M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Masson.
L'amendement n° 12 est présenté par M. Beaumont.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa du I de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est supprimé.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour défendre l’amendement n° 3.
M. Jean Louis Masson. Cet amendement vise à supprimer purement et simplement l’alinéa relatif à la publication de la liste des parrainages, de sorte que ladite publication ne soit ni imposée ni interdite.
Ce qui est complètement aberrant dans les parrainages, et le Conseil constitutionnel l’a d’ailleurs bien noté, c’est que l’on en publie 500. Pour prendre l’exemple de mon département, j’ai appelé les maires à parrainer un petit candidat, M. Dupont-Aignan. Si ce dernier recueille 510 parrainages et que mon nom figure dans les dix derniers, il ne sera pas publié. Les maires se demanderont alors pourquoi je leur ai demandé de parrainer ce candidat, alors que je ne figure pas sur la liste publiée. Ou bien on publie tous les noms ou bien on n’en publie aucun ; c’est d’ailleurs la position du Conseil constitutionnel, qu’il a réitérée à de nombreuses reprises.
La publication de la liste des parrainages des candidats à l’élection présidentielle porte atteinte au secret d’une partie du processus électoral et, par contrecoup, à la liberté du vote. Il ne sert à rien que le vote soit secret pour empêcher les pressions sur les électeurs si, dans le même temps, la publicité des parrainages permet des pressions pour écarter certaines candidatures.
Dans ses observations sur l’élection présidentielle de 2002, le Conseil constitutionnel a relevé l’existence de pressions exercées sur des élus habilités à présenter un candidat « par divers groupements politiques ou associatifs pour les en dissuader ». Par conséquent, officiellement, urbi et orbi, on reconnaît que des pressions sont exercées, qui sont tout de même quelque peu contraires à la démocratie.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a estimé que, si une partie des noms des signataires de parrainage doit être publiée – 500 noms par candidat retenu –, il serait alors plus cohérent de publier intégralement la liste des parrains de chaque candidat.
En abrogeant l’alinéa en cause de la loi du 6 novembre 1962, le présent amendement a pour but de laisser au Conseil constitutionnel une appréciation d’opportunité pour soit ne publier aucun des parrainages, soit à défaut en publier la liste complète.
M. le président. L’amendement n° 12 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 1, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa du I de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi rédigé :
« Le Conseil constitutionnel ne rend pas publics les noms des citoyens qui ont proposé les candidats inscrits sur la liste. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Cet amendement constitue le socle de ma démarche ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je l’avais placé en tête de mes propositions, mais, mystère de l’organisation de notre discussion, il figure plus loin sur le dérouleur.
Comme je l’ai longuement évoqué ce matin, la publication de la liste des parrainages des candidats aux élections présidentielles porte atteinte au secret d’une partie du processus électoral et, par contrecoup, à la liberté du vote. Il ne sert à rien en effet de prévoir un vote secret pour empêcher les pressions sur les électeurs si, dans le même temps, la publication des parrainages permet des pressions pour écarter certaines candidatures.
Des milliers de maires et autres parrains potentiels déplorent le détournement de la procédure des parrainages. En effet, le but officiel est d’éviter la multiplication des candidatures marginales ou fantaisistes. Cependant, depuis que la liste des parrains est publique, les grands partis politiques et les médias font croire à l’opinion que le parrainage est un soutien politique.
De ce fait, en 2002 et en 2007, de multiples pressions ont été exercées, qu’il s’agisse de chasseurs à l’encontre des parrains d’un candidat écologiste, de chantage aux subventions du conseil général ou des intercommunalités, ou d’exactions diverses contre les parrains de candidats d’extrême droite ou de candidats d’extrême gauche.
Pis, alors que le système actuel des parrainages n’empêche pas les candidatures fantaisistes ou marginales, il risque d’exclure des courants de pensée figurant parmi les plus importants.
Le présent amendement tend donc à rétablir le principe du secret des parrainages afin d’éviter toute possibilité de pressions ou de représailles sur des parrains potentiels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 3 et 1 ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements pour les raisons que j’ai précédemment indiquées, mais que je reprends.
D’abord, ils ne sont pas directement en rapport avec l’objet du projet de loi organique.
