Mme Éliane Assassi. Tout à fait ! Mais, sans revenir sur le fond du texte, je profite de cette occasion pour poser un certain nombre de questions.
Ces armes sont théoriquement, comme les armes à feu, interdites à la vente libre.
Le Conseil d’État a considéré, le 2 septembre 2009, que leur emploi « comporte des dangers sérieux pour la santé, résultant notamment des risques de trouble du rythme cardiaque, de syndrome d’hyperexcitation, augmentés pour les personnes ayant consommé des stupéfiants ou de l’alcool, et des possibles complications mécaniques liées à l’impact des sondes et aux traumatismes physiques résultant de la perte de contrôle neuromusculaire ; que ces dangers sont susceptibles, dans certaines conditions, de provoquer directement ou indirectement la mort des personnes visées ». Ce n’est pas rien !
De même, souvenons-nous que le comité de l’ONU contre la torture, dans un rapport du 23 novembre 2007 sur le Portugal, indiquait au sujet du Taser que « l’usage de ces armes provoque une douleur aiguë, constituant une forme de torture, et que, dans certains cas, il peut même causer la mort ».
Les États-Unis, précurseurs dans la banalisation de l’utilisation du Taser, ont récemment fait l’objet de critiques de la part d’Amnesty International, qui a recensé au moins 500 personnes mortes aux États-Unis depuis 2001 après avoir été touchées par cette arme lors de leur arrestation ou de leur incarcération.
En première lecture, Philippe Richert nous a répondu : « Le Taser est une arme non létale, ayant vocation à être classée dans la catégorie B, parmi les “armes soumises à autorisation pour l’acquisition et la détention”. Cette arme a donc un usage parfaitement réglementé et elle remplit sa vocation opérationnelle. »
Cette subtile distinction conduit à dire que ces armes ne sont mortelles que pour certaines personnes. Mais il reste que, lorsqu’on les emploie, on ne sait pas si les personnes susceptibles d’être atteintes font partie de celles pour lesquelles ces armes sont létales.
De plus, à la suite de nombreux drames liés à l’usage par la police de ce type d’arme, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ou CNDS, a recommandé de ne pas utiliser le flash-ball « lors de manifestations sur la voie publique ». Elle rappelait, en effet, que cette arme, dont les policiers municipaux peuvent être équipés, risque de causer des blessures graves et irréversibles, d’autant que leurs trajectoires de tirs sont imprécises. Elle soulignait, en outre, que des négligences et des manquements professionnels graves ont été constatés à maintes reprises quant à l’utilisation de ces armes dites « sublétales ».
Voilà plus d’un an, le lundi 13 décembre 2010, un homme décédait à Marseille, victime d’un arrêt cardiaque, après avoir reçu un tir de flash-ball d’un policier.
De même, le 14 octobre 2010, lors d’une manifestation sur la réforme des retraites, un jeune lycéen a gravement été touché au visage par l’utilisation d’un flash-ball par un gardien de la paix qui avait été habilité en 2008 à utiliser cette arme, mais qui n’avait pas suivi la formation continue conditionnant chaque année le maintien de cette autorisation. Il n’en connaissait d’ailleurs même pas l’existence.
Plus récemment, dans une décision rendue le 7 février dernier, le Défenseur des droits reproche au ministère de l’intérieur de ne pas respecter ses propres prescriptions en ce qui concerne la formation et l’habilitation des policiers. Il souhaite, par ailleurs, que les responsables politiques s’interrogent sur l’opportunité de l’emploi de ces armes.
Pour notre part, nous avons soulevé ces interrogations, et nous vous faisons part de nos inquiétudes depuis plusieurs années. En 2010, le groupe CRC a d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à interdire l’utilisation d’armes de quatrième catégorie par la police ou la gendarmerie contre des attroupements ou manifestations, leur commercialisation ou leur distribution pour des polices municipales ou des particuliers.
