M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Vous êtes le porte-parole de l’Élysée ?
M. André Reichardt. Des mesures ont ainsi été prises afin de réduire le nombre de participants à ces voyages, d’accroître les négociations des tarifs d’hébergement et de location de voitures ou encore d’abaisser le niveau de service à bord des avions militaires. Il a aussi été demandé aux journalistes et aux chefs d’entreprise de rembourser les frais exposés.
Tous ces efforts sont significatifs d’une volonté présidentielle réaffirmée d’une plus grande transparence, que l’on retrouve également dans ce texte.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas exagérer !
M. André Reichardt. Vous avez souhaité vous-même, monsieur le rapporteur, intenter le procès du fonctionnement de l’Élysée ; soit. Mais lorsque vous dites que vous êtes dans votre rôle, qui est de contrôler l’argent public, vous auriez dû rappeler que c’est grâce au Président Sarkozy que la Cour des comptes peut désormais veiller sur le budget de l’Élysée !
J’en viendrais maintenant à un autre sujet, que nous avons également évoqué en commission, et qui n’a fait l’objet d’aucune adhésion : les voies de recours ouvertes aux candidats à l’élection présidentielle. Vous proposiez de les ouvrir aux autres candidats...
Votre ambition était certes sympathique, mais, dans ce cas, pourquoi ne pas ouvrir ce recours à n’importe quel citoyen ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Pour des raisons évidentes !
M. André Reichardt. Pourquoi le réserver aux seuls candidats ? Nous ne partageons absolument pas votre souhait.
Comme le disait mon collègue Christophe Béchu, « le contentieux consécutif à l’élection présidentielle évoque le débat sur le sexe des anges, car le vainqueur sera fort de la légitimité démocratique qu’il tirera de son élection au suffrage universel ».
Enfin, nous présenterons un amendement de suppression de la disposition assez étonnante que la commission des lois a souhaité introduire dans le projet de loi que nous discutons : il s’agirait, selon l’exposé des motifs, de réaffirmer le principe selon lequel un candidat détenant un mandat électif ne doit pas tirer profit de ce même mandat pour la conduite de sa campagne. C’est le moins que l’on puisse dire !
Comme vous l’avez vous-même précisé, monsieur le rapporteur, ce principe figure déjà dans la loi de 1962.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Rappelez-le à M. Sarkozy, vous avez l’air de le connaître !
M. André Reichardt. Mes chers collègues, avons-nous besoin de réaffirmer en permanence des principes de notre droit, alors même qu’une partie de notre travail est d’assurer la lisibilité et l’intelligibilité de nos normes ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. À votre avis ?
M. André Reichardt. C’est pourquoi le groupe UMP propose de supprimer cet ajout inutile !
En conclusion, en cette période de crise, chacun doit participer aux efforts budgétaires indispensables pour équilibrer notre situation financière, car le redressement de nos finances publiques est aujourd’hui une priorité. Les responsables politiques, dont nous faisons partie, ont un devoir d’exemplarité. C’est donc en agissant sur l’ensemble des dépenses publiques, y compris les dépenses de campagnes électorales, que nous parviendrons à réduire notre déficit et notre dette, même si les résultats sont progressifs et en deçà des espérances des uns et des autres.
Ce projet de loi est volontaire et ambitieux, comme les mesures récemment annoncées par le Premier ministre. Cette réforme a vocation à s’appliquer aux échéances de 2012 et à être pérenne. Nous ne pouvons, pour notre part, que nous en satisfaire, d’autant qu’elle s’inscrit dans une perspective plus large, puisqu’elle gèle, je le répète, la revalorisation des plafonds jusqu’au retour à l’équilibre de nos finances publiques.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe UMP, vous l’avez compris, soutient cette réforme courageuse engagée par le Gouvernement et votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, madame la vice-présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans un contexte de faible croissance, une position réaliste et économe concernant les dépenses de l’élection présidentielle ne peut qu’être bien comprise par nos concitoyens, qui se trouvent cependant confrontés à d’autres problèmes beaucoup plus graves.
