M. Roland Courteau. Ce n’est pas vrai !...
M. Jean-Pierre Michel. Il ne sait pas ce qu’il lit !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Cette mesure touche près des deux tiers des 1 500 000 foyers concernés aujourd’hui.
En outre, les coupures d’électricité et de gaz sont interdites en hiver pour les ménages en difficulté.
Mme Laurence Rossignol. C’est absolument faux ! Renseignez-vous avant de lire les notes de vos collaborateurs, monsieur le secrétaire d’État !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Tout foyer qui peine à régler ses fournisseurs d’énergie peut saisir le Fonds de solidarité pour le logement, le FSL, afin de bénéficier d’une aide. Tant que ledit fonds n’a pas statué, l’électricité et le gaz ne peuvent pas être coupés.
M. Michel Berson. Merci beaucoup ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Jean-Vincent Placé. Mais où est le ministre chargé du dossier ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. De plus, électricité et gaz sont obligatoirement maintenus du 1er novembre au 15 avril pour tous les foyers ayant eu recours à l’aide du FSL au cours des douze derniers mois.
M. Jean-Vincent Placé. Surtout, n’oubliez pas de tourner la page, monsieur le secrétaire d’État !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Enfin, nous menons une action de long terme pour aider les ménages en difficulté à réduire durablement le montant de leurs factures. À cette fin, nous avons plus spécifiquement créé un fonds d’aide à la rénovation thermique des logements, doté de 1,35 milliard d’euros, dont 1,1 milliard d’euros financé par l’État.
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. Roland Courteau. Et les collectivités ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Ce fonds bénéficie à plus de 300 000 foyers.
Voilà, monsieur le sénateur, l’ensemble des actions menées par le Gouvernement : la situation ne correspond nullement aux accusations que vous avez proférées ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Je souhaiterais adresser ma question à M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.
À l’heure où nous parlons, nous ignorons si un accord sera trouvé ce soir quant aux conditions posées à la Grèce par le FMI, la BCE et la Commission européenne en vue de l’obtention d’une ligne de financement devant permettre à ce pays d’éviter un défaut de paiement le 20 mars prochain.
Parmi les principales exigences de cette fameuse « troïka », après les différents plans d’austérité déjà engagés par la Grèce au cours des derniers mois, nous savons que figurent une baisse de 20 % des salaires, une réduction de 15 % des retraites complémentaires et la suppression de 15 000 emplois publics, le tout dans un pays en récession depuis plus de cinq ans et dont le PIB devrait, cette année encore, accuser un recul d’environ 6 %.
Oui, les gouvernements grecs successifs ont de lourdes responsabilités dans cette situation.
Oui, la société grecque doit se réformer et se moderniser. Ainsi, l’Église orthodoxe, première fortune de Grèce, ne paie toujours pas d’impôts, de même que la plupart des grands armateurs grecs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà !
M. André Gattolin. La Grèce est aujourd’hui le pays d’Europe où les inégalités sociales sont les plus élevées, et c’est précisément aux populations défavorisées et aux classes moyennes qu’on demande aujourd’hui de régler la facture !
Les capitaux privés du pays ont déjà fui en masse vers l’Angleterre et surtout vers la Suisse au cours des derniers mois. Les banques suisses comptent ainsi 220 milliards d’euros détenus par des ressortissants grecs qui ne paient pas, ou presque pas d’impôts dans leur pays.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et que dire concernant la France !
M. André Gattolin. Mais que nous proposent la France et son allié allemand ? Des recettes façon FMI « vieille école », celles-là même qui, dans les années soixante-dix, ont précipité nombre de démocraties dans le chaos, voire parfois dans la dictature. (M. Roger Karoutchi proteste.)
Nul n’est besoin d’être prix Nobel d’économie pour concevoir que la récession sans fin dans laquelle nous plongeons la Grèce par ces mesures ne lui permettra pas de voir son économie redémarrer, et que nous nous dirigeons tout droit vers de nouveaux plans de sauvetage, lors des prochaines échéances du remboursement de sa dette.
L’Union européenne ne pourrait-elle pas, à l’instar de ce que viennent d’obtenir les États-Unis, forcer les banques suisses à lever le secret bancaire, afin que l’État grec puisse enfin réclamer et recouvrer son dû auprès d’une oligarchie nationale très peu soucieuse de l’intérêt général ?
Ce serait là un véritable signe de solidarité à l’égard de la population grecque.