Ensuite, il ne nous semble pas opportun de modifier le principe de publicité des parrainages dans la mesure où chaque parrain sollicité est titulaire d’une fonction élective. Il est donc amené à assumer une responsabilité devant ses électeurs et, au regard même de la fonction qui est la sienne, il paraît logique qu’il puisse l’assumer publiquement et que le Conseil constitutionnel puisse en tirer, dans la limite du nombre de parrainages nécessaires, les conséquences en publiant les éléments.
Par ailleurs, j’ai rappelé tout à l’heure que tous les moyens juridiques répressifs existaient pour combattre d’éventuelles pressions.
J’ajouterai enfin, comme je l’ai déjà fait ce matin, me référant au général de Gaulle et à la Ve République – référence à laquelle M. Masson ne pourra qu’être sensible – que je doute que le général de Gaulle à l’époque, qui n’appartenait à aucun parti, ait pu éprouver la moindre difficulté à obtenir des parrainages. À partir de là, je suis totalement rassuré sur le système : le fait qu’un homme qui se situait, comme lui, dans l’histoire, mais hors de la vie politique traditionnelle et des partis, pouvait se présenter sans le soutien d’un grand parti, en tout cas au départ, me laisse penser qu’aujourd’hui nous avons un dispositif satisfaisant.
Ceux qui ne parviennent pas à trouver de parrainages ont sans doute beaucoup de mérites, mais ils n’en ont pas suffisamment aux yeux des Français !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Conformément aux explications que j’ai données sur l’amendement n° 2, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 3 et 1.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Gilbert Roger. C’est l’heure de gloire de notre collègue !
M. Jean Louis Masson. Je ne suis pas venu pour rien ! (Sourires.)
M. le rapporteur a pris l’exemple du général de Gaulle, que je respecte. Mais il avait de nombreux partisans, aussi cet argument me paraît-il fallacieux.
Pour moi, le problème est clair : nous sommes à peu près dans l’Union soviétique de Brejnev ou dans l’Égypte de Moubarak ! L’un et l’autre pays connaissaient des élections présidentielles, mais des contraintes étaient exercées sur les candidats pour les empêcher de se présenter. C’est notamment ce qui se passait en Égypte : les personnes qui auraient pu soutenir les candidats de l’opposition étaient soumises à une véritable répression, ce qui interdisait aux candidats de recueillir des voix. Grand seigneur, M. Moubarak laissait se présenter trois ou quatre petits candidats farfelus, qui lui servaient d’alibi pour faire croire que l’élection était bien démocratique, alors que tout le monde savait qu’elle était en réalité biaisée.
Chez nous, la situation est similaire. J’ai pris ce matin l’exemple de M. Cantona. Comme il ne dérange personne, on ne reprochera pas au maire de Trifouillis-les-Oies de lui accorder son parrainage. En apparence, on peut donc signer pour le candidat de son choix, Dupont ou Durand. Mais que le même maire accorde sa signature à un candidat qui est susceptible de faire de l’ombre aux deux partis majoritaires, et c’est alors tout le système répressif qui se met en branle, notamment par le jeu des subventions, sans parler des associations qui manifestent et des personnes plus ou moins dérangées qui injurient les maires ou se livrent à des déprédations sur leur domicile, comme j’en ai donné des exemples ce matin.
Cessons d’être hypocrites ! Des pressions sont exercées, et le Conseil constitutionnel l’a lui-même reconnu. Alors, que l’on ne vienne pas me dire que ce n’est pas vrai et que tout va très bien dans notre démocratie où chacun peut voter pour qui il veut. Est-on réellement encore en démocratie quand, pour être candidat à une élection, il faut passer le filtre des parrainages et que les parrains potentiels peuvent être exposés à des contraintes physiques ou à du chantage ?
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je voterai mon amendement n° 1 !
Quant à l’amendement n° 3, je l’ai déposé parce que je suis féru de ces questions et je signale que, loin d’être une élucubration de ma part, il correspond à une demande ancienne du Conseil constitutionnel. Le Conseil a en effet estimé qu’il était anormal que seuls les noms des 500 premiers parrains soient publiés, et non l’intégralité.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas moi qui reprocherai à M. Masson de vouloir « aérer » la démocratie ! Mais je voudrais formuler un certain nombre d’observations.
