M. Jean Louis Masson. ... il fait l’affaire du parti socialiste et, surtout, parce qu’on veut que rien ne change ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Je serais tout prêt à suivre le parti socialiste s’il parlait vraiment de démocratie. Mais ce parti ne peut tenir un langage « à double détente », c’est-à-dire parler de démocratie quand ça l’arrange et cautionner des situations totalement antidémocratiques quand elles lui confèrent un avantage ou qu’elles vont dans le sens de son idéologie, qui est quand même une logique doctrinaire ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La commission s’est bien gardée d’exercer une pression quelconque sur M. Jean Louis Masson pour l’amener à défendre ses amendements en commission, là où il n’a pas jugé bon de se rendre pour le faire… (Sourires.) Nous respectons donc totalement sa liberté de comportement.
Je comprends qu’il souhaite une réunion de la commission, puisqu’il a un peu de retard à rattraper dans l’exposé de ses arguments devant nous ! (Nouveaux sourires.)
Plus sérieusement, la proposition qu’il fait d’instaurer, si j’ose dire, une clandestinité des parrainages n’est pas conforme à l’esprit qu’on peut se faire de la République. Il est logique qu’un élu assume ses choix. Si la Constitution a confié aux maires et à d’autres élus la possibilité de parrainer un candidat, c’est pour qu’ils en assument naturellement la responsabilité.
Ensuite – Jean Louis Masson, qui soutient Nicolas Dupont-Aignan, sera, je crois, sensible à cet argument, ayant des références sans doute plus solides que les miennes concernant la fondation de la Ve République –, il me semble que le général de Gaulle n’a jamais souhaité la prolifération de candidats à l’élection présidentielle. Bien au contraire, il voulait que cette élection permette de distinguer le plus rapidement possible, entre les grands courants d’opinion, celui qui exercera la responsabilité la plus haute de l’État.
Enfin, les violences auxquelles M. Masson fait allusion et les pressions qu’il évoque peuvent parfaitement être sanctionnées aujourd’hui grâce au code pénal. Par conséquent, s’il a connaissance d’infractions commises sur des élus qui auraient été dissuadés d’exercer leur parrainage ou menacés ensuite pour l’avoir fait, il doit saisir la justice, qui a aujourd’hui tous les moyens de punir ce genre de situations.
À l’inverse, si l’on adoptait les amendements qu’il nous présentera tout à l’heure, on risquerait d’en arriver à une situation dans laquelle un chef de parti ne pourrait plus donner de consigne à ses adhérents, car cela tomberait sous le coup de la loi, ce qui serait quand même paradoxal ! On ne peut pas s’étonner qu’un chef de parti – Mme Aubry, puisque vous l’avez mise en cause – incite les élus qui se recommandent de ce même parti à assurer la cohérence des soutiens qui sont apportés.
Sans doute avez-vous, comme nous, mais peut-être moins douloureusement que nous, le souvenir de ce qui s’est passé lors de l’élection présidentielle de 2002 ? En raison de la multiplication des candidats, le second tour a privé nombre de nos concitoyens d’un vrai choix ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du groupe CRC et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de m’exprimer sur cette motion de renvoi à la commission, permettez-moi de rappeler le contexte de ce projet de loi organique.
Ce dernier s’inscrit dans le plan d’économies voulu par le Gouvernement et présenté par François Fillon. À ce titre, dans le contexte budgétaire et financier que nous connaissons tous, nous avons la responsabilité de réduire les dépenses publiques.
Je voudrais dire aussi que, même si l’on est tenté de répondre aux interrogations des uns et des autres, pour ma part, et afin de préserver la sérénité des débats, je n’alimenterai pas les commentaires qui portent sur les financements des partis politiques, et encore moins ceux qui sont relatés dans la presse.
Le renvoi à la commission est demandé notamment parce que la procédure accélérée ne serait pas justifiée. Or elle l’est parfaitement, et ce pour deux raisons : d’abord, parce que la procédure de recueil des parrainages va commencer à la fin du mois de février ; ensuite, parce que l’avis du Conseil d’État a rappelé l’importance pour les candidats d’avoir connaissance au plus vite du plafond de dépenses autorisées.
