Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou. (M. Joël Bourdin applaudit.)
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, je m’adresserai à vous comme si vous cumuliez les responsabilités du budget et des finances. Vous avez trouvé une situation très difficile, dont vous n’êtes que peu responsable. En revanche, les solutions proposées sont de votre entière responsabilité. Faisons preuve d’optimisme, n’excluons pas que majorité et minorité s’accordent sur des solutions beaucoup plus techniques que politiques.
En cette période où l’intérêt du pays voudrait que nous oubliions les querelles politiciennes, la Cour des comptes peut devenir notre juge de paix,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vrai !
M. Aymeri de Montesquiou. … puisque vous y avez fait référence plusieurs fois dans votre discours. Elle a conclu son audit en exhortant le Gouvernement à réduire simultanément « non pas un, mais deux déficits : le déficit des comptes publics et le déficit de compétitivité ». Pouvez-vous ignorer ses préconisations ?
Pour réduire les déficits publics, vous connaissez les solutions, elles sont difficiles et le temps est compté. Il ne s’agit pas d’aménagement, de window dressing, il s’agit de mettre en œuvre le changement dont vous vous réclamez, de changer notre cadre économique, financier et social. Ayez à l’esprit ces paroles de Pierre Mendès France : « La seule question est de savoir si vous ferez prévaloir [ces vérités] aujourd’hui, dans un esprit de patriotisme désintéressé, ou bien si elles s’improviseront plus tard, après des souffrances nouvelles que nous pouvons éviter, que nous devons éviter. »
Mes professeurs de sciences économiques Piète et Marchal, l’un pro-keynésien et l’autre anti-keynésien, étaient néanmoins d’accord sur une chose : il fallait une répartition équilibrée du PIB entre l’État, les entreprises et les ménages. Or, votre État obèse phagocyte les deux autres acteurs. Votre projet de loi de finances rectificative accentue la charge démesurée supplémentaire qu’ils doivent supporter. Cela correspond-il à votre concept ?
Vous parlez de maîtrise des dépenses publiques, mais c’est insuffisant et vous le savez, monsieur le ministre. Vous devez faire des économies, réduire le train de vie de l’État. Vous avez ciblé trois ministères dans lesquels le nombre de fonctionnaires doit augmenter. Dans quels ministères supprimerez-vous les dizaines de milliers de fonctionnaires, puisque vous affirmez que leur nombre global sera maintenu ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne question !
M. Aymeri de Montesquiou. Ayez à l’esprit ce principe repris à son compte par le président Mitterrand, alors que la croissance était très supérieure à celle d’aujourd’hui : « trop d’impôt tue l’impôt. »
M. Jean-Pierre Caffet. Tout à fait !
M. Aymeri de Montesquiou. Comment entreprises et ménages supporteront-ils la hausse des prélèvements obligatoires ? Avec un taux de 45 % du PIB, nous approchons déjà des records mondiaux !
Je vois dans beaucoup de mesures de ce projet de loi de finances rectificative un risque de stériliser notre économie. Vous taxez les plus aisés, avec raison ; c’est un principe de justice, même les conservateurs britanniques l’ont fait. Mais la contribution exceptionnelle sur la fortune créée par ce projet de loi, s’ajoutant à l’ISF, impôt ringard, frise l’impôt confiscatoire. Les seuls dont les revenus vont augmenter, finalement, ce sont les avocats fiscalistes. Ils ont peut-être même voté socialiste, car ils ne sauraient mordre la main qui va les nourrir…
M. Jean Arthuis. Ils sont à Londres !
M. Aymeri de Montesquiou. En Suède, pays qui a retrouvé l’équilibre budgétaire, un gouvernement socialiste a supprimé l’ISF et les droits de succession, estimant que tout le pays bénéficierait de la présence de créateurs, d’entrepreneurs, d’investisseurs, de citoyens riches.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !
M. Aymeri de Montesquiou. Vous taxez la participation et l’intéressement à l’entreprise, pourtant mesure de cohésion sociale. Vous remettez en cause le dispositif d’exonération des heures supplémentaires, seul aménagement à l’absurdité des 35 heures. Comment voulez-vous favoriser ainsi la production de richesses, a fortiori leur partage ?
