M. Ronan Dantec. Bravo !
Mme Laurence Rossignol. Qui se souvient encore que, au début des années quatre-vingt, nous comptions deux champions nationaux, France Photons et Photowatt, parmi les quatre leaders mondiaux en matière de photovoltaïque ? Le premier n’a pas survécu au coup d’arrêt donné par Jacques Chirac en 1986 aux aides à la recherche et au développement pour le photovoltaïque. Quant au second, sa descente aux enfers s’est soldée par une délocalisation de la production en 2010 et une mise en règlement judiciaire en 2011.
Comment ne pas deviner, derrière cet échec, la main invisible du lobby nucléaire ? Si je concède à ses partisans que le nucléaire a pu être un atout, le « tout-nucléaire », en revanche, est un handicap.
Deux options sont envisageables pour l’avenir énergétique de la France : l’accroissement de notre dépendance à l’atome conduisant au « tout-nucléaire », préconisé par le Président de la République et l’UMP ; la mise en œuvre de la transition énergétique en ramenant à 50 % la part du nucléaire dans le mix électrique à l’horizon 2025, prônée par François Hollande.
Pour conclure, je voudrais évoquer à mon tour la décision prise par l’Allemagne de fermer d’ici à 2020 la totalité de ses réacteurs. Que n’avons-nous entendu lorsqu’elle a été annoncée ! On nous a promis un black-out européen en cas de grand froid, en prédisant un appel au secours de l’Allemagne à la France. Or le grand froid est là, mais le black-out ne s’est pas produit…
M. Roland du Luart. L’Allemagne rouvre ses centrales nucléaires !
Mme Laurence Rossignol. Je vais y venir, mon cher collègue !
Surtout, non seulement l’Allemagne a fourni de l’électricité à la France ces derniers jours, mais sa filière solaire produit en cette période autant d’électricité que dix réacteurs nucléaires, de même que son secteur éolien.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
Mme Laurence Rossignol. Contrairement à ce qui a été dit, l’Allemagne n’a pas rouvert ses centrales. Je vous invite, monsieur du Luart, à prendre connaissance du communiqué du responsable du réseau électrique allemand publié par Le Monde.
M. Roland du Luart. Peut-on faire confiance à ce journal ?
Mme Laurence Rossignol. Je tiens ce texte à votre disposition : l’Allemagne précise qu’elle a relancé non pas des réacteurs nucléaires, mais deux centrales à gaz.
M. Didier Guillaume. Absolument !
M. Jean Bizet. Bravo pour les émissions de CO2 !
Mme Laurence Rossignol. Puisqu’il semble que Mme Merkel va venir en France apporter son soutien au président-candidat, j’espère qu’elle en profitera pour lui expliquer que l’on peut fermer une centrale sans pour autant devoir se mettre à « pédaler », comme il l’a si subtilement dit ce matin à Fessenheim ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’observerai tout d’abord que le présent débat méritait une assistance moins clairsemée que celle de ce jeudi après-midi…
M. Roland du Luart. C’est vrai !
M. François Fortassin. Je ne peux m’empêcher de penser, monsieur le ministre, que le Gouvernement, à quelques semaines de l’élection présidentielle, entend procéder à une sorte de « rattrapage » accéléré, sur ce sujet comme sur d’autres. Mon ami Jacques Mézard a indiqué que nous ne tomberions pas dans ce traquenard.
Il est évident que la filière nucléaire est indispensable à notre pays. Son excellence, son savoir-faire, les 410 000 emplois directs et indirects qu’elle représente, son rayonnement international ne sauraient être sacrifiés, sachant que les énergies renouvelables ne suffisent pas à pourvoir à la demande énergétique.
L’une des grandes caractéristiques du nucléaire français est sa sûreté, notre pays étant assez exemplaire à cet égard.
M. Jacques Mézard. Tout à fait !
M. François Fortassin. En outre, on ne saurait évacuer la question du prix de l’énergie. Le fait que nos compatriotes, notamment les plus défavorisés d’entre eux, peuvent bénéficier d’une électricité 40 % moins chère que la moyenne européenne n’est nullement négligeable.
M. Aymeri de Montesquiou. Bien sûr !
M. François Fortassin. À ceux qui semblent considérer que l’Allemagne est devenue subitement vertueuse en matière d’énergie, j’objecterai qu’elle fait toutefois figure de mauvais élève en matière de bilan carbone !
