimentaire. Les revenus des éleveurs, déjà très faibles, sont susceptibles de diminuer encore.
La bataille pour l’emploi, dont le Gouvernement a fait une priorité, doit également concerner l’agriculture et l’agroalimentaire.
Encore une fois, se pose la question de l’avenir de l’élevage dans notre pays, du fait de notre grande dépendance aux importations d’aliments pour animaux.
Encore une fois, se pose la question d’un rééquilibrage des aides agricoles dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, la PAC, pour plus de justice entre les filières.
Encore une fois, se pose la question de la mise en place d’une régulation des marchés agricoles mondiaux, qui demeure une des solutions pour l’agriculture.
Et je ne parle pas du loup, qui attaque certains troupeaux et laisse nos éleveurs dans la détresse ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP. – Murmures sur les travées du groupe écologiste.) Il est temps de choisir entre le pastoralisme et le prédateur ; la cohabitation est impossible !
Mardi, à Rennes, le Président de la République a réaffirmé son attachement au monde agricole. Il a affiché sa volonté de faire de l’agriculture un secteur d’avenir, un moteur de la croissance. Ce discours a été salué par la profession agricole.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le plan d’action gouvernemental face à la hausse des prix des céréales ? Par ailleurs, où en sont les négociations européennes sur la réforme de la PAC ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, l’agriculture et l’agroalimentaire sont effectivement des secteurs économiques majeurs pour notre pays. Nous partageons un objectif : il faut préserver leurs atouts, développer leurs potentialités et leur ouvrir des perspectives.
Vous avez fait référence à la flambée des prix des céréales, qui aboutit à une situation paradoxale : alors que certaines exploitations tirent aujourd’hui profit de cette envolée des cours, d’autres, notamment dans le secteur de l’élevage, voient leurs coûts de production augmenter.
Il faut donc aborder cette situation en prenant en compte toutes ses conséquences, et apporter des réponses à la fois pour le court terme et le moyen terme.
Pour le moyen terme, une action à l’échelle mondiale doit être menée face aux problèmes posés par la volatilité des prix. Nous avons activé pour la première fois des outils dont la mise en place avait été négociée dans le cadre du G20. Il est essentiel de coordonner les politiques à l’échelle mondiale en vue d’éviter que les prix ne continuent de flamber.
Dans cette perspective, nous allons poursuivre la concertation au sein du G20. Une rencontre est prévue la semaine prochaine avec le directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO. Je me rendrai à Rome pour participer au sommet du Comité de la sécurité alimentaire mondiale, et nous allons œuvrer pour réunir le forum de réaction rapide.
Quant à l’Europe, elle a du retard sur ce sujet, en particulier sur la question de la spéculation financière, laquelle vient se conjuguer au déficit de l’offre sur le marché et amplifier les phénomènes de volatilité des prix.
C’est pourquoi le Gouvernement a décidé de soutenir les propositions qui vont être formulées pour lutter contre les positions spéculatives, sur la base d’ailleurs d’un texte ayant été déposé par le commissaire européen Michel Barnier. Nous allons agir pour faire en sorte que l’Europe soit à la hauteur des enjeux et évite que la spéculation ne vienne aggraver l’évolution des prix agricoles.
Sur le plan national, l’enjeu est d’assurer une solidarité entre les céréaliers et les éleveurs, notamment par le biais de la contribution volontaire, dont il faut saluer la mise en place, que nous avons encouragée.
Cela étant, nous devons également engager des moyens pour permettre aux éleveurs de franchir la période difficile qu’ils traversent aujourd'hui. Un accord a été passé avec les banques pour qu’elles leur viennent en aide directement et individuellement. Dans le même esprit, il a été demandé à la Mutualité sociale agricole d’accorder un report du versement d’une partie des cotisations.
J’ajoute qu’il est nécessaire, dans notre pays, d’améliorer les conditions de contractualisation, c'est-à-dire de négociation, entre les différents échelons des filières : production, transformation, distribution. À cette fin, je réunirai dans les prochaines semaines une conférence sur la question des nouveaux modèles de contractualisation, qui rassemblera transformateurs, producteurs et grands distributeurs.
Tels sont les éléments dont je souhaitais vous faire part, monsieur le sénateur. Nous avons le même objectif : défendre l’agriculture et l’élevage, ouvrir des perspectives ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Excellente réponse !
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger aujourd’hui sur le problème que pose la présence des Roms sur notre territoire.
C’est, incontestablement, une question de misère humaine, mais c’est aussi, et surtout, un problème de réseaux mafieux, de respect de l’ordre public et, très prosaïquement, de respect des riverains des camps de Roms ou des habitants de notre pays qui sont victimes d’une délinquance importée portant gravement atteinte à la tranquillité publique de nos concitoyens.
Mme Éliane Assassi. C’est scandaleux de dire cela, monsieur Nègre !