Ce serait aussi un signe de considération et de courage politique que le sommet de notre diplomatie fasse enfin le voyage d’Athènes pour expliquer sur place les raisons conduisant notre gouvernement à soutenir des mesures qui, aux yeux de l’opinion grecque, sont perçues comme aussi injustes qu’incompréhensibles ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. le ministre de l’économie et des finances, qui ne peut être présent aujourd’hui. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Pour ce qui concerne la situation de la Grèce, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, et la Chancelière Angela Merkel ont rappelé sans ambiguïté et à plusieurs reprises les scénarios qui sont en ce moment même sur la table.
Je le redis avec beaucoup de solennité : les États membres de la zone euro sont déterminés à défendre la stabilité financière de la zone.
Nous ferons preuve d’une très forte solidarité avec tous les membres de la zone euro, nous l’avons maintes fois rappelé et nous nous y sommes engagés solennellement.
Pour autant, cette solidarité n’a de sens que si elle s’accompagne d’un sursaut national en Grèce. De fait, ce pays doit entreprendre des réformes structurelles profondes,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Lesquelles ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. … pour restaurer la compétitivité de son économie et assurer la soutenabilité de ses finances publiques. Elle s’y est d’ailleurs engagée auprès de l’ensemble de ses partenaires, publics comme privés ; elle doit à présent respecter ses engagements.
Monsieur le sénateur, je vous l’assure : une solution ambitieuse et globale à la crise grecque est possible.
M. Jean-Pierre Caffet. On le constate d’ailleurs tous les jours ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Du reste, tous les paramètres sont désormais connus et les négociations avec le secteur privé devraient déboucher très prochainement sur un accord.
Les autorités grecques, le peuple grec, dont nous respectons naturellement la pleine et entière souveraineté, doivent décider quelle voie ils souhaitent désormais privilégier pour l’avenir de leur pays, et ils devront s’y tenir.
M. Jean-Pierre Caffet. Mais elle est intenable !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Il y a la voie que nous préconisons, comme tous les experts internationaux qui travaillent en ce moment même sur le dossier grec, celle des réformes structurelles profondes, qui sont indispensables pour que l’économie grecque sorte renforcée de cette crise.
M. François Rebsamen. C’est une mauvaise voie !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Mais il y a une autre voie, celle qui consisterait à rejeter la solidarité européenne et à refuser les réformes qui y sont associées. Elle serait plus aventureuse, mais, si telle est le choix du peuple grec, nous respecterons cette décision, comme nous respectons la souveraineté de la Grèce.
Les négociations au sein du gouvernement grec progressent ; il est impératif qu’elles soient achevées avant la réunion de l’Eurogroupe de ce soir et qu’un accord global soit conclu avec le groupe d’experts de la Commission européenne, du FMI et de la Banque centrale européenne. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP et de l'UCR.)
transports aériens
M. le président. La parole est à Mme Annie David. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Annie David. Ma question s’adresse à M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports.
C’est au moyen d’une proposition de loi déposée par vos députés UMP, qui vous permet en outre de contourner l’obligation légale de consulter les partenaires sociaux, que votre majorité et vous-même, monsieur le ministre, attaquez le droit de grève dans le secteur aérien privé. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. David Assouline. Exactement !
M. Serge Dassault. Oh !
Mme Annie David. Nul doute qu’après les salariés de l’aérien, c’est à l’ensemble des salariés que vous vous attaquerez ! (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Christian Cointat. Pas du tout !
Mme Annie David. Si ce texte satisfait pleinement le MEDEF, il bafoue notre Constitution, mais aussi notre droit du travail. En effet, par cette simple proposition de loi d’affichage, et à la veille de l’élection présidentielle, vous remettez frontalement en cause le principe constitutionnel du droit de grève !
M. Serge Dassault. Absolument pas !
Mme Annie David. N’en déplaise à M. Sarkozy et à Mme Parisot, le droit de grève n’est pas un privilège. C’est, au contraire, l’un des piliers de notre République et de notre démocratie. Ce droit, acquis de haute lutte par les salariés, a permis la construction de notre modèle social, modèle dont vous osez vous-même vous revendiquer !
M. Christian Cointat. Oui au droit de grève, non aux prises d’otages !
Mme Annie David. Avec cette mesure, vous continuez à opposer nos concitoyens entre eux. Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui devraient avoir un droit garanti de voyager et, de l’autre, des salariés en lutte pour défendre tout simplement leurs droits.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Annie David. Si les salariés se mobilisent, c’est pour leurs conditions de travail, pour des rémunérations décentes et pour le maintien de l’emploi ! Ils se mobilisent en réalité dans l’intérêt de tous les salariés.