Monsieur le ministre, vos réponses ne conditionneront pas notre vote en faveur de la présente proposition, mais nous ne pouvons nous contenter de réponses évasives sur un sujet aussi important et renouvelons le souhait que soit décidé, dans l’immédiat, un moratoire sur l’utilisation de l’ensemble des armes de quatrième catégorie par les forces de l’ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif touche à la sécurité, qui est un enjeu politique majeur, auquel nos concitoyens sont très sensibles.
Ainsi que l’ont souligné les orateurs qui m’ont précédé, il est remarquable que le Sénat et l’Assemblée nationale aient adopté ce texte à l’unanimité, en première lecture, et qu’ils s’acheminent de nouveau vers un vote unanime. C’est dire, monsieur le ministre, que tout le monde est capable de se rassembler sur un texte quand le bon sens prévaut, et je ne peux qu’en féliciter mes collègues ! Cela témoigne d’une sagesse et d’un souci de responsabilité à l’égard d’un dispositif dont l’objectif n’est que de satisfaire l’intérêt général et de mieux protéger nos concitoyens.
Nos collègues députés, à l’origine d’un rapport d’information sur les violences par armes à feu et l’état de la législation, ont bien démontré toutes les difficultés que pose la réglementation actuelle, soulignant même son inadaptation. Celle-ci est en grande partie fondée sur le décret-loi du 18 avril 1939, qui, par la suite, a été codifié par le décret du 12 mars 1973. D’autres décrets ont été pris pour que le dispositif relatif au contrôle des armes à feu soit conforme au cadre fixé par la directive européenne du 18 juin 1991.
Finalement, cet empilement normatif, essentiellement réglementaire, a introduit de la confusion et de la complexité dans un domaine qui, au contraire, mérite une parfaite lisibilité, et ce pour une double raison : d’un côté, les utilisateurs légaux doivent pouvoir s’y retrouver, afin de ne pas se mettre involontairement en situation d’insécurité juridique ; de l’autre, les trafiquants ou les délinquants utilisant illégalement des armes ne doivent pas pouvoir tirer parti des faiblesses de notre législation. Or c’est visiblement le cas, puisque l’on constate un accès aux armes particulièrement préoccupant pour l’ordre et la sécurité publics, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.
Toutefois, comme l’a indiqué dans son rapport notre excellent collègue Antoine Lefèvre, ce n’est pas tant l’évolution du nombre d’armes qui est inquiétante que les modalités de leur utilisation, notamment la mutualisation de celles-ci. Permettez-moi de mettre un bémol à cette considération. Franchement, je préfère la multiplication des petits pains à celle des armes, même si j’ai bien compris le sens de vos propos ! (Sourires.)
J’ajoute que la mission d’information conduite par nos collègues députés avait relevé que, dans l’ensemble des crimes et délits recensés, les violences et les infractions commises au moyen d’une arme à feu restaient fort heureusement minoritaires. Pour autant, les pouvoirs publics doivent demeurer vigilants, en raison de deux phénomènes, qui, hélas ! alimentent un trafic faisant perdurer sur notre sol un stock illégal d’armes, concourant ainsi à nourrir un climat d’insécurité. Je me suis déjà exprimé sur ce point en première lecture. Notre préoccupation majeure doit consister à tarir les sources clandestines d’approvisionnement en armes. On connaît bien ces filières. Les conflits régionaux dans les Balkans ont ouvert la voie à des trafics, relevant parfois d’initiatives individuelles, mais aussi d’organisations criminelles très bien structurées.
En marge de ce débat, je voudrais vous faire part, monsieur le ministre, de mon inquiétude concernant les trafics d’armes qui se développent à la suite des mouvements révolutionnaires arabes. Je pense en particulier aux armes françaises qui auraient été livrées en Libye pour aider les combattants anti-Kadhafi. Des membres d’Al-Qaïda se vantent publiquement d’en posséder. Je ferme ici la parenthèse, mais j’espère que le Gouvernement a pris la mesure de ce problème. Si ces armes n’inondent pas directement notre territoire, comme ce fut le cas avec le matériel en provenance de l’Europe de l’Est, leur détention par des terroristes est, bien sûr, contraire aux intérêts de la France, et pas seulement d’ailleurs...