D’abord, même si nous avons un ministre de l’intérieur « musclé », ce n’est tout de même pas M. Moubarak !
Par ailleurs, en politique, notamment lorsque l’on est maire, il faut avoir le courage de ses opinions. La présidentielle est une élection très particulière. Il est vrai que la multiplication des candidats, si représentatifs soient-ils, est une déviation du système : se présenter à l’élection présidentielle devient finalement un moyen de faire parler de soi pour beaucoup de ces petits candidats.
Enfin, les objections soulevées par M. Masson à l’encontre des parrainages ne sont pas nulles, mais ses amendements auraient aussi des effets pervers. Un seul de ses arguments me semble satisfaisant : puisque des parrainages sont rendus publics, ce que j’estime nécessaire - que des parrains soient secrets serait tout de même assez bizarre -, autant rendre publique l’intégralité des noms sans opérer de sélection.
Je ne soutiendrai pas ces amendements car, je le répète, les avantages qu’ils apporteraient seraient annulés par les effets pervers qui en découleraient.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Quiconque, par des menaces ou des voies de fait, par des promesses d’octroi ou de refus de subventions, de faveurs ou d’autres avantages y compris de nature politique ou électorale, aura tenté d’empêcher un élu de présenter un candidat aux élections présidentielles, sera puni de trois ans d’emprisonnement et privé de ses droits civiques pendant cinq ans ».
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Effectivement, le système français et celui de M. Moubarak ne sont pas similaires : en Égypte, c’était à l’époque directement le ministère de l’intérieur qui exerçait les pressions, alors qu’en France on laisse faire des associations diverses ou des élus…
M. Pierre-Yves Collombat. Il faut les envoyer paître !
M. Jean Louis Masson. Ce n’est donc pas le pouvoir qui, en France, exerce des pressions sur les parrains potentiels - et elles peuvent aller jusqu’aux intimidations physiques ou aux exactions, on est alors très loin de la politique -, mais le résultat est bien le même, et il n’est pas admissible.
J’en viens à la présentation de mon amendement. Dans le régime qui est le nôtre, l’élection tient une place si importante et toute falsification en la matière est si grave qu’un article spécifique du code électoral sanctionne les auteurs de pressions sur les électeurs.
Mais rien n’est spécifiquement prévu pour sanctionner les pressions exercées sur les parrains des candidats. On me rétorquera que ces derniers peuvent toujours porter plainte s’ils ont été menacés. Mais quand on voit les suites données aux plaintes déposées, on sait à quoi s’en tenir. Pour que la plainte ait des chances sérieuses d’aboutir et que des poursuites puissent être engagées, il est nécessaire qu’un article similaire à celui punissant les auteurs de pressions sur les électeurs soit inséré dans le code électoral concernant cette fois les auteurs de pressions sur les parrains. En l’absence d’un tel article dans le code électoral, c’est le droit commun qui s’applique, mais cela ne donne pas le même niveau de dissuasion ou de répression.
Dans ses observations sur les élections présidentielles de 2002, le Conseil constitutionnel a donc lui-même reconnu l’existence de pressions exercées sur des élus habilités à présenter un candidat « par divers groupements politiques ou associatifs pour les en dissuader ». Il ne s’agit hélas pas d’un cas particulier et de nombreuses exactions à l’encontre des maires sont à déplorer. Je reprends des exemples que j’ai déjà cités : ce sont notamment des menaces de chasseurs à l’encontre des parrains d’un candidat écologiste, le chantage aux subventions départementales ou des exactions diverses contre de parrains de candidats d’extrême droite ou d’extrême gauche.
Ces pratiques ont tendance à se reproduire, ce qui est inacceptable, car elles constituent des atteintes intolérables à la liberté des élus. Il ne sert à rien que le vote soit secret pour empêcher les pressions sur les électeurs si, dans le même temps, la publicité des parrainages permet des pressions pour empêcher certaines candidatures.