Contrairement à l’idée que vous véhiculez, les salariés n’abusent pas du droit de grève. C’est leur seule défense face au mépris des employeurs. Et soyez certains que les salariés préfèrent toujours un bon accord à un mauvais conflit. Une grève, qui coûte cher aux salariés, ne constitue jamais une partie de plaisir. Seuls ceux qui n’ont jamais fait grève peuvent penser le contraire !
M. Robert Hue. Absolument !
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Annie David. Contrairement à ce que vous laissez entendre, ce ne sont pas les salariés qui sont responsables des difficultés économiques d’Air France : elles ne sont que le résultat de vos politiques continues de déréglementation, qui ont laissé le secteur aérien aux seuls actionnaires et à leurs profits !
La réalité est que les usagers des RER, trains, métros et avions sont victimes d’une politique de casse du service public(Protestations sur les travées de l'UMP.), et certainement pas du droit de grève, qui, rappelons-le, mes chers collègues, pour les transports parisiens, n’est responsable que de 2 % des difficultés de service !
M. Robert Hue. Absolument !
M. Roger Karoutchi. À la RATP également ? Il faudra vous expliquer !
Mme Annie David. Monsieur le ministre, cessez les provocations destinées à satisfaire la frange la plus droitière de votre électorat !
Mme Natacha Bouchart. La question !
Mme Annie David. Allez-vous, avant de rencontrer les organisations syndicales, retirer cette proposition de loi de l’ordre du jour ? (Non ! sur plusieurs travées de l’UMP.)
Ce retrait doit être un préalable à de véritables négociations avec les organisations syndicales sur les conditions de travail et les salaires. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Madame David, votre question porte finalement sur le même sujet que celle de M. Karoutchi, même si votre approche est légèrement différente… (Éclats de rire sur certaines travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
À vrai dire, j’ai eu beaucoup de mal à suivre un propos qui relevait davantage de la caricature que d’une véritable question ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP et de l'UCR. –Protestations sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui êtes caricatural !
M. Thierry Mariani, ministre. Qu’en est-il de la négociation sociale et de la consultation des syndicats ? Le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale a auditionné vingt-huit personnes. CFDT, CFTC, CGT, Force ouvrière, Syndicat national des pilotes de ligne : je tiens à votre disposition la liste de tous les syndicats dont les représentants ont été entendus.
M. David Assouline. Ils disent tous non !
Mme Annie David. Nous les avons aussi entendus !
M. Thierry Mariani, ministre. Vingt-huit personnes, madame David ! Vous ne pouvez donc pas parler d’absence de concertation sociale !
Je suis en outre surpris qu’une sénatrice reproche à des parlementaires une initiative législative parlementaire.
MM. Christian Cointat et Roger Karoutchi. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous n’avons rien dit de tel. Vous n’avez pas compris la question !
M. Thierry Mariani, ministre. Même si le 1er avril approche, n’est-il pas quelque peu caricatural d’affirmer que le but de cette proposition de loi est de satisfaire le MEDEF ?
M. Marc Massion. C’est un expert qui parle !
M. Thierry Mariani, ministre. En réalité, elle vise surtout à faire en sorte que nos concitoyens ne soient plus pris en otages ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui prenez les salariés en otages, et tous les jours !
M. Thierry Mariani, ministre. Si vous le voulez, madame, je vous emmène expliquer ce soir aux passagers encore bloqués dans les aéroports que le droit de grève, c’est génial, et que le fait de devoir passer la nuit à Roissy ou à Orly constitue une grande conquête sociale ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Thierry Mariani, ministre. En réalité, cette proposition de loi vise simplement à garantir aux passagers un minimum d’informations.
Mme Isabelle Debré. Bien sûr que si !
M. Thierry Mariani, ministre. Arrêtez donc de la caricaturer en affirmant qu’elle remettrait en cause le droit de grève.
Grâce à notre majorité, depuis 2007, le service minimum est une réalité dans le transport terrestre. Le droit de grève a-t-il pour autant disparu à la SNCF ou à la RATP ?
Nous allons faire exactement la même chose pour le secteur aérien : le droit de grève restera garanti, bien évidemment, mais ce délai de quarante-huit heures permettra aux passagers d’être informés.
Mme Annie David. Vous confondez secteur privé et secteur public !