M. Roland du Luart. Très bien !
M. François Fortassin. Cela mérite d’être souligné.
Je remarque d’ailleurs que ce sont souvent les mêmes qui en appellent à une réduction considérable de la part du nucléaire dans notre production d’électricité et qui suscitent des levées de boucliers dès qu’il est question de mettre en place des installations photovoltaïques ou des éoliennes.
M. Jacques Mézard. Oui, ce sont les mêmes !
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait ! C’est de la schizophrénie…
M. François Fortassin. Dans ces conditions, la seule solution serait de diminuer considérablement la consommation d’énergie. Certes, il convient de faire des efforts à cet égard, notamment en matière d’isolation des logements, mais n’oublions tout de même pas qu’il existe une corrélation très étroite, aux plans tant national que mondial, entre consommation d’énergie et niveau de développement.
M. Jacques Mézard. C’est vrai !
M. François Fortassin. Une faible consommation d’énergie est synonyme de sous-développement. (MM. Jacques Mézard et Aymeri de Montesquiou acquiescent.) Il s’agit d’être cohérents !
MM. Jean Bizet et Roland du Luart. C’est le bon sens !
M. François Fortassin. Par ailleurs, il faut bien admettre que le solaire fournit tout de même davantage d’électricité entre le 14 juillet et le 15 août qu’en janvier ou en février, tandis que les éoliennes ne fonctionnent pas en période de hautes pressions atmosphériques, c’est-à-dire lorsqu’il fait très chaud ou très froid. Par conséquent, c’est au moment où l’on a le plus besoin d’électricité que les énergies renouvelables en fournissent le moins !
M. Jean Bizet. Encore du bon sens !
M. Ronan Dantec. Quand le vent vient de l’Est, les éoliennes tournent : ça aussi, c’est le bon sens !
M. François Fortassin. Mon cher collègue, je crois que nous ne parviendrons pas à nous mettre d’accord ! Je respecte votre point de vue, mais vous n’en êtes pas à une contradiction près ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Bizet. Bravo !
M. François Fortassin. S’agissant du solaire, monsieur le ministre, il serait à mon sens judicieux d’installer des panneaux photovoltaïques sur les toits des très nombreux bâtiments industriels, grandes surfaces et entrepôts qui existent dans notre pays. Cela permettrait de produire de l’énergie sans dénaturer l’environnement architectural, étant donné la nature de ces constructions.
Par ailleurs, si je ne suis guère partisan de l’éolien terrestre, je suis en revanche très favorable à l’installation d’éoliennes sur le plateau continental, là où les vents sont réguliers et où les atteintes au paysage sont limitées.
Quoi qu’il en soit, un progrès considérable aura été obtenu lorsque nous saurons stocker l’électricité, mais ce n’est pas encore tout à fait le cas…
M. Jean Bizet. Exact !
M. François Fortassin. Pour l’heure, nous en sommes au stade des recherches. (Applaudissements sur diverses travées.)
M. Roland du Luart. M. Fortassin devrait être ministre de l’environnement !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier M. Jean Bizet d’avoir souligné le leadership de la France en matière nucléaire et les atouts de la filière française.
Oui, l’énergie nucléaire accroît notre indépendance énergétique, et apporte par là même une contribution positive à notre balance commerciale, hélas déficitaire, en nous permettant de consommer moins d’hydrocarbures que d’autres pays. Elle nous permet de faire profiter les consommateurs français, tant les ménages que les industriels, de prix de l’électricité nettement moins élevés que la moyenne européenne, d’émettre moins de gaz à effet de serre que nombre de nos voisins.
Je souscris pleinement à vos propos, monsieur Bizet, concernant la coopération avec les « nouveaux entrants » dans le domaine du nucléaire. Nos autorités indépendantes, telle l’ASN, et les organismes de recherche d’État, à l’instar du CEA, coopèrent d’ores et déjà avec un certain nombre de pays en développement afin de les aider à commencer à produire de l’énergie nucléaire en toute sécurité.
Monsieur Dantec, vous avez enfilé les poncifs, avec beaucoup de bonhomie. Vous avez même coché toute la grille, au point que l’on aurait pu crier « Quine ! », comme quand on joue au loto…
Vous avez ainsi parlé d’un « consensus imposé » en matière de nucléaire. Mais imposé par qui ? Le général de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy ont-ils imposé quoi que ce soit aux Français en la matière ? Des candidats à des élections présidentielles ou législatives que vous souteniez n’ont-ils pas régulièrement proposé la sortie du nucléaire ? D’après vous, pourquoi Eva Joly ne parvient-elle ni à décoller dans les sondages ni à percer le mur médiatique ? Ne serait-ce pas parce que son discours sur le nucléaire va à l’encontre de l’opinion d’une large majorité de nos concitoyens ? (M. Ronan Dantec proteste.)
