M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le dispositif proposé dans ce projet de loi est considéré comme l’un des outils permettant de répondre à la crise du logement, crise dont nous connaissons tous la réalité en tant qu’élus locaux. Il s’inscrit naturellement dans le cadre de la politique globale du logement menée par le Gouvernement. M. le ministre a expliqué à l’instant la philosophie qui inspire cette politique : encourager l’offre de logements pour satisfaire les besoins de la population.
Construire des logements est évidemment une nécessité dans le contexte de pénurie actuelle. C’est un objectif partagé sur toutes les travées de cette assemblée. Si beaucoup a été fait ces dernières années pour répondre à ce défi, avec des résultats tangibles en termes de constructions de logements sociaux, notamment, il faut poursuivre l’effort.
Beaucoup reste en effet à réaliser pour répondre aux besoins de nos compatriotes.
Monsieur le ministre, votre réflexion repose sur une conviction : une politique de l’offre comblera le déficit de logements et permettra de limiter la hausse des prix. C’est sans doute le bon axe ; reste qu’il ne peut à lui seul constituer la solution à tous les problèmes. J’y reviendrai à la fin de mon intervention.
Le projet de loi vient cristalliser, en pleine campagne électorale, des oppositions naturelles. Promesse présidentielle, disent certains ; réponse de candidat, pourrions-nous dire, en voyant la modification proposée par nos collègues socialistes. Je m’attacherai moins au dispositif, amplement commenté en première lecture, et à la proposition qui y répond, qu’au fond du sujet.
Au-delà de nos différences d’appréciation, un diagnostic partagé se dégage sur la politique du logement. Nous sommes tous d’accord sur le fait que la forte demande existant dans notre pays est insatisfaite, et qu’à cette demande s’attachent des préoccupations majeures pour la vie quotidienne : la cherté des loyers, l’insalubrité, la sur-occupation. Le logement est l’un des principaux sujets d’inquiétude aujourd’hui. La demande ne pourra être satisfaite que si nous construisons beaucoup plus de logements, de tous types, qu’il s’agisse de logements sociaux ou de logements en accession, en veillant à la mixité sociale et à l’équilibre des territoires.
Dans le même temps, nous voulons lutter contre l’étalement urbain. La réponse à cette demande de logements, c’est en effet la densification dans les centres urbains et là où il existe une forte tension entre demande et offre de logements. Mais cette densification doit être, à mon sens, raisonnée.
Avant d’exposer les modalités de sa mise en œuvre, je souhaite bien sûr revenir sur ce projet de loi. Le reproche qui lui est fait à gauche est d’être partiel ; c’est de bonne guerre, il y a sans doute là une part de vérité…
Le rapporteur l’a dit, nous réglerons la crise du logement non pas avec une seule mesure, si utile soit-elle, mais en activant plusieurs leviers : la fiscalité foncière, notamment la fiscalité sur les plus-values immobilières, l’utilisation des terrains constructibles non bâtis, la cession des terrains publics, la simplification des règles d’urbanisme, la réduction des recours abusifs...
À mettre au nombre de ces leviers, le Gouvernement propose, avec ce texte, une mesure simple et pragmatique : une majoration des droits à construire de 30 %. L’article unique du projet de loi tend à renforcer de façon pratique et opérationnelle les possibilités de densification, afin de pouvoir faire face à une demande toujours plus pressante. L’objectif est clair : libérer l’offre de logement, alors même que nous vivons un déséquilibre entre offre et demande.
Le projet de loi tend à l’efficacité. Alors que la complexité du droit de l’urbanisme et l’accumulation de règles sur chaque territoire entraînent des longueurs et des blocages qui ralentissent la réalisation des programmes immobiliers, nous disposons pour une fois, avec ce texte, d’une réglementation simple.
Autre aspect positif, ce projet de loi permet d’accroître l’offre de logements sans augmenter la dépense publique, ce qui est rare, convenons-en.
Ce texte a donc le mérite de répondre simplement à une vraie préoccupation et à un réel besoin : on peut le porter à son crédit, alors que, bien souvent, nous pestons contre la complexité des dispositifs proposés. Cet outil, les élus locaux l’utiliseront s’ils en ressentent le besoin, pour mener leur politique du logement sur leur territoire, mais ce ne sera qu’un moyen parmi d’autres, dans la boîte à outils dont ils disposent actuellement.