Ces dépenses auraient pu être encore diminuées, et des économies supplémentaires réalisées dans d’autres domaines – je pense aux cadeaux fiscaux offerts aux riches –, mais il s’agit aujourd’hui d’une première démarche.
Pour autant, les écologistes appellent de leurs vœux des règles claires, respectées, plus transparentes et plus équitables.
Les Françaises et les Français attendent cette nécessaire moralisation du financement de la vie publique en général et de la campagne présidentielle en particulier.
En effet, il convient d’éviter à l’avenir les écueils du passé lointain et récent – on ne citera personne pour l’instant – ainsi que les polémiques dont la presse s’est récemment fait l’écho – je pense en particulier à l’affaire dite de Karachi, qui montre bien que les lois successives n’ont pas mis fin aux usages immoraux et aux dérapages.
À ce propos, il est important que la justice fasse son travail, tout son travail, quels que soient les noms, positions et grades des personnes impliquées dans cette affaire qui, rappelons-le, s’est traduite par quatorze décès, dont onze Français – je le précise, même si cette distinction peut choquer. Toute la lumière doit être faite sur ce dossier !
Par ailleurs, et sans lien direct avec l’affaire précédente – il se peut toutefois qu’il en existe un, mais je me garderai bien de l’établir –, un grand quotidien du soir évoquait hier l’éventualité que la communication des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy pour les élections présidentielles de 2007 soit exigée dans le cadre des affaires Bettencourt. Ces exemples montrent que la situation n’est ni saine ni claire. Sur toutes ces affaires, je le répète, la justice doit faire son travail !
M. Jean-Jacques Mirassou. Et l’IGS !
Mme Corinne Bouchoux. Absolument, mon cher collègue.
Par ailleurs, le système actuel, avec ce seuil de 5 % en deçà duquel le remboursement des frais de campagne diminue drastiquement, n’est ni juste ni moral.
Cette formule pénalise la diversité politique, en donnant tout, ou presque, aux plus gros partis, alors qu’ils ont déjà beaucoup, et alors même que certains d’entre eux préfèrent renoncer à des deniers publics plutôt que de respecter la parité.
M. Michel Delebarre. C’est vrai !
Mme Nathalie Goulet. Exactement !
Mme Corinne Bouchoux. Pourtant, en se conformant à cette obligation, un certain nombre de formations politiques réaliseraient des économies !
Ainsi, faute d’avoir respecté la parité, l’UMP aurait subi un manque à gagner de l’ordre de 4 millions d’euros lors des dernières élections législatives. Ce chiffre, le seul que j’ai pu trouver ce matin, me paraît toutefois un peu élevé. Il se peut donc que j’ai commis une erreur, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser le cas échéant.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est pourtant la triste réalité !
Mme Corinne Bouchoux. En l’état actuel, le système des 500 signatures constitue déjà un ticket d’entrée élevé. Il ne semble pourtant pas très opérationnel. En effet, il n’évite pas les candidatures farfelues et écarte des candidats dont on sait qu’ils récolteraient un nombre important de suffrages. Peut-être est-il temps que l’on accepte de s’interroger sur ce système !
Mes chers collègues, le risque de multiplication des candidatures à l’élection présidentielle existe, mais ne justifie pas pour autant que l’on aboutisse à l’expression d’une pensée unique ! C’est pourquoi nous pourrions réfléchir à un autre système, qu’il s’agisse par exemple du vote des différents conseils ou d’autres propositions. Ce matin même, l’une de nos collègues a émis une suggestion très intéressante, qui nous semble pouvoir donner lieu à des travaux de réflexion au sein du Sénat.
Selon nous, au-delà du projet de loi que nous examinons aujourd’hui, qui est un texte démagogique et de circonstance, il est souhaitable de poser la question des modalités de la campagne présidentielle et de répartir autrement l’enveloppe des frais de campagne.