Mme Laurence Rossignol. Il vaut mieux ne pas décoller que racoler !
M. Éric Besson, ministre. Autre poncif, vous avez parlé d’un lobby. De quoi s’agit-il donc ? J’ai rencontré des chefs d’entreprise, les présidents d’EDF, d’Areva, de GDF-Suez, d’Alstom, l’administrateur général du CEA, mais je ne connais pas de lobby du nucléaire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Ronan Dantec. Vous venez de faire la liste de ses membres !
M. Éric Besson, ministre. Je ne subis aucune influence de cet ordre ; j’applique la politique énergétique voulue par le Président de la République, celle qu’il a exposée à l’occasion notamment du Grenelle de l’environnement, en la déclinant de la façon suivante : « renforcement de l’efficacité énergétique, maintien d’un socle nucléaire solide, développement des énergies renouvelables ». Les électeurs, voilà le seul lobby que je connaisse ! Pourquoi cette obsession du lobbying s’agissant du seul nucléaire ? Pourquoi n’évoquez-vous pas, en d’autres circonstances, le lobby automobile ou le lobby de la téléphonie ?
En ce qui concerne l’Allemagne, que les choses soient claires : la France est exportatrice nette d’électricité, y compris à l’égard de ce pays depuis qu’il a pris la décision de sortir du nucléaire. Nous exportons donc plus d’électricité que nous n’en achetons.
Cela étant, les pays dotés de nombreuses centrales thermiques fonctionnant au gaz ou au charbon, plus faciles à mettre en route, peuvent effectivement être amenés à nous fournir ponctuellement de l’électricité en cas de pics de consommation. Je tiens toutefois à vous rassurer : si les prévisions météorologiques sont exactes, la France redeviendra exportatrice nette d’électricité dès le week-end prochain.
Concernant toujours l’Allemagne, je souligne que Siemens a estimé à 1 700 milliards d’euros les coûts induits par la sortie annoncée du nucléaire. Ce chiffre, que nous n’avons pas repris parce qu’il recouvre un champ d’investissements extrêmement large, en dit néanmoins long sur l’effort que l’Allemagne devra accomplir ! Les partisans du candidat François Hollande sont loin d’avoir l’honnêteté des responsables allemands : ceux-ci reconnaissent en effet que la transition énergétique entraînera une augmentation du prix de l’électricité, qu’il faudra importer davantage de gaz et que les émissions de gaz à effet de serre croîtront.
M. Ronan Dantec. Elles baissent en Allemagne !
M. Éric Besson, ministre. Ils se disent cependant convaincus que cette situation sera provisoire et que l’équilibre sera rétabli d’ici quinze à vingt ans. Une telle position peut se discuter, mais elle a au moins le mérite de l’honnêteté : les Allemands reconnaissent que la mise en œuvre de leur décision entraînera, au moins de façon transitoire, une dégradation de la situation en matière de prix, d’émissions de gaz à effet de serre, de dépendance énergétique. Cette honnêteté, je ne l’ai pas retrouvée dans le débat politique français.
S’agissant des émissions de gaz à effet de serre, les chiffres sont éloquents : un Français émet huit tonnes de CO2 par an, un Allemand onze tonnes. On ne peut nier cette réalité !
En ce qui concerne l’éolien, nous pouvons certes puiser dans notre potentiel en cette période de forte demande d’électricité. Ainsi, nous avons utilisé, avant-hier, 57 % du potentiel éolien français, mais seulement 12 % la veille, par manque de vent. Or les Français n’accepteraient pas que leur approvisionnement en électricité dépende de la force du vent ou de l’ensoleillement ! C’est aussi simple que cela !
Il y a un point que vous ne pouvez contester : aucun pays n’a développé l’éolien ou le photovoltaïque sans construire, parallèlement, des centrales thermiques. En effet, le propre du renouvelable, c’est l’intermittence.
