Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. Jacques Mézard. Le chantier du logement, celui des économies d’énergie dans les logements, c’est cumuler les avantages d’une politique sociale et d’une politique économique.
Mes chers collègues, d’ici à une quinzaine d’années, la population de la France devrait avoir augmenté d’environ 10 %. C’est une chance ; c’est aussi un devoir pour nous tous de faire face, par des mesures fortes, prospectives et innovantes, à cet enjeu. À cet égard, la proposition de notre collègue Thierry Repentin va dans ce sens.
Votre texte, monsieur le ministre, ne répond pas à ces enjeux. C’est pour cette raison que, très majoritairement, notre groupe le rejettera et votera celui qu’a élaboré la commission. (Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique menée depuis bientôt cinq ans par le Gouvernement a permis de produire plus de logements locatifs privés, plus de logements sociaux, et de faciliter l’accession à la propriété.
Mme Élisabeth Lamure. Si la crise financière a eu des conséquences sur le secteur de la construction, aucun pays n’a mieux résisté que la France en matière de production de logements, notamment grâce au plan de relance, qui a permis de soutenir ce secteur.
Le Gouvernement a déposé un projet de loi qui s’inscrit dans le cadre de la politique menée depuis 2007, avec, successivement, la loi de cohésion sociale, la loi portant engagement national pour le logement, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion et le volet urbanisme de la loi Grenelle II portant engagement national pour l’environnement, auxquelles s’ajoutent l’ensemble des mesures fiscales adoptées en lois de finances.
Ce texte traduit une volonté forte, affirmée par le Président de la République, celle de relancer encore davantage la construction de logements.
La crise du logement étant une crise de l’offre, c’est du côté de cette dernière que le Gouvernement souhaite agir, en augmentant les possibilités de construire sur un terrain donné. Il s’agit donc de renforcer les possibilités de « construire plus », pour « habiter mieux ».
Le dispositif du texte présenté par le Gouvernement s’adresse aux communes couvertes par un PLU ou par un POS ; les autres ne sont pas concernées, puisqu’elles ont déjà la faculté d’appliquer la densification qu’elles souhaitent, avec le taux qu’elles décident.
Ce sont aujourd’hui environ 17 000 communes qui sont concernées par ce projet de loi, dont l’article unique porte à 30 % la majoration des règles de constructibilité, cela pour une durée de trois ans, sauf délibération contraire de la collectivité. Celle-ci peut d’ailleurs revenir à tout moment sur son choix initial, soit pour écarter l’application de la majoration, soit pour l’introduire. Le principe de libre administration des collectivités locales est donc totalement respecté.
Il est bien entendu que la majoration ne sera applicable que dans les zones constructibles, où les autorisations d’urbanisme devront toujours être sollicitées et seront délivrées selon les mêmes règles.
Elle ne sera donc pas applicable dans les zones agricoles, ni dans les zones naturelles, ni dans les secteurs sauvegardés, ni sur les territoires couverts par un plan de prévention des risques ou un plan d’exposition au bruit.
Cette mesure est particulièrement intéressante, puisqu’elle s’adresse aussi bien au particulier qui souhaite agrandir sa maison qu’à la collectivité qui développe un programme de logements sur son territoire ou au professionnel de l’immobilier.
Elle donne également aux copropriétaires qui le souhaitent la possibilité de surélever leur immeuble ou de le réhabiliter avec une augmentation des surfaces permettant la création de logements supplémentaires.
La majoration de constructibilité est susceptible de se traduire pour les maisons individuelles par l’ajout de surfaces, qui peuvent être une réponse aux besoins de familles recomposées plus nombreuses, ou permettre la création de petits logements indépendants accueillant une personne âgée ou un jeune actif.
Elle peut également permettre, après une division de terrain, la construction d’un nouveau logement.
Cette mesure devrait donc aider non seulement à augmenter le nombre de logements offerts, mais aussi à diversifier l’offre, entre neuf et ancien, petits et grands logements, logements pour personnes âgées ou pour jeunes actifs ou étudiants.