Rien ne figure dans ce texte. Il existerait une solution plus douce, la diminution des dépenses fiscales. Un gisement : les niches fiscales, dont l’existence seule démontre combien notre fiscalité est lourde. Il faut agir fort et vite, soit en suivant la Cour des comptes, soit en les baissant de façon uniforme. Autrement, pour défendre chaque niche, on verra se dresser les lobbies les plus divers.
Un mot sur le climat anxiogène entretenu par les déclarations du Président de la République, le 14 juillet : l’accusation totalement erronée de « mensonge » à propos du groupe Peugeot renforce le « je n’aime pas les riches » du candidat Hollande. Le ton et les mots utilisés par le ministre Montebourg ont, eux aussi, meurtri les entrepreneurs, les dirigeants d’entreprise, les investisseurs. On se croirait revenu au temps de Jules Guesde !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Vous réalisez, monsieur le ministre, l’effet négatif d’une telle atmosphère de suspicion, d’accusation, de condamnation. Prenez plutôt exemple sur la retenue des dirigeants syndicaux qui, eux, ont bien compris la difficulté de la tâche et la bonne volonté du président Varin. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) Si la famille Peugeot a touché 78 millions d’euros de dividendes, après deux années sans, elle en a, par le biais d’une augmentation de capital en mars dernier, investi 133 millions. Je ne suis pas leur défenseur, ils n’ont pas besoin de moi, mais, je le répète, ces déclarations blessent et inquiètent tous les entrepreneurs.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bravo !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très bien !
Un sénateur du groupe CRC. Plus que les licenciés ?
M. Aymeri de Montesquiou. Les 35 heures, le retour pour certains à la retraite à soixante ans, l’illisibilité du code général des impôts sans cesse modifié, l’instabilité juridique… Que pensent nos partenaires européens de ces spécificités françaises qui sont autant de handicaps à notre attractivité, à notre compétitivité, à notre crédibilité ?
La question centrale du coût du travail ne peut être esquivée. L’emploi ne se décrète pas, monsieur le ministre, pas plus que la croissance. Je reprends le chiffre du rapport Sartorius de 2011 : l’écart de compétitivité entre la France et l’Allemagne est de 38 % ! Le différentiel des charges se monte à 80 milliards d’euros ! Le coût horaire du travail est de 35 euros en France, 31 euros en Allemagne, 27 euros en Italie, 20 euros au Royaume-Uni et en Espagne. Croyez-vous vraiment que le coût du travail ne soit pas un problème, alors que tout prouve que le poids structurel des charges et des taxes, alourdi par ce projet de loi de finances rectificative, fera reculer notre compétitivité sans laquelle on ne peut équilibrer notre balance commerciale ?
M. David Assouline. Elle ne peut pas reculer, elle n’existe pas !
M. Aymeri de Montesquiou. Déjà, sous Laurent Fabius, Premier ministre, la holding de Renault, société d’État, avait été délocalisée aux Pays-Bas pour éviter la taxation.
L’abrogation de la TVA sociale, qui devait taxer les produits importés et relancer notre compétitivité, est purement idéologique. Cette mesure est l’exact contraire des recommandations de la Cour des comptes, de l’OCDE et de la Commission européenne.
Cette politique fiscale déconcerte nos partenaires. Elle va à l’encontre d’une convergence européenne. Le Gouvernement doit faire preuve de courage, je sais que c’est une qualité qui n’est pas étrangère à M. Cahuzac et qui ne vous est sans doute pas non plus étrangère, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, en prenant des mesures certes très difficiles, mais indispensables. Affranchissez-vous du dogmatisme, cela vous gagnera l’estime d’une partie de l’opposition qui refuse l’idéologie et choisit l’intérêt du pays.
M. François Trucy. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Le monde apparaît de plus en plus comme un marché ouvert non seulement aux capitaux mais aussi aux hommes, à leur talent, à leur intelligence. Ce que leur offre la France aujourd’hui ne peut qu’inciter certains de nos compatriotes à l’exil, les étrangers à ne pas s’installer dans notre pays. Rassurez tous ceux qui sont tentés par l’exode fiscal en supprimant cette taxation de 75 % au dessus du million d’euros de revenus.