Sur la question des parrainages, je n’épiloguerai pas, me contentant de dire, après M. le rapporteur, que ce système existe depuis de nombreuses années. Si les élus subissent des pressions, ces dernières peuvent aujourd’hui parfaitement faire l’objet de sanctions. Il appartient simplement aux personnes concernées de saisir les autorités judiciaires.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 14, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Article unique
La loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi modifiée :
1° A (nouveau) Le IV de l'article 3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les candidats détenteurs d'un mandat électif ne peuvent utiliser les moyens procurés par ce mandat en vue de contribuer à la conduite de leur campagne. » ;
1° À la première phrase du troisième alinéa du V de l’article 3, les mots : « au vingtième » et « à la moitié » sont remplacés, respectivement, par les mots : « à 4,75 % » et « à 47,5 % » ;
1° bis À la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa du même V, les mots : « dans le délai prévu au deuxième alinéa de l’article L. 52-12 du code électoral » sont remplacés par les mots : « au plus tard à 18 heures le onzième vendredi suivant le premier tour de scrutin » ;
2° À l’article 4, la référence : « loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique » est remplacée par la référence : « loi n° … du … de finances pour 2012 ».
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article.
M. Jean Louis Masson. Si j’ai demandé la parole sur cet article, c’est parce qu’aux termes du règlement du Sénat, seuls les sénateurs appartenant à un groupe politique ont le droit d’intervenir pour explication de vote dans le cadre d’une motion de procédure, d’une motion de renvoi à la commission ou d’une motion tendant à opposer la question préalable. Les temps d’explication de vote sont réservés aux seuls sénateurs appartenant à des groupes politiques, à l’exclusion des sénateurs non-inscrits.
Directement concerné par cette motion, je souhaite néanmoins répliquer à l’argumentaire de M. le rapporteur, et je me permets donc de prendre la parole sur cet article unique pour donner mon avis sur le système.
Je réponds donc à M. Gorce que, en raison de l’écrasante majorité des deux principaux partis au sein de la commission des lois, il est absolument inutile pour moi d’aller y défendre quoi que ce soit ! Lorsque je viens défendre une motion de renvoi en séance publique, je peux dire publiquement ce que je pense. En revanche, lorsque je m’exprime du fin fond des bureaux calfeutrés de la commission des lois – très sympathiques au demeurant –, cela ne sert pas à grand-chose !
J’ai entendu le rapporteur invoquer, au sujet de l’élection présidentielle, le général de Gaulle, qui voulait lui-même limiter le nombre des candidats. Mais personne n’est contre le fait de limiter le nombre de candidats. Ce n’est pas du tout le débat ! C’est une fausse réponse, une réponse hypocrite !
Le problème du système actuel, c’est que, par le biais de pressions sur les parrains, on parvient surtout à empêcher la candidature de personnes dont les bons résultats potentiels pourraient être gênants. Les parrainages n’ont jamais empêché M. Gluckstein ou d’autres personnes dépourvues de toute représentativité de compter leurs voix ! Les grands partis s’en moquent !
Apporter son parrainage à un illustre inconnu, cela ne dérange personne. En revanche, quand les grands partis interviennent, quand Mme Aubry exerce des pressions, c’est pour éviter que les parrainages ne puissent se porter sur des gens susceptibles de faire de l’ombre à l’un ou l’autre des grands partis dominants ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Selon vous, la publicité des parrainages aurait un effet dissuasif et préserverait la démocratie. Elle aurait même pu éviter la présence de M. Le Pen au second tour en 2002. De tels propos sont extrêmement graves ! Ils reviennent à dire qu’en magouillant, par le truchement des parrainages, on aurait pu empêcher M. Le Pen d’être candidat !
Se glorifier de la publicité des parrainages en disant qu’elle contribue à empêcher des situations telles que la présence de M. Le Pen au second tour, cela revient à prendre pour des citoyens de seconde zone les millions de Français qui ont voté pour lui au premier tour ! Et si on l’avait pu, on aurait volontiers empêché ces gens-là d’avoir une représentation !
Je le dis très clairement : si le Front national est un parti illégal, il faut l’interdire ! Mais si le Front national est un parti légal, il est intolérable, en usant de diverses magouilles et artifices juridiques inqualifiables, d’empêcher de voter pour ce parti les millions de Français qui sont prêts à le faire !
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le premier alinéa du II de l'article 3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont présumées devoir être retracées dans le compte de campagne du candidat l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées à son profit, dès lors qu'elles ne sont pas dénuées de lien avec le débat politique national. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Cet amendement fait suite à un débat que nous avons eu en commission. Il a été longuement évoqué dans les interventions générales et je n’y reviens pas.
