PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
6
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
délocalisation de lejaby
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. C’est une semaine noire pour l’emploi en France, marquée par l’annonce de chiffres catastrophiques : ainsi, le nombre des chômeurs s’est accru de 152 000 en un an, soit une augmentation de 5,6 %. En cinq ans, la France a perdu 750 000 emplois dans l’industrie, et 900 usines ont fermé ces trois dernières années.
La semaine dernière, le repreneur de Lejaby, fleuron du savoir-faire de la lingerie française, annonçait la suppression de 255 emplois et la fermeture du site d’Yssingeaux. Seuls 193 emplois seraient maintenus au siège de l’entreprise, essentiellement au sein du service commercial et de celui des prototypes. Il faut savoir que le repreneur de Lejaby, M. Alain Prost, est un associé de la société Isalys, principal sous-traitant de Lejaby en Tunisie…
Le Gouvernement affirme maintenant vouloir réindustrialiser la France, après avoir laissé son industrie péricliter pendant des années. Le cas de l’entreprise Lejaby montre que, à l’évidence, ces belles paroles ne sont pas suivies d’actes forts, traduisant une volonté réelle d’endiguer cette hémorragie.
Le devenir de cette entreprise est conforme à un scénario désormais classique, hélas ! que nous voyons se reproduire régulièrement depuis des années, ce qui a débouché sur la disparition de la majeure partie de l’industrie textile française.
Que font aujourd’hui les pouvoirs publics pour enrayer cette spirale infernale qui mène du dépôt de bilan au plan de licenciements, décidé par le repreneur choisi par le tribunal de commerce ?
En 1996, l’entreprise Lejaby comptait 1 100 salariés. Au terme de deux plans de restructuration successifs, six sites de production sur huit ont été fermés, tandis que, dans le même temps, 83 % de la production était délocalisée en Tunisie.
En 2009, le groupe Palmers a racheté la marque Lejaby, mais sans avoir élaboré aucune stratégie de développement ni prévu d’investissements. Le dépôt de bilan, intervenu le 22 décembre dernier, était inévitable. Cette fois, après que le tribunal de commerce eut trouvé un nouveau repreneur, le couperet est tombé : la production est abandonnée, Lejaby ne fabriquera plus en France !
M. Roland Courteau. Scandaleux !
Mme Michelle Demessine. Des ouvrières hautement qualifiées, celles que l’on appelle les « doigts de fée », sont jetées à la rue sans se voir offrir aucune perspective, malgré les belles promesses de plans de reconversion que l’on ne manquera pas de leur faire. Il est difficile, en l’occurrence, d’invoquer un coût de main-d’œuvre trop élevé par rapport à ce qu’il est en Tunisie, car le différentiel n’est que de deux euros pour une pièce vendue soixante-dix euros. (« La question ! » sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole, ma chère collègue, veuillez poser votre question !
Mme Michelle Demessine. Le cas de Lejaby est emblématique : que compte faire le Gouvernement pour donner de la crédibilité à son discours sur la réindustrialisation de la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Madame la sénatrice, vos propos sur l’action du Gouvernement sont très injustes. En effet, il a contribué à la recherche d’un repreneur pour l’entreprise Lejaby. Deux offres de reprise ont été déposées, et le tribunal de commerce de Lyon a décidé, le 18 janvier dernier, de retenir celle de l’ancien P-DG de Chantelle et de Furla, M. Prost.
Cette offre prévoit malheureusement la fermeture du site d’Yssingeaux, en effet, mais elle permet de sauvegarder 195 emplois, soit davantage que l’offre concurrente. Voilà ce qui explique la décision du tribunal de commerce de Lyon.
Nous nous battons pour que les salariés qui ne seront pas repris bénéficient des meilleures conditions possibles. Ceux du site d’Yssingeaux continueront ainsi de percevoir 98 % de leur salaire net pendant un an, grâce au dispositif du contrat de transition professionnelle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et après ?
M. Éric Besson, ministre. Je puis vous dire, pour en avoir parlé avec eux, que ce n’est pas négligeable aux yeux des salariés de Lejaby !
Nous nous battons également pour assurer un avenir au site d’Yssingeaux. Nous avons ainsi obtenu du repreneur que les machines restent sur place. L’outil de production est donc préservé, ce qui était la condition indispensable à une reprise du site. À cet égard, plusieurs pistes existent, et le Gouvernement entend mobiliser tous les moyens financiers nécessaires pour conforter les projets de reprise.