Quoi qu’il en soit, la réforme qui nous occupe aujourd’hui jette les bases d’un contrôle plus rigoureux et adapté aux nouvelles formes de délinquance. Vous le savez, mes chers collègues, le RDSE a approuvé ce texte en première lecture, et ce pour les raisons que j’ai exposées le 8 décembre dernier et qui n’ont pas évolué : l’état d’esprit qui sous-tend cette proposition de loi reste le même à l’issue de l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale. Je dois même dire que certains des articles ont été utilement précisés par les députés, afin de mieux articuler certaines obligations avec la simplification que l’on devait aux utilisateurs légaux d’armes et aux armuriers.
Nous sommes nombreux à avoir rappelé que les chasseurs et les tireurs sportifs ont fait preuve d’une responsabilité qui n’a jamais été prise en défaut. Les fédérations de chasseurs et les fédérations sportives s’étaient émues de la rigidité de certains articles. Leur message a été entendu. En effet, nous les avons écoutées en procédant aux ajustements nécessaires, et je dois dire que le Gouvernement a été très réceptif.
Par exemple, il était souhaitable, dans le cadre du nouveau classement, de laisser la possibilité aux tireurs sportifs d’accéder à des armes actuellement classées en catégories 1 et 4. Ce n’était pas possible à l’issue des travaux du Sénat, mais la commission des lois de l’Assemblée nationale a « corrigé le tir », si vous me permettez cette expression, en déposant un amendement à l’article 3.
Par ailleurs, le travail conjugué de nos deux assemblées a établi un bon compromis sur les conditions de port et de transport légitime des armes de chasse. Les chasseurs seront sensibles à cette avancée formalisée à l’article 32.
Les collectionneurs, reconnus en tant que tels, devraient également être satisfaits, puisqu’ils pourront exercer leur passion dans un cadre juridique conforté.
Naturellement, ce texte ayant pour principale vocation non pas de faire plaisir aux utilisateurs légaux, mais plutôt de dissuader la possession et l’utilisation criminelle d’une arme, je n’oublierai pas de saluer les mesures allant dans ce sens.
La proposition de loi comprend un volet répressif, qui vise principalement à garantir le prononcé des peines complémentaires relatives aux armes. C’est une avancée. En effet, il ne serait pas choquant de priver de son arme une personne ayant commis une infraction, d’autant que le Conseil constitutionnel a admis, à deux reprises, la constitutionnalité de dispositions encadrant le pouvoir d’appréciation du juge dans la détermination des peines.
Mes chers collègues, le dialogue qui a présidé à l’élaboration, puis à l’examen de la proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif va nous conduire à un vote conforme. Le groupe du RDSE s’en réjouit, car ce texte touche au fondement du pacte républicain. Nos concitoyens ont en effet une exigence forte de sécurité, à laquelle les pouvoirs publics doivent répondre du mieux possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'UCR et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous prenons enfin conscience du danger que représentent les armes dans notre société.
Les écologistes, fidèles à une tradition philosophique pacifiste, dénoncent depuis longtemps les conséquences tragiques d’une législation permissive. En la matière, comme dans d’autres domaines, il faut, hélas ! attendre le drame, comme à Marseille, pour que les élus prennent leurs responsabilités.
Très récemment, dans mon département, l’Essonne, deux véhicules ont été la cible de tirs à l’arme automatique. Un jeune homme d’une vingtaine d’années a été blessé par balle à la main, à la suite d’une bagarre intervenue à Crosne. Sur les lieux de la fusillade, on a retrouvé des douilles de 9 millimètres, ainsi qu’une grenade offensive non dégoupillée.
De tels événements sont incroyables ; pourtant, ils se déroulent dans nos quartiers. Voilà la société dans laquelle nous vivons ! C’est tout simplement inacceptable.