Son objet est de rappeler, conformément au souhait du président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, les candidats à leurs obligations. Il leur faut faire en sorte que l’ensemble des dépenses qu’ils sont amenés à engager dans le cadre de la campagne puissent être retracées dans le compte afin de permettre à la Commission de faire normalement son travail, y compris d’extraire certaines de ces dépenses le cas échéant.
Il s’agit de conférer à ce dispositif, au-delà de son caractère éthique, une dimension préventive ou dissuasive. Notre logique est de mettre un terme ou, à tout le moins, de ne pas encourager des initiatives auxquelles plusieurs de nos collègues ont fait allusion, notamment MM. Alain Anziani et Jean-Yves Leconte. Elles jettent en effet le trouble dans l’opinion, étant donné qu’il existe à l’évidence une confusion entre les dépenses engagées au titre d’un mandat et celles qui devraient relever de la campagne électorale.
Dans le cadre du présent projet de loi organique, ce rappel serait le bienvenu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Aujourd’hui, la jurisprudence distingue clairement les dépenses qui relèvent d’une campagne électorale et celles qui sont liées au déroulement d’un mandat. Il n’est donc pas nécessaire de préciser ce point.
Dans ces conditions, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° 15.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le quatrième alinéa du II de l’article 3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques peut, à compter de l’ouverture de la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, être saisie par le mandataire financier d’un candidat potentiel en vue d’émettre une décision sur l’application des dispositions relatives au financement de la campagne présidentielle. La Commission se prononce dans un délai de deux semaines à compter de la réception de la demande. Cette décision peut faire l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel par le candidat concerné ou par son mandataire financier dans les quarante-huit heures suivant sa notification ; le Conseil constitutionnel se prononce dans un délai de huit jours. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Cette disposition vise à permettre à tout candidat qui s’est doté d’un mandataire financier de pouvoir saisir la Commission des comptes de campagne et, accessoirement, le Conseil constitutionnel, juge de l’élection, d’une éventuelle interrogation ou contestation sur l’imputabilité d’une dépense électorale.
Si l’on renvoie, par exemple, au débat qui s’est engagé sur les déplacements du Président de la République ou sur les multiples initiatives qu’il prend aujourd’hui, nous n’avons pas, à l’heure actuelle, les moyens juridiques de qualifier ces dépenses et, éventuellement, de pouvoir les prévenir.
Ce n’est que postérieurement que la Commission des comptes pourrait, le cas échéant, y parvenir. Il paraîtrait donc plus satisfaisant, d’un point de vue éthique et démocratique, que les règles soient clairement établies en amont, pour que chacun soit invité à s’y soumettre, plutôt que de « sanctionner » – les guillemets sont vraiment de rigueur ! – très légèrement, plusieurs mois après le scrutin, les contrevenants. M. Collombat a évoqué cet aspect tout à l’heure.
J’évoque dès à présent le sous-amendement n° 19, qui consiste à ouvrir à tout citoyen la possibilité de saisir la CNCCFP. Il n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, je n’y suis pas favorable, le but de ce projet de loi organique n’étant pas de multiplier les initiatives qui pourraient déstabiliser la campagne électorale. Ce que nous voulons, c’est que les candidats puissent concourir dans des conditions égales, mais aussi que l’opinion publique et leurs adversaires puissent être éclairés sur le comportement de chacun d’entre eux.
Il me semble donc que le champ de cette saisine doit être limité, y compris pour des raisons matérielles que l’on imagine aisément, aux seuls candidats ayant déposé et ouvert un compte de campagne et choisi un mandataire.
M. le président. Le sous-amendement n° 19, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Amendement n° 16, dernier alinéa
1° Première phrase
Remplacer les mots :
le mandataire financier d'un candidat potentiel
par les mots :
tout candidat potentiel
2° Dernière phrase
Supprimer les mots :
ou par son mandataire financier
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Contrairement à ce qu’affirme M. le rapporteur, la limitation du champ de la saisine prévue par ce sous-amendement concerne non le candidat potentiel, mais le mandataire financier. Il ne faut pas déformer les choses !