De son côté, l’État montre l’exemple, puisqu’il s’est engagé à libérer, entre 2012 et 2016, 1 500 hectares de terrains qu’il détient, dont 880 hectares en Île-de-France, afin de dynamiser la construction.
Par ailleurs, le recours proposé aux baux emphytéotiques de longue durée est également très positif.
L’architecture générale du projet de loi est de bon sens, puisqu’il s’agit d’augmenter l’offre de logements sans augmenter la dépense publique, de densifier les constructions sur le territoire et de favoriser un mécanisme moins consommateur d’espace, permettant ainsi de limiter les déplacements et de rentabiliser les équipements existants.
Il s’agit aussi de favoriser les économies d’échelle, en permettant par exemple la transformation de bureaux en logements, de manière à améliorer l’équilibre financier des opérations de réhabilitation.
De plus, ce texte permet de répondre à l’évolution de notre société, dans laquelle l’accroissement des familles recomposées est notoire, tandis que les besoins d’adaptation des logements pour le maintien des personnes âgées ou handicapées à domicile sont, eux aussi, grandissants.
L’objectif de la mesure est bien d’accroître l’offre de logements tout en permettant une meilleure utilisation de l’espace, en densifiant la ville et en prévenant l’étalement urbain.
On ne peut pas, en effet, d’un côté, s’alarmer de la disparition tous les sept ans environ de l’équivalent d’un département en espace agricole, et, de l’autre, refuser la densification. Il y aurait une certaine incohérence dans tout cela.
Une autre conséquence de la mise en place de cette mesure est la relance de la construction, parce que le bâtiment est un secteur essentiel à la croissance et représente, sur l’ensemble de la chaîne, 2,4 millions d’emplois, dont 1,5 million pour le seul BTP. Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé, chaque nouveau logement représente 1,5 emploi.
Cette disposition va donc profiter au secteur du BTP et, en amont, aux architectes, qui se verront confier de nouvelles opérations, lesquelles n’étaient pas nécessairement programmées dans leurs carnets de commandes.
Il y a, par ailleurs, un point qui me tient à cœur et que je souhaite aborder, monsieur le ministre, car il constitue un frein considérable à la construction de logements : il s’agit des recours, plus particulièrement des recours abusifs. J’ai d’ailleurs cosigné avec mon collègue Daniel Dubois un amendement à ce sujet.
En effet, il n’est pas une opération de zone d’aménagement concerté, une opération de lotissement ou même de simples permis de construire qui ne fassent l’objet d’un ou de plusieurs recours, généralement infondés, venant soit d’un voisin, soit d’un groupe de riverains, soit encore d’associations ayant un intérêt masqué. C’est ainsi que les constructions sont fortement retardées, au minimum de plusieurs mois, voire bloquées ou abandonnées.
S’ajoute souvent, dans les opérations d’aménagement, le délai de procédure de la déclaration d’utilité publique : sa durée minimum d’un an peut geler un projet souvent pour une seule parcelle dont le propriétaire fait de la résistance, laquelle bloque l’ensemble du périmètre d’opération, sauf à pouvoir commencer une première tranche où le foncier est maîtrisé avant de disposer de l’arrêté préfectoral de DUP, ce qui ne semble pas être autorisé. Peut-être pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur ce point ?
Enfin, si ce texte n’est pas le bon vecteur pour traiter des recours et des délais qui freinent les constructions de logements, quelles possibilités entrevoyez-vous pour qu’un commencement de solution soit apporté ? J’ai pris note qu’un décret devrait être prochainement publié ; c’est peut-être un début.
Enfin, et pour en revenir à la version initiale du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire, texte simple et pragmatique, compte tenu des garde-fous mis en place avec le dispositif, mes collègues du groupe UMP et moi-même souhaitions y apporter notre soutien.
Or le rapporteur de la commission lui a trouvé tous les défauts possibles…
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Et même d’autres encore ! (Sourires.)
Mme Élisabeth Lamure. … et a décidé, purement et simplement, de le rejeter et de le remplacer par un nouveau dispositif permettant à l’État de céder ses terrains et ses immeubles, avec une décote de 100 % de la valeur vénale pour la construction de logements sociaux.
