M. le président. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mon propos sera relativement bref, étant donné les circonstances qui président à la discussion, ou plutôt devrais-je dire, à la non-discussion de ce texte, pourtant tant attendu.
La question centrale est la suivante : pourquoi améliorer, pourquoi adapter, pourquoi « dé-légiférer » ? Nous entendons tous nos concitoyens nous dire qu’il y a trop de lois, qu’elles sont trop complexes et illisibles. Ce constat est certes basique, mais tellement vrai !
Par ailleurs, il me semble que, dans cette assemblée comme ailleurs, nous souhaitons tous une société dans laquelle les relations entre les citoyens, les entreprises et les administrations seraient fondées sur la confiance. Or la complexification croissante du droit contribue souvent à favoriser l’insécurité juridique, qui nous pénalise tous.
Aussi, un vaste mouvement de simplification de notre droit est, à n’en pas douter, nécessaire. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, il a bien été engagé dès le début de la législature, et non pas en toute fin. Je tiens à rappeler que, depuis 2007, plusieurs textes n’ayant d’autre objet que de simplifier le droit ont été adoptés.
Aujourd'hui, la nouvelle majorité sénatoriale refuse que nous discutions de cette proposition de loi et apportions notre expérience ainsi que celle des élus, des entrepreneurs, bref de nos concitoyens, pour servir à l’amélioration de notre droit.
Chers collègues de gauche, vous contestez la méthode. Soit, mais que proposez-vous d’autre ?
Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, le principe même d’un texte de simplification veut qu’il balaie notre arsenal législatif afin d’en extraire à la fois l’inutile et l’essentiel, ce que nous aurions pu faire habilement et intelligemment, collectivement, comme nous l’avions proposé en commission, monsieur le président. Vous ne vouliez pas accepter la totalité du texte – nous en avons maintenant l’habitude –, mais nous aurions tout de même pu examiner ce qui méritait d’être retenu. Comme la commission des lois se réunit trois ou quatre fois par semaine, nous aurions vraiment pu procéder ainsi dans le délai qui nous était imparti, comme nous le faisons pour d’autres textes.
Ce n’est pas en votant une motion tendant à opposer une question préalable que nous réglerons la question du caractère hétéroclite des textes dont nous parlions tout à l’heure, d’autant que l’adoption de la motion présente, je le redis, un inconvénient majeur : l’Assemblée nationale définira seule les contours et le contenu de ce texte, ce qui n’est pas acceptable pour le Sénat !
Puisque, manifestement, un certain nombre de sénateurs n’ont pas compris le sens du texte, ou peut-être ne veulent pas le comprendre, je vais répéter, par souci de pédagogie, qu’il n’a pour objectif que le seul intérêt des entrepreneurs.
Peut-on reprocher au législateur de se pencher sur la simplification du bulletin de salaire, la déclaration sociale unique, le « coffre-fort numérique », ou l’extension du rescrit dans le champ social ? Si vous ne vouliez pas du reste, pourquoi ne pas avoir au moins retenu ces dispositions-là ?
Qu’on le veuille ou non, ce texte consacre la fin annoncée de procédures inutiles et désuètes ; il a l’ambition de clarifier le droit de la construction ou de l’aménagement et permet la simplification, tant attendue, de nombreuses démarches administratives.
Selon nous, il est destiné à soutenir la croissance et l’emploi sans peser sur les finances publiques, ce qui, de nos jours, tout le monde en convient, est un élément très important.
Je regrette, chers collègues de la majorité sénatoriale, que vous refusiez une nouvelle fois de débattre de ce texte, car une telle attitude ne me semble vraiment pas conforme à ce que doit être notre fonction de parlementaire, notre fonction de sénateur.
Permettez-moi plus particulièrement de redire mon profond regret que ne soient pas examinés ici des amendements très attendus par certains secteurs d’activité. Puisque M. le secrétaire d'État a bien voulu me citer, je sais effectivement, de par ma profession, que l’artisanat attendait toute une série de mesures. Je l’avais signalé lors de la première lecture au Sénat et je voudrais le rappeler maintenant, pour montrer à quel point ce texte peut être utile.