Les « bien dotés » ont tout, les « peu dotés » n’ont rien : je le répète, ce système n’est pas propice à un débat démocratique équilibré et serein. Dès lors, pourquoi ne pas étudier les systèmes en vigueur dans d’autres pays ? En effet, différents modèles existent, et nous pourrions à tout le moins engager une réflexion comparative ! Ainsi, certaines législations prévoient que l’enveloppe est calculée non pas sur la base d’une élection, mais sur le fondement de plusieurs scrutins de diverses natures. Cet exemple est intéressant, car certains partis, comme celui auquel j’appartiens, peuvent récolter un nombre significatif de suffrages lors de certaines élections, et non des moindres – 16 % aux européennes, 12 % aux régionales –, et faire des scores inférieurs à l’occasion d’autres scrutins. À cet égard, le système actuel pose question et peut paraître injuste à un certain nombre d’électeurs.
En d’autres termes, les règles en vigueur s’apparentent à un système de la double peine : double dotation pour les grands et, pour les petits, « débrouillez-vous comme vous le pouvez ! »
Comme M. Collombat l’a souligné, ce système aboutit à des situations surréalistes, où des collègues honnêtes sont sanctionnés pour avoir obtenu des prêts sans intérêts. Ils les ont sans doute obtenus dans des conditions discutables, mais le fait est que ceux qui tentent de réaliser des économies sont pénalisés alors que d’autres, qui multiplient les dépenses inconsidérées, ne le sont pas. Qu’en pensent les contribuables et les citoyens ? On peut se poser la question.
Au-delà du cumul des inégalités, en matière financière ou face à l’accès aux medias, il existe une autre inégalité, que je vais tenter d’aborder le plus aimablement possible : le fait que 70 % d’entre nous se trouvent en situation de cumul des mandats. Ne vous en déplaise, mes chers collègues, nous devons en tenir compte.
Sans souhaiter une augmentation globale des dépenses – au contraire, nous sommes favorables à une réduction de celles-ci – conformément aux propos de M. le rapporteur, il nous semble que le présent projet de loi organique pose de manière anecdotique une question cosmétique et masque le débat de fond.
Selon nous, le système actuel favorise, d’une manière d’ailleurs assez inefficace, un pseudo-bipartisme qui ne nous semble plus tout à fait le reflet de la diversité des opinions de la société française en 2012 : en témoignent par exemple les scores obtenus par les différents candidats lors des trois dernières élections présidentielles ! Il convient également de se pencher sur cette question.
À nos yeux, la richesse de la vie politique vient des débats, des contradictions, des divergences de vue, de la confrontation des analyses et des projets respectifs pour la France de demain.
À l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, dans une économie où les medias sont de plus en plus concentrés entre les mains de quelques puissances industrielles, et dans un contexte où les journalistes doivent lutter farouchement, par exemple pour garantir l’indépendance de la provenance de leurs informations, il serait légitime et sain pour notre démocratie de réfléchir aux moyens de réduire l’injustice et les iniquités entre les candidats à l’élection présidentielle, qui, force est de le constater, rythment encore la vie politique de notre pays.
Il est nécessaire que les candidats disposent des moyens de présenter de manière équilibrée leurs différentes visions de la société : dans cette perspective, le système actuel est hautement perfectible.
Dès lors que des candidats et des candidates défendent les valeurs républicaines, en conformité avec nos institutions, même s’ils sont critiques et dérangeants, ils et elles doivent pouvoir s’exprimer et être entendus par tous nos concitoyens. Ils feront ensuite librement leur choix dans l’isoloir.
Mes chers collègues, ces trente dernières années, des prises de conscience, des évolutions et des améliorations ont eu lieu.
Pourtant, il reste encore beaucoup à faire. C’est pourquoi, outre le débat sur le seuil de 5 %, qu’il faudra bien engager un jour prochain, dans la perspective d’une prochaine élection présidentielle, il convient de permettre des recours plus rapides et de concevoir un autre mode de travail pour le Conseil constitutionnel – sur ce sujet, je vous renvoie, mes chers collègues, à l’amendement qui sera discuté dans quelques instants.
Les précédents orateurs ont déjà évoqué le cas du candidat potentiel à sa réélection, qui fait pour ainsi dire campagne en poste, alors qu’il est encore en fonction : une telle situation n’est ni morale, ni équitable, ni propice à la vie démocratique. Nos concitoyens ne le comprennent pas, notamment les plus jeunes d’entre eux, qui éprouvent des difficultés à entrer dans la vie active.
