Mme Valérie Létard. Lorsque le sous-sol d’une opération immobilière justifie le lancement d’un chantier de fouilles archéologiques, les collectivités n’en maîtrisent ni la durée ni le coût. Il serait donc logique que ce dernier, tout comme celui des opérations de dépollution, soit décompté du prélèvement lorsqu’il est prescrit dans le cadre de la construction de logements sociaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Nous avons eu un débat sur ce point en commission.
Aujourd’hui, la commune peut déduire les frais de viabilisation ou de dépollution des terrains mis ensuite à disposition pour la construction de logement social du prélèvement opéré au titre de l’article 55. Valérie Létard propose d’ajouter la déduction des coûts liés aux fouilles archéologiques.
Je m’interroge sur cet amendement et je souhaite donc entendre la position de Mme la ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Le Gouvernement pourrait émettre un avis favorable sur la partie de l’amendement relative aux fouilles archéologiques.
En revanche, la question de la dépollution est prise en compte par les aménageurs dans le cadre d’une opération, au même titre que des fondations spéciales, par exemple. La partie de l’amendement qui fait référence à la dépollution me semble donc inutile.
Si vous acceptiez de modifier votre amendement, madame Létard, l’avis du Gouvernement pourrait donc être favorable.
Mme la présidente. Madame Létard, que pensez-vous de la proposition de Mme la ministre ?
Mme Valérie Létard. Mon souhait est de compléter les outils qui sont déjà prévus par une prise en compte du coût des fouilles.
Si vous émettez un avis favorable sur cette question des fouilles, je suis bien évidemment prête à rectifier cet amendement dans le sens que vous souhaitez, madame la ministre.
Je voudrais simplement livrer un témoignage. Sur le territoire de ma commune, nous avons lancé un programme d’aménagement global à vocation économique et de recherche-développement. Pour 6 millions d’euros de travaux, nous avons 6 millions d’euros de fouilles, et pas un euro de financement de l’État, puisqu’il n’y a plus de crédits sur cette ligne budgétaire. Imaginez le même scénario pour un programme de construction de logements sur des terrains disponibles : on ne peut tout simplement pas s’en sortir. Il faut donc que nous puissions déduire ces coûts.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. J’aimerais être sûr de bien comprendre.
L’alinéa 4 de l’article 6 du projet de loi prévoit de modifier l’article L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation en insérant, après le mot « viabilisation », les mots « ou de dépollution ». Si je comprends bien, Mme Létard propose d’ajouter, après ces derniers termes, les mots « et de fouilles archéologiques ».
Mais ce n’est pas exactement le raisonnement que vient de tenir Mme la ministre. Pourriez-vous m’éclairer ?
Mme la présidente. Le mot « dépollution » figure déjà dans le projet de loi, madame la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre. Cela pose un problème, en effet. Serait-il possible de réserver le vote sur cet amendement ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Il n’y a pas d’opposition ?...
Le vote sur l’amendement n° 41 rectifié est réservé.
Nous poursuivons donc avec l’amendement n° 11, présenté par Mme N. Goulet, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
« de dépollution »
insérer les mots :
et après les mots : « réalisation de logements sociaux, » sont insérés les mots : « des frais et honoraires liés à l’élaboration des documents d’urbanisme, »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. L’article 6 vise à modifier les modalités de calcul et l’affectation du prélèvement opéré sur les ressources fiscales des communes soumises à l’article 55 de la loi SRU.
Pour ma part, je souhaite, à travers cet amendement, ajouter la possibilité de déduire du prélèvement les « frais et honoraires liés à l’élaboration des documents d’urbanisme », au même titre que les frais liés à la dépollution et à l’archéologie préventive.
En effet, sans document d’urbanisme, il est extrêmement difficile de pouvoir procéder à des constructions et des délivrances de permis de construire. Or ces frais et honoraires restent toujours à la charge des communes.
M. Philippe Dallier. C’est too much ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Notre collègue Philippe Dallier aura réagi avant moi, mais je pense en effet que cet amendement va un peu loin.
Il vise à ce que puissent être déduits du prélèvement opéré sur les ressources fiscales des communes soumises à l’article 55 les frais et honoraires liés à l’élaboration des documents d’urbanisme.
Tout le monde sait que ces documents – PLU, carte communale, POS, etc. – coûtent cher, d’autant que l’État ne dispose plus de services compétents en la matière. Les collectivités sont donc obligées de faire appel à des bureaux d’études privés spécialisés. (Mme Nathalie Goulet opine.) Et il est vrai que l’on ne cesse d’exiger de nouveaux documents – je pense notamment au projet d’aménagement et de développement durable, ou PADD.
