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Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour un rappel au règlement.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, mes chers collègues, je souhaite faire un rappel au règlement concernant l’organisation de nos travaux et les conclusions de la conférence des présidents, sur le fondement de l’article 29 ter du règlement du Sénat.

« Je veux que la prochaine présidence soit celle de l’impartialité de l’État, de l’intégrité des élus et du respect des contre-pouvoirs. » Tels ont été les mots utilisés par un candidat à l’élection présidentielle, dans son programme écrit, pour expliquer aux Français ce que serait le changement.

Nous ne pouvons être que déçus ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) S’agissant du « respect des contre-pouvoirs », que de dénis et d’atteintes aux droits fondamentaux du Parlement ! Depuis quatre mois, le Gouvernement, votre gouvernement, nous raconte de belles histoires, un conte de fées qui pourrait s’intituler Monsieur Vidalies au pays des merveilles ; mais, vous le savez, mes chers collègues, au pays des merveilles, le monde est surréaliste et, surtout, le temps y est déréglé !

Mes chers collègues, depuis quatre mois, les Français attendent des réponses et le Gouvernement ne fait rien. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Le Président de la République a d’ailleurs dit se donner deux ans pour essayer de réussir. Bref, il ne s’aperçoit pas que le temps presse. Tout d’un coup, sortant de la torpeur estivale, les mêmes courent, comme le lapin d’Alice, on ne sait ni où ni dans quel but, perdant toute cohérence, l’horloge à la main, découvrant subitement leur retard coupable.

Nous avons appris à la fin du mois d’août que, sous le coup de sondages alarmants, le Président de la République convoquerait une session extraordinaire surprise. Une conférence des présidents s’est réunie au Sénat le 5 septembre, alors que le décret de convocation du Parlement en session extraordinaire n’était publié que le matin même. Et il nous a été annoncé pendant la conférence des présidents que ce décret était incomplet. Une rectification est parue le lendemain.

Mes chers collègues, cette rentrée parlementaire, loin de relever du monde merveilleux de la littérature enfantine, ressemble plutôt à un mauvais cauchemar pour notre démocratie parlementaire.

M. David Assouline. Mais qui vous a écrit ça ?

Mme Catherine Troendle. Madame la ministre, les Français ont confié le gouvernement de la France à votre majorité. Il faudrait maintenant cesser d’improviser et vous montrer digne de cette mission !

Pour ce qui concerne le texte que vous nous présentez aujourd’hui, le constat est pis : le mercredi 5 septembre, le conseil des ministres adopte un texte de quinze articles dont l’objet est capital pour les collectivités territoriales que nous représentons. Vous en décidez l’inscription en séance publique moins de six jours plus tard : c’est tout simplement irrespectueux du travail parlementaire (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), d’autant qu’il a été décidé que la commission ne présenterait pas de texte. C’est pourtant une règle constitutionnelle depuis 2008 ! Vous bafouez les droits du Parlement !

À quinze heures, le jour du conseil des ministres, la conférence des présidents du Sénat s’est réunie pour présenter ce calendrier intenable, sans que les sénateurs aient pu avoir en main la copie du texte ou son étude d’impact : comment voulez-vous que nous travaillions ? Cerise sur le gâteau, la procédure accélérée, qui vous permet de contourner tous les délais constitutionnels, n’était toujours pas engagée à cette heure ; elle le fut le soir même à dix-huit heures.

Bref, la conférence des présidents n’a pas été en mesure de se prononcer utilement sur le contenu d’une étude d’impact dont les sénateurs n’avaient pas connaissance ou sur l’engagement d’une procédure accélérée qui n’était pas encore effectivement engagée.

M. Jean-Pierre Michel. C’est long !

Mme Catherine Troendle. Le Gouvernement et sa majorité ont décidé de contourner, comme s’il s’agissait d’une option, le principe de l’article 42 de la Constitution, qui permet à la commission d’élaborer son texte. En ce qui concerne le droit d’amendement, garanti par l’article 44 de la Constitution, il a été violé dès le stade de la commission.

Sachez, mes chers collègues, que notre groupe restera extrêmement vigilant sur les procédures, les délais et les droits constitutionnels qui nous sont reconnus. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, par ce rappel au règlement, je veux exprimer le mécontentement de notre groupe quant à la façon dont a été ouverte la session extraordinaire et quant aux mauvaises conditions de travail des parlementaires.