Il me semble que c’est au candidat, et certainement pas à son mandataire financier, d’apprécier s’il y a lieu de saisir la Commission nationale des comptes de campagne ! M. le rapporteur suggère que cela peut poser problème. Faudra-t-il donc suivre l’exemple de M. Cantona – et pourquoi pas, demain, celui de M. Ribéry, tant qu’on y est ? – : annoncer sa candidature pour être en mesure de saisir la Commission des comptes de campagne ? Si, demain, M. Cantona désigne un mandataire financier, et que ce dernier saisit officiellement ladite commission, pourquoi un parlementaire, un élu du peuple, ne pourrait-il pas en faire de même ? Devrait-il avoir moins de droits que le mandataire financier de M. Cantona, dont la crédibilité de la candidature est pour le moins relative ?
Cela étant, je comprends M. le rapporteur ! Il est évident que la candidature de M. Cantona lui pose beaucoup moins de problèmes que celle de M. Mélenchon ou de Mme Le Pen !
Je pense que M. le rapporteur, comme il l’a bien expliqué et comme on l’a bien compris, en digne représentant d’un parti dominant, souhaite surtout empêcher M. Mélenchon ou Mme Le Pen de se présenter. En revanche, il est même prêt à faire signer quatre ou cinq fois pour M. Cantona !
M. le président. M. le rapporteur s’est déjà exprimé sur le sous-amendement n° 19.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 16 et sur le sous-amendement n° 19 ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Sur le sous-amendement n° 19, je rejoins l’analyse de M. le rapporteur et j’émets un avis défavorable.
Sur l’amendement n° 16, la Commission nationale des comptes de campagne exerce d’ores et déjà un rôle de conseil auprès des mandataires financiers et publie, à cet égard, un document qui répond à la plupart des questions qui peuvent se poser. Pour l’élection présidentielle, un mémento a été diffusé voilà plus de six mois. C’est dans ce cadre que le mandataire financier du candidat socialiste a sollicité la CNCCFP, laquelle lui a apporté la réponse que l’on sait.
La proposition de M. le rapporteur aurait pour conséquence d’alourdir encore les procédures qui sont actuellement ouvertes contre les décisions de la Commission relatives à l’élection présidentielle, notamment dans le domaine du contrôle des comptes de campagne – ces voies de recours existent, il est important de le dire !
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement, dont la plus-value n’est vraiment pas évidente !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 19.
M. Philippe Bas. Il va de soi que nous devons examiner l’amendement n° 16, comme d’ailleurs l’amendement n° 15, en pensant non seulement à la campagne présidentielle qui va venir et qui a déjà commencé, mais aussi aux futures campagnes présidentielles et au rôle du Président de la République. Nous devons donc nous efforcer, au moins pour un instant, de nous détacher des circonstances qui entourent notre délibération.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Très bien !
M. Philippe Bas. En dépit des bonnes intentions que je veux bien reconnaître aux auteurs de ces amendements, il faut admettre que ces derniers peuvent avoir des effets pervers. Le premier concerne l’expression d’un chef de l’État. Quant au second, il affecte ses déplacements pendant les périodes de campagnes électorales.
Je vois qu’il est très difficile de nous abstraire du contexte dans lequel nous délibérons – j’entends ici ou là citer des noms de candidats. Mais il me semble que nous ne devons pas aller trop loin dans la démarche que nous avons engagée. Il faut nous efforcer de préserver la fonction présidentielle d’une suspicion systématique. L’expression du Président de la République comme ses déplacements doivent pouvoir se dérouler jusqu’à la fin du mandat présidentiel dans des conditions de liberté et de responsabilité qui sont nécessaires au service de la nation.
C’est la raison pour laquelle je m’opposerai à cet amendement, tout comme je me suis opposé au précédent.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Je suis plutôt favorable à l’amendement de M. le rapporteur, qui pose le vrai problème.
Madame la ministre, l’avis qu’a rendu récemment M. Logerot n’a aucune valeur juridique ! C’est un simple avis, auquel on peut ou non se conformer.
Nous sommes aujourd’hui « branchés » sur les déplacements du Président de la République. Cela n’a pas de sens ! Il y a beaucoup d’autres choses. D’ailleurs, il y a déjà une jurisprudence en la matière, qui porte sur d’autres élections.
Si, demain, tel ou tel candidat publie un livre et que son éditeur fait afficher une publicité sur les Champs-Élysées ou ailleurs, même si le titre de l’ouvrage est La tentation de Venise, la dépense doit-elle ou non figurer dans les comptes de campagne ? Vous voyez donc, mes chers collègues, que de nombreuses questions se posent.