M. Jean Bizet. Exact !
M. Roland du Luart. Eh oui !
M. Éric Besson, ministre. Aucune continuité de fourniture n’est possible avec les énergies renouvelables, sauf pour l’hydroélectricité. L’honnêteté oblige donc à reconnaître que quand on veut promouvoir le solaire ou l’éolien, il faut en même temps créer des centrales thermiques si l’on ne dispose pas d’un socle nucléaire !
M. Ronan Dantec. La biomasse, c’est une source d’énergie thermique ! N’avons-nous pas de forêts ?
M. Éric Besson, ministre. Il s'agit là d’une évidence absolue, qui s’impose à tous ! Monsieur Dantec, je vous laisse le soin de nous démontrer le contraire !
Vous affirmez que le chauffage électrique est une aberration.
M. Ronan Dantec. Oui !
M. Éric Besson, ministre. Comme l’a dit Chantal Jouanno, il est vrai que le fait de disposer d’une électricité bon marché par rapport à la moyenne européenne nous a sans doute conduits à investir insuffisamment, par le passé, dans l’isolation des bâtiments. Nous avons cependant largement commencé à remédier à ce problème.
Toutefois, là aussi, soyons très clairs : les énergies renouvelables, hors l’hydroélectricité, se caractérisent par l’intermittence de la production. Quelle est la seule solution de rechange si l’on exclut, comme vous le faites, le nucléaire ?
M. Ronan Dantec. La biomasse !
M. Éric Besson, ministre. Le gaz ! Dès lors, préférez-vous que nous produisions de l’électricité ou que nous importions du gaz ? Telle est la question fondamentale, dont il ne vous aura pas échappé qu’elle était liée à celle de l’indépendance énergétique et à de lourds enjeux géopolitiques. La semaine dernière, M. Poutine a déclaré très clairement que, en cette période de grand froid, le gaz russe devait d'abord servir à alimenter les Russes, et ensuite seulement le reste du monde…
M. Jean Bizet. Exact !
M. Éric Besson, ministre. J’ai d’autant plus apprécié les propos de M. Guillaume sur la nécessité de poser un diagnostic objectif que nous sommes liés par une solidarité drômoise… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Laurence Rossignol. Didier Guillaume ne mérite pas ça ! C’est un homme bien !
M. Éric Besson, ministre. « Nous ne voulons pas sortir du nucléaire », a-t-il dit. Dont acte ! Pourtant, vous voulez arrêter vingt-quatre réacteurs nucléaires sur cinquante-huit d’ici à 2025…
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas la position du candidat socialiste à la présidentielle !
Mme Chantal Jouanno. Mais si !
M. Éric Besson, ministre. Si ! C’est ce qu’il a annoncé au Bourget ! Je cite l’évangile ! (Sourires sur les travées de l'UMP.) Arrêter vingt-quatre réacteurs à mesure qu’ils atteindront quarante années de fonctionnement sans construire de réacteurs de nouvelle génération, hormis celui de Flamanville, cela s’appelle programmer la sortie du nucléaire.
M. Ronan Dantec. Bravo ! Je suis d'accord !
M. Éric Besson, ministre. Il faut appeler un chat un chat ! Vous pouvez qualifier cette sortie de « douce » ou de « progressive », mais c’est bien de cela qu’il s'agit. De même, dans les faits, la filière de retraitement de La Hague sera démantelée. (Mme Chantal Jouanno approuve.)
M. Ronan Dantec. Merci, monsieur le ministre !
M. Ronan Dantec. Je plaisantais…
M. Éric Besson, ministre. Au fond, monsieur Dantec, ce que je suis en train d’expliquer, vous le savez déjà parfaitement mais vous n’en parlez pas parce que vous nagez en pleine hypocrisie. Vous vous moquez éperdument du score qu’obtiendra votre candidate à l’élection présidentielle, il vous suffit d’avoir négocié avec les socialistes un bel accord électoral pour les législatives ! C’est la seule chose qui vous intéresse ! (Protestations sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean Bizet. Exact !
M. Ronan Dantec. Nous sommes dans un débat sur le nucléaire !
Mme Laurence Rossignol. Vous faites de la politicaillerie, monsieur le ministre ! Il s’agit d’un débat de fond !
M. Éric Besson, ministre. M. de Montesquiou a évoqué les aspirations légitimes des pays émergents. À cet égard, j’espère que les dirigeants de ces derniers ne liront pas les déclarations de Mme Rossignol !