Parce qu’il a permis d’amorcer l’actuelle prise de conscience, je salue le travail de nos collègues députés Claude Bodin et Bruno Le Roux, qui ont publié un excellent rapport sur les violences par armes à feu et l’état de la législation.
Cependant, m’étant penché sur le sujet, j’ai pu constater combien les informations récentes et les statistiques en la matière sont rares. Toutefois, le peu que l’on sache est pour le moins alarmant.
En 2008, on comptait plus de 3 millions d’armes, appartenant essentiellement à des chasseurs ou à des tireurs sportifs.
Qu’il s’agisse d’armes déclarées, soumises à autorisation, ou d’armes illégales, il est presque impossible de comptabiliser celles qui sont réellement présentes sur le territoire. Bien évidemment, les estimations sont supérieures aux chiffres officiels. Le syndicat des armuriers estime, pour sa part, que 10 millions d’armes sont en circulation en France, et une enquête place même la France au deuxième rang des pays les plus armés de l’Union européenne !
Objet d’une discussion particulièrement constructive entre les deux chambres parlementaires, la proposition de loi est aujourd’hui, il faut le reconnaître, un texte positif, actant la nécessité d’agir pour renforcer la sécurité publique. Je pense notamment à quelques mesures satisfaisantes, comme le renforcement des dispositifs permettant de lutter contre le trafic d’armes, l’alourdissement des sanctions pénales ou l’impossibilité d’acquisition et de détention d’une arme à feu pour une personne ayant été condamnée pour une infraction dénotant un comportement violent.
Néanmoins, les écologistes estiment que ce texte aurait pu aller plus loin. Vous allez peut-être sourire, monsieur le ministre, mais nous prônons une société non violente et pacifiste, dans laquelle les armes n’ont pas leur place… du tout ! Il ne me paraît donc pas scandaleux d’affirmer que les particuliers ne devraient pas disposer d’armes à feu chez eux ; c’est une question de bon sens et de sécurité préventive.
Si je comprends les revendications des chasseurs, des collectionneurs et des sportifs, dont mes collègues se sont fait les interprètes, et si je respecte leur passion, je rappelle que des vies humaines sont en jeu.
Pour la saison 2010-2011, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage a recensé 131 accidents de chasse, dont 18 mortels. Ont été victimes de ces accidents 4 enfants, souvent d’ailleurs les propres enfants des chasseurs.
Des milliers d’usagers pacifiques de la nature, les promeneurs, les cyclistes, les randonneurs, les joggeurs, ne vont plus en forêt l’automne et l’hiver de peur d’être victimes d’une balle perdue.
Maladresse, homicide involontaire, coup de folie, règlement de compte : tous les jours, ou presque, malheureusement, de tels drames se produisent, même si, bien évidemment, le risque zéro n’existe pas.
C’est pourquoi, sur un plan philosophique, nous estimons qu’aucune exception ne devrait pouvoir être envisagée. La prohibition des armes à feu n’est pas si utopique. Elle est d’ailleurs déjà appliquée dans certains pays. Le Danemark et les Pays-Bas ont décidé une interdiction générale. Au Japon, la réglementation est tellement stricte qu’il est, pour ainsi dire, impossible d’avoir chez soi une arme à feu, a fortiori une arme de guerre dans un but de collection, y compris une arme neutralisée. La loi britannique prévoit l’interdiction de presque toutes les armes à feu. Les policiers, par tradition, n’en portent pas, sauf dans des circonstances très spécifiques.
Les études internationales démontrent ce qui apparaît comme une évidence : plus le pourcentage de ménages possédant une arme à feu est réduit, plus le taux de décès par armes à feu est faible, voire quasiment inexistant.
Pour conclure, permettez-moi de citer le philosophe français Jean-François Revel : « Si l’individu ne devient pas pacifique, une société qui est la somme de ces individus ne le deviendra jamais. »
Telles sont les raisons pour lesquelles les écologistes défendent un modèle pacifiste, respectueux de la dignité humaine et de l’environnement, même s’ils ne prétendent pas, vous le comprenez aisément à mes propos et au ton que j’ai employé, donner de leçons de morale en la matière, ni quelque leçon que ce soit d’ailleurs.