Il est grand temps que le système évolue. Un de nos collègues vient de le rappeler : les élections cantonales sont mille fois mieux surveillées et sanctionnées que les élections présidentielles ! Où est donc la morale ? Où est l’exemplarité dont on nous a tant parlé ? M. le rapporteur l’a souligné, cette situation n’est ni normale ni tenable.
Pour l’ensemble de ces raisons, un autre système doit, à nos yeux, être mis en place à moyen terme. Il n’est certes pas possible de l’appliquer pour la prochaine élection présidentielle, mais il sera nécessaire de l’instituer pour la suivante.
Je vous remercie de votre attention, mes chers collègues, s’agissant d’un projet de loi organique essentiel pour l’avenir de nos institutions. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Delebarre.
M. Michel Delebarre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les arguments brillamment développés par notre collègue Gaëtan Gorce, qui a effectué, comme à son habitude, un travail de très grande qualité sur ce projet de loi organique à la portée somme toute symbolique, mais aussi très large, pour nos institutions et, au total, pour notre démocratie.
J’en profite également pour préciser à M. Reichardt que ce qu’il considère comme un embarras de notre part en commission est, en fait, une simple aptitude à la réflexion, qui devrait plutôt être portée au crédit de notre participation à la commission des lois : il convient donc qu’il s’y habitue.
Que l’on ne s’y trompe pas : ce texte, qui ne comporte qu’un seul article, est tout sauf anodin. Il a pour objet l’organisation de l’élection présidentielle, c’est-à-dire le scrutin autour duquel s’organise l’ensemble de la vie politique française, surtout depuis la réduction de la durée du mandat présidentiel à cinq ans.
Et c’est sans doute là que le bât blesse : face au symbole, le Gouvernement a accouché d’un texte certes d’allure consensuelle, mais qui aurait pu aller plus loin et aboutir à un renforcement de notre système politique à un moment où il en a bien besoin.
Les principales dispositions du texte sont connues, et vous les avez vous-même rappelées, madame la ministre. Dans le cadre du nouveau plan d’économies annoncé le 7 novembre dernier, le Premier ministre a présenté deux mesures touchant au financement de la vie politique.
D’une part, les crédits de l’aide publique aux partis politiques prévus pour 2012 ont été réduits de 4 millions d’euros, pour s’établir à environ 72 millions d’euros.
D’autre part, le Gouvernement a l’intention de limiter le remboursement des dépenses de campagne électorale, ce qui devrait permettre d’économiser 4 millions d’euros en 2012. La diminution des remboursements forfaitaires par l’État des dépenses électorales a d’ores et déjà été intégrée à la loi de finances pour 2012.
Du point de vue technique, cette réduction des remboursements opérés par l’État suppose deux mesures.
Premièrement, les plafonds de dépenses électorales sont gelés à leur niveau actuel, ce qui signifie que les plafonds de dépenses électorales applicables à chaque élection ne seront plus actualisés. Le Gouvernement nous précise que cette mesure perdurera tant que nos finances publiques n’auront pas retrouvé leur équilibre. Je crains donc que le gel des dépenses électorales ne soit promis à un bel avenir si rien ne change...
Deuxièmement, l’article 112 de la loi de finances pour 2012 réduit de 5 % le taux de remboursement forfaitaire par l’État des dépenses électorales. Pour les élections législatives et locales, le remboursement maximal est porté de 50 % à 47,5 % du plafond de dépenses. Seuls peuvent y prétendre les candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés lors de ces scrutins.
En revanche, pour ce qui concerne l’élection présidentielle, la réduction des remboursements des dépenses de campagne ne pouvait être incluse dans la loi de finances pour 2012 : en effet, une loi organique est nécessaire. Le présent projet de loi organique transpose donc à l’élection présidentielle les deux mesures que je viens de rappeler, et qui seront évidemment applicables dès 2012.
C’est sans doute là que réside l’une des grandes faiblesses de ce projet de loi organique : pourquoi le Gouvernement s’est-il décidé à modifier, à quelques mois de l’élection présidentielle, les règles relatives à son fonctionnement ? Il n’est pas sain de légiférer ainsi, d’autant que le Gouvernement a, une nouvelle fois, demandé l’application de la procédure accélérée pour un texte qui ne le méritait certainement pas.