C’est pour sauvegarder l’emploi industriel que le Gouvernement a pris, depuis 2007, des initiatives aussi importantes que la suppression de la taxe professionnelle, le triplement du crédit d’impôt recherche, la création du Fonds stratégique d’investissement, le lancement du programme des investissements d’avenir ou la mise en place d’aides à la réindustrialisation, comme dans le cas de l’entreprise Lejaby.
M. Alain Néri. Quel succès !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour quels résultats ?
M. Alain Néri. Ils sont mauvais !
M. Éric Besson, ministre. Il y a des restructurations industrielles, mais certaines entreprises se portent très bien et se développent : je pense par exemple à Airbus, à Alsthom ou à L’Oréal. Je tiens à souligner, même si cela ne fait pas les gros titres, que, pour la première fois depuis dix ans, le niveau de l’emploi industriel est stabilisé. Par ailleurs, contre toute attente, l’investissement industriel a augmenté de 10 % en 2011 ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.
M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, a déclaré la semaine dernière, à l’occasion d’un colloque, que le prix de l’électricité pourrait augmenter de 6 % par an jusqu’en 2016, soit une hausse totale de 30 % à cette échéance, en l’état actuel de la réglementation.
Trois raisons expliqueraient une telle augmentation.
En premier lieu, le prix de l’électricité nucléaire historique suivant le rythme de l’inflation à hauteur de 2 % par an, le coût du mégawattheure devrait passer de 42 euros en 2012 à 46 euros en 2016. De plus, il faudra financer les 10 milliards d’euros de travaux de sécurisation des centrales exigés par l’Autorité de sûreté nucléaire à la suite de la catastrophe de Fukushima.
En deuxième lieu, il faut assurer le financement du développement des énergies renouvelables.
La contribution au service public de l’électricité, la CSPE, créée en 2001, sert essentiellement à financer le surcoût lié au développement des nouvelles énergies. La Cour des comptes a indiqué que le montant de cette taxe était passé de 1,9 milliard d’euros en 2010 à plus de 5 milliards d’euros aujourd’hui. Il faut dire que le prix d’achat de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables est sept fois plus élevé que son prix de vente. Selon le régulateur, la CSPE devrait passer de 9 euros par mégawattheure en 2012 à près de 20 euros en 2016.
En troisième lieu, le régulateur évoque une hausse de 4 % par an, inflation comprise, du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE, qui rémunère le transport d’électricité par RTE, Réseau de transport d’électricité, ainsi que la maintenance et la modernisation des réseaux par les distributeurs, notamment ERDF.
À tout cela s’ajoute la fin des tarifs réglementés pour les particuliers en 2015, en application de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME, qui risque d’alourdir encore la facture. (M. Roland Courteau acquiesce.)
Vous avez contesté, monsieur le ministre, le chiffre de 30 % d’augmentation et annoncé une hausse « prévisible mais raisonnable », en soulignant que, jusqu’en 2015, c’est le Gouvernement qui fixera le prix de l’électricité.
Qui croire ? Le président de la CRE, qui évoque une forte hausse, ou le Gouvernement, qui annonce une augmentation raisonnable ?
Pouvez-vous, monsieur le ministre, éclairer la Haute Assemblée, ainsi que les 39 millions de clients du réseau électrique français, sur les intentions du Gouvernement ? (Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, nous pouvons déjà nous accorder sur le constat suivant : le prix de l’électricité est aujourd’hui en France de 40 % inférieur à la moyenne des pays européens. (« C’est vrai ! » sur les travées de l'UMP.) L’électricité coûte notamment deux fois moins cher chez nous qu’en Allemagne.
M. Alain Néri. Ce n’est pas une raison pour augmenter les prix !
M. Éric Besson, ministre. Certes, monsieur le sénateur ! Je vais y venir.
Par ailleurs, grâce au recours à l’énergie nucléaire, nous produisons deux fois moins de gaz à effet de serre que l’Allemagne.
Le président de la CRE a émis un certain nombre d’hypothèses. Dès le lendemain, j’ai indiqué que le Gouvernement ne les faisait pas siennes et rappelé que c’est lui qui, en application de la loi NOME, fixera jusqu’en 2015 les tarifs de l’électricité.
Cela étant, soyons honnêtes : personne ne peut affirmer que le prix de l’électricité n’augmentera pas dans notre pays dans les années à venir. C’est pourquoi j’ai parlé d’une hausse raisonnable des tarifs.
Notre scénario de travail est fondé sur la réalisation d’économies d’énergie et le développement des énergies renouvelables, parallèlement au maintien de notre parc nucléaire, dans le respect des exigences posées par l’Autorité de sûreté nucléaire en matière de travaux de maintenance. La réalisation de ces travaux, dont le coût s’établit à environ 10 milliards d’euros, entraînera une augmentation des prix de l’électricité de 2 % en dix ans, ce qui reste raisonnable.