Ainsi, les écologistes s’abstiendront sur ce texte, qui constitue certes, monsieur le ministre, une avancée par rapport au droit actuel, mais ne correspond pas à la vision qu’ils défendent, celle d’une société désarmée. (M. le président de la commission des lois applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec un plaisir certain que nous voyons revenir au Sénat la proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif. Je voudrais, à mon tour, affirmer le caractère consensuel d’une démarche parlementaire engagée ici même le 8 décembre dernier, soit quasiment un an après la transmission du texte au Sénat, la nouvelle majorité de notre assemblée faisant en sorte, je tiens à le préciser, de tenir les délais !
C’est d’ailleurs la même démarche consensuelle qui a présidé à l’adoption de la proposition de loi portant diverses dispositions d’ordre cynégétique, largement complémentaire de celle-ci. Qu’il me soit permis au passage de regretter le manque de fair-play manifesté par nos collègues députés, il y a quelques jours, à l’occasion de l’adoption de ce texte. Alors que les avancées permises par le Sénat étaient unanimement approuvées par les chasseurs, singulièrement par la Fédération nationale des chasseurs de France, ceux-ci ont fait superbement l’impasse sur le côté positif du travail sénatorial.
D’ailleurs, je me plais également à rappeler que le texte que nous examinons aujourd’hui a aussi été singulièrement amélioré par le Sénat. En effet, à l’issue de la première lecture par l’Assemblée nationale, il avait été largement contesté, et ce à juste titre, par les chasseurs, les tireurs sportifs, les collectionneurs et les armuriers. Il se devait de permettre la transposition de la directive européenne sur les armes à feu.
Les points litigieux concernaient des aspects majeurs de la proposition de loi, à savoir la classification des catégories d’armes et leurs conditions d’acquisition et de détention, ainsi que de leur transport. Le travail du Sénat a permis en quelque sorte de remettre les choses à l’endroit.
La définition des sanctions et de leurs destinataires dans le cadre de l’interdiction de la détention et du port d’armes a aussi été grandement modifiée par les sénateurs. Quant au statut des collectionneurs, il a enfin bénéficié de sérieuses avancées, alors qu’il menaçait de disparaître purement et simplement, tout comme, d’ailleurs, la pratique du tir sportif.
En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a non seulement validé notre travail, mais l’a aussi conforté sur certains points.
J’ajoute, monsieur le ministre, que les avancées réalisées par la Haute Assemblée n’étaient pas uniquement dues, de façon monolithique, au travail des sénateurs de droite. Il ne vous aura pas échappé, à la lecture des amendements déposés, que quelques-uns d’entre eux, et non des moindres, étaient signés par des sénateurs de gauche !
C’est ainsi que les députés ont renforcé la cohérence de l’article 3, en rassemblant la catégorie des matériels et des armes, pour que l’application du principe d’interdiction et les dérogations y afférant soient uniformisées sous la catégorie générique A. Ils ont également affiné la rédaction de ce même article, afin de permettre, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, aux personnes physiques et morales d’acquérir et de détenir des matériels et armes aux fins de collection ou de tir sportif.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a reconnu que la liste des infractions pour lesquelles une inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire entraîne l’interdiction de détenir ou de porter une arme, telle qu’elle a été redéfinie par le Sénat, constituait un véritable progrès par rapport à sa propre rédaction, qui renvoyait plus à de grandes catégories qu’à des infractions précises.
Les députés ont aussi adopté un amendement déposé par le rapporteur du texte et tendant à rendre obligatoire la règle du prononcé des peines complémentaires restreignant la capacité d’acquérir et de détenir des armes pour les infractions non seulement de destructions volontaires dangereuses pour les personnes, mais aussi de détention de produits incendiaires ou explosifs en vue de commettre une telle infraction.