Ainsi, pour prendre l’exemple de ma ville, Le Bourget, j’estime que, si l’on peut envisager la densification de certains quartiers, elle ne saurait être généralisée sur l’ensemble de la commune, l’enjeu étant de parvenir à une densité raisonnée.
M. Thierry Repentin, rapporteur. C’est vrai !
M. Vincent Capo-Canellas. Il faut ici revenir, au-delà du texte, sur l’accompagnement nécessaire d’une densification raisonnée. Tout maire élu de la première ou de la deuxième couronne de l’agglomération parisienne, rencontre actuellement des difficultés s’il veut répondre aux objectifs fixés par l’État, qui nous demande de construire des logements, et ce en raison d’obstacles que l’État lui-même dresse involontairement. C’est un paradoxe, mais c’est la réalité.
M. Thierry Repentin, rapporteur. Bravo !
M. Vincent Capo-Canellas. Je ferai plusieurs observations.
Première observation, la libération du foncier par l’État est affichée par le Gouvernement comme l’une de ses priorités – juste priorité – en faveur de laquelle il a déjà mis en place des dispositifs. Mais des progrès restent à faire. Si je prends encore une fois l’exemple de ma commune, cela fait plusieurs années que nous sommes en négociation avec l’État pour 4,2 hectares de terrains qui se trouvent en milieu urbain,…
M. Thierry Repentin, rapporteur. Ah !
M. Vincent Capo-Canellas. … terrains sur lesquels la commune pourrait construire des logements. Pourtant, ce foncier appartient – je vous le donne en mille ! – à la Direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement d’Île de France !
M. Thierry Repentin, rapporteur. On peut vous aider !
M. Vincent Capo-Canellas. L’État doit donc montrer l’exemple en facilitant la cession de ses terrains aux collectivités qui souhaitent disposer de foncier pour construire plus de logements.
Deuxième observation : l’excès de réglementations en matière d’urbanisme restreint également les possibilités de construction. Dans la communauté d’agglomération que je préside, l’application parfois un peu stricte des normes Natura 2000 et de la directive Oiseaux pourrait empêcher l’aménagement de terrains et la construction de logements sur la commune de Dugny. Vous connaissez cette commune, monsieur le ministre, pour vous y être rendu par deux fois au cours des derniers mois. (M. le ministre acquiesce.)
Troisième observation : la territorialisation de l’offre de logements en Île-de-France, la fameuse TOL, conduit bien souvent l’État à demander plus d’efforts aux mêmes territoires, c’est-à-dire à ceux qui bâtissent et à ceux qui concentrent de véritables opérations d’aménagement et de construction de logements. En Île-de-France, 80 % des constructions sont réalisées dans 20 % des communes, ce qui montre le besoin de rééquilibrage de l’offre de logement.
Il faut traiter ce problème de la répartition des constructions en partageant l’effort de logement équitablement dans l’ensemble du territoire francilien, et il convient d’éviter de construire toujours plus de logements sociaux là où ils sont déjà nombreux. Cette pente est la plus naturelle, mais elle conduit à une forme de ségrégation larvée.
Il convient donc d’améliorer la pluralité de l’offre de logements sur un territoire donné. Un devoir de solidarité doit s’exercer dans l’ensemble de l’Île-de-France, au risque de favoriser la construction de ghettos. Je parle d’un risque, mais, pour nombre de nos concitoyens, c’est déjà une réalité.
J’en viens à ma quatrième et dernière observation, qui porte sur l’effort de construction demandé par l’État.
Comme d’autres, je suis au nombre de ces maires qui essaient de bâtir. Je le dis avec modestie, la population de ma commune a augmenté de 5 % en un an, ce qui est, vous en conviendrez, une évolution importante. Il faut que l’État sache aider plus ceux qui construisent. Notre population augmente ; nous devons ensuite satisfaire les besoins de ces nouveaux habitants en termes d’équipements publics : crèches, écoles, équipements sportifs et culturels. Or les dotations de l’État n’augmentent pas en conséquence, et, en tant que maires, nous ne gagnons rien à construire davantage de logements par rapport à ceux de nos collègues qui s’y refusent.