M. Thierry Mariani, ministre. Nous devons dépasser cette vision manichéenne d’une économie prolétarienne ou je ne sais quoi… (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Les trois candidats de l’ultragauche se sont déplacés pour soutenir les pilotes : il s’agissait assurément d’un grand moment de solidarité prolétarienne ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Au fond, le message est simple : nous devons également penser aux passagers ; ce sont aussi des travailleurs et ils ont aussi des droits ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
M. Jean-Pierre Michel. Il n’est pas là !
M. Philippe Dominati. « Alcoolique », « Séropositif », « N’est pas de nationalité française », « Ancien SDF » : telles sont les annotations relevées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, dans le fichier du principal office d’HLM de France, celui de la Ville de Paris, qui gère 125 000 foyers sociaux.
Mme Isabelle Debré. Honteux !
M. Philippe Dominati. Les premières plaintes ont été déposées en février voilà un an, par une centaine de familles. Elles n’ont pas été entendues.
Au mois de septembre dernier, d’autres plaintes ont été déposées et des familles sont allées individuellement dans les commissariats parisiens faire dresser des mains courantes.
Après deux mois d’investigations, la CNIL a jugé les faits si graves qu’elle a décidé - procédure exceptionnelle - de rendre publique son injonction de mettre fin, dans cinq domaines, à des pratiques qui portent atteinte aux droits les plus élémentaires, le droit à la vie privée et à la dignité.
C’est seulement un an après les faits que le maire de Paris a, d’une part, commandé un audit externe – le procédé est classique, et bien entendu très efficace ! – et, d’autre part, demandé qu’il soit mis fin à ces pratiques. Il était temps, alors même que les donneurs de leçons et les moralistes qui l’entourent ne sont généralement pas avares de recommandations en tout genre ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. David Assouline. Ça va !
M. Philippe Dominati. Ce fichage massif, automatisé, sur un logiciel spécifique, touche des milliers de familles parmi les plus fragiles de la Capitale. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Rebsamen. Ce n’est pas vrai !
M. David Assouline. Et rappelez-vous que les électeurs ont mis fin à un autre type de fichage, le vôtre !
M. Philippe Dominati. On veut nous faire croire qu’il s’agit d’un simple dérapage administratif, alors que 340 gardiens d’immeubles peuvent enrichir ce fichier de diverses informations qu’ils détiennent.
Simple dérapage administratif ?...
Ce ne sont donc pas eux qui ont commandé ce fichier ; ce ne sont pas eux qui l’ont payé ; ce ne sont pas eux qui l’utilisent depuis des années…
Si la réponse du maire de Paris n’est pas appropriée,…
Mme Annie David. Et votre question ?
M. Philippe Dominati. … il appartient au garde des sceaux, au nom du respect des libertés individuelles, de faire en sorte que l’État protège les citoyens.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dois-je vous rappeler que Nicolas Sarkozy a créé quarante-quatre fichiers de police ?
M. Philippe Dominati. Cette protection doit s’exercer le plus tôt possible. Il ne suffit pas de masquer cette affaire et je demande donc au garde des sceaux d’ouvrir une information judiciaire pour déterminer le nombre de victimes de ces pratiques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Dominati, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Michel Mercier, actuellement en déplacement à Cayenne. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Monsieur le sénateur, jeudi dernier, la CNIL a rendu publique la mise en demeure qu’elle a adressée à l’Office public de l’habitat de Paris. Celle-ci constitue la première phase d’une procédure pouvant mener, en cas de méconnaissance persistante des dispositions de la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978, au prononcé d’une sanction administrative par la formation restreinte de cette commission.
Le Gouvernement ne saurait bien entendu prendre position dans une procédure diligentée par une autorité administrative indépendante, sur la base d’un dossier auquel il n’a pas accès.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et voilà !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Des éléments rendus publics par la CNIL, il ressort néanmoins que l’Office public de l’habitat de Paris aurait pu, en violation des dispositions de la loi Informatique et libertés, collecter, sans en demander l’autorisation à la CNIL, des données sur la vie privée des personnes qui ne sont nullement nécessaires à la gestion locative, notamment des données médicales et des jugements de valeur sur les locataires.
La CNIL a donc donné deux mois à l’office parisien pour mettre son fichier en conformité avec la loi.
M. Christian Cambon. Et ils se permettent ensuite de donner des leçons !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Indépendamment de la procédure diligentée par la CNIL, je le rappelle à la Haute Assemblée, le code pénal punit le fait de mettre ou de conserver en mémoire informatisée des données à caractère personnel relatives à la santé d’une personne, sans son consentement et en dehors des cas prévus par la loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
collectivités territoriales
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et concerne les annonces très inquiétantes de l’État en matière de dotations financières aux collectivités.
Des annonces ministérielles récentes font en effet état d’une réduction programmée de 6 milliards, voire de 10 milliards d’euros !