En matière de qualification professionnelle dans l’artisanat, et je parle sous le contrôle de notre président de séance, qui a toujours été particulièrement attentif à ce secteur, une disposition suscitait de fortes attentes chez les organisations professionnelles. Il s’agit d’une modification de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat. Cette loi définissant des activités de façon très large, la doctrine administrative a pu considérer qu’un diplôme ou une expérience suffisante dans l’un des métiers faisant partie de cette activité qualifiait son détenteur dans tous les autres. Un peintre est, par exemple, « qualifié » pour effectuer des travaux de charpente…Ce n’est pas acceptable !
Cette application littérale de la loi, que personne ne comprend, aurait pu être facilement corrigée par une simple modification introduite pour préciser que le décret déterminant le niveau des qualifications requises doit le faire métier par métier. C’est bête comme chou, et pourtant, nous ne pourrons pas introduire cette précision…
Une autre disposition suscitait une forte attente dans ma région : la clarification de la situation des anciens commerçants et artisans au regard de la procédure de la faillite civile d’Alsace-Moselle.
Mes chers collègues, à partir de ces quelques exemples, j’aurais souhaité vous convaincre que la présente proposition de loi avait une réelle utilité pour nos concitoyens.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Concluez !
M. André Reichardt. Aujourd’hui, nous aurions pu procéder à ces simplifications et satisfaire ainsi bien des attentes en apportant de l’oxygène à tous ceux, petits et grands, qui, dans nos villes et nos campagnes, entreprennent et aspirent simplement à un peu de bon sens.
C’est pourquoi, vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe UMP ne pourra pas voter la motion que présente M. le rapporteur, car, pour nous, l’avenir se construit aussi par la simplification et par la lisibilité de nos normes.
Qui plus est, je le répète, l’adoption de ce texte aurait pu être une contribution non seulement formelle, mais aussi efficace et fondamentale à la croissance de notre pays, croissance que, j’en suis persuadé, nous recherchons toutes et tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, bien évidemment, simplifier et clarifier nos lois est en soi une bonne idée.
L’orientation que traduit le titre de la proposition de loi est donc positive, et je ne peux à cet égard que saluer l’initiative de M. Warsmann.
En effet, l’état de la législation actuelle frise parfois le ridicule : certaines de nos lois sont toujours en vigueur mais ne sont pas appliquées alors qu’elles datent parfois de 1884, et d’autres, adoptées dans les années quatre-vingt, sont toujours en attente de suivi réglementaire !
Plus encore qu’inutile, la multiplication des normes est dangereuse. Complexité du droit, lenteur de l’administration, difficile accès aux services publics : les citoyens sont les premières victimes de cette dérive.
À cet égard, j’ai évidemment bon espoir que la création de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, présidée par notre collègue David Assouline, ira dans le bon sens.
Je ne répéterai pas les propos de mes collègues Nicole Borvo Cohen-Seat et Anne-Marie Escoffier : elles ont déjà beaucoup dit. Mais je tiens moi aussi à affirmer que cette proposition de loi ne règle en vérité pas grand-chose.
En outre, il n’est pas exagéré d’avancer que, sous couvert de simplification du droit et des démarches administratives, ce texte porte dans une certaine mesure atteinte au bon exercice de la démocratie. Des dispositions très politiques y sont glissées, qui mériteraient de faire l’objet d’un vrai débat et qui ne devraient pas se retrouver dans un texte « fourre-tout ».
Ce fourre-tout, qui compte plus de 90 articles portant sur des sujets complètement disparates, les écologistes l’avaient déjà dénoncé, par la voix notamment de Corinne Bouchoux, dans les précédents débats.
Ainsi, cette proposition de loi est l’occasion d’insérer toute une série de cavaliers législatifs, certains inspirés par de bonnes intentions, d’autres manifestement portés par divers lobbies économiques et financiers.