Or des sanctions pénales sont prévues à l’encontre des personnes qui exercent des pressions sur les électeurs afin de dénaturer l’expression du suffrage universel. La moindre des choses serait qu’il y en ait aussi à l’encontre de ceux qui, par des pressions ou des représailles, essayent d’influencer les parrainages à l’élection présidentielle.
Là aussi, c’est la sincérité du suffrage universel qui est en jeu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Je comprends que M. Masson, en bon disciple de Cervantes, dont je suis un fervent lecteur, mène une croisade sur ces questions avec autant d’enthousiasme et de passion. (Sourires.)
Tout comme lui, on ne peut qu’être choqué par les faits qu’il dénonce, mais le propos aurait plus de portée s’il était étayé par des exemples concrets que notre collègue pourrait d’autant mieux dénoncer, y compris à cette tribune, qu’il aurait fait en sorte que les victimes, et je ne doute pas qu’elles existent, saisissent la justice.
Monsieur Masson, vous nous poussez à introduire dans notre législation des dispositions nouvelles pour lutter contre des pratiques dont vous avez connaissance, alors même que ces dernières peuvent déjà être sanctionnées par le droit pénal. Il est bien évidemment nécessaire de respecter l’indépendance des maires concernés, mais ne pourrions-nous faire l’économie d’un long débat juridique ? D’autant que votre amendement est rédigé de telle sorte qu’il peut induire un certain nombre de confusions quant à l’appréciation que l’on peut porter sur le rôle des élus et sur ceux qui exercent des pressions comme sur ceux qui prétendent en recevoir.
Vous évoquez ainsi dans votre amendement des « voies de fait », une notion juridiquement mal définie, ou, plus préoccupant, « des promesses d’octroi ou de refus de subventions, de faveurs ou d’autres avantages ». Or associer ces faveurs ou ces avantages à l’exercice d’un mandat public pourrait aussi relever d’une qualification pénale, qu’il s’agisse de les octroyer ou de les refuser. Le libellé de l’amendement présente donc un risque de confusion qui rendrait difficile le travail du juge, pour ne prendre que ces exemples.
Nous pourrions tous nous satisfaire que le Gouvernement rappelle avec fermeté sa volonté de faire respecter l’indépendance des élus appelés à accorder leur parrainage et de mobiliser la justice autour de ces thèmes.
Nous partageons vos objectifs, mon cher collègue, mais nous n’estimons pas nécessaire d’introduire dans le texte de la loi organique des dispositions dont vous ne m’en voudrez pas de dire qu’elles sont manifestement mal rédigées ou, à tout le moins, qu’elles posent un problème de rédaction et qui, sur le fond, pourraient, me semble-t-il, nous entraîner au-delà de ce qui est nécessaire.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 4.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur Masson, avec vos amendements nos 4 et 5, vous revenez sur deux thèmes : d’une part, les pressions sur les parrains potentiels et, d’autre part, les représailles exercées par une formation politique ou par un individu à l’encontre d’élus ayant parrainé un candidat qui déplairait aux uns ou aux autres.
Comme l’a appelé de ses vœux M. le rapporteur, le Gouvernement tient à rappeler que ces pratiques sont absolument inadmissibles dans une République comme la nôtre, qui se doit d’être irréprochable en la matière et qui, comparée à de nombreux autres régimes, l’est bel et bien. Si dérive il y a, elles peuvent et doivent, le cas échéant, être sanctionnées par les procédures traditionnelles, par exemple par les sanctions de droit commun prévues à l’article 433-3 du code pénal.
Encore faut-il pour cela qu’une plainte soit déposée et qu’une procédure soit engagée : cela permettrait de couper court à tous les débats que nous voyons prospérer et que vous relayez ici concernant des cas de pressions, faits qui méritent bien évidemment d’être punis.
Nous devons montrer de manière exemplaire que les élus qui s’expriment par ces parrainages peuvent le faire de façon très libre. Pour autant, il ne me paraît pas nécessaire de revenir sur la publicité des noms des parrains ou sur les modalités de fonctionnement du parrainage, qui sont bien rodées.
Cela a été rappelé, parmi toutes les candidatures à l’élection présidentielle, on voit bien que certaines ne sont pas destinées à aller jusqu’au scrutin, qu’elles ont simplement pour objet soit de porter un sujet, lequel peut être important, soit de permettre au candidat de faire parler de lui. Les procédures actuelles sont satisfaisantes et doivent être maintenues.
