M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai bref, car la répétition d’arguments déjà invoqués n'a probablement pas beaucoup d'intérêt pour notre assemblée.
Néanmoins, je voudrais revenir sur les propos de notre excellent collègue rapporteur général de la commission des affaires sociales.
Il nous dit, fort justement, que le déséquilibre financier de nos comptes sociaux ne fait que s’amplifier. En revanche, il ne nous dit pas s'il préconise plus de cotisations, il ne nous dit pas quelles catégories seraient concernées (Mme Michèle André s’exclame.), il ne nous dit pas quelles en seraient les conséquences. De même, il ne nous dit pas s’il préconise une diminution des dépenses, il ne nous dit pas, là non plus, qui serait concerné pas plus qu’il ne nous explique quels en seraient les effets. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Avec d’autres, il dénonce également le montant atteint par notre dette sociale. En revanche, il ne nous explique pas comment une augmentation de la CRDS s'inscrirait dans une politique fiscale touchant à l’impôt sur le revenu ni comment pourraient être articulés, le cas échéant, impôt sur le revenu et contributions sociales.
M. Jacky Le Menn. On l’a dit !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La critique est facile ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Vincent Delahaye. Eh oui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. De la même façon, mes chers collègues, quand Mme le rapporteur général de la commission des finances évoque l'augmentation de la dette publique au cours des dernières années, elle oublie – volontairement, car elle connaît parfaitement la macroéconomie – la crise, elle oublie le grand emprunt.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous n’allons pas reprendre ce débat !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais c'est vous qui parlez presque chaque jour des 500 milliards d'euros de dettes supplémentaires apparues au cours du mandat de M. Sarkozy !
Mme Christiane Demontès et M. Ronan Kerdraon. Eh oui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Alors assumez vos propos ! Assumez également ceux que vous teniez, hier, lors de l’examen du projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité. Que préconisiez-vous, en effet ?
M. Gilbert Barbier. L’abstention ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Des eurobonds et la stimulation de la croissance par des programmes d'infrastructures et d'équipements financés par emprunt au niveau européen !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L’Europe n’est pas endettée ! Ce sont les États qui le sont !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Permettez-moi de vous dire que vos préconisations sont totalement contradictoires avec le discours que vous tenez aujourd’hui.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous ne pouvez pas, d’un côté, critiquer le grand emprunt national de 35 milliards d'euros et, de l’autre, faire une proposition identique, mais à une échelle bien plus large, celle de l’Europe !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ou alors il faut être schizophrène !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. De même, vous ne pouvez pas nier que cet emprunt européen devra faire l’objet d’une garantie, que sa mise en œuvre nécessitera des moyens financiers qui seront apportés par les États membres et pris sur les budgets nationaux de chacun d’entre eux.
Il n'y a pas de miracle, mes chers collègues (Mme Gisèle Printz s’exclame.), ni pour ceux qui siègent à droite, ni pour ceux qui siègent au centre, ni pour ceux qui siègent à gauche !
MM. Philippe Bas et René-Paul Savary. Bravo !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La réalité est têtue !
En soumettant au Parlement ce projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement a au moins le mérite de faire preuve d'un esprit d'innovation et d'imagination (Mme Christiane Demontès s’exclame.) en révisant les chiffres en fonction de la situation économique actuelle. C'est particulièrement important lorsqu'on a à cœur de rendre les comptes transparents. (M. Jacky Le Menn s’exclame.)
Je l'ai déjà dit, il est très rare qu'une majorité sortante se livre à cet exercice de transparence, et sans doute cela vous gêne-t-il beaucoup. (Non ! sur les travées du groupe socialiste.)
À travers ce projet de loi de finances rectificative, dont c’est un autre mérite, la majorité prend toutes ses responsabilités en annonçant dans quel sens elle poursuivra son action dès lors qu’elle aura été reconduite.
M. Jacky Le Menn. Elle aura bientôt l’occasion de se reposer !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous dites qu'il est inconvenant de présenter un tel projet de loi de finances rectificative à la veille d'élections générales. Bien entendu, je vous retourne l'argument : non seulement il n’y a là rien d’inconvenant, mais encore c'est souhaitable et c'est courageux. (M. Ronan Kerdraon s’exclame.) C'est un premier pas dans la réalisation de réformes structurelles dont nous avons grand besoin et dont le rythme devra s'amplifier. (Mme Michèle André s’exclame.)