Le vrai problème est ailleurs : la campagne présidentielle, alors même que cette élection est la plus importante pour notre pays, est finalement la moins réglementée de toutes.
J’estime, en premier lieu, qu’il devrait y avoir une date limite pour déclarer sa candidature, par exemple 100 jours avant l’élection présidentielle. Je me réserve d’ailleurs le droit de présenter des propositions en ce sens.
Une date limite est bien prévue pour déposer en préfecture les candidatures aux élections cantonales, législatives, municipales ; pourquoi ne serait-ce pas le cas pour l’élection présidentielle ? Les candidats peuvent se déclarer quand ils le souhaitent, ce qui sert, à l’évidence, le président en exercice.
Il faudrait, en second lieu, que, à cette date limite, le Président de la République se portant candidat quitte immédiatement ses fonctions et soit remplacé par le président du Sénat, ainsi que le prévoit la Constitution. Il n’y aurait donc plus de problème : tous les candidats seraient placés sur un pied d’égalité, sauf ceux d’entre eux qui occupent des fonctions exécutives importantes, et dont il conviendrait d’examiner la situation. C’est cela, la démocratie !
On me rétorquera que tel n’est pas le cas ailleurs. Certes ; mais force est de constater que le président sortant qui se présente à l’élection présidentielle, que ce soit aux États-Unis, en France ou dans d’autres pays, emploie tous les moyens, y compris psychologiques, que lui confère son statut pour faire campagne et mettre en difficulté les autres candidats.
En attendant cette réforme radicale que j’appelle de mes vœux, j’approuve la proposition de notre rapporteur, qui vise, a minima, à permettre que des décisions juridictionnelles puissent s’imposer, et ce, monsieur Masson, dès l’ouverture de la campagne électorale, et non pas auparavant ; dès lors, si M. Cantona obtenait ses 500 signatures et se déclarait vraiment candidat, il pourrait saisir la CNCCFP pendant cette période.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne sommes plus en 1958, ni en 1962, nous sommes en 2012 !
Le Conseil constitutionnel, en dépit de la grande qualité de ses membres, a été relativement discrédité, malgré lui, par les récentes révélations concernant les élections de 1995 et 2007.
Si nous voulons redonner du crédit au Conseil constitutionnel et à l’élection présidentielle – le taux d’abstention lors de cette élection, ces dernières années, est assez éloquent ! –, nous devons innover, changer les choses.
Je partage le point de vue de M. Michel et soutiens l’amendement du rapporteur, car il faut mettre un terme à un certain nombre de dérives. Il faut cesser de mettre le Conseil constitutionnel devant le fait accompli au moment où les comptes de campagne sont clos, et lui rendre sa crédibilité dès lors qu’il émet des avis sur ces comptes.
Sur ce sujet, un travail en amont, préventif, nous semble tout à fait souhaitable. Pour cette raison, nous soutiendrons cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, je n’avais pas prévu de prendre la parole après mon intervention dans le cadre de la discussion générale. Notre débat m’incite à changer d’avis : bien que nous n’en soyons qu’au tout début de l’examen des amendements, les propositions qui nous sont soumises tendent à réformer, bien au-delà des questions de plafond et de remboursement des dépenses de campagne présidentielle, l’ensemble, ou presque, des règles applicables à cette élection !
L’élection présidentielle est trop importante pour notre pays et notre démocratie pour que nous bricolions sur un coin de table, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, l’ensemble des règles qui s’y appliquent.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout à fait d’accord !
M. Yves Détraigne. Ce sujet mérite un travail de fond, et personne ne peut soutenir le contraire.
Pour cette raison, comme je l’ai annoncé lors de la discussion générale, je voterai contre les amendements proposés, à l’exception d’un seul : l’amendement n° 9 de notre collègue Jean-Jacques Hyest, qui tend à rétablir l’objet initial du projet de loi, et donc la rédaction issue de l’Assemblée nationale.