La précipitation avec laquelle ce projet de loi a été ficelé relève davantage de la communication politique, puisqu’il s’agit de montrer aux Français que, en ces temps de crise, tout le monde fait des efforts, à commencer par les partis politiques. (M. le président de la commission des lois acquiesce.)
C’est une ambition louable, et chacun est prêt à y participer, mais il convient de rétablir la réalité des faits : l’étude d’impact du présent projet de loi organique précise que les économies attendues de cette réforme s’élèveraient à 3,665 millions d’euros. Je m’attarderai quelques instants sur cette somme, qui est porteuse de plusieurs interrogations.
En premier lieu, je rappelle que le coût de l’élection présidentielle n’a cessé d’augmenter depuis 1995. À cette date, elle a coûté 133 millions d’euros, contre 200 millions d’euros en 2002 et 207 millions d’euros en 2007.
Contrairement à une idée largement répandue, ces augmentations ne profitent pas directement aux candidats, bien au contraire.
En outre, les économies attendues de ce projet de loi ne peuvent faire l’objet que d’une évaluation. En pratique, le montant économisé dépendra, je le souligne à mon tour, du nombre de candidats,…
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Michel Delebarre. … du nombre de suffrages que chacun d’entre eux recueillera, du contenu de leurs comptes de campagne, des décisions prises par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et, en cas de recours, par le Conseil constitutionnel.
Le nombre de candidats constitue la variable la plus importante. Entre 1995 et 2002, la dépense par candidat a baissé de 15 %, mais, comme le nombre de candidats a crû de 78 %, la dépense totale a augmenté.
Ainsi, l’on ne connaîtra le coût de l’élection présidentielle qu’a posteriori : les économies réelles ne pourront être évaluées qu’après l’élection, puisqu’elles sont largement fonction du nombre de candidats, qui, d’après ce que je peux entendre ici ou là, semble plutôt aller crescendo...
En outre, et quel que soit le montant de l’argent économisé, je m’interroge sur la portée d’une telle économie sur la situation de nos finances publiques.
J’éprouve quelques doutes quant à la possibilité de réduire la dette publique de la France ou notre déficit budgétaire avec l’argent ainsi épargné.
M. Alain Anziani. Tout à fait !
M. Michel Delebarre. Chacun est conscient des efforts à accomplir, mais il ne faut pas tomber dans l’excès pour autant. La démocratie a un coût – M. le rapporteur l’a souligné – et il faut bien la financer ! L’élection présidentielle représente somme toute une dépense d’environ 5 euros par électeur, ce qui ne me semble pas être le principal poste grevant nos finances publiques.
J’ai plutôt en tête l’allègement de l’impôt sur la fortune à hauteur de 1,5 milliard d’euros, mis en œuvre par le Gouvernement en juillet dernier, ou bien la fameuse loi TEPA qui, depuis 2007, représente un manque à gagner cumulé de plus de 20 milliards d’euros pour l’État. À comparer aux quelque 3 millions d’euros attendus par cette loi organique, tout cela laisse un peu songeur.
En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois sur la mission « Pouvoirs publics » du projet de loi de finances pour 2012, j’avais eu l’occasion d’indiquer que la gestion des crédits de la Présidence de la République avait gagné en transparence et en rigueur. Je le répète, l’examen annuel des comptes de la Présidence par la Cour des comptes a été un aiguillon sans doute utile. Il reste cependant, comme l’a souligné M. le rapporteur, quelques zones d’ombre : la programmation des aides exceptionnelles aux collectivités territoriales, les multiples sondages commandés par l’Élysée – même si les choses se régulent un peu – ou encore la question des déplacements du Président de la République qui, s’il est encore Président, est d'ores et déjà candidat à sa propre succession. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a préconisé – M. le rapporteur l’a souligné – le 1er septembre 2009 que 60 % des interventions du chef de l’État soient décomptées du débat politique national. Pourquoi ne pas appliquer également cette règle aux déplacements du Président et considérer que 60 % de ses déplacements en France doivent figurer dans le compte de campagne ? Il me semble que cette décision, qui apparaîtrait à tous les Français comme de bon sens, pourrait être avancée. Je reconnais toutefois qu’il y a matière à débat, et il se peut que je pousse un peu loin la comparaison.