M. Ronan Kerdraon. Le bateau coule !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tourner le dos à ses propres contradictions, éluder le débat et la discussion des articles en votant une motion de procédure,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas bien ! (Rires sur les travées du groupe CRC.) C’est l’affaiblissement du Sénat !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … c’est pratique, mais n'est-ce pas une solution de facilité ? Surtout, est-ce bien dans l'intérêt de notre assemblée ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non ! C’est grave !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Dans la mesure où le Sénat ne dispose pas des mêmes prérogatives constitutionnelles que l'Assemblée nationale, il se marginalise dans le débat en refusant d’examiner un texte.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il s’affaiblit !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En effet, ma chère collègue, le Sénat s'affaiblit.
M. Ronan Kerdraon. Vous l’avez affaibli avec le débat sur les retraites !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Sans doute est-ce le calendrier qui nous conduit à une décision aussi regrettable, mais je forme le vœu que de telles motions demeurent exceptionnelles…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ils n’arrêtent pas ! Même la proposition de loi d’Éric Doligé ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … et que le Sénat continue à exercer son rôle, à examiner les textes article par article afin de les améliorer.
Nous avons besoin d'un système bicaméral et un Sénat qui serait excessivement politisé, qui serait à la remorque des débats immédiats animant l'opinion publique, qui deviendrait le clone de l'Assemblée nationale, serait-il encore utile à nos institutions ? (M. Ronan Kerdraon s’exclame.)
M. René-Paul Savary. Très bien !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voilà la crainte que je voulais exprimer devant vous, mes chers collègues. Bien entendu, je vous invite, vous l’aurez compris, à ne pas voter la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Moi non plus, je n'avais pas prévu de prendre la parole, mais je voudrais rappeler à M. le président Marini que nous examinons présentement non pas un projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais un projet de loi de finances rectificative. De fait, si M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales n'a pas formulé les propositions que vous attendiez de lui, monsieur le président de la commission des finances, la raison en est qu'il s’est livré à cet exercice lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
Nous vous avions alors présenté des mesures dont nous attendions entre 4 et 5 milliards d'euros de recettes nouvelles.
M. Ronan Kerdraon. Effectivement !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Nous vous avions proposé, notamment, de taxer les retraites chapeaux, idée qu’a reprise, si j’ai bien compris, le candidat Sarkozy, qui envisagerait même de les supprimer carrément. (Mme la rapporteure générale de la commission des finances fait part de son scepticisme et Mme Christiane Demontès s’exclame.) Bien plus modestement, nous vous proposions, pour notre part, de les taxer, en même temps que les bonus et les stock-options.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Nous vous proposions également de revenir sur certaines exonérations de charges patronales, mesures qui auraient représenté un vrai bol d'air pour nos comptes sociaux et notre protection sociale.
Vous avez beau dire, monsieur le président Marini, la commission des affaires sociales et son rapporteur général ont déjà formulé des propositions.
Vous trouvez dommage, également, de voter des motions de procédure. Comme vous, monsieur Marini, cela fait maintenant plusieurs années que je siège dans cet hémicycle et ce n'est ni la première fois ni la dernière fois qu’une motion est déposée sur un texte. Lorsque la majorité présidentielle, alors également majoritaire au Sénat, déposait des motions de procédure, cela ne vous posait aucun problème !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On n’en proposait pas ! Vous faites comme si vous étiez toujours dans l’opposition ! Vous n’avez pas encore compris que vous étiez majoritaires ici !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Madame Des Esgaulx, je puis vous certifier que, à plusieurs reprises, votre groupe a déposé des motions, lesquelles ont bien sûr été adoptées puisque vous étiez alors majoritaires !
Enfin, monsieur le président de la commission des finances, vous trouvez qu’il serait bien dommage que le Sénat devienne « politisé » et qu'il se place à la remorque des débats nationaux.
Mais n’est-ce pas ce à quoi vous venez de vous livrer, à cette tribune,…
Mme Christiane Demontès. Absolument !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. … en invoquant les propos de certains candidats ? À cet égard, je regrette que vous n’ayez pas évoqué les propositions formulées par l’ensemble des candidats en lice pour l’élection présidentielle.