Nous allons en effet examiner aujourd'hui le projet de loi n° 750 relatif au logement qui a été présenté lors du conseil des ministres de mercredi dernier, c'est-à-dire il y a à peine six jours !

M. Hervé Maurey. Mes chers collègues, vous conviendrez que nous sommes loin des six semaines prévues par la Constitution. D'ailleurs, c’est la première fois depuis la réforme constitutionnelle que nous allons examiner un texte qui est celui non pas de la commission, mais du Gouvernement.

La commission des affaires économiques, saisie au fond, et la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, saisie pour avis, se sont l’une et l’autre réunies ce matin pour nommer leurs rapporteurs respectifs et examiner dans le même temps leurs rapports…

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Non, c’est faux !

M. Hervé Maurey. … qui, je viens de l'apprendre, sont en ligne depuis quelques minutes.

Qui peut penser que l'on fait du travail sérieux dans ces conditions ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Aussi grandes soient leurs qualités, il y a tout lieu de penser que nos rapporteurs n'ont pas exercé dans les meilleures conditions leur mission puisqu'ils n’ont disposé que d'à peine quelques jours pour effectuer leur travail.

Alors que le règlement du Sénat prévoit un délai de quinze jours entre l'examen en commission et l'examen en séance publique, ce délai a finalement été ramené à quelques heures seulement.

Il en va de même pour la conférence des présidents, qui a dû examiner en quelques heures, et non pas dans le délai de dix jours dont elle dispose, l'étude d'impact jointe à ce projet de loi.

M. David Assouline. Cela va plus vite…

M. Hervé Maurey. Mes chers collègues, comment travailler correctement dans ces conditions ? Comment exercer notre droit d'amendement ? Madame la ministre, peut-être nous direz-vous que vous n’avez disposé de guère plus de temps pour travailler correctement. Vous avez ainsi dû retirer très rapidement la liste des sites concernés qui avait été publiée tant elle comportait d'erreurs, la plupart des sites visés étant soit déjà vendus, soit totalement inexploitables.

Les propos du Premier ministre, ici même en juillet, évoquant la nécessité « de laisser du temps aux délibérations du Sénat », semblent bien loin. Et que penser de ceux du Président de la République qui, dans un entretien publié récemment dans le journal Le Monde, déclarait : « Il faut réhabituer les Français à ce que le Parlement soit considéré » ?

Vous avouerez, mes chers collègues, que c'est une drôle de manière de considérer le Parlement que de le traiter ainsi ! C'est d'autant plus choquant que ce n'est pas la première fois que vous agissez ainsi puisque, déjà en juillet, vous avez refusé que la déclaration de politique générale du Premier ministre soit suivie d’un vote, tout comme vous avez également refusé d’inscrire une séance supplémentaire de questions d'actualité au Gouvernement, ce pourquoi vous avez été sanctionnés par le Conseil constitutionnel.

Je ne sais pas si c'est ce que François Hollande appelait, dans ses soixante engagements, « la volonté de renforcer le rôle du Parlement », mais il y a tout lieu d'être inquiet.

Alors, vous allez nous dire qu'il y a urgence ; mais si tel était le cas, madame la ministre, pourquoi n'avons-nous pas examiné ce texte au mois de juillet lors d'une session « extraordinaire » qui ne l'était qu’en raison du peu de textes que vous nous avez présentés ? (Eh oui ! sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

Certes, vous n'avez pas hésité à détricoter des mesures importantes proposées et mises en place par l'ancienne majorité comme la TVA « anti-délocalisation » ou l'exonération des charges sociales sur les heures supplémentaires, que beaucoup regrettent en ce mois de septembre.

Pourquoi, si cela était si urgent, avoir annoncé que nous allions reprendre nos travaux le 25 septembre pour finalement, le 5 septembre, convoquer le Parlement en session extraordinaire six jours plus tard, ce qui est aussi du jamais vu ?

En réalité, madame la ministre, mes chers collègues, vous perdez pied. Jamais en cent jours un président de la République et un gouvernement n'avaient atteint un tel taux d'impopularité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Alors vous vous prenez quelque peu les pieds dans le tapis, et vous voulez bousculer le calendrier. C'est votre affaire. Mais ce qui est grave, c'est qu'en agissant ainsi vous bousculez le Parlement.