Ces propositions, qui ne figurent pas dans le projet de loi organique, auraient toutefois pu constituer un progrès notable. Pourtant, le principe d’égalité devant le suffrage et le principe de sincérité des élections sont les fondements de la démocratie représentative. Or, comme l’argent est devenu un facteur important, sinon déterminant, d’une élection, en particulier dans le cadre de la présidentielle, le respect de l’égalité et de la sincérité dépend aussi du régime de financement des dépenses électorales. Ce projet de loi organique n’y répond que de façon imparfaite et a finalement manqué d’ambition, au regard des enjeux qu’il prétendait affronter.
Je vous remercie de votre attention, madame la ministre, mais nous ne pouvons pas vous suivre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, puisque tout, ou presque, a déjà été dit, et très bien dit, je tâcherai de dire le reste…
À moins de quatre mois de l’élection présidentielle, vous nous proposez de réduire le coût des opérations électorales.
Nous savons bien que notre pays est confronté à de graves difficultés financières. L’élection présidentielle va d’ailleurs nous permettre de débattre des causes de ce déficit public cumulé de 1 600 milliards d’euros, et des responsabilités de chacun. Nous aurons aussi l’occasion d’exposer aux Français les solutions à mettre en œuvre.
Parmi elles, vous considérez nécessaire de réduire le financement de la vie politique. Vous nous suggérez – cela a été dit plusieurs fois – d’économiser environ 3 millions d’euros sur un coût prévisionnel estimé à 220 millions d’euros dans le rapport de Gaëtan Gorce, soit un gain de 1,5 %. Voilà l’économie que vous nous proposez de faire ! Chacun en appréciera l’ampleur… Michel Delebarre a évoqué un geste « symbolique » ; nous ne pouvons que souscrire à ses propos.
Pour notre part, nous aurions souhaité un engagement plus radical, qui aurait consisté à clarifier la notion de dépense électorale. L’exercice est certainement devenu incontournable, quels que soient d’ailleurs les candidats ou les présidents sortants. À cet égard, je tiens à saluer l’excellent travail réalisé par notre rapporteur, Gaëtan Gorce, qui s’est engagé avec beaucoup de force dans cette voie.
Je prendrai pour ma part trois exemples.
Le premier concerne les sondages d’opinion et les différentes enquêtes. Je poserai une question naïve : doivent-ils être considérés comme une dépense électorale ? En droit, la réponse est évidemment positive. Les sondages et les études de cette nature doivent être pris en compte dans les comptes de campagne. L’on pense bien entendu à ceux des partis et à ceux qui sont commandés par les candidats. Mais qu’en est-il des études commandées par l’Élysée ou par le Service d’information du Gouvernement, qui, jusqu’au 1er janvier dernier, réalisait des sondages pour l’Élysée en dehors de tout fondement légal ?
Je rappelle que les enquêtes réalisées par la société Giacometti-Péron s’élèvent à 522 millions d’euros par an. Qui peut croire qu’elles sont sans arrière-pensée électorale, notamment dans l’année qui précède l’élection ? Chacun en jugera…
Qui peut croire que la connaissance de l’opinion n’éclaire pas un futur candidat dans le choix de son positionnement, de ses thèmes de campagne ou des éléments de langage que ses amis vont rabâcher à l’identique pendant toute la campagne ?
A minima, nous devrions adopter une première règle : l’obligation pour un président sortant de publier la liste exhaustive des sondages commandés dans la dernière année de son mandat.
Le deuxième exemple, qui a lui aussi été abordé, porte sur les déplacements des candidats. Doivent-ils être intégrés dans le compte de campagne ? Certainement. Mais qu’en est-il des déplacements d’un candidat non encore déclaré ?
Je note ainsi que la fréquence des déplacements du Président de la République s’est accélérée depuis plusieurs mois. Notre collègue député René Dosière a tenu des comptes précis. Durant les trois premières années de la présidence, la moyenne était d’une cinquantaine de déplacements par an. Et subitement, dans l’année précédant l’élection, ces déplacements sont passés à plus de soixante-dix, avec évidemment un net accroissement en ce début de nouvelle année.