Je le répète, alors même que vous contribuez à politiser les débats, vous faites ensuite le même reproche à la majorité sénatoriale et l’accusez d'être à la remorque de certains candidats.
En conclusion, je veux dire que M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales a parfaitement inscrit son propos dans le cadre du débat qui nous réunit aujourd’hui. Au passage, je trouve qu'il est bien dommage que le Gouvernement ait attendu l’examen de ce projet de loi de finances rectificative pour formuler des propositions et que la majorité se prenne à vouloir faire en quelques semaines ce qu’elle n’a pas fait durant toutes ces années où elle était aux manettes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Ronan Kerdraon. Le chant du cygne !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’on pouvait évidemment s’y attendre, l’Assemblée nationale a repris le texte qu’elle avait voté en première lecture, décidant par là même de mettre en œuvre ce qu’elle appelle « la TVA sociale » et une taxation sur les transactions financières, sous-produit du défunt impôt de bourse, soudain paré d’une dénomination plus dans l’air du temps et, surtout, répondant aux attentes des électeurs, dans le contexte actuel de crise. (M. le ministre quitte l’hémicycle.) Au revoir, monsieur le ministre !
Ce sont là les deux mesures fiscales les plus importantes de ce texte. Elles ont d’ailleurs largement occupé les canaux médiatiques habituels et sont au centre du désaccord entre la majorité de l’Assemblée nationale et la majorité sénatoriale.
Deux autres aspects de ce projet de loi de finances rectificative retiennent évidemment l’attention et nécessitent, de notre point de vue, un commentaire particulier.
Le premier, c’est que, une fois de plus, à peine la loi de finances initiale a-t-elle été votée qu’un certain volume des crédits accordés par la représentation parlementaire se retrouvent immédiatement supprimés.
La réalité de la situation économique, avec la détérioration des recettes de l’État, vient une nouvelle fois de rattraper le Gouvernement.
Il faut être aveugle ou pratiquer la méthode Coué pour estimer, comme nous l’avons entendu hier, que 0,4 % de croissance du PIB, c’est l’embellie !
La prévision de croissance pour 2012 pourrait d’ailleurs de nouveau être remise en cause. Il suffirait pratiquement d’une nouvelle poussée de fièvre des prix de l’énergie, et notamment du pétrole importé, pour que la « valeur » de la production nationale n’augmente pas dans les proportions attendues.
Ce n’est pas avec de tels indicateurs de croissance que nous pourrons inverser la courbe du chômage, qui vient de connaître, au mois de janvier, une nouvelle détérioration. Le quinquennat de M. Sarkozy se terminera avec 4,25 millions de chômeurs à temps complet ou à temps partiel !
Qu’on ne vienne pas nous dire, d’ailleurs, que nous nous retrouvons dans cette situation parce que aucune réforme structurelle fondamentale n’a été engagée. Bien au contraire ! De la création, suivie de sa suppression, de la taxe professionnelle à la baisse continue du taux de l’impôt sur les sociétés ou au rétrécissement de son assiette, du développement intensif de la flexibilité du travail au temps partiel imposé à 3 millions de salariés, des allégements aveugles de cotisations sociales à la fiscalisation de notre sécurité sociale, des privatisations de l’appareil industriel aux liquidations d’entreprises et aux plans sociaux, bien des mesures structurelles ont été mises en œuvre !
Le résultat, nous le voyons et nous le connaissons : pas de jour sans qu’une entreprise soit concernée par un plan social, le déménagement subreptice des équipements, la fermeture pour motifs spéculatifs ou financiers !
Quant à l’augmentation de la TVA, on sait qu’elle concernera les foyers les plus modestes, comme ce fut le cas de toutes les mesures qui ont été prises pendant ce quinquennat.
Je citerai l’une des dernières, dont la presse vient tout juste de découvrir l’existence, et dont nous avions dénoncé les conséquences en décembre : le gel du barème de l’impôt sur le revenu. Cette disposition touche d’ores et déjà de 100 000 à 200 000 foyers – et peut être plus – devenus imposables alors qu’ils ne l’étaient pas, ce qui leur fera perdre des aides sociales et des réductions d’impôts locaux. M. Seillière qui s’inquiète de la proposition de M. Hollande d’une taxation à 75 % pour la part de revenu excédant un million d’euros a été bien silencieux sur cette mesure !