M. Thierry Repentin, rapporteur. Et pouvant atteindre 100 % de la valeur vénale de l’immeuble !
Mme Élisabeth Lamure. Le texte initial prévoyait pourtant cette possibilité de mise à disposition de terrains de l’État pour favoriser la construction de logements. De plus, celle-ci est déjà effective depuis quatre ans. Dans le cadre du programme 2008-2012, près de 55 000 logements auront été mis en chantier sur des terrains publics en cinq ans, malgré la crise majeure qui a frappé le secteur de l’immobilier.
L’État a donc déjà la possibilité de céder ses terrains à une valeur inférieure à leur valeur vénale. La décote peut aller jusqu’à 25 % pour faire du logement social, et même 35 % en zone tendue. Ce mécanisme fonctionne et permet le financement équilibré des opérations de logements sociaux.
Votre dispositif, monsieur le rapporteur, n’apporte donc pas grand-chose de nouveau et, surtout, il ne prévoit aucune incitation à utiliser les droits à construire pour les collectivités locales, ce qui est tout à fait regrettable, dans le contexte actuel, pour le logement social, pour les particuliers comme pour le secteur de la construction.
Mme Élisabeth Lamure. Il s’agit, en fait, d’un véritable hold-up sur le projet de loi initial…
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Rien que ça ! C’est un scoop !
Mme Élisabeth Lamure. … destiné à le remplacer par une bien fade proposition, que le groupe UMP ne votera pas.
En revanche, nous soutiendrons l’amendement du Gouvernement visant à revenir au dispositif initial. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de rappeler les propos tout à fait stupéfiants par lesquels a été annoncé le texte que nous examinons ce soir : « Nous avons décidé […] que tout terrain, toute maison, tout immeuble verra ses possibilités de construction augmenter de 30 %. […] Cela va donner un travail formidable à toute l’industrie du bâtiment. Deuxièmement, cela va augmenter considérablement le nombre de logements, donc cela fera pression sur les prix. Et enfin, les prix de l’immobilier à l’achat, à la vente, et les prix à la location vont pouvoir baisser. »
Tels étaient les propos que le Président de la République tenait voilà juste un mois. Je suppose, monsieur le ministre, que pour rattraper ce coup-là, vous avez dû vous raccrocher aux branches !
Je sais que vous avez participé au Grenelle de l’environnement, dont j’aurais sans doute partagé les conclusions si elles avaient été adaptées et véritablement mises en œuvre. D'ailleurs, le temps qui a été perdu ne l’a, en fait, pas vraiment été, car, dans un futur proche, nous pourrons travailler dans la perspective d’une véritable réforme de l’urbanisme et du logement.
La déclaration du Président de la République, au début de la campagne du candidat Nicolas Sarkozy, sonne comme un constat d’échec. J’ai pensé qu’il s’était demandé ce qu’il devait dire durant cette campagne et qu’il avait décidé de faire une annonce : d’un coup de baguette magique, avec un chiffre – 30 % –, il allait résoudre tous les problèmes ! Or ce n’est pas tenable, et vous le savez, monsieur le ministre.
Le droit à l’urbanisme se fonde sur un équilibre précaire entre plusieurs intérêts antagonistes que la majoration de 30 % des droits à construire fragiliserait durablement. Cette mesure ne serait certes applicable que pour une période transitoire de trois ans, ce qui est étrange d'ailleurs, mais une fois l’équilibre cassé, les effets seraient irrémédiables !
Cette mesure, proposée par le Gouvernement et supprimée par la commission, ne peut que nous frapper par sa brutalité. Elle n’a en effet été précédée d’aucune concertation, ni avec les professionnels, ni avec les populations, ni, surtout, avec les élus des collectivités territoriales pourtant directement concernés.
Cette mesure est par ailleurs inutile et dangereuse, pour plusieurs raisons.
Premièrement, son impact serait faible. Dans les secteurs qu’il serait nécessaire de densifier, à savoir la plus grande partie du tissu pavillonnaire sur le modèle duquel les villes se sont développées au cours des dernières décennies, les droits à construire sont de l’ordre d’un coefficient d’occupation des sols de 0,3.