Toutefois, ces documents d’urbanisme sont obligatoires pour les communes et ne sont pas seulement liés à des opérations de construction de logements à caractère modéré, comme le souligne le président François Rebsamen.
Je rappelle simplement que l’objectif de l’article 55 est de soutenir la construction de logements locatifs sociaux. Les déductions prévues par le code de la construction et de l’habitation sont toutes liées à cet objectif, qu’il s’agisse de donner ou de subventionner le foncier, de contribuer à la viabilisation du terrain ou de participer à la réalisation de l’assainissement. Ces déductions me semblent logiques.
En revanche, la déduction des frais d’études me paraît quelque peu exagérée, ma chère collègue.
En conséquence, l'avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Dallier. Il s’agissait juste d’un anglicisme ! (Sourires.)
Mme Cécile Duflot, ministre. … je pense en effet que la déduction des frais d’établissement des documents d’urbanisme est quelque peu exagérée, sauf à déduire de nombreuses autres charges supportées par les communes.
En conséquence, je vous suggère de retirer cet amendement, madame la sénatrice. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Madame Goulet, l'amendement n° 11 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement m’a été inspiré par une tournée de communes.
En France, 2 888 communes de plus de 3 500 habitants n’ont pas encore élaboré de documents d’urbanisme. Ce n’est pas rien ! Et, selon les chiffres de la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, consultés ce matin même, sur 36 000 communes, 11 045 n’ont pas de documents d’urbanisme.
Lorsque ces communes intégreront les intercommunalités dans le cadre de la réforme territoriale, il faudra bien qu’elles élaborent des documents d’urbanisme.
Les communes les plus rurales souhaitent également construire des logements sociaux et je ne voulais pas manquer l’occasion qui m’était offerte aujourd’hui de rappeler, comme l’a d’ailleurs très justement souligné le rapporteur, que les communes n’ont plus de services de l’État à leur disposition. Or l’on sait que le recours à des cabinets privés coûte une fortune.
Aucun document d’urbanisme ne peut être délivré sans carte communale. C’est parfaitement normal, mais ce sont autant de frais à la charge des communes.
Je ne pouvais manquer une si belle occasion de rappeler les problèmes rencontrés par les communes pour se faire accompagner par les services de l’État dans leur vocation à initier des projets d’urbanisme, notamment des projets qui permettent d’éviter le mitage dans les communes rurales.
Cela étant, je vais retirer cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. François Rebsamen. Je serai extrêmement bref.
Mme Goulet a souligné que ces problèmes étaient liés au désengagement profond de l’État depuis une dizaine d’années, notamment à la disparition totale de ses services compétents en matière d’urbanisme.
M. Philippe Dallier. Mais tout cela va changer, car « le changement, c’est maintenant » ! (Sourires.)
M. François Rebsamen. Malheureusement, on ne pourra pas rebâtir tout ce que vous avez déconstruit en dix ans ! Surtout, on ne pourra pas tout reconstruire en trois mois ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. Mais en deux ans, si !
M. François Rebsamen. Manifestement, nous devrons encore faire preuve de pédagogie sur le sujet et répéter cette évidence…
Pour en revenir à l’amendement n° 11, je vous précise, madame Goulet, que certains EPCI ou SCOT disposent d’agences d’urbanisme qui prennent en charge les frais d’urbanisme que vous indiquez en lieu et place des communes. Je souhaite que dans votre territoire également, l’on agisse ainsi dans l’intérêt des communes, afin de se substituer aux services de l’État qui ont disparu depuis dix ans.
Mme la présidente. L’amendement n° 11 est retiré.
Nous en revenons à l’amendement n° 41 rectifié, dont le vote a été précédemment réservé.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre. Comme vous l’avez remarqué, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai commis tout à l’heure une erreur. J’ai confondu avec la question des délais, qui n’était nullement l’objet de l’amendement.
Je vous présente donc mes excuses et vous indique que le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 41 rectifié, puisque la déduction du coût de la dépollution figure déjà dans le projet de loi et que votre amendement ne vise que les fouilles archéologiques.
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 168, présenté par MM. Dallier, Gilles, Cambon, Bécot, Chatillon et Dassault, Mme Lamure, M. P. Leroy, Mme Procaccia et MM. Karoutchi, Delattre et P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le prélèvement est diminué de moitié pendant trois ans, lorsque la commune ne remplit pas ses obligations au titre de l'article L. 302-5 du fait de la non reconduction par le bailleur de la convention signée avec l'État au titre de l'article L. 351-2 du même code. » ;
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Cet amendement visait à amoindrir le prélèvement pour les communes qui ont été victimes de déconventionnement sauvage.