Pour ma part, je me réjouis que le candidat socialiste rejoigne le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui propose qu’au-dessus de 360 000 euros de revenu imposable, soit 20 fois le salaire médian, on applique un taux de 100 %. Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs de la majorité présidentielle, nous avons des propositions pour redresser notre situation économique. C’est une mesure dissuasive, une mesure de justice fiscale, une vraie mesure qui pourrait enfin permettre à l’État d’assurer une politique de solidarité.
Pour faire bonne mesure, si l’on peut dire, des crédits ont été annulés dans maints chapitres budgétaires, comme je l’ai indiqué tout à l’heure. Ces décisions auront des conséquences lourdes, même si elles n’ont pas été évaluées, d’autant qu’elles se greffent sur des budgets déjà insuffisants. Et ce ne sont pas les quelques ajustements de dernière minute pris lors du débat de l’Assemblée nationale qui permettront de régler le problème.
Il serait sans doute trop long de citer la totalité des mesures d’effacement de la « réserve de précaution », qui va finir par devenir une simple clause de style, et dont la raison d’être semble désormais de constituer un outil d’ajustement de début ou de milieu d’année en matière budgétaire. Comme le disait Mme la rapporteure générale, vous laissez ainsi au futur gouvernement issu du résultat des élections la responsabilité de supporter les conséquences de vos décisions.
Pendant ce temps, une ouverture importante de crédits est effectuée : 6,5 milliards d’euros vont être immédiatement mobilisés pour le Mécanisme européen de stabilité – j’insiste sur ce mot – qui n’a pas grand-chose à voir avec la solidarité dont certains ont paré cet « outil » financier et technocratique. Ces crédits sont mobilisés afin de permettre à la France d’apporter son écot au nouveau plan pour la Grèce.
Nous avons expliqué hier notre opposition à ces choix, proposés par Mme Merkel et M. Sarkozy, qui épuisent le peuple grec et lui font payer les conséquences d’une politique européenne refusant de s’engager sur une harmonisation fiscale et sociale qu’exigent aujourd’hui les syndicats en action dans de nombreux pays européens.
La situation faite tant à la France qu’à la zone euro, à la Grèce en particulier, nécessite d’autres réponses. Et les Français méritent d’être consultés sur ce nouveau traité, comme le seront prochainement les Irlandais.
Le vrai problème n’est-il pas que les prétendus remèdes imposés aux Grecs depuis deux ans n’ont fait qu’aggraver les difficultés que traversent ce pays et sa population, alors même que des milliards d’euros d’avoirs grecs privés sont aujourd’hui cumulés dans les coffres-forts des banques – suisses, entre autres établissements – et que l’injustice fiscale continue de laisser de scandaleux privilèges aux armateurs et à l’Église orthodoxe locale ?
Il y a deux ans, nous nous étions demandé si le plan pour la Grèce était « un plus » pour ce pays, s’il ne visait pas plutôt à assurer les arrières de ceux qui avaient fait de la dette grecque un instrument de profit parmi d’autres.
Le désastre économique dans lequel ce pays est plongé – chômage en hausse, dette publique explosée, déficits croissants et récession économique absolue – montre que, si les recettes des Goldman Sachs boys d’antan n’étaient pas admissibles, les mesures prônées par la Commission européenne et par le FMI ne sont guère meilleures !
La France doit-elle prêter la main à cet asservissement d’une nation souveraine ? Nous ne le croyons pas et c’est donc en toute cohérence que nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable au présent projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Gisèle Printz et M. Joël Labbé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, mes chers collègues, après nous avoir présenté quatre projets de loi de finances rectificative en 2011, le Gouvernement, deux mois seulement après le vote de la loi de finances pour 2012, revient déjà avec un nouveau collectif budgétaire ! Quelle en est la raison ?
Outre la volonté évidente de faire passer dans la précipitation des mesures d’affichage en pleine campagne électorale, ce collectif doit permettre, selon le Gouvernement, de s’adapter à des prévisions de croissance divisées par deux, et ainsi de respecter l’objectif de réduction du déficit à 4,5 % du PIB pour 2012.