Lors de la dernière réunion de l’Agence internationale de l’énergie atomique, j’ai souligné que les besoins énergétiques mondiaux seraient multipliés par deux d’ici à 2050.
M. Jean Bizet. Exact !
M. Éric Besson, ministre. Le ministre indien a même déclaré que les besoins en électricité de son pays auraient décuplé à cette échéance !
Ce n’est pas un hasard si la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, la Turquie, l’Arabie Saoudite lancent des programmes nucléaires. Ces pays ne veulent pas être complètement dépendants des hydrocarbures. L’Arabie Saoudite préfère exporter son pétrole et produire son électricité à partir de l’énergie nucléaire, parce que cela lui coûtera bien moins cher et lui rapportera des devises.
Pour ce qui concerne Énergie 2050, monsieur de Montesquiou, le rapport de cette commission sera disponible dès lundi matin.
J’ai noté votre souhait, également formulé par M. Bizet, de voir déployer le plus rapidement possible la force d’intervention rapide. Sachez que la France entend la mettre en place pour son compte et plaide pour qu’il en aille de même à l'échelon international.
Monsieur Watrin, je peux souscrire à certains de vos propos. Vous avez évoqué, par exemple, l’impact du secteur énergétique sur l’emploi, direct ou indirect, en relevant que les trente-sept industriels de notre pays qui consomment le plus d’électricité estiment à 2 millions le nombre des emplois qui sont liés à l’électricité. Cela étant, j’ignore d’où provient le chiffre de 30 000 emplois supprimés que vous avez cité et dont il a déjà été fait état en d’autres occasions.
En ce qui concerne la lutte contre la précarité énergétique, je rappelle que le Gouvernement a largement étendu l’octroi des tarifs sociaux du gaz et de l’électricité. Non seulement nous les avons améliorés, mais nous avons aussi demandé qu’ils s’appliquent automatiquement aux titulaires de minima sociaux, dont un certain nombre ne se déclaraient pas spontanément. Cette mesure est entrée en vigueur dès janvier.
S’agissant de la sous-traitance, elle n’est pas un mal en soi, monsieur Watrin : il faut l’encadrer, comme l’a dit M. Guillaume. Tel est le rôle de l’Autorité de sûreté nucléaire.
Je ne peux pas vous laisser prétendre que rien n’aurait été fait par le Gouvernement en la matière. En mai 2011, c’est moi qui ai demandé aux exploitants nucléaires de remettre chaque année un rapport sur leur politique de sous-traitance. L’ASN a proposé de mettre en place un groupe de travail sur le sujet, qui réunira toutes les parties prenantes.
De même, le Comité stratégique de la filière nucléaire, que j’ai installé à la demande du Président de la République, a créé un groupe de travail spécifique, qui doit remettre avant l’été prochain ses propositions sur les modifications à apporter aux conditions de recours à la sous-traitance.
Vous avez été tout à fait précis sur certains points, monsieur Watrin, mais je n’ai pas très bien compris pourquoi vous avez conclu votre intervention en annonçant que le groupe CRC voterait contre la proposition de résolution…
M. Didier Guillaume. Vous avez très bien compris !
M. Éric Besson, ministre. Cela étant, vous sachant quelque peu embarrassé politiquement sur ce sujet, je n’y insisterai pas davantage !
Je souscris à bien des propos tenus par M. Jacques Mézard. Il a notamment eu raison de rappeler que la question des infrastructures est cruciale en matière de politique énergétique. Ce débat concernera toutes les démocraties. Pour notre part, nous ne voulons pas du gaz de schiste, certains refusent l’éolien. Nous plaidons tous pour l’interconnexion des réseaux, que ce soit au sein de l’Europe ou à l’intérieur de l’Union pour la Méditerranée. Quoi qu’il en soit, nous nous heurtons chaque fois à des mouvements d’opposition, parfois légitimes. C’est aussi l’un des principaux problèmes que rencontrera l’Allemagne. J’illustrerai mon propos par un exemple : ce matin, à Fessenheim, le Président de la République a indiqué que, pour obtenir une production électrique équivalente à celle de cette centrale, il faudrait construire 2 000 éoliennes. Les chiffres sont vertigineux !
Chantal Jouanno a rappelé de façon subtile et nuancée sa sensibilité personnelle. Elle a même affirmé, si j’ai bien compris, qu’elle se sentait presque moins pro-nucléaire que M. Guillaume (Mme Chantal Jouanno sourit.), lequel pourra s’en prévaloir dans la Drôme !