Il y a quelques semaines, Le Point titrait « Fini de rire ». Il soulignait ainsi que le programme développé lors de la campagne électorale n’était pas sérieux face à une situation aussi préoccupante. Ce titre s’adressait aussi à l’opposition, qui devait renoncer à la liturgie convenue, « on s’oppose pour s’opposer ». Les politiques gagneraient en respectabilité en ayant une seule préoccupation : l’intérêt du pays.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, prendre le pouvoir est une chose, gouverner en est une autre. Ignorez ceux qui voudront vous rappeler des promesses étrangères à la réalité.
Afin de rapprocher dans une tentative d’œcuménisme majorité et opposition, avec pour seul objectif l’intérêt général, le radical que je suis citera Saint Augustin : « il vaut mieux suivre le bon chemin en boitant que le mauvais d’un pas ferme ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Jean Arthuis et Vincent Delahaye applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où nous entamons l’examen de ce projet de loi de finances rectificative, nous ne pouvons pas ne pas avoir présente à l’esprit la situation économique de l’Espagne, qui emprunte à des taux importants, ainsi que l’annonce de la dégradation des notes allemande et néerlandaise. Ces faits, qui dépassent nos frontières, doivent apporter une profondeur supplémentaire à notre débat. J’entends par là que nous devons cesser de raisonner « hors-sol », car le désendettement est une problématique non pas franco-française, mais internationale et plus spécifiquement européenne.
Il serait illusoire de croire que nous sommes en mesure d’enrayer seuls la crise de la dette. Au niveau européen, la France a pris des engagements. Ils exercent certes une contrainte sur le pouvoir décisionnel national, mais ils confèrent aussi un rôle particulier à la France, qui se doit de respecter de façon exemplaire ses engagements. Comment oublier que le précédent président de la République, M. Cahuzac y a fait allusion, était allé annoncer lui-même qu’il ne respecterait pas les critères de Maastricht, considérant qu’il pouvait excéder les 3 % de déficit pourtant admis par tous, ouvrant ainsi la porte à toutes les dérives.
Plus que jamais, l’objectif de désendettement se conjugue avec les impératifs de discipline, de coopération et de solidarité avec nos partenaires, car la France ne peut pas se permettre d’agir seule. Elle est un pays de l’Union européenne, fière de l’être et responsable avec les autres pays, et peut-être même plus que ses partenaires, du bien-être des peuples de cet espace privilégié, car en paix depuis des décennies.
Dans ce contexte international et européen, malgré tous les sujets qui nous occupent, à juste titre d’ailleurs, reconnaissez, mes chers collègues, qu’il est un sujet qui tient une position centrale, en tout cas à nos yeux : celui de l’emploi. Je n’évoquerai que ce point, faisant miennes les positions du président de notre groupe, François Rebsamen, après les interventions du ministre chargé du budget et de notre rapporteur général, François Marc.
Un chiffre récent a pu nous surprendre : malgré la stagnation de l’activité, 18 300 postes, selon l’INSEE, ont été créés dans le secteur marchand au premier trimestre de 2012. Pourtant, nous savons tous que cette bonne nouvelle en cache de bien moins bonnes. Les marges des entreprises se sont réduites et elles risquent de chercher à les rétablir dans les mois qui viennent en ajustant leurs effectifs à la baisse, et ce d’autant que ce que l’on appelle des « plans sociaux », que l’on devrait peut-être qualifier de « plans de réduction d’effectifs », ont manifestement été retardés du fait des dernières élections. L’affaire PSA n’est-elle pas emblématique de cette situation ?
Avec plus de 4,9 millions d’inscrits à Pôle emploi, soit un actif sur six, et après un an de montée ininterrompue du chômage, c’est pourtant d’abord sur l’emploi que le nouveau gouvernement, celui que nous soutenons, sera jugé.
Le Président de la République s’est engagé à renforcer les moyens du service public de l’emploi, à hauteur de 1 500 à 2 000 postes en contrat à durée indéterminée – chiffres que vous nous préciserez, monsieur le ministre – : c’est indispensable pour désengorger une machine aujourd’hui asphyxiée, mais cela n’aura guère d’impact sur le niveau du chômage. En revanche, la suppression des exonérations sociales et fiscales sur les heures supplémentaires dans les entreprises de plus de vingt salariés, mises en place par la loi TEPA, n’est pas du tout anecdotique.