M. Philippe Dallier. Cela dépend où !
M. Joël Labbé. Il s’agit d’une moyenne nationale, mon cher collègue. Augmenter les possibilités d’un tiers ne changera pas grand-chose et, en tout état de cause, ne permettra pas la création d’un nombre suffisant de logements.
Il est des secteurs pavillonnaires sur lesquels il serait très facile de construire deux maisons sur un terrain aujourd’hui alloué à une seule maison.
Deuxièmement, cette majoration des droits à construire serait pernicieuse de par son caractère systématique.
La mesure valoriserait les secteurs où les droits à construire sont élevés. On ferait le bonheur de quelques opérateurs sur certains aménagements ponctuels, lorsque le terrain est déjà acheté sur la base des prix actuels et le permis pas encore déposé. Et le marché, comme à son habitude, s’adapterait, avec une augmentation des prix du foncier sur lesquels on a déjà une forte valorisation des droits à construire. Il s’agit donc bien d’une mesure qui provoquerait une spéculation foncière accrue.
Monsieur le ministre, vous l’avez d’ailleurs reconnu voilà quelques jours devant l’Assemblée nationale, en affirmant qu’une hausse de 30 % ne serait finalement pas si grave car, dans la mesure où elle prévaudrait dans toutes les zones tendues, la situation tendrait à s’équilibrer.
Par ailleurs, il deviendra plus difficile de faire aboutir des projets de logement social, mais aussi des projets immobiliers privés soucieux de construire des logements pour un prix abordable.
M. Joël Labbé. Je vous répondrai tout à l’heure, si vous me reposez votre question, monsieur le ministre.
Troisièmement, cette mesure fait abstraction de la notion de paysage urbain dense et de qualité.
La densification a déjà mauvaise presse. Or il convient de produire des espaces denses de qualité si l’on souhaite réhabiliter cette idée. Car oui, la densification est une réponse dans la lutte contre le phénomène d’étalement urbain, très consommateur d’espaces, agricoles notamment. Mais celle-ci ne doit pas se faire partout de manière uniforme, sans discernement ni concertation. Certains secteurs, reconnaissons-le, souffrent déjà de surdensité.
Une densité de qualité se construit sur la base d’un projet partagé et doit prendre en compte le contexte et l’existant. C’est bien tout le rôle des documents d’urbanisme et en particulier des orientations d’aménagement et de programmation. Cette mesure vient perturber ces travaux de fond, qui sont du ressort des élus locaux.
Monsieur le ministre, vous vous vantez que votre dispositif n’aurait pas d’incidence sur les finances publiques. C’est faux, car, de fait, ce que l’on appelle le document préalable, ou tout autre document qui n’est plus une étude d’impact, aura un coût réel pour les communes, notamment pour les plus petites d’entre elles, dépourvues de services administratifs.
Le mécanisme de mise en œuvre de la mesure est par ailleurs inadapté. Le délai qu’il instaure vient s’ajouter à ceux qui sont en cours dans les procédures d’élaboration ou de révision des PLU – je le sais d’autant mieux que le PLU de la commune dont je suis le maire est en cours de révision –, alors que l’on manque déjà de moyens pour les faire adopter dans de bonnes conditions.
Le risque est de produire, sans réelle concertation, des documents toujours plus techniques. Or la faible participation des citoyens aux enquêtes publiques est déjà la preuve d’un manque de concertation et de pédagogie, laquelle est pourtant bien nécessaire. Les populations sont à même d’admettre la densification à condition d’être consultées et écoutées.
J’en viens à l’essentiel de notre discussion, à savoir son enjeu. Aujourd’hui, on recense 3,6 millions de personnes mal logées, dont 600 000 enfants ; par ailleurs, 5 millions de personnes sont fragilisées par la crise du logement. Vous le savez, monsieur le ministre, vous en êtes conscient, tout comme nous : il s’agit là d’un enjeu majeur.
Aujourd’hui, il manque près de 900 000 logements. La mesure que vous nous proposez est une sorte de trompe-l’œil qui ne permettra pas, vous le savez, de réduire ce déficit.