Si l’on considère que le nombre ne compte pas, encore faut-il savoir ce qui se passe dans ces déplacements. Je vous invite à cet égard à scruter les propos du Président de la République, mes chers collègues.
Au Tricastin, Nicolas Sarkozy a consacré une partie importante de son discours au nucléaire et, en fait, à vilipender les positions de la gauche. S’agissait-il des positions du Président de la République ou de celles d’un candidat ? Chacun en jugera.
À Mulhouse, plus récemment, le Président de la République s’est adressé aux personnels de santé, non pas pour leur parler de l’intérêt général ou d’une grande politique de santé, mais pour dénigrer les propositions fiscales prêtées au candidat du parti socialiste.
Nous allons assister à ce manège durant des semaines : pourtant, jusqu’au 19 mars prochain, date de la publication de la liste des candidatures, ces déclarations n’entreront pas dans la catégorie des propos électoraux.
La question a été posée par deux députés socialistes, Daniel Vaillant et Pascal Terrasse, qui ont saisi la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. La réponse de cette dernière rappelle un principe de droit constant sur lequel tout le monde peut s’accorder : « Si, au cours des manifestations auxquelles [le Président] participe dans la période précédant l’annonce éventuelle de sa candidature à la prochaine élection, il est amené à exposer les éléments d’un programme de futur candidat, le coût de l’organisation de ces manifestations devrait être réintégré ultérieurement au compte de campagne, en tout ou en partie ». (Mme la ministre marque son approbation.) Madame la ministre, je constate que vous approuvez ces propos.
Voilà donc la solution ! Elle a été appliquée en 2003 à Jacques Chirac, puisque sept déplacements ont été réintégrés pour partie dans ses comptes de campagne, en considérant qu’il s’agissait de déplacements électoraux.
Toutefois, comme l’ont souligné tout à l’heure Gaëtan Gorce, Michel Delebarre ou encore Pierre-Yves Collombat, nous butons sur une difficulté : la réintégration suppose en effet que les comptes de campagne fassent l’objet d’un contrôle précis.
Malheureusement, sur ce point, madame la ministre, je doute que vous soyez toujours d’accord avec moi. En effet, l’exemple des deux dernières campagnes présidentielles n’est pas vraiment de nature à nous rassurer. Les comptes ont bien été validés, mais, dans le premier cas, ceux de Jacques Chirac ont été qualifiés d’« insincères » par l’ancien président du Conseil constitutionnel Roland Dumas – on se demande dès lors quelle est véritablement la nature du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel – et, dans le second, ceux de Nicolas Sarkozy font aujourd'hui l’objet de réquisitions judiciaires.
Mon troisième et dernier exemple porte sur l’utilisation de moyens publics, y compris en personnels. Faut-il les prendre en compte ? La question a évidemment été maintes fois jugée, et l’alinéa 3 de l’article unique du projet de loi organique dispose lui-même que « les candidats détenteurs d’un mandat électif ne peuvent utiliser les moyens procurés par ce mandat en vue de contribuer à la conduite de leur campagne ».
Pourtant, dans la réalité, lorsque je vois Henri Guaino, un proche collaborateur du Président, faire le tour de France pour livrer ses commentaires, je ne suis pas sûr qu’il le fasse seulement en tant que grand historien ou nouveau philosophe. À l’évidence, ces déplacements ne sont pas dénués d’arrière-pensées électorales. Pourtant, ils ne seront pas intégrés dans les comptes de campagne…
En réalité, notre réflexion bute sur une difficulté majeure, celle du candidat fantôme. Ce dernier se drape dans ses habits officiels, parcourt le pays comme s’il était à la recherche de voix perdues, travaille plus sans être payé plus, parle même de ses adversaires avec fureur… mais ses paroles ne sont jamais comptabilisées !
Personne ne nie la difficulté de légiférer pour sortir de l’ambiguïté créée par une telle inégalité. Mais voilà bien une réforme qui aurait certainement eu plus de portée que celle qui est présentée aujourd’hui. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)