Durant les Trente Glorieuses, on n’avait pas besoin de subventionner les heures supplémentaires : les entreprises accordaient des heures lorsqu’elles en avaient besoin, parce que cela correspondait à la situation de l’époque, et qu’il fallait rapidement ajuster la qualité et la quantité de travail à la demande de production.
Mais dans la situation présente, alors que le chômage est massif, que les suppressions de postes se multiplient et que les capacités de production sont excédentaires au regard de la demande, la France était sans doute le seul pays au monde à avoir institué un système de destruction d’emplois financé par des fonds publics.
Les socialistes n’ont cessé de le dénoncer depuis 2007 : le dispositif sur les heures supplémentaires, instauré par la loi TEPA, conduisait, pour les entreprises, à rendre les embauches plus chères que le recours aux heures supplémentaires. Nous l’avons déjà dit, et cela sera sans doute répété, ce dispositif freinait l’embauche en période de faible activité. En période de récession, il était une véritable machine à créer des chômeurs.
Pensons à ce qu’ont fait les entreprises allemandes dans le même temps : elles ont réduit le temps de travail pendant que passait l’orage, pour l’allonger une fois l’éclaircie venue.
Certains pays ont supprimé les cotisations appliquées au supplément de salaire offert par l’heure supplémentaire, au motif de l’égalité entre les droits sociaux représentés par une heure normale de travail et une heure supplémentaire. Le précédent gouvernement, au contraire, avait créé une profonde inégalité entre ces deux types d’heure. Les rares pays qui avaient fait de même pour la toute petite fraction de la rémunération procurée par les heures supplémentaires – je pense notamment à l’Italie – ont supprimé ce dispositif, du fait de la période de chômage qu’ils rencontrent actuellement.
De plus, ce mécanisme a démontré son inefficacité totale non seulement en matière d’emplois – il freinait l’embauche et favorisait le chômage – mais aussi en matière d’augmentation du pouvoir d’achat.
Dans la période de crise que nous traversons, ce sont d’abord les Français les plus modestes et, parmi eux, les intérimaires et les travailleurs employés en CDD, qui ont été les premiers à faire les frais de ce dispositif. Le gain de pouvoir d’achat représenté par cette mesure était très inégalement réparti : moins de 40 % de l’ensemble des salariés en ont bénéficié. De plus, les salariés n’avaient aucune prise sur le recours à cet outil : ils faisaient des heures supplémentaires au gré de l’employeur. Au total, le pouvoir d’achat par unité de consommation n’a augmenté que de 0,1 % par an en moyenne entre 2007 et 2010. Il a même reculé en 2011 et au premier trimestre 2012.
Au regard du coût considérable qu’il représentait – 4 milliards d’euros, je le rappelle –, ce système était intenable. Ce sont autant de moyens qui auraient pu être utilisés pour soutenir vraiment l’emploi et le pouvoir d’achat de l’ensemble des Français modestes, qui en sont privés, le gain de pouvoir d’achat obtenu par ceux qui ont un emploi étant compensé par la perte de pouvoir d’achat subie par ceux qui se retrouvent au chômage.
Il était donc juste, monsieur le ministre, que le nouveau gouvernement supprime ce dispositif.
Pour ce qui me concerne, je suis persuadée qu’il sera compris de tous les Français.
Je voudrais, à ce point de mon intervention, m’écarter quelque peu de mon propos. Mesdames, messieurs les sénateurs, qui a dit que les heures supplémentaires seraient supprimées ?
Mme Michèle André. À entendre certains d’entre vous, je pense notamment à l’intervention de M. le président de la commission des finances, mais aussi à celle de notre collègue Fabienne Keller, on a l’impression qu’il n’y aurait plus d’heures supplémentaires.
Vous avez évoqué la situation de l’aide-soignante, dont l’emploi requiert qu’elle effectue des heures de sujétion, l’amenant à travailler un dimanche.
Mme Christiane Demontès. Elle travaillait avant !
Mme Michèle André. Les heures supplémentaires existaient avant, et elles existeront après, évidemment !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui, mais elle percevra moins !
Mme Michèle André. La seule différence est que ces heures seront imposables. Et alors ? Beaucoup de Français ont voté pour le président Hollande en connaissance de cause (M. Jacques-Bernard Magner opine.) : ils savaient qu’ils auraient un effort à faire ! Ils acceptaient ainsi d’y participer, soyons clairs !