Concernant, enfin, l’article 32 relatif à l’incrimination, pour toutes les catégories d’armes, du port ou du transport d’armes sans motif légitime, les députés ont validé, tout en les précisant, les dispositions que nous avions mises en place, ainsi que l’a rappelé tout à l’heure le rapporteur. Sur proposition de leur rapporteur, ils ont en effet distingué le transport et le port des armes, alors que la rédaction sénatoriale les soumettait conjointement à la même condition de possession d’un permis de chasser, accompagné de la validation de l’année en cours ou de l’année précédente.
Le texte dont nous discutons aujourd’hui est donc précis : pour le transport d’armes, la détention d’un permis de chasser permet à son titulaire d’avoir un motif légitime pour transporter celles qui sont utilisées pour l’activité de chasse, sans qu’il soit toutefois exigé que ce permis soit accompagné de la validation de l’année en cours ou de l’année précédente.
Pour ma part, je considère que c’est tout à l’honneur des parlementaires, toutes tendances politiques confondues, monsieur le ministre, d’avoir soutenu et amendé un texte très attendu par les utilisateurs légaux et légitimes des armes à feu que sont les armuriers, les fabricants, les collectionneurs, les pratiquants de ball-trap, les tireurs sportifs et les chasseurs.
Nous avons délibérément voulu déconnecter – c’est un euphémisme ! – le travail que nous avons effectué d’un contexte politique particulier. Celui-ci n’obéit donc à aucune logique électoraliste.
Les positions que j’ai défendues en première lecture et que je continue à défendre sont celles que j’aurais mises en avant il y a un an, ou que je pourrais soutenir dans six mois. Elles sont le fruit de convictions, ainsi que d’un travail d’écoute, de réflexion et de concertation approfondi.
Ce texte fera, selon toute vraisemblance, l’objet d’un vote conforme, ce dont je me réjouis. Il donne satisfaction aux 2 millions de détenteurs légaux d’armes à feux recensés, tout en permettant de réprimer plus efficacement le trafic des armes et ceux qui violent la loi en y participant.
Monsieur le ministre, vous avez fait allusion à l’actualité récente, qui nous a conduits à déplorer la mort de plusieurs personnes sous le feu d’armes de guerre, dans le cadre soit de sordides règlements de compte, soit de braquages ayant mal tourné.
En tout état de cause, vous comprendrez aisément, mes chers collègues, que ce texte, même s’il renforce de manière précise et conséquente le volet pénal relatif à la détention et à l’utilisation d’armes prohibées, aura atteint les limites de ce que la loi peut produire en la matière. Chacun le sait, une personne résolue à attaquer un fourgon de la Brink’s avec une kalachnikov ne reculera pas devant un texte de loi, fût-il de quatre cents pages et très élaboré ! (Sourires.)
Monsieur le ministre, étant concerné au premier chef et dans le cadre des missions vous incombant, il vous revient donc de mettre en œuvre, comme cela a été rappelé par notre collègue Jean-Pierre Plancade, un dispositif beaucoup plus pertinent pour lutter efficacement contre l’entrée illicite d’armes sur le sol français, leur trafic et leur utilisation.
Par ces propos, je souhaite éviter que la vocation de cette proposition de loi ne soit détournée. À l’issue de ce débat, il ne doit pas y avoir la moindre confusion dans l’opinion publique entre ce que je viens de dénoncer et l’utilisation et la possession légitimes d’armes par 2 millions de personnes, qui se placent délibérément dans le cadre strict de la légalité.
Pour conclure, je me réjouis que nous ayons débattu de ce texte dans un climat apaisé, car les circonstances dans lesquelles nous avons examiné cette question auraient pu donner lieu à un certain nombre de dérapages. Le Sénat, fidèle à son habitude, a réussi à mener ses travaux dans la sérénité, démontrant une fois encore sa capacité à apporter de la valeur ajoutée aux textes qui lui sont soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’interroger sur la réglementation de l’usage et de la détention des armes n’est pas anodin dans notre société. Que l’on fasse allusion à de tristes faits divers, que l’on s’intéresse à la chasse et aux armes, l’enjeu essentiel reste constant : il s’agit, pour nous, d’assurer le respect de la sécurité de chacun et l’ordre public pour tous.