Nos collègues de la majorité qui, si souvent, ont pu regretter les procédures accélérées ou les conditions de travail de notre assemblée devraient aujourd'hui se joindre à nous, car la défense des droits du Parlement doit s'exercer non pas uniquement quand on est dans l'opposition, mais aussi et surtout quand on est dans la majorité. (M. David Assouline s’exclame.)

L'énervement de M. Assouline prouve que j'ai raison. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 du règlement.

Comme vous le savez, ce week-end, un drame affreux s’est déroulé à Saint-Denis, au 39, rue Gabriel Péri. Cette tragédie heurte profondément notre morale républicaine.

En dix ans, je vous le rappelle, près de trente personnes sont mortes dans les flammes, et ce uniquement dans le département de Seine-Saint-Denis, parce qu’elles ne pouvaient se loger ailleurs que dans des logements insalubres et indécents.

Nous ne pouvons tolérer plus longtemps l’impunité de fait qui touche les marchands de sommeil. L’histoire nous montre malheureusement que les larmes de crocodile sèchent assez rapidement, laissant la porte toujours ouverte à de nouveaux drames.

Nous examinons aujourd’hui un texte sur le logement, en urgence puisqu’il en a été décidé ainsi.

Nous voulons attirer votre attention sur l’extrême urgence d’agir concrètement pour résorber le logement insalubre afin de garantir la dignité de tous et, bien évidemment, éviter de nouveaux drames.

Nous vous sollicitons donc très officiellement, madame la ministre, pour que vous vous saisissiez de l’occasion qui vous est offerte avec l’examen de ce projet de loi pour avancer des mesures urgentes afin de lutter efficacement contre les marchands de sommeil, notamment en favorisant les procédures d’expropriation pour insalubrité et en renforçant les sanctions contre ces délinquants.

Agir contre ces « voyous » qui prospèrent sur la misère sociale est une urgence morale, sociale et politique.

La réalité est brutale et nécessite que l’ensemble du Gouvernement se mobilise : vos services, bien évidemment, y compris en accordant les crédits nécessaires à la rénovation urbaine, mais également le ministère de l’intérieur, puisque, je vous le rappelle, la section de gendarmerie spécialisée dans la lutte contre les marchands de sommeil en Seine-Saint-Denis a été supprimée par Nicolas Sarkozy.

C’est maintenant que nous devons faire respecter la dignité humaine. Pour cela, une intervention très rapide du Gouvernement est indispensable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur le président, mes chers collègues, j'ai bien entendu les rappels au règlement de nos collègues de l'opposition. J'ai presque envie de dire que, au début d'une session extraordinaire, c'est de bonne guerre. J'ai également envie de dire que, nous aussi, nous aurions sans doute préféré disposer d’un peu plus de temps pour examiner ce texte. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

Cela étant dit, je voudrais relativiser les propos des orateurs précédents. Au cours des dix dernières années, et particulièrement des cinq dernières années, le Sénat et l'Assemblée nationale ont souvent eu à connaître des procédures que je qualifierais d'expéditives. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Il est même arrivé, je vous le rappelle, mes chers collègues, que l’une des deux chambres soit obligée de voter conforme le texte adopté par l’autre chambre. Je pense en particulier à l’importante loi sur le travail le dimanche.

Plusieurs voix sur les travées de l’UMP. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Pierre Caffet. Mes chers collègues, relativisons vos critiques ! Si nous siégeons dès à présent, c'est que la crise s’est aggravée au cours de l'été, particulièrement durant les dernières semaines. Cela ne vous aura pas échappé, non plus qu'à nous. Cette aggravation a touché bien des domaines,…

M. Jean-Claude Lenoir. Les sondages se sont également aggravés !

M. Jean-Pierre Caffet. … notamment le domaine économique et le domaine social. Aussi, en espérant que vous considérez la nouvelle majorité comme légitime – j'ai entendu parler non pas du Président de la République de tous les Français, mais d'un candidat à la présidentielle élu ; pour moi, comme cela devrait être le cas également pour vous, il est devenu le Président de tous les Français –, il appartient désormais à celle-ci de répondre aux attentes manifestes et même à l’impatience du corps social français, en tout cas d'une large majorité de Français.