Les heures supplémentaires seront donc toujours possibles. Ne faisons pas comme si elles étaient soudainement supprimées.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Payer des impôts quand on touche un salaire est normal !
Mme Michèle André. Voilà ! Quand on touche un salaire, on peut payer des impôts ! C’est d’ailleurs une façon de participer à l’effort pour tous. Je considère que cela sera compris.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette aide-soignante paiera des impôts si elle est imposable ! Si elle est seule avec deux enfants, elle n’en paiera pas.
Mme Michèle André. Ces heures supplémentaires représentent l’équivalent de 400 000 emplois à temps plein sur l’année. En les réduisant de moitié, on peut considérer que l’économie française pourrait créer quelque 200 000 emplois.
En ce qui concerne les emplois publics, le précédent gouvernement avait instauré, dès 2007, la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire d’État partant à la retraite sur deux. Les 155 000 postes ainsi supprimés depuis cinq ans dans la fonction publique d’État ont pesé de façon non négligeable sur le marché du travail, et notamment, nous le savons bien, sur les jeunes diplômés. Le nouveau gouvernement est revenu sur cette règle, et c’est bien ainsi.
L’État s’est engagé à subventionner des emplois aidés destinés à certaines catégories de population : les jeunes, les seniors, les demandeurs d’emploi de longue durée, parmi lesquels figurent, nous le constatons, de nombreuses femmes. Ce système n’est certes pas la panacée mais, dans le contexte dégradé que nous connaissons, il pourrait être utile pour permettre à certains publics en difficulté de mettre le pied à l’étrier et d’éviter des situations d’exclusion difficilement réversibles.
Or le nombre de ces emplois reste encore inférieur, pour l’instant, à ce qu’il était en 2007, avant la crise. De plus, en raison – sans doute ! – des élections, les deux tiers de ceux qui étaient budgétés sur l’ensemble de l’année – soit 240 000 sur 350 000 – ont déjà été consommés au premier semestre. Nous remarquons qu’ils s’appliquaient néanmoins sur de très courtes durées. Leurs titulaires sont ceux qui, grosso modo, viendront grossir les bataillons des chômeurs en juin et juillet.
Le nouveau ministre du travail a donc annoncé qu’il reprendrait le dispositif. De nouveaux types de contrats aidés vont être mis en place. Ils sont destinés à aider les associations, ce qui évitera les effets d’aubaine. Ils seront également dirigés vers les publics fragiles que sont les espaces urbains et les grands espaces ruraux sensibles.
Le contrat de génération verra le jour en 2013, mais nous aurons l’occasion d’en reparler.
Je dirai, pour conclure, que les difficultés économiques et sociales sont là. Pour autant, il importe de veiller à la qualité des conditions de travail et au dialogue dans les services publics et les entreprises de notre pays. Nous ne pouvons notamment pas oublier les effets désastreux des suicides commis dans certaines grandes entreprises. Faisons attention aux salariés de notre pays, car c’est de l’énergie et de la confiance de celles et ceux qui travaillent que dépendra aussi, me semble-t-il, le redressement de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, un premier constat s’impose : le projet de loi de finances rectificative qui nous est soumis aujourd’hui est différent de ceux que le Sénat a eu à examiner ces dernières années.
En effet, pour les derniers gouvernements, tout devait être fait pour accorder des avantages sociaux et fiscaux à ceux qui se situent en haut de l’échelle sociale et, en premier lieu, aux privilégiés de l’argent.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bien sûr…
M. Dominique Watrin. Partant du postulat selon lequel l’enrichissement des riches fait ruisseler l’argent dans la société, jusque dans ses couches les plus démunies – quelle tromperie ! –, l’UMP a multiplié les mesures antisociales, en taxant les Français pour exonérer les riches. Voulez-vous, par exemple, que l’on aborde le sujet du bouclier fiscal, de l’allégement de l’ISF et de bien d’autres mesures encore ? Voulez-vous que l’on évoque l’instauration des franchises médicales, l’augmentation des forfaits, la taxation des accidentés du travail ou encore la surtaxe sur les complémentaires santé ?
Si cette politique était fondamentalement injuste, elle a également entraîné l’explosion du chômage. Elle a accru le déficit de la nation et creusé la dette de la sécurité sociale.
Voici le sens de mon propos : ceux qui, dans le passé, ont soutenu sans rechigner une telle politique sont mal placés pour se poser, aujourd’hui, en avocats du monde du travail.