Si l’État veut inciter les élus à construire, il doit trouver les moyens financiers de favoriser ceux qui répondent aux objectifs qu’il fixe. On pense à une sorte de bonus qui serait alloué aux bons élèves, aux villes qui bâtissent.
Cette idée, de plus en plus reprise, n’arrive pas pour le moment à se traduire sur le plan législatif. Je sais que vous y êtes favorable, monsieur le ministre. Quand pouvons-nous espérer voir la mise en place d’un tel dispositif ?
Pour conclure, le texte du Gouvernement participe, selon nous, à la concrétisation de l’objectif d’accroissement de l’offre de logement et certaines dispositions ont déjà démontré leur pertinence. Si nous ne sommes pas opposés à la densification, nous plaidons pour qu’elle soit raisonnée. Je souhaite que ce dispositif, simple et pragmatique, puisse aider certains maires. Si tel est le cas, et à cette réserve près, nous aurons fait œuvre utile. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici au terme de la discussion de ce projet de loi, dont les conditions d’examen auront été pour le moins expéditives.
Ainsi, nous avons débattu de ce texte en première lecture mercredi dernier ; la commission mixte paritaire a échoué hier ; l’Assemblée nationale a donc réexaminé ce texte hier dans la nuit…
M. Michel Billout. … pour nous permettre d’en discuter cet après-midi.
Il me semble que ces conditions sont particulièrement mauvaises pour mener à bien le travail législatif, et qu’elles témoignent très clairement de la volonté du Gouvernement et du Président-candidat de faire adopter le plus grand nombre de mesures libérales avant les échéances électorales, tant leur résultat est redouté par l’actuelle majorité gouvernementale.
Loin des effets d’annonce, la mesure, telle qu’elle est proposée initialement dans ce projet de loi, est contestable à plusieurs titres.
Premièrement, et symboliquement, elle a pour unique dessein de tenter de faire la démonstration qu’il est possible de mener une politique du logement sans argent public. Rien n’est plus faux, puisqu’il est aisé de mettre en relation la crise du logement actuelle et le désengagement de l’État en la matière.
Deuxièmement, une telle mesure laisse entendre que le déficit de logements serait dû à la faiblesse des politiques menées en la matière par les collectivités territoriales, auxquelles il faudrait donc imposer une majoration des droits à construire. Un tel argument apparaît fallacieux dans la mesure où l’effort de construction est aujourd’hui principalement soutenu par ces mêmes collectivités.
Le dispositif, outre qu’il apparaît redondant par rapport à d’autres dispositions notamment insérées dans les lois Grenelle 1 et Grenelle 2, ainsi que dans la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite « loi MOLLE », et qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité, risque à terme d’être contre-productif et d’entraîner un renchérissement du prix des terrains, rendant par là même plus difficile l’intervention des offices d’HLM, dont les difficultés sont déjà très grandes.
Pour cette raison, nous sommes satisfaits de la transformation de ce texte par la commission au Sénat en première et en deuxième lecture, par les possibilités ainsi dégagées pour favoriser la construction, alors même que le texte initial enferrait plus encore la France dans la crise du logement : les seuls bénéficiaires de cette mesure auraient été les banques, les promoteurs et les investisseurs, puisque, dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, rien ne contraint les prix de sortie.
Je ne m’étendrai pas ici sur les difficultés d’application d’un tel dispositif, qui sont nombreuses, notamment pour les logements collectifs déjà bâtis.
Je développerai davantage les raisons de notre contestation de la version initiale de ce texte, qui constitue un véritable affront fait aux collectivités locales en ce qu’il leur impose une majoration de la constructibilité.
Une telle disposition aurait en effet toutes les chances de se révéler inconstitutionnelle tant elle empiéterait sur les compétences des collectivités telles qu’elles sont définies par la loi. Je vous rappelle que la gestion du droit des sols est de la responsabilité exclusive des maires.
Nous ne pouvons donc ainsi confondre urbanisme et aménagement.