Toutefois, dès lors que notre assemblée a prévu un avis conforme du maire, je le retire, en accord avec notre collègue Christian Cambon.
Mme la présidente. L'amendement n° 168 est retiré.
L'amendement n° 169, présenté par MM. Dallier, Gilles, Cambon, Bécot, Chatillon et Dassault, Mme Lamure, M. P. Leroy, Mme Procaccia et MM. Karoutchi et P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ° Après le quatrième alinéa sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le prélèvement est diminué du montant de toute dépense exposée par la commune, pendant le pénultième exercice, visant à la mise en place d'un projet de construction de logements sociaux entériné par une délibération du conseil municipal qui doit désigner la ou les parcelles concernées.
« En cas d'acquisition de terrains, la somme déduite est équivalente à 1/15ème du prix d'acquisition du terrain, frais de notaire compris.
« Au moment où l'opération est réalisée, le montant des dépenses exposées par la commune est recalculé pour tenir compte de l'éventuelle moins-value de cession sur les terrains concernant l'opération. Pour déterminer s'il y a ou non moins-value de cession il est tenu compte des 15èmes déjà déduits de la pénalité au titre de l'acquisition des terrains par la commune. Si le total des sommes déjà déduites au titre de cette opération est supérieur au montant déductible recalculé, la commune rembourse la différence.
« Le prélèvement est diminué, lorsque la commune a garanti un ou plusieurs emprunts contractés par un bailleur social en vue de la construction de logements sociaux, du montant de la pénalité dû pour chaque logement social manquant, pour atteindre le seuil des 20 %, multiplié par le nombre de logements prévus dans l'opération. Cette somme est déduite l'année suivante.
« Si le projet de construction est abandonné pour quelque raison que ce soit, ou si aucun début de réalisation n'est constaté dans un délai de six ans suivant la première acquisition, la commune rembourse les sommes déduites de sa pénalité ».
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Cet amendement, bien que radicalement différent du précédent, traite également du problème du prélèvement et vise à prendre en compte certaines situations particulières.
Je rentre un peu dans le détail : on demande aux collectivités de construire. Mais, pour cela, il faut parfois réaliser de la réserve foncière. Dans les communes comme la mienne où la taille moyenne de la parcelle est de 275 mètres carrés, avant de pouvoir réaliser l’acquisition d’une parcelle suffisante pour réaliser une opération, un certain temps peut s’écouler.
D’un côté, on demande à la commune de faire des acquisitions, de l’autre on la prélève. On peut certes exiger du conseil municipal qu’il se prononce sur l’objectif du logement social. Mais, à travers cet amendement, je demande que la commune puisse décompter du prélèvement les sommes qu’elle a engagées en vue de réaliser des opérations.
Bien évidemment, il faudra que l’on puisse vérifier dans un délai donné si ces sommes ont bien été destinées à financer du logement social. Si jamais la commune, pour une raison ou pour une autre, ne menait pas au bout le projet dans les conditions prévues initialement, le prélèvement serait effectué après coup, et la commune ne pourrait y échapper.
L’idée est donc d’aider les communes à remplir leurs obligations. J’en reviens à ce que nous disions lors de l’examen de l’amendement qui a été présenté voilà quelques instants par notre collègue Reichardt. On inflige un prélèvement aux communes même lorsqu’elles sont en train de faire le nécessaire pour remplir leurs obligations. Il y a là en effet quelque chose de dérangeant et de contre-productif.
J’espère, madame la ministre, que vous prêterez une oreille attentive à ce problème.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Si j’ai bien compris, monsieur Dallier, aujourd’hui, vous devez payer des pénalités parce que vous êtes en état de carence en matière de logement social.
M. Philippe Dallier. Non !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. D’accord, vous n’êtes pas en situation de carence, mais vous êtes en train d’investir pour rattraper.
M. André Reichardt. Voilà !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Vous êtes dans la même situation que moi.
Étant dans cette situation, toutes les dépenses liées à la construction de logements sociaux peuvent être déduites du prélèvement. (M. Philippe Dallier fait un signe de dénégation.) Il s’agit du surcoût foncier. Le plus souvent chez nous malheureusement aujourd’hui, nos bailleurs sociaux nous disent : vous nous donnez le terrain. Vous le faites estimer et vous déduisez du montant la valeur vénale du terrain que vous avez donné aux bailleurs sociaux. Vous faites une décote, de 40 % par exemple, vous déduisez son montant. (M. André Reichardt s’exclame.) C’est la loi !