Au surplus, la question que vous avez soulevée, monsieur Masson, n’a pas vraiment de lien avec l’objet de ce projet de loi organique, qui est le remboursement des frais exposés pour la campagne présidentielle.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Les uns et les autres, vous utilisez l’argument de la multiplicité des candidatures. Mais sortons de l’hypocrisie : la publication des noms des parrains ne vise pas les maires qui accordent leur signature à des candidatures farfelues, comme celle de M. Cantona ou – pourquoi pas ? – celle de M. Ribéry. Personne n’ira manifester devant la mairie de l’élu qui aura accordé son parrainage à l’un de ces candidats-là !
Ceux que, au travers de la publicité des parrainages, on essaie d’empêcher de se présenter sont, au contraire, des candidats sérieux ayant une légitimité électorale forte dans l’opinion publique.
Oui, il faut sortir de l’hypocrisie : ce sont non pas les candidats farfelus que l’on cherche à écarter, mais de vrais candidats, qui représentent un courant d’idées, mais n’appartiennent à aucun des deux partis dominants. (M. Jacky Le Menn s’exclame.)
Monsieur le rapporteur, assez de double langage ! Vous soutenez que je ne cite pas d’exemples. Mais, ce matin, j’en ai cité deux ! S’agissant de mon canton, j’ai même cité le nom de la commune, celui du maire et l’article de presse dans lequel ce dernier s’est encore exprimé il y a un mois pour alerter sur le fait qu’il avait été l’objet de menaces, de pressions et d’injures.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Il n’a qu’à porter plainte !
M. Jean Louis Masson. Or, qu’a fait le procureur de la République ? Rien !
Dans les Hautes-Pyrénées, en 2007, les chasseurs ont peint en rouge – ou en vert, je ne sais plus – l’hôtel de ville d’une commune dont le maire avait accepté de parrainer la candidate écologiste. C’était, notamment, au moment de la réintroduction des ours… Dans mon canton, il s’agissait d’un maire qui avait accordé sa signature à M. Le Pen.
Or, là non plus, il n’y a eu aucune réaction : le code électoral ne contenant pas de dispositions sanctionnant spécifiquement les pressions exercées sur les parrains, on ne fait rien, à moins que quelqu’un ait été tué ou blessé. J’estime pour ma part qu’il devrait s’agir d’une procédure d’ordre public.
Pour que le système soit véritablement dissuasif, il est nécessaire de prévoir un dispositif spécial, à l’instar de celui qui existe pour les pressions sur les électeurs, qui est d’ordre public ; je pense que la moindre des choses serait de nous doter du même dispositif pour réprimer les pressions exercées sur les parrains, et de ne pas se contenter de renvoyer au droit pénal classique.
C'est la raison pour laquelle je voterai mon amendement, ce qui ne vous surprendra pas ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Quiconque, par des menaces ou des voies de fait, par des promesses d’octroi ou de refus de subventions, de faveurs ou d’autres avantages y compris de nature politique ou électorale, aura exercé des représailles a posteriori, à l’encontre d’un élu au motif qu’il aurait présenté un candidat aux élections présidentielles, sera puni de trois ans d’emprisonnement et privé de ses droits civiques pendant cinq ans. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Cet amendement est le complément du précédent. Il concerne cette fois, non pas les simples menaces avant la signature, mais l’exercice de représailles, pratique qui tend à se développer. Il convient donc de réagir.
Des sanctions pénales étant prévues à l’encontre des personnes qui exercent des pressions sur les électeurs afin de dénaturer l’expression du suffrage universel, le fait d’exercer des représailles a posteriori à l’encontre des parrains devrait également relever d’un article spécifique du code électoral.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote. (Exclamations.)
M. Jacky Le Menn. Cela nous manquait presque !
M. Jean Louis Masson. Ce matin, certains collègues ont déclaré que je faisais perdre du temps au Sénat. Or je ne fais que défendre mes idées !
On peut ne pas partager mon point de vue, mais j’ai tout de même le droit de le présenter et de m’exprimer !