D’ailleurs, monsieur le ministre, la notion d’urbanisme de projet que vous avez développée ne vise en réalité qu’à libéraliser ce droit, pourtant garant de l’utilisation des sols à des fins d’intérêt général. (M. le ministre manifeste son exaspération.)
De plus, en obligeant les collectivités à délibérer pour déroger aux dispositions de ce texte, et en les contraignant à organiser une consultation de la population sur la question unique de la majoration des droits à construire, vous semblez ignorer que ce sujet s’inscrit clairement dans des questionnements plus larges liés à la politique d’aménagement que traduit le projet d’aménagement et de développement durable inclus dans le PLU.
La majoration proposée, parce qu’elle est uniforme, méconnaît le travail très précis que nécessite tout projet d’aménagement. En outre, d’autres leviers existent pour lutter contre l’étalement urbain et favoriser la densification.
Au reste, nous aurions souhaité que le Gouvernement agisse avec la même audace pour garantir le respect de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ou loi SRU. En effet, il est particulièrement étonnant de vous entendre affirmer ici qu’il faut encourager les maires bâtisseurs, alors même que vous n’avez eu de cesse de vouloir vider cette loi de sa substance, en allant jusqu’à refuser de renforcer les astreintes pesant sur les maires qui ne la respectent pas.
M. Michel Billout. Plus largement, et à l’inverse de la démarche engagée par le Gouvernement, nous considérons que, pour résoudre la crise actuelle du logement, il faut agir sur la nature même des constructions via un investissement public incitatif et des outils fiscaux adaptés permettant de répondre aux besoins socialement divers.
Dans ce cadre, comment croire que le Gouvernement, qui prône une France de propriétaires et qui mène la charge contre le logement social, pourra réellement répondre aux difficultés de nos concitoyens ?
Ce n’est donc pas de « mesurettes » que nous avons besoin, mais bien d’un changement de cap : il est nécessaire que l’État s’engage de nouveau dans une politique publique du logement et qu’il facilite par ailleurs l’intervention des acteurs publics au plus près des réalités locales.
Pour ce faire, la mise à disposition de terrains constitue une perspective intéressante.
M. Thierry Repentin, rapporteur. C’est vrai !
M. Michel Billout. Ainsi, en favorisant cette mise à disposition gratuite pour la construction de logements sociaux, les collectivités et les offices pourraient réduire le coût des opérations de construction de manière significative.
Toutefois, d’autres voies doivent également être ouvertes, à l’image du pacte proposé par la fondation Abbé Pierre. Il s’agit ainsi, et avant tout, de réaffirmer la volonté d’extraire le logement de la sphère marchande et de la bulle spéculative.
Cette entreprise passe par l’utilisation des possibilités offertes en matière de réquisition de logement, par l’encadrement des loyers, par l’abrogation de lois scélérates, comme la loi Boutin, et par la suppression des niches fiscales créées sur l’initiative de quelques ministres du logement : Périssol, Borloo, Scellier, de Robien...
Mais ce chantier implique également une remise à niveau des subventions de l’État, notamment pour les aides à la pierre, car, je vous le rappelle, c’est bien un million de logements qu’il nous faudra construire au cours des prochaines années.
Les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen soulignent que le droit au logement, qui a valeur constitutionnelle, est reconnu par nos engagements internationaux, notamment par le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, directement applicable dans notre droit. Ces textes créent une responsabilité toute particulière à la charge des pouvoirs publics, et spécifiquement de l’État.
Nous ne tolérons pas que, aujourd’hui encore, des personnes dorment dans la rue, alors même que nous vivons dans un pays riche. Pour cette raison, nous vous avons régulièrement appelés à adopter nos amendements visant à interdire les expulsions de personnes en difficulté et, a minima, des publics déclarés prioritaires au titre du droit au logement opposable, le DALO.
Dans cette perspective, et alors que nous fêtions hier les cinq ans du DALO, je remarque que le bilan d’application de la loi est loin d’être satisfaisant. Mais c’est bien ce qui caractérise la politique du Gouvernement : de simples effets d’annonce !