Ensuite, vous êtes obligé d’améliorer la voirie ou peut-être même, parce que vous avez des exigences environnementales, vous voulez effectivement faire du développement durable. Cela a un coût supérieur au coût normal de la production de logements, vous pouvez participer.
Toutes ces dépenses-là, nous sommes bien d’accord, peuvent être déduites du montant de votre prélèvement, il n’y a aucun problème.
M. Philippe Dallier. Si, il y a des problèmes et je viens de vous les exposer !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. C’est un peu le problème qui a été soulevé ici par un certain nombre de nos collègues en disant : on ne rattrape pas, la production sur le terrain ne se voit pas, mais les pénalités ne sont pas payées, ce qui est logique parce qu’il y a des investissements pour acheter des terrains ou améliorer la construction. Donc je ne comprends pas ce que vous demandez.
Votre amendement me semble satisfait et c’est pourquoi j’émets un avis défavorable. Mais peut-être ai-je mal compris compte tenu de l’heure tardive, monsieur Dallier.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. L’objet de l’amendement est assez radicalement différent de la présentation que M. le rapporteur vient d’en faire. Je me suis certainement très mal expliqué. Effectivement, à cette heure tardive, c’est compliqué.
Je pratique ces opérations non pas tous les jours mais tous les ans. Donc je sais très bien de quoi il s’agit et, croyez-moi, je ne cherche pas d’échappatoire.
Nous pouvons effectivement déduire du prélèvement et, mon cher collègue, prenez bien garde à ne pas mélanger prélèvement et pénalité : constat de carence, pénalité !
Le prélèvement est systématique pour toute commune en dessous du seuil de 20 % ; ce sera maintenant en dessous de 25 %.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Nous sommes d’accord !
M. Philippe Dallier. Nous sommes bien dans le premier cas, des communes qui doivent effectivement faire quelque chose et qui cherchent à le faire.
La loi a prévu de nous prélever, avant que l’on ait fait quoi que ce soit, et elle dispose que l’on peut déduire à l’année n les dépenses engagées la pénultième année, justement pour concourir à la réalisation de logements sociaux. Sauf que si la dépense engagée est supérieure au montant du prélèvement, on peut seulement reporter le reliquat sur un an.
Là je vous parle de la nécessité pour les communes de réaliser de la réserve foncière.
Dans ma commune, les parcelles sont en moyenne de 275 mètres carrés. Pour construire un immeuble de logements sociaux, à moins de 500 ou 800 mètres carrés, cela semble assez difficile. Il va donc me falloir du temps pour réaliser les acquisitions nécessaires et tant que l’opération n’est pas débouclée, je ne peux rien déduire. C’est cela que je pointe.
Ce que je souhaiterais, c’est pouvoir déduire une partie seulement chaque année pour ne pas perdre cette possibilité, parce que, si au moment où je déboucle l’opération, la moins-value constatée est de 500 000 euros pour la commune et que mon prélèvement annuel est de 150 000 euros, je vais perdre de l’argent : la première année, je peux déduire 150 000 euros, la deuxième, 150 000 euros – cela fait 300 000 euros – et si j’ai engagé 500 000 euros, les 200 000 euros suivants sont perdus !
Telle est la raison pour laquelle j’ai déposé deux autres amendements visant à proroger d’un an ou de deux ans la possibilité de rattraper la dépense engagée, parce qu’elle est parfois importante, au moment où l’opération se déboucle.
Donc, je vous demande d’aider les communes qui font de la réserve foncière pour construire. Effectivement, le système proposé est un peu complexe, je vous l’accorde, mais j’avais présenté l’amendement sous une législature précédente, il n’avait pas été accepté, mais il est logique et il a un intérêt.
Nous sommes dans le cas de ceux qui font. Or on nous dit : la loi prévoit de vous aider à faire en vous permettant de déduire du prélèvement, sauf que, dans les faits, il y a un certain nombre de cas dans lesquels on perd cette possibilité parce que les choses sont trop contraintes.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Toute municipalité dont le maire est un bon gestionnaire a intérêt – opportunité ou pas – à constituer des réserves foncières pour du logement ou pour autre chose.
M. Philippe Dallier. Quand elle en a les moyens !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Vous faites des réserves foncières à l’année n et votre opération ne pourra se faire qu’à l’année n+5. Entre-temps, le terrain que vous avez acheté l’année n et que vous allez faire estimer l’année n+5 aura une valeur tout à fait différente. C’est logique. Vous ne faites donc pas une mauvaise opération. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Je prendrai mon exemple, nous sommes tous un autre exemple, il faut faire attention.