M. Louis Nègre. Monsieur le ministre, en donnant l’ordre de démanteler ces camps sauvages et illégaux, qui sont à proprement parler des zones de non-droit, vous n’avez fait que votre devoir. Vous avez même réussi à faire démanteler un campement de Roms avant toute décision de justice… Nous n’en demandions pas tant ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mais, au-delà du démantèlement de ces installations sauvages, qui est une opération certes nécessaire et légitime dans un État de droit, mais par définition ponctuelle, le problème de fond de l’afflux de ces migrants économiques en temps de crise se pose.
Ma question sera triple.
Premièrement, eu égard à l’action menée à Évry, tout maire peut-il demander, y compris en l’absence de décision judiciaire, le démantèlement d’un campement de Roms ? Plus largement, quelle politique entendez-vous mener à l’égard du demi-millier de campements illégaux recensés en France ?
Deuxièmement, n’est-il pas inconséquent et incohérent d’avoir ouvert le marché du travail à ces populations, à l’heure où 3 millions de personnes sont à la recherche d’un emploi et où il nous manque des centaines de milliers de logements pour satisfaire les besoins de ceux qui résident régulièrement sur notre territoire ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme Catherine Procaccia. Tout à fait !
M. David Assouline. C’est honteux de dire ça !
M. Louis Nègre. N’est-ce pas aggraver la situation des uns et des autres ?
Enfin, l’arrivée de ces Roms coïncide avec une importante augmentation de la délinquance juvénile, qui porte gravement atteinte à la tranquillité publique et à la sécurité à laquelle aspirent tous nos concitoyens. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Didier Boulaud. En voilà un qui est bien de droite !
Mme Éliane Assassi. Et même d’extrême droite !
M. Louis Nègre. Monsieur le ministre, l’explosion du nombre des infractions cet été dans ma région risque de faire naître un sentiment de rejet à l’égard des populations d’origine immigrée, bien au-delà des seuls Roms, d’autant que la justice des mineurs est inopérante en la matière.
Mme Éliane Assassi. Et allez !
M. David Assouline. Le temps de parole est écoulé !
M. Louis Nègre. Monsieur Assouline, tout à l’heure, lorsque l’un des vôtres a dépassé le temps de parole qui lui était imparti, vous ne lui avez fait aucune remarque ! Il n’y a pas deux poids, deux mesures ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure.
M. Louis Nègre. Ma troisième et dernière question sera la suivante : quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il prendre pour juguler efficacement cette délinquance juvénile, destructrice de la paix sociale ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, Bernard Cazeneuve et moi-même revenons juste de Roumanie. Notre rencontre avec les autorités roumaines a été positive et constructive. Un nouveau climat a été créé.
Je veux saluer l’engagement des autorités roumaines, qui nous ont assuré que leur pays ne se dérobera pas face à ses responsabilités. C’est à ce niveau que les problèmes se règlent.
Mme Dominique Gillot. Oui !
M. Manuel Valls, ministre. Il s’agit de mettre en œuvre des projets concrets. Hier, nous avons signé un accord-cadre avec l’OFII, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, pour le financement d’un certain nombre de projets qui permettront d’aider à la réinsertion, en Roumanie, des familles rapatriées.
La France assume elle aussi ses responsabilités. La ligne de conduite du Gouvernement de Jean-Marc Ayrault est claire.
D’abord, il faut agir à l’échelon européen. Ce sujet est inscrit à l’ordre du jour du prochain Conseil « affaires générales ». Nous menons en outre un dialogue constructif avec la Commission européenne.
Il convient également de faire preuve de fermeté. Les évacuations de campements illicites se poursuivront,…
Mme Catherine Procaccia. Très bien !
M. Manuel Valls, ministre. … que ce soit en application de décisions de justice ou pour mettre fin à des situations de danger ou de risque sanitaire.
M. Alain Gournac. Très bien ! Il faudra le faire !
M. Manuel Valls, ministre. La France ne peut accepter l’existence de bidonvilles sur son territoire. Maintenir ces populations dans des conditions de vie indignes, et souvent à la merci des réseaux mafieux, ne constitue en aucun cas une solution.
Par ailleurs, le respect de la dignité des personnes est impératif. La concertation avec les acteurs locaux et la mise en place de dispositifs d’accompagnement doivent être recherchées. Je vous renvoie à la circulaire ministérielle du 26 août dernier, signée par sept membres du Gouvernement, qui permet d’envisager des actions de réinsertion par le logement, par l’école et par l’emploi.
La France respecte le cadre européen. À cet égard, monsieur le sénateur, notre pays aurait, de toute façon, été amené à ouvrir son marché du travail à ces populations. Après ce qu’a dit tout à l’heure M. Raffarin sur l’engagement de la France dans l’Europe, vous ne pouvez remettre en cause une obligation qui découle de cet engagement. Cela paraît tout à fait contradictoire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, à la demande du Premier ministre, nous allons travailler sur la question de l’aide au retour, laquelle engendre incontestablement un certain nombre d’effets pervers.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Manuel Valls, ministre. Cependant, nous l’étudierons tranquillement.