Il est grand temps de passer des paroles aux actes et de s’atteler à l’élaboration d’une politique publique du logement à la hauteur des besoins. Tel est l’objectif du présent projet de loi, tel que modifié et adopté par notre commission de l’économie : c’est bien ce texte-là que le groupe CRC soutiendra ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà eu l’occasion de le souligner en première lecture, ce projet de loi signe un constat de carence et d’échec d’une certaine politique du logement.
Il n’est pas acceptable que, aujourd’hui, dans un pays comme le nôtre, la situation au regard du logement présente, à certains égards, et je reste mesuré dans mes propos, quelques similitudes avec celle que la France a connue voici soixante ans.
Ces dernières semaines et ces derniers mois, certaines fondations, en multipliant les déclarations sur la situation de millions de nos concitoyens en matière de logement, en ont apporté l’illustration.
La mesure que vous nous proposez, monsieur le ministre, c’est un effet d’annonce médiatique ! D’un coup, soudainement, vous avez découvert une prétendue solution miracle, permettant de faire oublier ce que l’on n’avait pas fait pendant cinq ans : il suffirait de mettre à disposition de ceux qui construisent – les communes, notamment – la possibilité d’augmenter les droits à construire de 30 %.
Les précédents orateurs l’ont déjà souligné, il s’agit là d’une mauvaise réponse apportée à une bonne question !
Vous allez inéluctablement renchérir le prix du foncier car, très naturellement, lorsque l’on majore de 30 % la possibilité de construire sur un terrain nu, la valeur de ce terrain croît immédiatement.
M. Thierry Repentin, rapporteur. Très bien !
M. Jacques Mézard. À ce titre, nous avons eu droit à toute une démonstration visant à nous assurer que, en définitive, le phénomène resterait sans gravité, dans la mesure où il serait compensé par l’augmentation du nombre de mètres carrés constructibles. À mes yeux, et chacun s’accorde à le penser, ce raisonnement n’est pas bon.
Monsieur le ministre, vous compliquez la tâche des communes avec un dispositif qui, par certains aspects, est particulièrement ardu.
De surcroît, comme nous l’avons déjà souligné, cette méthode trahit un manque de considération, voire, dans certains cas, un véritable mépris à l’égard de nos collectivités. Compétentes en matière de droit des sols, ces collectivités, dans leur grande majorité, font de la politique du logement un volet majeur de leur action, et vous venez leur expliquer que la solution consiste tout simplement à augmenter de 30 % les droits à construire !
Outre que c’est faire peu de cas de la politique menée par nos collectivités locales, c’est également, sur certains aspects, ouvrir la voie à de potentiels conflits entre les intercommunalités et les communes ; nous avons eu l’occasion de vous le rappeler en première lecture.
De fait, il n’est pas bon de forger des instruments pouvant cristalliser des conflits à l’intérieur des intercommunalités. (M. le rapporteur acquiesce.) En effet, au sein d’une intercommunalité – vous le savez aussi bien que nous, monsieur le ministre – on compte des communes de tailles diverses, présentant des différences en termes de construction de logement social ou de prix du foncier. Ainsi, en plaçant les intercommunalités et les communes dans des situations conflictuelles, on aboutit à la situation inverse de celle que nous appelons tous de nos vœux.
De surcroît, vous donnez à des communes les moyens de ne pas appliquer cette mesure. Nous en avons déjà eu la démonstration avec la loi SRU, cela posera assurément un certain nombre de problèmes.
Par manque de préparation, ce texte entraînera des difficultés d’application certaines, et, à mon sens, vous n’avez pas répondu à cette question.
La semaine dernière, j’ai évoqué les problèmes découlant de l’application des servitudes de droit privé, en parallèle avec le code civil. Que faites-vous du code civil ? Que faites-vous des servitudes de droit privé ? Il est évident que, en majorant brutalement les droits à construire de 30 %, ce texte suscitera des conflits, nécessitant nombre de procédures. Au surplus, vous oubliez l’existence des règlements de copropriété, que ces copropriétés soient horizontales ou verticales, et celle des règlements de lotissement.
Ainsi, faute de préparation, vous avez, avec ce texte, le moyen de susciter bien plus de difficultés que vous ne pourrez résoudre de problèmes !