Mais la surestimation des hypothèses de croissance sur lesquelles se fondait le Gouvernement en décembre était déjà évidente. Ainsi, depuis la fin du mois de novembre 2011, l’OCDE prévoyait une croissance de 0,3 % en 2012 alors que le Gouvernement s’obstinait à maintenir son chiffre de 1 %.
Aujourd’hui, le Gouvernement ramène sa prévision de croissance à 0,5 % : espérons cette fois qu’il ne se trompe pas, d’autant que la Banque de France prévoit déjà une croissance nulle au premier trimestre.
Ce collectif s’apparente donc à un troisième plan de rigueur. Les coupes dans les dépenses et l’utilisation inappropriée de la réserve de précaution nous le montrent. La ponction inédite faite sur cette réserve est particulièrement inquiétante et elle limitera considérablement les marges de manœuvre pour faire face à de nouveaux aléas en cours de gestion.
La « TVA sociale » est l’une des principales mesures du texte que nous contestons. Tous ceux qui se sont penchés sur les effets d’une telle mesure ont souligné qu’elle ne pourrait pas favoriser à la fois l’emploi et la compétitivité. Madame la ministre, peut-être avez-vous oublié le rapport de M. Éric Besson qui, en 2007, faisait état du dilemme entre emploi et compétitivité à propos de la TVA sociale ?
Quoi qu’il en soit, la mesure telle qu’elle est déclinée par le Gouvernement, à savoir une baisse des charges sociales de 13,2 milliards d’euros centrée sur les salaires entre 1,6 et 2,1 SMIC, compensée par un relèvement de la TVA de 1,6 point et une hausse du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, pourrait au final ne favoriser ni l’emploi ni la compétitivité.
En ce qui concerne l’emploi, comme l’a démontré Mme la rapporteure générale, si cette mesure crée des emplois, elle en créera bien moins que 100 000 – chiffre avancé par le Gouvernement – et elle pourrait même, selon certaines études, en détruire. C’est aussi l’analyse faite par Éric Heyer, directeur adjoint à l’Observatoire français des conjonctures économiques, qui estime que, dans le meilleur des cas, seuls 48 000 emplois pourraient être créés.
Dans l’hypothèse, la plus probable, où les entreprises profiteraient de la mesure pour augmenter leurs marges, les Français subiraient une double peine : d’une part, l’augmentation des prix jusqu’à 1,1 % et, d’autre part, des destructions d’emplois, jusqu’à 16 000 si l’on en croit certains experts. (M. Vincent Delahaye sourit.)
Les estimations de notre commission des finances prévoient quant à elles que l’effet de la mesure proposée par le Gouvernement sera compris entre 20 000 destructions et 30 000 créations d’emploi.
Par conséquent, il ne s’agira en aucun cas d’une « TVA emploi », mais il ne s’agira pas non plus d’une « TVA compétitivité » ou d’une « TVA antidélocalisation ». Dès lors, on voit mal en effet comment une baisse des charges sociales de quelque 13 milliards d’euros pourrait avoir un effet significatif sur la compétitivité-prix, alors que les économistes favorables à la mesure préconisaient des baisses beaucoup plus importantes, de l’ordre de 30 milliards d’euros.
De surcroît, le Gouvernement part du postulat que notre faible compétitivité serait liée au coût du travail. En réalité, je crois plutôt que c’est la compétitivité hors prix qu’il faut stimuler en favorisant la recherche et l’innovation, qui sont les clés d’une croissance forte et durable. Les mesures prises par ce gouvernement en ce sens ne sont pas suffisantes pour rattraper notre « retard » de compétitivité. Il y faudra sans doute davantage de volonté politique.
Enfin, la TVA sociale se traduira nécessairement par une hausse des prix et affectera la consommation et les revenus des ménages, en particulier des plus défavorisés. C’est pourquoi nous ne pouvons que rejeter cette mesure inefficace économiquement et injuste socialement.