Je m’adresserai à André Reichardt qui nous a fait des démonstrations assez poussées. Si vous faites partie d’un EPCI, qui n’a pas la délégation « aide à la pierre », mais qui a peut-être un PLH – vous l’évoquiez tout à l’heure – et qui a sans doute pris la compétence foncière, jusqu’à présent, – c’est supprimé et je m’en félicite – il reversait jusqu’à 80 % du montant de la pénalité. C’est la raison pour laquelle nous y mettons un terme.
Il fallait tenir compte de ce reversement dans les démonstrations que vous avez faites auparavant. J’ai bien compris, mais la commission émet tout de même un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur le sénateur, je comprends votre démarche, mais elle s’appuie sur un élément erroné : vous considérez que le prélèvement est une sanction alors que c’est une contribution de solidarité versée par les communes qui ne sont pas au taux fixé par la loi, 25 % bientôt ou 20 % dans certains cas. Tel est l’esprit de la loi. Il n’y a donc pas de raison de décaler ce prélèvement par rapport à la réalité si l’on considère bien qu’il s’agit d’une contribution apportée par les communes ne disposant pas de ce taux minimal de logement social à l’ensemble des autres communes, voire à leur propre réalisation de logement social. C’est un premier point.
Donc il ne faut pas considérer que la sanction est donnée a priori alors que des efforts sont faits, puisqu’il ne s’agit pas d’une sanction.
Deuxième point, – et vous verrez que je suis relativement ouverte s’agissant de vos préoccupations –, la question foncière est intéressante, mais elle comporte d’autres réponses.
Le débat a été engagé, notamment lors de la discussion générale par l’intervention de M. Rome sur les établissements publics fonciers locaux. Il est certain que la constitution de réserves foncières par les communes n’est pas la chose la plus évidente, c’est davantage le rôle des établissements publics fonciers.
Puisque vous évoquez volontiers votre commune, il existe un établissement public foncier régional dont c’est la fonction. (M. Philippe Dallier s’exclame.) Vous m’expliquerez…
M. François Rebsamen. Hors séance !
Mme Cécile Duflot, ministre. Hors séance, en effet. C’est le rôle des établissements publics fonciers régionaux ou locaux, nous allons travailler sur cette question – je m’y suis engagée et nous le ferons, parce c’est absolument nécessaire. C’est davantage leur fonction que celle des communes. Donc la déductibilité a priori elle aussi est rendue difficile par la réalisation des opérations.
L’esprit de la loi, c’est non pas une sanction mais bien une contribution. Voilà pourquoi elle a lieu dès la première année. Par ailleurs, les éléments que vous souhaitez voir pris en compte me semblent pouvoir l’être financièrement autrement que par une déduction sur le prélèvement.
Telle est la raison pour laquelle je suis défavorable à votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Dallier, l’amendement n° 169 est-il maintenu ?
M. Philippe Dallier. C’est trop compliqué, il est trop tard, je retire cet amendement. Madame la ministre, j’ai cru comprendre que vous regarderiez peut-être les deux suivants d’un œil différent… Pour moi, c’était la même logique.
Mme la présidente. L’amendement n° 169 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 166, présenté par MM. Dallier, Gilles, Cambon, Bécot, Chatillon et Dassault, Mme Lamure, M. P. Leroy, Mme Procaccia et MM. Karoutchi, Delattre et P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°À la fin de la première phrase du cinquième alinéa, les mots : « de l’année suivante » sont remplacés par les mots : « des trois années suivantes ».
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Je présenterai en même temps l’amendement n° 167 puisqu’il s’agit d’un amendement de repli.
Mme la présidente. L'amendement n° 167, présenté par MM. Dallier et P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°À la première phrase du cinquième alinéa, les mots : « de l’année suivante » sont remplacés par les mots : « des deux années suivantes » ;
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Philippe Dallier. À l’année n, on déduit ce que l’on a engagé à l’année n-2 et si la somme engagée est supérieure au montant du prélèvement, le reliquat peut être décalé et reporté sur l’année suivante. Si ce n’est que j’ai déjà vécu le cas de figure où les sommes engagées étaient bien supérieures et j’ai perdu la possibilité de déduire du prélèvement.
Mme Catherine Deroche. Absolument !
M. Philippe Dallier. Nous sommes tout à fait dans la logique de la loi. Je demande simplement que, au lieu d’une année supplémentaire, on puisse en avoir trois, et si trois ans vous paraissent trop, alors au moins deux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Je comprends bien la problématique soulevée par ces amendements.
M. Philippe Dallier. C’était la même !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Concernant l’amendement n° 166, la commission émet un avis défavorable, mais sur l’amendement n° 167, qui est un amendement de repli, elle souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement. (Sourires.)