En tant qu’écologiste, je constate que l’objectif est notamment de détricoter un peu plus encore les engagements du Grenelle, sinon nuitamment du moins fort discrètement.
Je prendrai l’exemple de l’article 72 bis du chapitre intitulé « Simplification du droit des transports », qui tend à relever à 44 tonnes pour cinq essieux la norme maximale en termes de poids total autorisé en charge d'un véhicule articulé. Cette disposition, qui n’a aucun rapport avec la simplification du droit, pourrait avoir pour résultat un surcoût annuel au titre de l’entretien des chaussées compris entre 400 millions et 500 millions d’euros ! Et je passe sur les impacts environnementaux… Une telle disposition dans une proposition de loi de simplification du droit ? Cherchez l’erreur…
De même, cela a été dit, l’article 40, relatif à la modulation du temps de travail, n’a aucunement sa place dans un tel texte. On ne piétine pas ainsi le droit du travail, en deux lignes, sous prétexte de simplifier les normes ! On en débat, on négocie avec les partenaires sociaux – d’autant que c’est, paraît-il, l’un des grands thèmes qu’abordera le Président-candidat…
Je pourrais continuer longtemps sur tous les sujets qui méritent un débat à part entière et qui n’ont rien à faire dans ce texte.
Comme l’avait d'ailleurs remarqué ma collègue Corinne Bouchoux, que j’ai déjà citée, lors du débat sur le rapport annuel du contrôle de l’application des lois, la proposition de loi de simplification du droit que, semble-t-il, M. Warsmann dépose chaque année, constitue manifestement un « marronnier » parlementaire…
Or la précédente – la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit – n’a toujours pas été complètement appliquée : seules sept des quarante-trois mesures d’application requises ont été prises. Cette loi contient d'ailleurs tellement de dispositions diverses jamais mises en œuvre qu’elle fait chuter à 46 % le taux d’application des lois adoptées par la commission des lois,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En effet !
M. Jean-Vincent Placé. … alors que, pour toutes les autres commissions, ce taux dépasse 70 %. (Sourires.)
De toute évidence, au lieu de restaurer le rôle du Sénat, ce texte contre-productif et inutile a pour seul effet de donner du travail législatif une image d’inefficacité. Je crois d'ailleurs que ce constat est partagé sur l’ensemble des travées de la majorité sénatoriale.
Pour notre part, nous sommes évidemment attachés à donner de la légitimité et de l’efficacité au travail parlementaire.
Vous comprendrez donc, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues et chers amis, que nous votions la motion tendant à opposer la question préalable, en espérant que la prochaine législature sera marquée par de meilleures pratiques démocratiques et républicaines…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Par une plus grande vertu !
M. Jean-Vincent Placé. … et, surtout, par des textes plus utiles pour notre pays et pour nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma brève intervention pourrait s’intituler « Supplique aux futurs gouvernants de la République française ». (Sourires.) Je m’en explique : il faudrait désormais que chaque projet, chaque proposition de loi, ait un objet !
En effet, le texte dont nous débattons aujourd'hui présente la particularité de n’avoir pas d’objet. Or, s’il n'y a pas d’objet affiché, il ne peut bien sûr y avoir de débat public préalable ! Au final, nul ne sait que le Parlement est en train d’examiner tel ou tel sujet.
La clarté du débat public suppose d’annoncer avec une grande honnêteté ce dont le Parlement va être saisi. Tel n’est manifestement pas le cas aujourd'hui.
Si vous le permettez, monsieur le secrétaire d’État, j’ajouterai à ma « supplique » un codicille : n’engagez la procédure dite « accélérée » que de manière exceptionnelle, s’il n’est véritablement pas possible de procéder autrement. Mais que cette procédure ne devienne pas la règle ou l’habitude.
Aujourd'hui, nous examinons précisément un texte qui n’a pas d’objet et sur lequel la procédure accélérée a été engagée sans que cela soit nécessaire.