Il convient, c’est entendu, de construire 400 000 à 500 000 logements par an. La réalisation d’un tel objectif doit s’appuyer notamment sur une véritable stratégie foncière.
En France, ce n’est pas parce qu’un terrain est déclaré constructible qu’il sera construit. Si l’on observe la situation de certains pays voisins, les Pays-Bas ou la Suède en particulier, on constate que, là-bas, c’est la collectivité qui achète les terrains ouverts à l’urbanisation, qui les aménage, crée les équipements, puis les revend à des prix différenciés selon l’usage.
La législation française nous permet de faire de même. Dans la commune dont je suis le maire, qui compte 3 800 habitants répartis sur 2 500 hectares, aujourd’hui, nous avons sous le coude tous les terrains qui seront urbanisables à l’avenir. Nous ne menons plus que des opérations publiques d’aménagement.
Cette situation résulte d’une politique volontariste, parce que je considère aussi la commune comme un laboratoire. Les opérations d’achat ont été conduites avant les dernières élections. Cela montre que, au final, les populations sont à même d’entendre et de comprendre ces actions, dans la mesure où il y a une véritable communication. Néanmoins, une telle politique ne peut pas être conduite à la hussarde.
En France, nous en avons tous l’expérience, lorsque, dans le cadre d’un plan local d’urbanisme, un terrain est classé en zone constructible, le propriétaire ne peut que se réjouir, car son patrimoine est multiplié par dix, vingt, trente, voire cent, sans la moindre obligation en retour.
Nos collègues MM. Braye et Repentin en faisaient déjà le constat en 2005.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Un tandem infernal !
M. Joël Labbé. Je n’étais pas sénateur à l’époque, mais j’ai lu ce rapport. Ses auteurs soulignent que la rétention foncière « est favorisée par une fiscalité quasiment indolore pour la détention, et fortement dégressive dans le temps pour la taxation ». C’est bel et bien l’inverse qu’il faut faire !
À cet égard, le « durcissement » de la taxe foncière sur le foncier non bâti urbanisable en zones tendues voté à l’Assemblée nationale n’est qu’une mesure de faible portée. Il faut aller bien au-delà.
Dans de nombreuses villes européennes, une grande partie du sol est propriété publique : c’est le cas de 90 % du sol à Amsterdam et de 70 % à Stockholm. C’est là que l’on peut mettre en œuvre des politiques de planification.
M. Joël Labbé. En effet ! Merci de me rappeler l’exemple de ce pays, monsieur le ministre. En tout cas, c’est toute la différence entre l’appropriation publique du développement et l’abandon aux lois du marché qui, nous le savons, ne fonctionnent pas. Nous, écologistes, sommes de ceux qui demandent l’intervention de la force de la puissance publique pour servir l’intérêt public. (M. Charles Revet s’exclame.)
Pourtant, on pourrait encourager la collectivité à conserver au moins la propriété de ce qu’elle possède déjà en offrant le terrain sous forme de baux de longue durée. Une telle disposition serait tout à fait adaptée à la production de logements sociaux ou à celle des coopératives d’habitat.
M. Joël Labbé. J’espère que vous serez également d’accord sur le point suivant, monsieur le ministre, même s’il peut vous paraître anecdotique.
Cette mesure serait aussi une réponse au regard des attentes des personnes et des ménages, de plus en plus nombreux, souvent jeunes, qui, par choix de sobriété de vie ou par obligation, se retrouvent en logement alternatif en dehors de toute législation. Derrière ces situations, il y a des choix de vie auxquels il va bien falloir apporter une réponse. Dans une société en mutation, ce sont des expériences que nous devons encourager.
Les établissements publics fonciers sont aussi susceptibles de jouer un rôle accru dans la création de réserves foncières. Ils acquièrent et cèdent des terrains à des collectivités ou des opérateurs en vue de la réalisation d’opérations de logement sur les parcelles acquises.