C’est pourquoi l’usage, la détention et la commercialisation d’armes sont devenus un enjeu primordial dans la définition de l’organisation de l’espace public. Aussi nous est-il apparu nécessaire de renforcer le dispositif juridique en vigueur en la matière, mais, surtout, de l’améliorer et de le simplifier.
Plus encore, la question de la libre circulation des armes a aussi récemment attiré l’attention de Bruxelles, et il existe, à ce titre, des exceptions, compte tenu du double usage de ces marchandises.
Comme en dispose l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, il appartient à tout État membre de « prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre ».
Sont donc seuls soumis aux règles de la libre circulation des marchandises les produits non spécifiquement destinés à des fins militaires, tels que les armes de chasse ou de sport, ainsi que les explosifs à usage industriel.
Cette proposition de loi est d’autant plus attendue que le législateur français fait usage ici des prérogatives qui lui sont conférées par le droit de l’Union européenne, en vue d’assurer l’ordre public et la sécurité des citoyens français.
Mais nous souhaitons surtout répondre aux attentes des chasseurs, des tireurs sportifs, comme des collectionneurs, puisque les armes touchent un large spectre de personnes, au-delà des usages militaires de ces matériels.
La complexité excessive de la réglementation actuelle est préjudiciable tant aux citoyens qu’aux administrations chargées de son application.
Aussi, les concertations engagées par le Gouvernement avec les représentants d’utilisateurs légaux d’armes à feu, qui ont défendu ardemment leurs intérêts, aboutissent enfin. Ces concertations entre la société civile et les pouvoirs publics ont été fructueuses, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Nous avons réussi, grâce aux débats consensuels qui ont eu lieu dans chacune des deux assemblées parlementaires, à construire un cadre juridique moderne, équilibré, simplifié et adapté aux nouvelles contraintes du contrôle des armes.
Cette proposition de loi a un double objet.
D’une part, il s’agit de transposer la directive européenne 91/477/CEE, modifiée en 2008 par la directive 2008/51/CE, instaurant une simplification dans le classement des armes. Tel est l’objet de l’article 1er de la proposition de loi.
La classification que nous proposons a le mérite de clarifier le dispositif, en donnant une définition explicite des différentes catégories et en instaurant des obligations proportionnellement graduées non seulement selon les caractéristiques des armes, mais aussi selon la nature des détenteurs, et de durcir les sanctions à l’encontre des délinquants et des trafiquants, notamment par le prononcé obligatoire de peines complémentaires.
D’autre part, il s’agit de se placer dans une perspective plus nationale et de moderniser la législation relative aux armes, qui date du décret-loi de 1939. Dès lors, cela impliquait de revoir la législation sur les armes pour tous les détenteurs légaux d’armes à feu datant d’une période troublée.
De plus, nous nous sommes efforcés de renforcer la sécurité publique, en luttant contre les trafics et la délinquance armée. Il me semble que l’introduction de la notion de dangerosité comme principe de classement des armes constitue une importante innovation juridique.
Ainsi, il relève du bon sens qu’une réforme en la matière doit garantir les droits des personnes qui font un usage honnête de leurs armes et qu’il faut davantage s’en prendre aux criminels et aux délinquants.
En effet, les chasseurs et les tireurs sportifs sont respectueux des lois. Ces derniers, par l’entremise de leurs fédérations, nous ont fait remarquer qu’il n’était pas nécessaire de faire peser sur ces honnêtes gens une pression et des contraintes légales supplémentaires, pour la simple raison qu’ils détiennent légitimement des armes à feu.
Selon nous, l’essentiel est que cette proposition de loi permette de sanctionner le défaut de déclaration, d’autorisation et de détention, et donc de limiter les abus et les atteintes aux citoyens. À cet égard, il est certain que ce texte établit un meilleur équilibre pour les détenteurs légaux d’armes à feu, qui ne subiront plus de contraintes démesurées s’ils ont commis une erreur pour défaut de déclaration.