Un second scénario consiste à réduire de 75 % à 50 % la part de l’électricité d’origine nucléaire, mais il est difficile de savoir ce que préconisent vraiment ses partisans : ils affirment vouloir remettre en cause la filière de retraitement du combustible nucléaire, puis expliquent qu’on les a mal compris ; ils annoncent qu’ils fermeront vingt-quatre réacteurs sur cinquante-huit en treize ans, avant d’indiquer que, finalement, ils se contenteront de fermer une centrale dans les cinq ans ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Néri. Pour retourner sa veste, c’est vous le spécialiste !
M. Éric Besson, ministre. Vous ne nous dites pas par quoi vous remplacerez le nucléaire, ni quelles seront les conséquences de vos choix pour notre indépendance énergétique et leur coût pour nos concitoyens. Vous nous avez seulement annoncé que, à l’avenir, les tarifs de l’eau, de l’électricité et du gaz seraient progressifs et indexés sur le revenu… (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Néri. Absolument !
M. Éric Besson, ministre. Comment une telle mesure pourrait-elle être mise en place ? Personne ne nous le précise !
Plutôt que de critiquer l’action du Gouvernement, grâce à laquelle l’électricité est peu chère dans notre pays, présentez-nous vos propositions ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
fiscalité
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ma question s'adresse à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
L’exécution budgétaire pour l’exercice 2011 s’est soldée par une amélioration des comptes publics de 4,6 milliards d’euros, soit plus de 0,2 % du PIB, par rapport à ce que prévoyait la dernière loi de finances rectificative.
Cet excellent résultat témoigne de la rigueur, de la sincérité et de la persévérance avec lesquelles le gouvernement de François Fillon gère les comptes publics ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. C’est une question téléphonée !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce chiffre, s’il est confirmé, marque un véritable record en matière de rigueur : c’est du jamais-vu depuis plus de trente ans, sinon davantage ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Trop, c’est trop ! Halte à la propagande gouvernementale !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il manifeste aussi la sincérité des prévisions gouvernementales, que l’opposition avait donc eu tort de critiquer.
Il témoigne enfin de la persévérance du Gouvernement à poursuivre l’objectif qu’il s’est fixé, à savoir réduire les déficits publics et mener des réformes structurelles. (Rires sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. Luc Carvounas. C’est la méthode Coué !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ces bons résultats sont dus à l’expérience du Gouvernement, qui s’est fixé une trajectoire budgétaire pluriannuelle, à la cohérence de ses choix en matière de politique budgétaire et à sa réactivité face à la crise.
M. Alain Néri. Votre trajectoire mène dans le mur !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout indique qu’il faut tenir ce cap ; c’est le bon sens même ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Luc Carvounas. Le changement, c’est maintenant !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je regrette que l’on ait ignoré totalement, dimanche dernier au Bourget, l’impératif de redressement de nos finances publiques. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Demandez donc un petit effort à vos amis !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En s’en prenant aux classes moyennes, en voulant supprimer le quotient familial, en annonçant la fusion de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée en un unique prélèvement progressif sur le revenu, on suscite des inquiétudes, que les déclarations de ce matin du candidat Hollande n’ont pas contribué à dissiper ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer l’amélioration du solde budgétaire pour l’exercice 2011, ainsi que la volonté du Gouvernement de maintenir ce cap en 2012 ? À cet égard, ne pensez-vous pas que le programme socialiste représente un risque pour les finances publiques de notre pays ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice, la réduction du déficit public entre l’année 2010 et l’année 2011 est sans précédent depuis 1945 ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est une honte ! Gardez cette propagande pour vos meetings !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Dans le passé, un effort de réduction du déficit des comptes publics avait été réalisé en 1979 et en 1996, mais nous aurons fait mieux en le ramenant de 7 % du PIB en 2010 à moins de 5,5 % en 2011. J’espère même que le chiffre définitif que je vous annoncerai dans quelques semaines sera encore meilleur !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces propos sont scandaleux ! Heureusement, personne ne vous croit !
M. Alain Néri. Vous faites plus contre le déficit que contre le chômage !
M. Alain Néri. … que vous allez dans le mur !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … que les efforts que nous avons demandés aux Français ont porté leurs fruits. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quels efforts avez-vous demandés à vos amis ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ils signifient surtout que le Gouvernement a été sincère, prudent et réactif. Nous avons mené une politique équilibrée, fondée autant sur la baisse des dépenses que sur la hausse des impôts.