Le logement et l'emploi sont des préoccupations majeures chez nos concitoyens, et il nous appartient de les prendre en compte. Aussi, ne vous attendez pas à ce que mon groupe et, je l'imagine, les autres groupes de la majorité s'excusent d’avoir avancé au 10 septembre la reprise de nos travaux, en lieu et place du 24 septembre, comme cela était prévu auparavant.

Pour conclure, je veux dire que, plus que dans la normalité, ce quinquennat a commencé dans la dignité. Nous ferons tout pour que cela continue ainsi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, mes chers collègues, il n'est pas tout à fait étonnant que l'opposition réserve à ce premier projet de loi un accueil très politicien.

M. David Assouline. C’est sa mauvaise foi !

M. Ronan Dantec. C'est la règle depuis le début de l'été puisque, au mois d'août, certains regrettaient pratiquement que le Gouvernement prenne des vacances et, maintenant qu’il accélère, les mêmes s’en plaignent ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.) Une fois dans un sens, une fois dans l'autre !

Néanmoins, je veux signaler à nos collègues de l'opposition qu’il est extrêmement important d’adresser aujourd’hui à la société française des signes forts témoignant de notre volonté, le cas échéant collective, d’assurer sa cohésion et d'agir sans tarder sur ce qui la détricote. Dans cette optique, la question du logement est centrale.

Le projet de loi qui vous est aujourd'hui proposé n'est pas un projet de loi-cadre complet sur toutes les questions relatives au logement ; il porte sur un point extrêmement précis sur lequel nous pouvons agir rapidement, à savoir la mobilisation en faveur du foncier.

Mes chers collègues de l'opposition, vous aurez tout le temps de faire des propositions au cours de nos débats. Nous ferions mieux de nous mobiliser sur cette urgence et d’adresser à l’ensemble de la société française un signal de mobilisation sur tout ce qui menace aujourd’hui sa cohésion. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, mes chers collègues, j'ai été frappé par le ton des interventions. À croire que la canicule a pour effet de provoquer des amnésies !

Mme Éliane Assassi. Pas chez tout le monde !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Je ne vous rappellerai pas, comme l'a fait mon camarade et collègue Jean-Pierre Caffet, qu’un certain nombre de textes, dans le passé, ont été examinés sinon en urgence, à tout le moins en suivant des procédures accélérées.

En l’occurrence, le problème du logement est d'une tout autre urgence. De fait, il est quelque peu contradictoire de nous demander d'aller plus vite et de nous le reprocher ensuite.

Madame Troendle, vous me permettrez de corriger l’interprétation que vous avez faite de l’article 42 de la Constitution. Aux termes de cet article, « la discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l’article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l’assemblée a été saisie ». C'est bien cette procédure que nous avons suivie, et ce afin de permettre à nos collègues de réagir par rapport à ce projet de loi et de déposer des amendements. Si un texte avait été déposé ce matin, le temps leur aurait manqué.

En outre, depuis un accord politique datant de 2008, les commissions saisies au fond n’ont pas élaboré de texte sur les propositions émanant de l’opposition sénatoriale. Sans énumérer tous les textes dont les auteurs ont ainsi conservé la paternité, je citerai tout de même les propositions de loi Rebsamen et Sueur, ainsi que celles de nos anciens collègues Daniel Marsin et Nicole Bricq.

En l’espèce, la commission n’a pas élaboré de texte et c’est la proposition de loi initiale qui a été soumise au Sénat, assortie d’amendements émanant du rapporteur. Il n’y a pas eu de texte de la commission à proprement parler. C’est cette procédure que nous avons adoptée.

Enfin, par précaution, la commission a procédé, au mois de juillet dernier, à la désignation de Claude Bérit-Débat en tant que rapporteur du projet de loi relatif au logement qui était attendu, le Sénat ayant déjà abrogé la majoration de 30 % des droits à construire au mois de juillet. Les thèmes du présent projet de loi ont été abordés à la fois en commission et en séance publique, lors de la discussion générale.