M. le président. Ce droit ne vous est pas contesté, mon cher collègue !
M. Jean Louis Masson. Peut-être, au Sénat, où les partis dominants sont largement majoritaires, mon point de vue est-il « microscopiquement » minoritaire, mais, si l’on élargit la focale, je suis certainement loin d’être isolé : la situation actuelle scandalise non seulement des maires et des élus municipaux mais aussi nos concitoyens et l’opinion publique !
En d’autres termes, monsieur le président, je maintiens mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique, je donne la parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne suis pas surpris du résultat du débat d’aujourd'hui. Comprenez toutefois que l’avis majoritaire qu’expriment dans cette enceinte les grands partis, aussi bien de droite que de gauche, ne correspond pas du tout à ma philosophie de la démocratie !
Voter ce texte signifie que l’on est content du statu quo et que l’on estime le système actuel démocratique et honnête. Mais, je l’affirme, le système actuel n’est pas honnête ; il n’est pas transparent ; il ne correspond pas à l’idée d’un suffrage universel indépendant telle qu’elle a été développée en France depuis la Révolution.
Je voterai donc contre ce projet de loi organique.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’avais au départ l’intention de voter contre ce texte.
En effet, je trouve tout à fait dérisoire de mobiliser le Sénat pour de micro-économies, d’autant plus que le discours consistant à vouloir faire des économies à tout prix en oubliant que les dépenses des uns sont les recettes des autres est parfaitement absurde.
En outre, une économie qui fonctionne à l’économie crée du chômage, ce qui me gêne fort.
Cela dit, depuis ce matin, nous avons apporté plus que des perfectionnements de détail au présent projet de loi organique. Un certain nombre d’amendements, sur lesquels je ne souhaite pas revenir à cette heure, ont été adoptés, permettant que le texte – en l’état – améliore le dispositif en vigueur. Peut-être pourra-t-on le perfectionner encore sur le problème des parrainages…
En tout cas, le texte ne sortira pas du Sénat comme il y était entré. C'est la raison pour laquelle, avec l’essentiel des membres du groupe du RDSE, je le voterai.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé mon collègue Yves Détraigne lors de la discussion générale, le groupe de l’Union centriste et républicaine était et reste favorable à la version initiale du présent projet de loi organique.
Chacun le sait, le texte dont nous venons de discuter n’était que le prolongement du dernier projet de loi de finances.
On pouvait relever deux limites à ce projet de loi organique : d’une part, l’économie qui sera réalisée grâce au plafonnement est modeste, puisque, dans le meilleur des cas, elle ne s’élèvera qu’à 3,6 millions d’euros ; d’autre part, le principe du plafonnement n’était pas la norme idéale de maîtrise de la hausse des frais de campagne.
Pour autant, ce texte avait le mérite de s’inscrire dans le cadre des engagements pris par le Premier ministre le 8 novembre dernier, lors de l’annonce du plan de sauvegarde des finances publiques. L’enjeu était surtout symbolique, mais aurait-on compris que l’élection présidentielle reste en dehors de l’effort général de maîtrise des finances publiques ?
Ne nous trompons pas sur le sens de ce texte : il s’agissait de demander aux candidats de faire un effort de mesure et de retenue, et non de réinventer l’élection présidentielle à trois mois du scrutin. En effet, ni le format du présent véhicule législatif, ni le calendrier ne sont appropriés pour traiter d’un sujet aussi large et aussi complexe.
Convenons-en, il mériterait un véritable débat public national et un travail de fond que l’engagement de la procédure accélérée ne nous permet pas, alors que s’ouvre l’année électorale.
C’est pourtant l’exercice auquel la majorité sénatoriale a souhaité se livrer, pour un résultat, de notre point de vue, imparfait.
À la lumière de ces différents motifs, vous comprendrez que nous ne pouvons nous satisfaire du texte qui sortira des travaux du Sénat. Si nous sommes favorables à l’effort de solidarité demandé aux candidats, si nous partageons, pour une large part, les préoccupations exprimées par notre rapporteur, nous ne pouvons pas voter le présent projet de loi organique, en l’état.
Aussi, mes chers collègues, les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine ne prendront pas part au vote.