M. Alain Néri. Parlez-nous du nombre de chômeurs ! C’est cela, votre bilan !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il est vrai que les propositions de l’opposition ont de quoi inquiéter, alors que nous sommes engagés sur une trajectoire de désendettement. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Notre dette publique s’élève, je le rappelle, à 1 700 milliards d’euros. Pour nous désendetter, nous devons revenir à l’équilibre budgétaire. Nous sommes sur ce chemin : le déficit public a déjà été réduit de 7 % du PIB à moins de 5,5 %, et il sera de 4,5 % en 2012, mais la France s’est engagée devant ses partenaires européens à le ramener à zéro en 2016. Pour atteindre cet objectif, un effort supplémentaire de 115 milliards d’euros est nécessaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À qui demandez-vous les efforts ? Toujours aux mêmes !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Or M. Hollande annonce que, s’il est élu, aucune économie supplémentaire ne sera réalisée, la révision générale des politiques publiques sera abandonnée, le nombre des fonctionnaires cessera de baisser… Aucun de nos partenaires ne suit cette voie ! En agissant ainsi, M. Hollande donnerait un coup fatal au désendettement de la France. Il oublie qu’il faut rétablir l’équilibre des comptes publics avant de commencer à dépenser un argent qu’on n’a pas ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
mali
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Depuis le printemps arabe, le Mali et le Niger, pays démocratiques et pacifiques, sont touchés par des enlèvements d’otages et des affrontements de plus en plus violents à leurs frontières.
Par leur position géographique, ces pays sont au cœur de toutes les circulations transsahariennes. Ils sont également traversés par le Sahel, qui, des côtes du Sénégal à celles de la Somalie, constitue un couloir propice au trafic de drogues.
Dans cette zone, à la suite de la chute de Kadhafi, un millier d’anciens soldats libyens sont venus renforcer les troupes rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad, le MNLA, né à la fin de l’année 2011.
Sur le plan militaire, le MNLA dispose d’un matériel de guerre provenant de Libye : des centaines de chars, des lance-missiles, des bazookas…
Le 18 janvier dernier, la rébellion a attaqué trois villes du nord du Mali. Quarante-sept personnes ont été tuées et dix ont été blessées, sans compter les victimes des combats qui se sont déroulés à Ménaka le 17 janvier.
Il est à craindre que de nouvelles attaques ne se produisent dans cette zone, dont les civils seront les victimes innocentes. Plus généralement, une déstabilisation sécuritaire de la région sahélo-saharienne risquerait d’entraîner la chute des régimes démocratiques du Mali et du Niger, ce qui emporterait des conséquences dramatiques.
Des intérêts à la fois militaires, religieux et mafieux convergent. Les rebelles ont les armes, l’argent, l’espace, le temps. Leurs motivations sont nourries par la revendication territoriale historique des Touaregs.
Le caractère transnational de ces menaces terroristes impose une réponse internationale coordonnée. Lutter efficacement pour la restauration de l’ordre et le maintien de la paix suppose d’accroître de manière significative les moyens mis en œuvre.
Allons-nous attendre que le pire se produise, que des villages soient pris pour cibles, que de nouvelles prises d’otages surviennent ? Souvenons-nous de Philippe Verdon, actuellement retenu en otage, de Pierre Camatte, libéré en 2010, et de Michel Germaneau, mort faute de soins en Mauritanie.
Nous sommes exposés à trois risques : la résurgence des mouvements terroristes, l’intensification du trafic de drogues et la déstabilisation de gouvernements démocratiques.
Monsieur le ministre, l’implication de la France dans le maintien de la stabilité aux frontières du Mali, du Niger, de l’Algérie et de la Libye semble incontournable. En effet, cette crise extérieure affecte aussi la sécurité des Occidentaux. Pouvons-nous faire inscrire cette question prioritaire à l’ordre du jour du Conseil de sécurité de l’ONU ? Dans le cadre de l’Europe de la défense, pouvons-nous apporter un soutien matériel et technologique aux pays concernés, d’autant plus nécessaire que leur situation économique est très difficile ? (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Monsieur Guerriau, le Gouvernement partage entièrement votre préoccupation, concernant notamment le sort de nos otages. Je rappelle que deux jeunes Français ont été assassinés dans le nord du Niger, au mois de janvier 2011.
Il s’agit bien entendu d’une question extrêmement sensible ; nous devons être audacieux, mais responsables, et ne rien faire qui puisse mettre en péril la vie de nos otages.
La question touareg est ancienne. Elle a fait l’objet d’un accord en 2009, qui, manifestement, est aujourd’hui remis en cause.