Demain se tiendra à l’Élysée la conférence des déficits publics, et le chef de l’État vient par avance de réitérer ses mises en cause des collectivités et de leurs élus, en imaginant de soumettre leurs dotations à une modulation au mérite !
Qui serait donc ce juge impartial de la bonne ou de la mauvaise gestion des communes, des départements ou des régions ? Mystère total !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les agences de notation !
M. François Marc. Choqué, le président du Comité des finances locales, ou CFL, Gilles Carrez, en vient d’ailleurs à réclamer qu’on « arrête de jouer au père Fouettard avec les collectivités » !
La décentralisation a été une excellente chose pour la qualité des services publics dans notre pays, mais l’État s’est parfois trop facilement déchargé sur les collectivités. (M. Roland Courteau opine.) Ainsi, des compétences transférées n’ont pas été correctement compensées, comme l’action sociale dans les départements.
Non content de solliciter sans cesse les territoires pour des compétences de niveau national telles que le TGV ou le très haut débit, le Gouvernement a mis en œuvre une réforme fiscale qui prive aujourd’hui les collectivités de toute marge de manœuvre.
La question qui se pose est donc très simple. Depuis trente ans, les élus locaux se sont dépensés sans compter pour donner corps à la décentralisation et offrir un service public de grande qualité, et ce dans le cadre d’une gestion extraordinairement vertueuse.
Si les collectivités se voient demain privées de plusieurs milliards d’euros de moyens financiers, vous devez nous dire, monsieur le Premier ministre, dans quels domaines vous demandez à réduire les services publics locaux.
S’agit-il de la sécurité ? Pour pallier la suppression par l’État de 10 000 postes de policiers, les communes ont en effet créé 10 000 postes de policiers municipaux. Faudra-t-il réduire cet effort ?
S’agit-il de l’enfance ? La baisse du nombre d’enseignants est considérable, la scolarisation des enfants de deux à trois ans s’étiole… Dès lors, les communes ont dû créer des crèches, des jardins d’éveil, et lancer de multiples actions pour les familles. Allez-vous contraindre les communes à réduire leurs efforts en faveur de la petite enfance et de la jeunesse ?
S’agit-il de réduire les aides aux personnes âgées et handicapées, assurées par les départements ? Voulez-vous couper les ressources destinées à l’APA, à l’insertion, à la dépendance ?
Au-delà de ces annonces de réductions considérables de moyens, vous devez nous dire, monsieur le Premier ministre, sur quels services publics de proximité vous allez demander à faire porter l’effort : la sécurité ? la petite enfance et la jeunesse ? les personnes âgées et les handicapés ? Vous devez répondre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur Marc, vous interrogez le Gouvernement sur le contexte du sommet local.
En réalité, ce sommet local répond tout simplement à l’engagement que le Président de la République avait pris le 11 janvier dernier, à l’occasion des vœux aux parlementaires. Il avait alors manifesté son intention de réunir les présidents des associations d’élus et des deux assemblées pour examiner ensemble les voies et moyens permettant de mieux associer les collectivités locales à l’indispensable effort de réduction du déficit public.
En effet, il n’est pas possible d’exclure les collectivités territoriales du champ de la maîtrise des dépenses publiques.
M. Didier Guillaume. Il ne faut pas les charger !
M. Philippe Richert, ministre. Je tiens à le redire ici et j’indique de nouveau les chiffres.
Prenez le budget de l’État, c’est-à-dire 280 milliards d’euros, et ajoutez l’ensemble des dépenses des collectivités, soit 220 milliards d’euros, vous arrivez à un total de dépenses, État et collectivités, de 500 milliards d’euros.
Il n’est pas possible d’imaginer que, demain, nous puissions clairement progresser dans la maîtrise de la dépense publique si nous n’associons pas l’État et les collectivités à cet effort.
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Didier Guillaume. Il ne faut plus transférer les dépenses !
M. Philippe Richert, ministre. C’est d’ailleurs ce que dit exactement la Cour des comptes, qui a insisté dans son rapport public sur la nécessité de ralentir la dépense locale et de geler ou de réduire les dotations de l’État au-delà de 2012. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.) Je ne fais que citer la Cour des comptes, mesdames, messieurs les sénateurs !
Le diagnostic, au-delà des dépenses, concerne aussi, vous le savez, la question des personnels. Entre 1998 et 2009, les effectifs de l’État, hors transferts de compétences et de personnels, diminuaient de 59 000 agents. En même temps, toujours hors transferts, les collectivités locales recrutaient plus de 400 000 salariés.