M. Thierry Repentin, rapporteur. C’est bon pour les avocats ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. J’ai rappelé également que la Cour des comptes avait mis en lumière les errements de votre politique de zonage, et que vous aviez malheureusement restreint les possibilités d’autofinancement et donc de construction du logement social par les organismes d’HLM, du fait des prélèvements financiers que vous venez d’opérer sur ces derniers.
De même, mais vous le savez aussi bien que nous, ce texte ne résout pas les difficultés découlant de la multiplication des recours abusifs. À ce titre, nous avons cité le cas d’un certain nombre de grandes villes où ces problèmes se posent.
En résumé, à nos yeux, le projet de loi est tout entier dans la consonance médiatique, mais il ne pourra en rien résoudre les vrais problèmes auxquels nous sommes confrontés.
En revanche, le texte du rapporteur et de la commission constitue une proposition utile et efficace à court terme, afin que nos collectivités, en particulier nos communes, ainsi que les promoteurs, puissent construire des logements, notamment des logements sociaux.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous continuerons à rejeter votre texte et voilà pourquoi le groupe du RDSE, dans sa très grande majorité, apportera son soutien à celui de la commission ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de l’examen du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire, rétabli, en nouvelle lecture, dans sa version initiale par l’Assemblée nationale.
Après l’échec de la commission mixte paritaire, le rapporteur nous propose de rétablir le texte issu des travaux de la commission de l’économie.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Vous avez bien compris !
Mme Élisabeth Lamure. Le groupe UMP votera une nouvelle fois contre le texte de la commission, convaincu du bien-fondé du projet de loi présenté par le Gouvernement, particulièrement dans le contexte actuel, après trois années de crise qui ont affaibli notre économie.
Du fait de ses liens avec le BTP, le secteur du logement est particulièrement à même de relancer la croissance, l’activité économique et l’emploi. En effet, ces deux secteurs représentent respectivement 2,4 millions et 1,5 million d’emplois, et la construction de chaque nouveau logement se traduit par la création de 1,5 emploi. Il y a donc lieu d’adopter cette mesure d’incitation pour accroître la productivité dans le domaine du logement.
Par ailleurs, cette mesure n’implique pas d’engagement financier de la part de l’État. Il s’agit de relancer le secteur par des mesures normatives aussi simples et effectives que possible.
Trois dispositifs de majoration des droits à construire existent depuis la loi Boutin de mars 2009 : majoration de 50 % autorisée pour le logement social ; majoration de 30 % pour le logement « basse consommation » et majoration de 20 % en application de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
Cependant, en trois ans, les collectivités locales ont eu manifestement peu recours à ces dispositifs. En effet, seule une trentaine de communes auraient délibéré en ce sens.
En octobre 2008, lors des débats de commission, nous n’avions pas cru nécessaire d’en prévoir l’application généralisée.
Il est également très important de rappeler que, en octobre 2008, lors de l’examen de la loi MOLLE par le Sénat, nous étions au tout début de la crise. Le contexte était donc bien différent de celui que nous connaissons aujourd’hui.
À l’époque, nous partagions totalement l’objectif, comme, d’ailleurs, la commission de l’économie, ainsi que son rapporteur, notre ancien collègue Dominique Braye.
Nous nous étions simplement interrogés, à l’instar de M. le rapporteur, sur l’opportunité d’une majoration automatique des règles de construction dans toutes les communes dotées d’un PLU, craignant que les quelque 17 000 maires concernés ne puissent être suffisamment informés de l’existence de la mesure dans les six mois suivant la promulgation de la loi.
À l’époque, nous n’avions donc pas souhaité instaurer l’automaticité de cette mesure,…
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. C’est pour cela que vous le faites maintenant !
Mme Élisabeth Lamure. … mesure qui, du reste, était également limitée dans le temps, puisqu’elle avait été prévue pour une durée de trois ans.
Le Président de la République souhaite qu’elle soit reconduite pour trois années supplémentaires, mais, cette fois, dans le cadre d’un dispositif incitatif, car les temps ont changé, en trois ans de crise. (M. le président de la commission s’exclame.)
Depuis 2007, 2 millions de logements ont été construits, dont 600 000 logements sociaux, soit le double des logements sociaux financés entre 1997 et 2002. En définitive, on n’aura jamais tant construit de logements que sous ce gouvernement !