Lorsque l’on passe par la puissance publique, on a également recours aux promoteurs privés, métier au demeurant fort respectable, mais la collectivité publique garde la main et la signature. Je sais ce que cela représente, pour le vivre dans la commune dont je suis le maire. On peut alors réaliser une densification et une mixité pensées.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé tout à l’heure que vous envisagiez d’aider les maires bâtisseurs. Sachez que vous êtes attendu sur ce sujet. Toutefois, vous ne pouvez pas dire que vous allez aider les maires bâtisseurs et délaisser les autres. En effet, certains maires bâtisseurs sont à la tête de communes dont les besoins sont moindres que ceux d’autres zones, où les maires sont moins engagés sur le front du logement. Cette déclaration reste donc purement formelle.
En revanche, les collectivités locales ont besoin d’un véritable soutien. Actuellement – j’ai reçu un tel dossier avant-hier –, lorsqu’une commune veut construire un logement social, on lui demande 20 000 euros pour la construction proprement dite et 20 000 euros d’aide sur le foncier aménagé. Ces collectivités, que le Président de la République accuse d’être dépensières,…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Joël Labbé. … il faudra bien les aider d’une manière ou d’une autre.
Monsieur le ministre, je vais oublier votre dispositif, car la commission nous en présente un autre, selon moi plus intéressant.
L’application réelle des dispositions du Grenelle de l’environnement dans le domaine de l’urbanisme et du logement représentera une avancée forte intéressante. Il conviendra, dans le cadre d’une véritable politique du logement, avec un autre choix de société, de faire passer l’intérêt public avant l’intérêt privé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Revet. On n’y est pas encore !
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, je ne perdrai pas de temps avec l’article unique désormais proposé à la discussion, tant, à mes yeux – je l’ai souligné tout à l’heure en commission –, il est entaché d’irrégularités, sur le fond comme sur la forme.
Néanmoins, puisque le texte initial et celui de la commission sont respectivement simple et simpliste, je vais ici renouveler les questions, simples, que j’ai déjà posées en commission.
J’anticipe peut-être un peu, mais je crains, monsieur le ministre, que la production de logements pour l’année 2012 ne soit en légère baisse. Cela va-t-il renforcer une demande déjà insatisfaite ? La réponse paraît évidente : c’est oui !
Faut-il construire plus de logements ? Oui, évidemment, puisque la politique de l’offre est la seule qui permettra à terme, mais pas dans l’immédiat, de colmater le déficit de logements actuels et d’agir sur le niveau des prix.
Y a-t-il des zones particulièrement touchées ? La réponse est, là aussi, évidemment positive dans les agglomérations urbaines, notamment en Île-de-France, sans oublier les stations classées de tourisme.
Enfin, faut-il construire plus tout en limitant la consommation des espaces agricoles et l’étalement urbain ? Nous répondons tous oui à cette question. Permettez-moi de rappeler quelques chiffres qui figuraient dans Les Échos de lundi dernier, à la suite de l’étude réalisée par les SAFER, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural : depuis quinze ans, pour étendre les villes, on utilise en moyenne 78 000 hectares par an, soit la consommation d’un département moyen tous les quatre ans ; en parallèle – c’est aussi précisé dans l’étude –, depuis 2005, les villes se sont étendues de 3,5 fois en surface.
On consomme donc de plus en plus de terrains agricoles, on ne produit pas assez de logements, mais, dans le même temps, les villes sont en train de s’étendre.
Mes chers collègues, nous sommes tous d’accord sur la réponse à apporter à ces questions. Il faut sans aucun doute, si l’on veut répondre à la crise du logement, construire plus en milieu urbain, et pour cela, c’est-à-dire pour résoudre ces contradictions et ce paradoxe, faire plus dense et plus haut. C’est incontournable !
Le problème soulevé est celui d’un urbanisme plus dense et de constructions – légèrement – plus hautes. Nous connaissons tous les difficultés liées à la construction de ces immeubles très élevés en région parisienne, pour lesquels il est difficile d’obtenir des réponses positives de la part des populations concernées.
Mes chers collègues, selon nous, l’intérêt du texte initial était donc de mettre en exergue un débat qui s’impose : celui de la densification urbaine, qui, je le répète, ne pourra être poursuivie sans une évaluation préalable des possibilités de constructions supplémentaires sur les terrains préexistants. C’est la quadrature du cercle !