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons déjà beaucoup donné ! Pour avoir été rapporteur de nombre de propositions de loi et, surtout, de projets de loi portant « diverses dispositions d’ordre social », « diverses dispositions d’ordre économique », « diverses dispositions relatives aux collectivités locales », je me souviens que, chaque fois, nous avons tenu le même discours, chaque fois, nous avons affirmé qu’il n’est pas bon qu’un texte de loi n’ait pas d’objet.
Mais, sous l’impulsion de l’actuel président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Warsmann, le phénomène a pris une ampleur sans précédent, si bien que, comme nombre de mes collègues ici présents, j’ai participé à l’examen de projets de loi très importants qui traitaient pratiquement de tous les sujets.
Alors, oui, nous avons déjà donné, raison pour laquelle nous voulons marquer aujourd’hui un coup d’arrêt, car cette pratique ne constitue ni une bonne manière de gérer le temps, ni une bonne manière de légiférer.
Monsieur le secrétaire d'État, sachez que nous avons porté un grand intérêt au projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs que vous avez présenté. On nous explique aujourd'hui qu’il est impossible d’en achever l’examen. Pourtant certaines de ses dispositions recueillaient notre assentiment, voire notre soutien total. D’autres ne suscitaient pas la même adhésion mais, à tout le moins, toutes avaient un objet, et toutes étaient des mesures concrètes. Or, alors que l’Assemblée nationale comme le Sénat ont beaucoup travaillé, le débat s’interrompt.
Pourquoi, au lieu d’inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée la proposition de loi de M. Warsmann, le Gouvernement n’a-t-il pas utilisé le temps qui était disponible pour nous permettre d’achever l’examen de votre projet de loi défendant les droits des consommateurs ? C’eût été beaucoup plus cohérent ! Je pense même que, en votre for intérieur, vous devez vous dire que j’ai raison…
J’ai également à l’esprit le statut pénal du chef de l’État, dont le Sénat comme l’Assemblée nationale ont débattu. Il ne s’agit pourtant pas d’un sujet anodin ! D'ailleurs, le Président de la République avait déclaré qu’il envisageait de réformer le statut présidentiel avant la fin du quinquennat ; la Constitution avait été révisée dans cette optique. Et le temps ferait défaut pour achever l’examen d’un texte doté d’un objet précis et dont les deux assemblées ont discuté ?
Pour en revenir au sujet du jour, il est vraiment question de tout dans le texte de M. Warsmann ! Mais la dépénalisation du droit des affaires, du droit des sociétés, n’est pourtant pas chose anodine !
Mme Nathalie Goulet. En effet !
M. Jean-Pierre Sueur. La modification substantielle du droit du travail ne l’est pas davantage, pas plus que la réécriture des règles relatives à l’environnement. Et l’on pourrait multiplier les exemples.
Les membres de la commission des lois ont donc voulu marquer un coup d’arrêt. Nous avons voulu dire non, avec, bien sûr, l’espoir d’être entendus.
Monsieur Reichardt, je vous l’accorde, il est toujours un peu frustrant pour les parlementaires de ne pas pouvoir débattre ! À la vérité, j’aurais aimé que nous puissions examiner tous les articles de ce texte. Mais, après réflexion, les membres de la commission des lois ont considéré qu’il fallait, une bonne fois pour toutes, montrer que l’on ne pouvait continuer à légiférer de la sorte.
Monsieur le secrétaire d’État, on ne peut pas continuer à examiner des textes qui sont de véritables bric-à-brac, qui nous arrivent dans n’importe quel ordre et sans que l’opinion publique soit saisie de sujets précis. Comme l’avait dit, je crois, M. Saugey, il s’agit de cohortes de cavaliers épars, ou d’ensembles inconstitués d’objets en tous genres. En tout état de cause, ce n’est pas une bonne manière de légiférer…
Je le répète : si nous soutenons aujourd'hui une motion tendant à opposer la question préalable, comme nous l’avions fait lors de l’examen du texte en première lecture, c’est parce que nous espérons vivement être entendus. Par qui, me direz-vous ? J’ai adressé tout à l'heure ma supplique aux « futurs gouvernants de la France ». Qui seront-ils, ces gouvernants ? Nul ne le sait ! Chacun a son idée, et je vous avoue que j’ai la mienne… (Sourires.) Mais, quels qu’ils soient, je les conjure de ne pas retomber dans de telles facilités. On sait bien que ces textes présentent un avantage subalterne, en ce qu’ils permettent de faire passer un certain nombre de mesures sans que quiconque s’en rende réellement compte. On pourrait citer bien des exemples…
Pour notre part, nous pensons que la République appelle la clarté, et que la clarté républicaine consiste à énoncer ce qui va être l’objet du débat.