Il est tout à fait exact que, à la suite des événements de Libye, un certain nombre d’hommes qui avaient été recrutés par M. Kadhafi sont retournés dans leur pays d’origine après s’être copieusement servis dans les stocks d’armes, ce qui a encore aggravé la situation.
Cela étant, je pense qu’il faut faire une distinction entre la rébellion touareg contre le pouvoir central et les actions d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, Aqmi. D’ailleurs, ces deux mouvances ne collaborent pas.
La France considère que, en démocratie, le dialogue doit primer sur l’épreuve de force. Nous appelons donc à un cessez-le-feu et à l’ouverture d’un dialogue associant tous les acteurs. Bien entendu, nous militons pour le respect de la stabilité, de l’unité et de l’intégrité territoriale du Mali. Telle est la position que M. Juppé a rappelée au président du Mali il y a quelques jours.
J’ajouterai qu’une bonne coordination entre les États de la zone est nécessaire. À cet égard, la réunion de Nouakchott est positive.
Dans l’état actuel des choses, il est évident que la mise en place d’une force étrangère d’interposition militaire n’est pas envisageable, les pays concernés y étant opposés.
À l’échelon européen, la France joue un rôle important dans la mise en œuvre de la stratégie pour le Sahel. En outre, un rapport sur la situation au Sahel doit être présenté aujourd’hui au secrétaire général des Nations unies.
Enfin, je souligne que si nous ne pouvons pas décider de l’inscription de telle ou telle question à l’ordre du jour des travaux de l’Union africaine, aucune réunion de cette organisation ne se tient sans que le sujet de la sécurité au Sahel soit abordé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
politique de l'emploi
M. le président. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre.
On le sait, le chef de l’État avait fait de la lutte contre le chômage le thème d’action majeur de son quinquennat. Or, au terme de ce dernier, on dénombre malheureusement un million de chômeurs de plus qu’en 2007… C’est là, madame Des Esgaulx, un record absolu depuis 1945 ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Nous ne nions pas l’ampleur de la crise, mais nous dénonçons le fait que les mesures prises aient toujours été contracycliques au regard de l’évolution dramatique de la situation de l’emploi.
Hier, le Premier ministre a enjoint aux membres du Gouvernement de ne surtout pas dire que tout avait été essayé. De fait, vous n’avez pas tout essayé, puisque les mesures décidées ces cinq dernières années, en particulier dans le cadre des différentes lois de finances, ont systématiquement joué contre l’emploi ! En cinq ans, vous avez démantelé notre système de protection de l’emploi ! (M. Jean-Pierre Raffarin rit.)
M. Éric Doligé. Et les 35 heures ?
M. François Patriat. Lors des derniers débats budgétaires, je me suis élevé contre la réduction des crédits alloués à la politique de l’emploi. Ils ont en effet baissé de 11 %, soit une diminution de 1,4 milliard d’euros.
Madame Pécresse, vous avez soutenu hier que cette baisse était seulement nominale. Or il n’en est rien ! Le budget de 2012, malgré l’apport des crédits prévus au titre de la fin du plan de relance, est marqué par une réduction des moyens affectés aux missions locales et aux maisons de l’emploi, ainsi que par des ponctions sur les fonds paritaires, une diminution du nombre des contrats aidés et, quoi que vous en disiez, la poursuite d’une mise en œuvre drastique de la RGPP à Pôle Emploi…
M. Roland Courteau. Cela fait beaucoup !
M. François Patriat. Dans ces conditions, vous comprendrez, madame la ministre, que nous jugions indigentes et inefficaces les mesures qui ont été annoncées, de façon quelque peu cynique, le 18 janvier dernier.
En effet, le redéploiement de 480 millions d’euros de crédits n’est pas à la hauteur de l’enjeu. D’autres pays ont mobilisé des moyens beaucoup plus importants pour remettre à niveau leurs services de l’emploi et accompagner les chômeurs. Chez nous, plus les chômeurs sont nombreux, moins vous leur consacrez de moyens !
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. François Patriat. Les crédits destinés à la formation ont été mis à mal.
Le chômage et l’endettement ont aujourd’hui atteint des niveaux records, hélas ! Le chef de l’État a endetté notre pays autant que tous ses prédécesseurs de la Ve République réunis ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Madame Des Esgaulx, ce sont les classes moyennes et les chômeurs qui paient les pots cassés de la politique menée ces cinq dernières années !
Madame la ministre, pensez-vous que les mesures annoncées le 18 janvier, avec un grand battage médiatique, sont réellement de nature à inverser la tendance, à rendre espoir à nos compatriotes et à restaurer une politique de l’emploi que vous avez mise à mal pendant cinq ans ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)