Cela dit, monsieur le ministre, il est vrai que l’application du présent texte pose un certain nombre de difficultés, que l’on ne peut pas ignorer.
Déjà, en tant que telle, une seule mesure de ce type ne suffirait évidemment pas à régler la crise du logement. En effet, les maires, on le sait bien, sont confrontés aux problèmes suscités par leurs administrés. Par exemple, chaque fois qu’un immeuble locatif est construit dans un quartier, une association de défense se constitue.
En revanche, monsieur le ministre, j’ai retenu que vous réfléchissiez à l’idée d’un bonus pour les maires bâtisseurs. Aujourd’hui, on parle de malus. Mettons plutôt en place un bonus pour ceux qui osent, pour ceux qui font plus, pour ceux qui créent de la densité et qui, naturellement, financent et mettent en œuvre les services publics qui en découlent. Si vous pouviez mener une réflexion sur ce sujet, ce serait parfait !
De toute évidence, cette mesure seule ne permet pas de répondre aux enjeux de la construction de logements. Il faut un arsenal de solutions complémentaires pour agir sur les différents leviers de la construction. Je voudrais en citer trois, que vous avez abordées, monsieur le ministre.
Premièrement, il faut libérer plus de foncier. Au sein du groupe de travail sur l’urbanisme, il avait été envisagé, dans le cadre de la fiscalité sur les plus-values, de revenir sur la règle en vigueur et de décider que, moins longtemps un terrain serait conservé, moins la plus-value payée serait importante. C’est l’inverse du dispositif actuellement en place. Il faut absolument changer ce système, sous peine de bloquer fortement le foncier.
Deuxièmement, j’en discute souvent avec certains de nos collègues, il faut favoriser l’urbanisme de projet au détriment de l’urbanisme procédurier. Il n’est nullement question de mettre en cause la politique volontariste des élus, mais, dans un certain nombre de documents d’urbanisme, la règle est tellement contraignante que des projets de qualité ne peuvent aboutir. Parfois, il faut le dire, les agents « se refilent » les règlements, qui sont parfois imposés dans les PLU sans raison.
Troisièmement, et enfin, monsieur le ministre, je voudrais revenir, si vous me le permettez, sur les recours abusifs.
Les procédures abusives sont aujourd’hui inacceptables, et il serait possible de faciliter la réalisation des opérations sans que cela coûte trop cher – a priori le prix acquitté serait nul – si l’on avait un peu de volonté. Même si la situation est complexe, à un moment donné il faut agir : 15 % des programmes immobiliers ne voient pas le jour à cause des recours « abusifs », c’est-à-dire qui ne sont pas fondés sur des moyens sérieux.
Les exemples pleuvent, mais je ne citerai pas ceux que j’avais prévu de vous livrer avec force détails, monsieur le ministre, pour ne pas allonger le débat.
Quoi qu’il en soit, ce type de recours non seulement empêche 15 % du stock de projets de voir le jour, mais aussi contribue à la fermeture de nombreuses petites agences d’architectes qui ne peuvent plus faire face à ces procédures.
Les recours abusifs entraînent des surcoûts d’assurance ou de contreparties répercutées sur le prix de vente. Certains promoteurs – cela va loin ! – intègrent même le prix des recours dans leurs bilans, parce qu’ils savent que, de toute façon, ils vont devoir monnayer leurs projets.
En arriver à de telles situations est tout à fait insupportable ! On ne peut plus se voiler la face sur ces pratiques qui gangrènent le secteur. En ces temps de crise, je rappelle que la construction d’un immeuble de près de 80 appartements, vous le savez bien, monsieur le ministre, représente 50 emplois pendant deux ans. Il faut donc impérativement créer un électrochoc pour faire cesser de tels usages.
Dans cette perspective, j’ai déposé, avec mes collègues du groupe UCR, trois amendements dont l’un est cosigné par Élisabeth Lamure.
Le premier a pour objet d’encadrer plus strictement l’intérêt à agir contre des décisions d’urbanisme. Saisi dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, le juge a rappelé dans sa décision du 17 juin dernier…