Ainsi, la préservation de l’ordre et de la sécurité publics demeure notre priorité.
Dès lors, il fallait aggraver substantiellement les peines pour les trafiquants qui utilisent ou détiennent des armes à feu. Ainsi, nous avons prévu des aggravations de peines lorsque les infractions sont commises en bande organisée.
Concernant le cas des collectionneurs, cette proposition de loi est sans précédent.
Lorsqu’il s’agit de traiter de sujets délicats, nous devons faire preuve de bon sens et de mesure : si les collectionneurs ne font pas de leurs armes le même usage que les chasseurs et tireurs professionnels, nous ne saurions leur imposer des contraintes inutiles.
Il nous faut prendre conscience qu’une arme n’est dangereuse que si elle est utilisée d’une manière dangereuse. En outre, l’usage d’une arme peut concerner les utilisateurs dits « pacifiques », et ceux-ci ne sauraient se voir lésés du fait de leur passion ou de leur goût pour les armes anciennes.
Nous proposons ainsi la création du statut de collectionneur, qui reconnaît la possibilité, à son bénéficiaire, d’acquérir et de détenir des armes soumises à déclaration, la collection constituant désormais un motif légitime d’acquisition et de détention propre.
Il s’agit là d’une grande avancée, qui permettra sans aucun doute d’assurer une meilleure préservation de notre patrimoine, ainsi qu’une meilleure conservation des matériels présentant un intérêt historique, technique, industriel ou culturel indéniable.
Nous avons certes la volonté de simplifier et de clarifier la réglementation pour les utilisateurs d’armes à feu, mais nous voulons aussi, et surtout, responsabiliser les utilisateurs, en sanctionnant les comportements abusifs, afin de garantir la sécurité et l’intégrité de chaque citoyen.
Assouplissement d’une réglementation trop contraignante pour les collectionneurs d’armes, sauvegarde d’un patrimoine fondateur de l’État-nation, recherche d’un équilibre entre les aspirations légitimes des collectionneurs et l’impératif de sécurité sur notre territoire, telles sont les lignes directrices du rapport d’information que j’ai rédigé et remis au Premier ministre dans le cadre de la mission qui m’a été confiée en 2010. Je tiens d’ailleurs à vous remercier, monsieur le ministre, de l’avoir souligné.
Toutefois, certains points restent encore en suspens, et il serait dommage de ne pas mettre à profit la discussion de ce texte pour les résoudre. Les projets ou propositions de loi en la matière sont peu nombreux, et reporter ces questions est regrettable. Je pense notamment à la question des épaves d’armes.
Cette problématique a été abordée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, mais il a été décidé de la traiter dans le cadre d’une réflexion plus globale sur les collections d’armes, comme l’a rappelé M. le rapporteur.
Je pense également à la question des armes anciennes de catégorie D soumises à enregistrement, qui ne peuvent être acquises par les détenteurs de la carte de collectionneur, contrairement à celles de la catégorie C.
La commission des lois de l’Assemblée nationale avait introduit cette faculté, mais un amendement du Gouvernement a supprimé cette disposition au motif qu’elle constituerait une menace pour la sécurité publique.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que les modalités de délivrance de cette carte comportent suffisamment de garanties pour que l’acquisition et la détention de ces armes ne mettent pas en cause la sécurité publique ?
Une autre question concerne les décisions de refus d’autorisation qui devraient être motivées en fait et en droit. La motivation des décisions administratives me paraît souhaitable. J’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des éléments de réponse sur les points que je viens d’évoquer.
Bien entendu, le groupe UMP du Sénat garde à l’esprit qu’il n’est pas toujours aisé de concilier liberté et sécurité, mais ce texte devrait satisfaire ces exigences. C’est pourquoi il soutient les propositions de notre excellent rapporteur Antoine Lefèvre, qui a su rassembler les points de vue pour aboutir au texte équilibré que nous nous apprêtons à voter massivement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)