Monsieur le sénateur, sur ce sujet aussi, nous avons trouvé à notre arrivée des questions qui n’avaient été en aucun cas réglées par le précédent gouvernement, en dépit du funeste discours de Grenoble de 2010…
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. Manuel Valls, ministre. … et de toute une série de proclamations n’ayant jamais été suivies d’effet, comme nous avons pu le constater en Roumanie ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Oui, monsieur le sénateur, il faut lutter contre la délinquance, contre les réseaux mafieux et familiaux. À cette fin, nous avons renouvelé la coopération avec le gouvernement roumain, afin de l’étendre à d’autres villes que Paris et de mettre en place des équipes communes de policiers et d’enquêteurs. Il est essentiel de lutter contre l’exploitation de la misère humaine ; nous ne pouvons tolérer l’exploitation de mineurs ou de femmes dans notre pays. Soyez assuré que nous serons fermes sur cette question.
La ligne du Gouvernement est claire : pas de stigmatisation, pas d’utilisation du sujet à des fins populistes, mais des réponses concrètes, fermes et faisant honneur aux valeurs de la France ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
lutte contre les discriminations
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Ma question s'adresse à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
Il y a dix ans, dans la nuit du 13 au 14 septembre 2002, François Chenu mourait assassiné, au seul motif qu’il était homosexuel.
Dix ans après ce crime odieux, le Premier ministre vous confie, madame la ministre, une mission de lutte contre l’homophobie. Nous ne pouvons que nous en féliciter, tant cette question est importante.
S’il nous faut avancer concrètement vers l’égalité pour toutes et tous dans notre pays, le droit au mariage et à l’adoption étant un premier pas dans cette voie, notre détermination doit aussi contribuer à favoriser le droit à la différence partout où des personnes sont condamnées pour aimer quelqu’un de leur sexe.
Faut-il le rappeler, les personnes homosexuelles ou transsexuelles sont particulièrement exposées aux violences, sous toutes leurs formes. L’homophobie, la transphobie, la lesbophobie comptent d’ailleurs parmi les premières causes de suicide chez les jeunes. Il nous faut donc agir !
Des textes existent sur les plans national et européen. Il manque, toutefois, une action transversale et coordonnée, d’où la mission que le Premier ministre vient de vous confier.
En matière de discrimination, ce sont toujours les mêmes mécanismes de domination, de rejet et de mépris de l’autre qui sont à l’œuvre. Je ne doute pas, madame la ministre, de votre volonté à agir sur ces sujets qui relèvent de vos compétences.
La résolution du Conseil de l’Europe relative à la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre souligne que le manque de connaissance et de compréhension du sujet constitue un défi devant être relevé par les États et que l’éradication de l’homophobie et de la transphobie nécessite une volonté politique pour mettre en œuvre une approche cohérente en matière de droits de l’homme et prendre un vaste éventail d’initiatives.
Je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir nous indiquer comment vous comptez agir pour lutter efficacement contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle et au genre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir évoqué la mémoire de François Chenu, sauvagement assassiné voilà dix ans à Reims. Ce crime odieux marque encore nos esprits. Qu’il me soit permis, à cet instant, d’avoir une pensée pour sa famille.
Au-delà des belles avancées en faveur de l’égalité des personnes, quelle que soit leur orientation sexuelle, que permettra le texte qui vous sera présenté par mes collègues Christiane Taubira et Dominique Bertinotti, le Gouvernement est déterminé à agir pour lutter contre toutes les formes de violence et de discrimination.
Au cours des dix dernières années, un homosexuel sur quatre a subi des violences physiques en raison de son orientation sexuelle : c’est dire combien notre société reste chargée d’une violence sourde, nourrie par des stéréotypes en tous genres. Nous sommes résolus à lutter sans concession contre ces stéréotypes, ces discriminations, ces violences ! De la sorte, nous ferons reculer les archaïsmes dans tous les domaines, qu’il s’agisse de l’éducation, du sport, du travail ou de la santé. C’est bien de cela qu’il s’agit.
Dans cet esprit, le Premier ministre m’a confié la mission d’animer le travail du Gouvernement sur ces questions. Vous pouvez compter sur moi pour mobiliser l’ensemble des administrations compétentes, en lien avec mes collègues. Il s’agira de traduire en action la détermination du Gouvernement.
D’ores et déjà, je puis vous assurer que nous œuvrons, aux Nations unies, pour relancer la dynamique en faveur de la dépénalisation universelle de l’homosexualité.
Nous travaillerons également pour que, en France, les victimes de ces violences n’hésitent plus à déposer plainte, pour qu’elles soient accompagnées et mieux protégées qu’elles ne le sont aujourd’hui.
Nous savons que les premières victimes sont les plus jeunes, au sein de leur propre famille, à l’école, dans leur quartier. Il faudra, à cet égard, mobiliser des moyens pour travailler sur le terrain, en faisant montre à la fois de pédagogie et de fermeté.
Une très large concertation a été lancée en vue d’élaborer un plan d’action global d’ici à la fin du mois d’octobre. Les associations, le monde de l’éducation, les élus locaux, les parlementaires seront associés à la réflexion.
Je sais que, sur toutes les travées de votre assemblée, des propositions ambitieuses ont été avancées sur ces sujets. Je compte sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour nous accompagner dans cette belle tâche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP, de l'UCR et du RDSE.)