M. David Assouline. Eh oui !
Mme Annie David. Exactement !
M. Dominique Watrin. Venons-en à un point souvent mis en avant par l’opposition dans ce débat. Je veux bien sûr parler de la suppression des exonérations fiscales et sociales accordées au titre des heures supplémentaires, que la droite a votées dans le cadre de la loi TEPA. Pour quelle efficacité sociale ? Sur une échelle allant de 0 à 3, l’Inspection générale des finances a attribué à cette niche sociale particulièrement coûteuse la note de 1, une note, donc, en dessous de la moyenne.
En réalité, ce sont 100 000 emplois, cela a été dit, qui n’ont pas été créés à cause de cet effet d’aubaine. Les caisses de l’État et celles de la sécurité sociale déboursaient chaque année plus de 3 milliards d’euros pour se priver de créations d’emploi qui auraient rapporté des ressources fiscales et sociales, dont nous avons pourtant besoin.
Je ne parle même pas de la trappe à bas salaires que ces exonérations de cotisations patronales créent généralement, puisque, pour en bénéficier, les employeurs sont incités à sous-payer les salariés, avec les conséquences que l’on sait sur le pouvoir d’achat, donc sur la consommation et par conséquent, au final, sur l’emploi.
Ce n’est certainement pas avec des mesures comme celles-ci, partielles, inefficaces et coûteuses pour le budget de l’État et de notre protection sociale, que l’on peut répondre à la question du pouvoir d’achat, qui reste posée au nouveau gouvernement, et que le groupe CRC n’éludera jamais.
Mes chers collègues, n’oublions pas que, en vingt-cinq ans, 10 % de plus de la richesse créée dans les entreprises ont été accaparés par les actionnaires, au détriment des salariés.
Pour l’heure, nous nous réjouissons d’un projet de loi de finances rectificative qui a le mérite de tourner la page du sarkozysme, de corriger les excès les plus criants, et d’engager les premières inflexions sur la répartition de l’effort contributif.
J’en veux pour preuve l’article 1er, ô combien symbolique, du présent projet de loi de finances rectificative : la suppression de TVA antisociale, qui était, ni plus ni moins, un hold-up d’un montant de 11 milliards d’euros, réalisé sur le dos des ménages.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Dominique Watrin. Le projet de loi de l’UMP était clair : réduire la part des entreprises dans le financement de la branche famille en ponctionnant les ménages.
Nous enregistrons avec satisfaction le fait que des mesures votées par la majorité sénatoriale, auxquelles le groupe CRC a apporté sa pierre, aient été reprises dans le présent projet de loi de finances rectificative. Je pense notamment au durcissement de la contribution des entreprises sur les stock-options, les parachutes dorés et les attributions gratuites d’actions. Nous proposerons d’ailleurs d’en faire de même pour les retraites chapeau, dont seule une poignée de personnes profitent.
Là encore, l’article 27 du présent texte, qui porte le forfait social de 8 % à 20 %, impose plus de justice. Nous apporterons d’autres pierres à cet édifice, afin de défendre, par exemple, les centres de santé en difficulté, de favoriser l’égalité salariale entre les hommes et les femmes dans les entreprises, et d’abroger la surtaxe sur les complémentaires santé. Nous y reviendrons si nécessaire.
Oui, nous demeurons convaincus qu’il est impératif d’élargir l’assiette du financement de la sécurité sociale dans le même esprit que celui qui a présidé à l’élaboration du programme du Conseil national de la Résistance, en partant des richesses produites au sein même de l’entreprise. Nous défendons d’ailleurs l’idée d’une cotisation sociale assise sur les masses financières qui se sont progressivement dirigées de la rémunération du travail à celle du capital. Avec cette solution, nous pourrions assurer la pérennité économique de notre système de protection sociale, tout en évitant de recourir au financement par l’impôt – je pense tout particulièrement à la CSG.
Nous tiendrons naturellement ce débat important à l’occasion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Pour l’heure, il s’agit d’adopter un projet de loi de finances rectificative qui corrige les excès du précédent gouvernement et permet de dégager des ressources qui seront utiles à celles et ceux que la crise économique et financière continue de frapper. Nous répondrons présents, avec la volonté d’opérer au plus vite les changements nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)