La seconde mesure très médiatique de ce collectif est l’instauration d’une taxe sur les transactions financières. Comme je l’ai dit voilà une semaine, mais je ne me lasse pas de le répéter, cette taxe me tient à cœur puisque j’avais été, avec mon groupe, le premier à la proposer au Parlement dans une proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières, examinée par notre assemblée le 23 juin 2010, et rejetée par la majorité sénatoriale de l’époque.
Mais si l’on peut se réjouir, et c’est mon cas, de la volonté du Gouvernement d’instaurer une telle taxe, qui avait dans un premier temps été refusée catégoriquement, on ne peut en revanche que regretter que la version envisagée, et Mme la rapporteure générale l’a dit, soit plus que limitée, notamment par rapport aux propositions de la Commission européenne. Son assiette, déjà étroite à l’origine, a encore été réduite par l’adoption d’un amendement du rapporteur général à l’Assemblée nationale.
En conclusion, les deux mesures phares du collectif – TVA sociale et taxe sur les transactions financières – sont donc révélatrices de la logique qui sous-tend l’ensemble du texte. Les mesures proposées, loin d’être à la hauteur des ambitions affichées, sont d’abord et avant tout l’illustration, une fois de plus, de l’utilisation du Parlement et du travail de ses membres à des fins exclusivement électoralistes. Dans ces conditions, la majorité des membres du RDSE soutiendra la motion tendant à opposer la question préalable, présentée par Mme la rapporteure générale de la commission des finances. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, lundi dernier, nous discutons de nouveau du premier collectif budgétaire pour l’année 2012.
Mon propos s’adressera avant tout à nos collègues de la majorité sénatoriale et de l’opposition présidentielle. Il portera tant sur le fond que sur la forme de ce débat.
Sur le fond, vous vous opposez à la création d’une TVA compétitivité ou antidélocalisation. Votre argumentation porte avant tout sur la hausse de la TVA, en insistant peu sur la baisse des charges patronales, qui est le vrai sujet.
La hausse ne concernera que le taux supérieur de la TVA, et sera limitée à 1,6 point, ce qui nous placera dans la moyenne européenne des taux de TVA. Elle ne concernera donc pas les biens de première nécessité, comme l’alimentation ou les médicaments, et au total, ce sont 60 % du panier de consommation des Français qui ne seront pas concernés par cette hausse. Il n’y a pas là de quoi pousser des cris d’orfraie et brandir le spectre de l’augmentation des prix. Je vous rappelle qu’en Allemagne et au Danemark la hausse de la TVA n’a pas été inflationniste. Comme cela a été rappelé tout à l’heure, la hausse de 2 points de TVA sous le gouvernement Juppé avait entraîné une hausse des prix d’un demi-point seulement.
Par ailleurs, si, dans les médias, vous ne cessez d’insister sur la hausse de TVA, vous vous gardez bien d’expliquer aux Français que la baisse des charges sociales sera également compensée par une hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, la moitié de cet effort concernant les 5 % des ménages les plus aisés.
Votre argumentation porte aussi sur la faible création d’emplois attendue. De ce point de vue, je rappelle que les experts se contredisent.
Quoi qu’il en soit, il faut, dans ce débat, revenir aux fondamentaux : l’emploi ne se décrète pas. Il est conditionné par la compétitivité des entreprises. On ne peut à la fois s’émouvoir, comme vous le faites, de la désindustrialisation de notre pays, des mauvais chiffres du commerce extérieur, des délocalisations et ne pas regarder en face et avec courage la structure des charges que nos entreprises doivent supporter.
Il s’agit avant tout de les rendre plus compétitives par rapport à leurs voisines européennes, l’Allemagne, mais aussi l’Italie ou l’Espagne, nos principaux concurrents. Il s’agit aussi de dynamiser nos exportations et taxer davantage les produits importés.
Manuel Valls, porte-parole du candidat Hollande, ne s’était pas trompé lorsqu’il déclarait le 28 septembre lors de la primaire socialiste « la solution c’est la TVA sociale » (M. Jacky Le Menn s’exclame.) ou lorsqu’il récidivait le 7 octobre dans une tribune parue dans Les Échos, intitulée « Oui, la TVA sociale est une mesure de gauche » et il enfonçait le clou en ajoutant « je défends depuis longtemps le principe d’une TVA protection, mesure qui permettrait de trouver un antidote aux délocalisations » : on ne peut mieux dire !