Monsieur le secrétaire d’État, quel est l’objet de la proposition de loi ?...
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, ma supplique n’est autre qu’un plaidoyer en faveur d’une rupture avec ces projets et propositions de loi dépourvus d’objet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Je tiens à répondre brièvement à chacun des intervenants.
Mme Borvo Cohen-Seat a évoqué une élaboration « en catimini », pour reprendre son expression, au sujet de l’article 40 de la proposition de loi qu’elle a expressément cité. Permettez-moi de vous renvoyer au courrier adressé par Xavier Bertrand à M. Bernard Thibault, à la suite de l’adoption de la proposition de loi par l’Assemblée nationale : mon collègue y rappelle que cet article n’est pas né des débats, au détour d’une séance de nuit, ou même en catimini, mais qu’il figurait dans le texte initial de la proposition de loi.
La disposition a donc été examinée, avant la première lecture en séance publique, par la commission des lois de l’Assemblée nationale ; toutes les organisations syndicales ont été reçues par le cabinet de Xavier Bertrand ; en ce qui concerne la CGT, la réunion a eu lieu le 22 septembre 2011. À cette occasion, toutes les dispositions du texte ont été évoquées et personne n’a rien trouvé à y redire.
Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, si, au lieu de refuser de débattre du texte, vous aviez adopté une autre logique, vous auriez eu l’occasion d’examiner ces dispositions. Or, aujourd’hui, de tous les parlementaires de l’opposition, seuls les députés de l’opposition à l’Assemblée nationale les auront discutées, parce que l’opposition à l’Assemblée nationale a, elle, accepté de débattre.
Tout cela pour dire que le procès que vous faites au Gouvernement et à la majorité est un mauvais procès, puisqu’il ne correspond pas à la réalité de ce qui s’est passé.
Madame Escoffier, cette proposition de loi n’est pas « bavarde » ; au contraire, elle met fin aux bavardages ! En effet, elle tend à supprimer une succession de dispositifs introduits par diverses lois qui sont à l’origine de « bavardages » coûteux pour les entreprises, en temps et en argent, et donc préjudiciables à la croissance de notre pays.
Monsieur Reichardt, je m’associe aux regrets que vous avez exprimés quant à l’impossibilité du dialogue. Je suis en effet persuadé qu’au-delà de votre cas particulier d’autres sénateurs auraient aimé prendre part à la discussion, notamment en ce qui concerne la situation des artisans. Ces questions n’auront donc été discutées qu’à l’Assemblée nationale, ce que je regrette, car je ne doute pas qu’une discussion approfondie au Sénat aurait permis d’introduire encore d’autres améliorations en faveur de nos compatriotes artisans qui, au quotidien, se doivent d’être de véritables battants face à la crise !
Monsieur Placé, la légitimité vient du débat. Je considère que la posture adoptée par votre groupe et, au-delà, par l’ensemble de la majorité sénatoriale, consistant à refuser le débat, ne permet donc pas de donner leur légitimité à des positions qui ne peuvent la trouver que dans le cadre d’un débat public.
J’ai cependant bien compris que vous n’aviez pas de réticences quant au principe même de la simplification du droit, contrairement à d’autres de vos collègues.
J’en viens enfin à l’intervention de M. Sueur.