À ce sujet, vous ne pouvez pas nous dire, monsieur Maurey, que nous avons agi en catastrophe ! Depuis sa désignation, notre collègue a travaillé sur les textes qui nous seraient éventuellement soumis. Si nous avions retenu la procédure que vous préconisiez, vous n’auriez pu déposer des amendements qu’entre midi et quinze heures, alors que, là, vous avez pu le faire depuis le dépôt du texte jusqu’à l’ouverture de la discussion générale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous donne acte de vos rappels au règlement, qui sont parfaitement légitimes et qui ont vous ont permis d’exprimer vos sentiments et vos inquiétudes.

Je saisis cette occasion, car je ne veux pas rester silencieux, pour répondre à la question que vous m’avez implicitement posée sur ma conception de la mission du président du Sénat, qui est la défense du Sénat.

Défendre le Sénat, c’est d’abord regarder notre institution avec un œil neuf, en la mettant en phase avec les exigences du moment, et faire en sorte que concitoyens posent le même regard sur notre assemblée.

C’est pourquoi j’ai engagé avec le bureau des réformes pour orienter le Sénat vers une plus grande sobriété et assurer un meilleur respect du pluralisme au sein de notre assemblée.

Défendre le Sénat, c’est aussi défendre les collectivités territoriales, que nous représentons, en donnant la parole aux élus locaux, qui en ont été privés trop longtemps.

Les états généraux de la démocratie territoriale, qui se déroulent actuellement dans nos départements, grâce à vous, mes chers collègues, et que nous conclurons les 4 et 5 octobre prochain, permettent aux élus de nos territoires de prendre la parole. Ce temps d’expression indispensable est pour nous le temps de l’écoute, de la prise en considération, afin de mettre en œuvre, par la suite, les réformes les plus appropriées.

Défendre le Sénat, c’est montrer un Sénat en action, en prise directe avec les problèmes concrets de nos concitoyens.

Tous les travaux de contrôle conduits ici au Sénat lors des derniers mois en donnent l’illustration, notamment les nombreux rapports publiés à la suite de la mise en place des commissions d’enquête et des missions d’information émanant de tous les groupes, de vous tous qui y avez participé, ce dont je vous remercie.

Je pense en particulier aux travaux sur le financement de l’hôpital, la réussite à l’école, le handicap, l’évasion fiscale ou l’économie solidaire. Plusieurs de ces rapports feront d’ailleurs l’objet d’un débat au cours de la première semaine du mois d’octobre.

Défendre le Sénat, c’est également regarder la situation de nos concitoyens, leurs souffrances liées au chômage, aux fins de mois de plus en plus difficiles, aux problèmes de logement.

Les questions que nous aurons à traiter au cours de cette session extraordinaire concernent les préoccupations quotidiennes des Français : le logement social, l’emploi et la lutte contre la vie chère dans les outre-mer, dont la situation est encore plus dégradée que dans l’Hexagone.

Ces points sont bien connus du Sénat pour deux raisons : notre assemblée en a souvent déjà débattu, et de nombreuses propositions de loi ont été déposées sur ces sujets.

Oui, mes chers collègues, nous devons défendre les conditions de travail du Sénat, mais, dans un moment où notre peuple est en souffrance, nous devons faire preuve d’un sens des responsabilités et montrer notre capacité à répondre aux préoccupations les plus urgentes des Français.

C’est ce qu’ont fait le président et le rapporteur de la commission des affaires économiques, nos collègues Daniel Raoul et Claude Bérit-Débat, et je les en remercie. C’est, j’en suis sûr, ce que chacun d’entre vous s’apprête à faire. Le Parlement doit prendre toute sa part dans cette action indispensable pour le redressement de la France.

Il nous est arrivé, dans un passé qui n’est pas si lointain, d’examiner dans des conditions de grande urgence des textes visant à sauver le secteur bancaire. Je pense notamment au texte sur la double garantie de l’État à Dexia.

Ce que nous avons fait hier pour des raisons d’urgence financière, nous devons le faire aujourd’hui pour répondre à une urgence sociale.

C’est pourquoi, mes chers collègues, tout en prenant acte de vos remarques, qui, je le répète, sont légitimes, je pense que nous pouvons dès à présent, et dans de bonnes conditions, passer à l’examen du projet de loi et nous mettre tous au travail, au service de l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)