Vous avez souligné à juste titre, madame Jouanno, que le nucléaire comportait moins d’inconvénients que les énergies fossiles. C’est là un point essentiel. D’ailleurs, comment peut-on parler, comme l’a fait Mme Rossignol, de « tout-nucléaire », alors que 51 % de la consommation finale dépendent des énergies fossiles dans notre pays ? Il n'y a pas de politique du « tout-nucléaire » en France, quand bien même les trois quarts de notre électricité sont d’origine nucléaire ! Notre principal problème, aujourd'hui comme demain, c’est notre dépendance aux énergies fossiles.
Chantal Jouanno a affirmé avec raison que notre mix énergétique devait être le plus décarboné possible ; j’y reviendrai. Elle a aussi souligné la nécessité d’investir dans les réseaux de façon colossale et programmée dans le temps, question que j’ai évoquée à l’instant. Enfin, je souscris aux propos qu’elle a tenus sur la nécessité de réaliser des économies d’énergie.
Si vous êtes de bonne foi, vous ne pouvez pas dire, madame Rossignol, que le nucléaire serait une solution « franco-française ». J’ai déjà indiqué que les principaux pays émergents étaient en train de s’engager dans cette filière. Même en Europe, nous ne sommes pas isolés : au sein de l’Union européenne, seize pays sur vingt-sept ont réaffirmé la place du nucléaire dans leur mix énergétique. Demain matin, douze de ces seize pays participeront à la réunion que j’ai organisée à Bercy.
Mme Laurence Rossignol. Ce ne sont pas les pays les plus peuplés !
M. Éric Besson, ministre. On ne peut donc pas prétendre que le nucléaire soit un choix franco-français !
Par ailleurs, madame Rossignol, j’aurais aimé comprendre pourquoi le nucléaire n’est pas, selon vous, une solution contre le réchauffement climatique. Vous avez procédé par affirmations. Je relirai soigneusement la transcription de votre intervention dans le Journal officiel, mais je doute que quiconque dans l’hémicycle ait compris votre démonstration !
Mme Laurence Rossignol. Je vais vous l’expliquer, monsieur le ministre : le volume du nucléaire dans le mix énergétique mondial ne dépassera pas 5 % ! Voilà l’explication !
M. Éric Besson, ministre. En matière de standards applicables, notre pays est le premier à avoir déclaré, et ce dès février 2011, donc avant la catastrophe de Fukushima, qu’il ne construirait sur son sol ou à l’étranger que des réacteurs de troisième génération. Je m’inscris donc en faux contre les propos que vous avez tenus ! De même, en matière d’audits, la France a été en pointe : c’est nous qui avons proposé à Bruxelles de les réaliser. Quant à la force d’intervention rapide, j’ai déjà indiqué que c’est notre pays qui en a demandé la mise en place à l’échelon international.
Par ailleurs, vous nous avez expliqué en substance que le fait que l’électricité soit 40 % moins chère en France qu’en Allemagne pour les ménages et 30 % moins chère pour les industriels n’avait pas grande importance… Je vous laisse le soin de l’expliquer aux intéressés !
Tous les objectifs qui avaient été fixés à l’occasion du Grenelle de l’environnement seront atteints. La production d’électricité éolienne a été multipliée par quatre, celle d’énergie photovoltaïque par deux cents. En ce qui concerne la part des énergies renouvelables dans le mix et les objectifs en matière d’économies d’énergie, les bilans d’étape montrent que nous sommes très en avance.
Étant donné vos responsabilités au sein du parti socialiste, madame Rossignol, je m’étonne que vous n’ayez pas consacré au moins une ou deux minutes de votre temps de parole à un exposé de la politique énergétique que vous préconisez…
Par exemple, j’aurais aimé que vous nous expliquiez comment, à quel rythme et suivant quelles modalités vous fermeriez vingt-quatre réacteurs sur les cinquante-huit que compte notre pays. J’aurais aussi aimé apprendre par quoi vous les remplaceriez et quelle serait, selon vous, l’incidence d’une telle décision sur les tarifs de l’électricité pour les ménages et les industriels. Vous vous êtes bien gardée d’aborder ces questions !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. À partir du mois de mai, vous allez beaucoup nous entendre !
Mme Laurence Rossignol. Patience, le 6 mai, on vous expliquera tout ! François Hollande a promis un grand débat sur l’énergie, vous pourrez même y participer !