Je ne reprendrai pas la parole dans la suite de cette discussion, mais je tiens à vous prévenir, mes chers collègues : en procédant ainsi, nous entamons un travail que nous ne sommes pas en mesure, aujourd’hui, de mener raisonnablement à son terme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 11, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première phrase du cinquième alinéa du II, à la première phrase du deuxième alinéa du V et aux deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa du même V de l’article 3, le mot : « forfaitaire » est supprimé ;
II. – Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
1° Le troisième alinéa du V de l'article 3 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le montant des crédits inscrits dans la loi de finances de l’année du scrutin pour être affecté au financement du remboursement des dépenses de campagne des candidats est divisé en deux fractions :
« 1° Une première fraction attribuée aux seuls candidats présents au second tour et égale, pour chacun d’entre eux, à 5 % du montant visé à l’alinéa précédent ;
« 2° Une seconde fraction attribuée à tous les candidats ; elle est répartie proportionnellement au nombre de suffrages obtenus au premier tour de l’élection présidentielle par chacun d’entre eux.
« Le montant du remboursement ne peut excéder le montant des dépenses du candidat retracées dans son compte de campagne. » ;
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Le présent amendement élargit effectivement le débat. Il est toutefois injuste de nous le reprocher, monsieur Détraigne, alors même que le Gouvernement a estimé opportun d’ouvrir une réforme des mécanismes de financement de la campagne présidentielle à quelques semaines seulement de son ouverture. C’est donc plutôt au Gouvernement qu’il convient d’adresser ce reproche.
La majorité sénatoriale, quant à elle, s’efforce de faire son travail. Dès lors que nous sommes saisis d’un texte, nous tentons de le modifier afin qu’il réponde au mieux aux besoins et permette de corriger certaines réalités.
Ce travail ne nous empêche en rien d’ouvrir un débat plus large. L’un de nos collègues vient ainsi de soulever les questions de la capacité d’expression et du pluralisme lors de la campagne pour l’élection présidentielle. Il est légitime, à cet égard, de se demander si le mode de remboursement des dépenses de campagne actuellement en vigueur, que le Gouvernement nous propose aujourd’hui de modifier, est le plus juste et le mieux adapté.
À bien y regarder, nous avons justement constaté qu’il ne l’était pas, dans la mesure où il introduit des effets de seuil considérables, créateurs d’inégalités. Une voix accordée à un candidat n’a pas la même valeur, au moment du remboursement, selon que ce dernier parvient au second tour, obtient un score avoisinant les 5 % des suffrages ou dépasse à peine 0 % des voix.
Au travers de cet amendement, nous souhaitons amorcer un débat, même si j’ai peu d’espoir quant à l’accueil que l’Assemblée nationale lui réservera. Il tend à substituer aux effets de seuil un mécanisme proportionnel : un remboursement au prorata du nombre de voix obtenues au premier tour, les candidats présents au second tour bénéficiant d’une prime.
Ce mécanisme permettrait de corriger les effets du système en vigueur : à l’heure actuelle, paradoxalement, les candidats présents au second tour et ceux ayant obtenu plus de 5 % des voix sont moins remboursés que les candidats ayant obtenu le moins de voix ; à l’inverse, les candidats dont le score avoisine le seuil de 5 % sans l’atteindre sont pénalisés par rapport à ceux qui l’ont tout juste dépassé. Lors de la dernière élection présidentielle, les écarts variaient de 800 000 euros pour les candidats ayant obtenu 4,9 % ou 5 % des voix, à 8 millions d’euros pour ceux ayant atteint 5,01 % des suffrages exprimés. Cette situation n’est guère satisfaisante.
Ce dispositif aurait par ailleurs l’avantage de garantir à l’État qu’il ne dépensera pas plus qu’il ne le souhaite au titre du remboursement.
Votre objectif, madame la ministre, compte tenu de l’état catastrophique de nos finances publiques, est d’économiser 3,7 millions d’euros. Avec le mécanisme que je vous propose, vous auriez la garantie d’économiser cette somme. En effet, pour déduire le montant du remboursement, il suffirait, en utilisant une simple règle de trois, de diviser la somme inscrite au titre des crédits limitatifs dans le projet de loi de finances – aujourd’hui inscrite au titre des crédits évaluatifs – par le nombre de suffrages obtenus par chaque candidat. L’État serait donc assuré de ne pas dépenser, au titre du remboursement, un centime d’euro de plus, ce qui permettrait d’atteindre efficacement l’objectif d’économie que vous vous êtes fixé.
Je veux espérer, madame la ministre, que vous saurez entendre cette proposition, soucieuse autant des finances publiques que d’équité électorale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)