Cette proposition de loi a été déposée par un parlementaire, le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, mais s’est très largement nourrie du travail réalisé en commun par le Gouvernement et le Parlement. On ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir fait l’objet d’une concertation, puisqu’elle résulte en grande partie des travaux des assises de la simplification qui ont duré plusieurs semaines, permettant aux acteurs économiques dans tout le pays d’être associés à la réflexion.
Et cette proposition de loi a un objet très précis, monsieur Sueur, à l’inverse des textes « portant diverses dispositions » que vous avez mentionnés. Dans le cas présent, cet objet est très clair : il s’agit de simplifier le droit et d’alléger les démarches administratives. Si cela ne constitue pas un objet en soi, alors que la compétitivité économique de la France est en jeu, je me demande ce qu’est un objet !
Monsieur le président de la commission des lois, vous avez eu l’amabilité d’établir une comparaison entre cette proposition de loi et un texte qui me tient à cœur, puisque j’ai l’honneur de le défendre au nom du Gouvernement, le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, qui, lui aussi, a un objet précis. Or ce projet de loi a, de même que la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui, fait l’objet d’une attaque globale dans cet hémicycle, car on lui reprochait son caractère de « fourre-tout législatif ».
L’un comme l’autre, ces textes portent effectivement sur une grande variété de sujets, mais la raison en est simple : les problèmes qu’ils tendent à régler sont extrêmement variés.
Quant au recours à la procédure accélérée, que vous inviter les gouvernants à proscrire, j’estime, pour ma part, que si j’ai commis une erreur en ce qui concerne le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, c’est précisément en n’insistant pas assez pour que la procédure accélérée soit engagée. Alors même que la majorité sénatoriale venait de changer, mais fort de l’excellente ambiance qui régnait à l’Assemblée nationale, où majorité et opposition avaient su travailler en bonne intelligence, j’ai estimé qu’il fallait donner une nouvelle chance au consensus en ne recourant pas à la procédure accélérée… Voilà pourquoi ce projet de loi ne pourra vraisemblablement pas être adopté avant la fin de la législature, parce qu’il a été en quelque sorte pris en otage par la majorité sénatoriale, pour des raisons malheureusement politiciennes.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il vous suffisait de le réinscrire à l’ordre du jour !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Voilà donc de bonnes raisons de ne pas suivre les conseils de méthode que vous prodiguez, monsieur Sueur.
L’adoption de la proposition de loi est urgente, elle est d’ailleurs attendue. L’adoption du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs est également urgente, et tout aussi attendue : malheureusement, alors que l’opposition a fait preuve d’un esprit constructif à l’Assemblée nationale, tel n’a pas été le cas de la majorité au Sénat, ce que je regrette pour notre pays en général et pour les consommateurs en particulier.
Dans le cas présent, votre position a au moins un mérite dont nous pouvons vous remercier : l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable permet indubitablement d’accélérer les débats et nous garantit que cette proposition de loi sera définitivement adoptée ! En revanche, on doit le regretter, les sénateurs qui avaient de nombreuses idées pour améliorer encore ce dispositif n’auront finalement pas eu la possibilité de les défendre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Exact !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. J.-P. Michel, au nom de la commission, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives (n° 320, 2011-2012).
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en première lecture, vous vous en souvenez, le Sénat avait adopté une motion tendant à opposer la question préalable, présentée par la commission des lois sur l’initiative des groupes CRC et RDSE.
Les motifs qui justifiaient la présentation de cette motion en première lecture demeurent en nouvelle lecture. La situation s’est même aggravée, puisque l’Assemblée nationale a cru devoir ajouter un certain nombre d’articles au texte tel qu’il avait été voté en première lecture, contrairement à la règle dite « de l’entonnoir ». Je pense que le Conseil constitutionnel réglera la question. Je vous demande donc, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, de bien vouloir adopter cette motion tendant à opposer la question préalable.
J’ajouterai cependant un point, pour répondre à M. le secrétaire d’État. En effet, j’ai participé, au moins en commission, au débat sur le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, et j’estime qu’il faut raconter l’histoire comme elle s’est vraiment passée.
Vous avez choisi de ne pas engager la procédure accélérée sur ce texte.