M. André Dulait. Exact !
M. Daniel Laurent. Très bien !
Mme Élisabeth Lamure. On observe néanmoins des déséquilibres entre les territoires, avec un déficit de logements dans certaines zones parmi les plus peuplées. Il faut donc construire davantage là où la demande est la plus forte. Mais comment construire davantage sans que l’État injecte toujours plus d’argent sur le marché immobilier, sinon en optimisant les ressources ?
Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de loi de mars 2009, a été votée la loi portant engagement national pour l’environnement du 12 juillet 2010, dite loi Grenelle 2, qui a mis en application les engagements du Grenelle de l’environnement contenus dans la loi Grenelle 1.
La vocation politique du volet « urbanisme » du Grenelle de l’environnement est claire : il s’agit de consommer moins d’espaces agricoles et naturels dans notre pays.
C’est le Grenelle de l’environnement qui, cette fois, est à l’origine de la limitation de la mesure dans le temps, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2015. En effet, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, l’organisation même des PLU à vocation de densification a été modifiée. Or ces nouveaux PLU doivent être opérationnels au 1er janvier 2016. Il est donc cohérent que cette mesure de densification soit instaurée à titre transitoire, le temps que toutes les collectivités locales reprennent leur document d’urbanisme principal, à savoir le PLU, en vue de cette échéance.
L’augmentation de la constructibilité est une réponse aux problématiques actuelles, à la crise du logement et à celle des finances publiques. Il est donc devenu nécessaire d’appliquer cette mesure de façon générale. Consommer moins de terres agricoles et produire plus de logements implique de renforcer la densité des zones urbaines. Ensuite, pour lutter contre la hausse des prix, il faut construire davantage de logements sur le même espace.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité, dans ce nouveau dispositif de majoration des droits à construire, inverser la charge de la preuve, tout en préservant le principe constitutionnel de libre administration des communes.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. On va le vérifier !
Mme Élisabeth Lamure. Le projet de loi prévoit de passer d’un système où les communes peuvent décider d’appliquer la majoration à un système où elles auront seulement le droit de refuser de l’appliquer, afin de les inciter à s’engager dans cette voie pour dynamiser la construction de logements. Il s’agit, en quelque sorte, de rappeler aux communes les possibilités qui leur sont offertes.
Une commune pourra de toute façon décider de ne pas appliquer cette mesure ou de ne l’appliquer qu’en partie. La marge de manœuvre des collectivités territoriales sera donc importante.
Lors des travaux en commission, M. le rapporteur a rejeté, avec la majorité de gauche, ce dispositif d’incitation à construire plus et mieux, pour le remplacer par un système visant à permettre à l’État de céder ses terrains et ses immeubles avec une décote de 100 % par rapport à leur valeur vénale en vue de la construction de logements sociaux.
Le projet de loi prévoit pourtant cette possibilité de mise à disposition de terrains de l’État pour favoriser la construction de logements. Des cessions avantageuses se pratiquent déjà depuis quatre ans. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, dans le cadre du programme 2008-2012, près de 55 000 logements auront été mis en chantier sur des terrains publics en cinq ans, malgré la crise majeure qui a frappé le secteur de l’immobilier.
L’État a donc déjà la possibilité de céder ses terrains à une valeur inférieure à leur valeur vénale. La décote peut aujourd’hui aller jusqu’à 25 % pour du logement social, et même atteindre 35 % en zone tendue. Ce dispositif fonctionne et permet un financement équilibré des opérations de réalisation de logements sociaux.
La période de récession économique que nous connaissons nous oblige à la raison. La situation actuelle des finances publiques ne permet pas à l’État de céder gratuitement des terrains qui lui appartiennent.
M. Thierry Repentin, rapporteur. Mais les communes, elles, peuvent le faire !
Mme Élisabeth Lamure. Le texte du Gouvernement, rétabli par l’Assemblée nationale, a pour objet d’augmenter l’offre de logements sans peser sur la dépense publique.
M. Thierry Repentin, rapporteur. Vous défendez moins les collectivités locales que l’État !
Mme Élisabeth Lamure. Pour ces raisons, le groupe UMP lui apporte son soutien et s’oppose au rétablissement du texte de la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.