M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois, en remplacement de M. Yves Détraigne ainsi que de M. André Reichardt, rapporteurs pour avis de la commission des lois.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Sueur est un homme-orchestre ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la justice administrative, et de M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la Cour des comptes et les autres juridictions administratives. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, retenus par des raisons impérieuses, MM. Détraigne et Reichardt m’ont demandé de les suppléer, ce que je fais très volontiers. Je n’aurai donc aucune part aux propos que je m’apprête à tenir, propos qui devront tout à la sagacité de mes deux collègues. (Sourires.)
Je commencerai par la justice administrative, objet du rapport pour avis de M. Détraigne.
L’avis de la commission des lois porte sur les crédits de la justice administrative regroupés au sein du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » de la présente mission.
Ce programme bénéficie de conditions budgétaires favorables par rapport à la plupart des autres programmes budgétaires que nous avons examinés.
Ainsi, si les autorisations d’engagement marquent le pas après les efforts des années précédentes sur le plan de l’immobilier comme sur celui des créations d’emploi, les crédits de paiement continuent d’augmenter conformément à ce que la programmation pluriannuelle 2011-2013 prévoyait.
J’observe également que les juridictions administratives bénéficient de conditions privilégiées d’exécution budgétaire, puisqu’elles continuent d’être exonérées de la mise en réserve de crédits en début de gestion. C’est là un avantage certain.
Monsieur le ministre, pourquoi les juridictions judiciaires ne bénéficieraient-elles pas du même traitement, alors que leur situation est certainement aussi difficile que celle des juridictions administratives ?
L’année 2012, comme les années précédentes, sera marquée par une progression annoncée du contentieux administratif et, particulièrement, du contentieux le plus inflationniste, celui des étrangers, qui représente déjà un quart du contentieux en première instance et la moitié en appel.
En effet, la loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité du 16 juin dernier a inversé le calendrier d’intervention du juge administratif et du juge judiciaire dans le contentieux de l’éloignement et de la rétention administrative. Selon toute vraisemblance, les magistrats administratifs seront saisis plus fréquemment par les justiciables, avec des questions à trancher plus nombreuses pouvant concerner le principe même de l’éloignement, le cas échéant l’absence de délai de retour volontaire laissé à l’étranger, le choix du pays de destination, le bien-fondé de son placement en rétention ou le prononcé d’une interdiction de retour.
En outre, cet accroissement de la charge de travail des juridictions administratives se doublera d’une réorganisation de leur permanence : des juges devront être disponibles à tout moment, y compris les jours fériés, pour traiter ce contentieux.
L’étude d’impact du projet de loi du 16 juin 2011 était muette sur les moyens supplémentaires nécessaires pour permettre aux juridictions de faire face à cet afflux de contentieux. La commission des lois a observé que le projet de budget n’en disait pas plus, même si le Gouvernement reconnaissait le problème. C’est bien de le reconnaître, monsieur le ministre, c’est mieux de lui apporter les solutions appropriées.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles solutions seront apportées face à cette difficulté et comment les moyens budgétaires nécessaires seront dégagés ?
Traditionnellement, la réponse à l’inflation du contentieux administratif a mobilisé trois leviers : le levier budgétaire, par la création de juridictions nouvelles, comme la cour administrative d’appel de Versailles et les tribunaux administratifs de Nîmes, Toulon et Montreuil, créés ces dernières années, ainsi que par l’augmentation des effectifs, ; le levier humain et organisationnel, par l’amélioration du traitement des procédures dans le sens d’une plus grande efficacité, ainsi que par des revalorisations indemnitaires ; enfin, le levier procédural, par la simplification des procédures et par le développement des modes alternatifs de règlement des litiges.
Or deux de ces leviers semblent aujourd’hui bloqués : le levier budgétaire – nous en voyons chaque jour, et, dirais-je, chaque nuit, l’illustration, monsieur le ministre – et le levier humain et organisationnel, un seuil ayant déjà été atteint dans l’intensification du travail.
Il ne reste donc plus que le levier procédural. Cependant, cette piste n’est pas sans présenter des risques. En effet, la procédure est ce qui garantit le droit. Si tout allégement ou toute simplification de procédure ne préjudicie pas forcément aux droits du justiciable, il convient d’en évaluer le risque avant même de considérer l’économie qu’il pourrait permettre de réaliser.
Force de constater qu’ici aussi un seuil paraît atteint : d’ores et déjà, les deux tiers des contentieux portés devant les tribunaux administratifs sont tranchés par un juge unique. On peut difficilement aller plus loin.
Quant à la réforme relative à la dispense de conclusions du rapporteur public, réforme que nous avons contestée, monsieur le ministre, et dont les décrets d’application ne sont toujours pas adoptés, elle continue de susciter l’inquiétude parmi les magistrats, qui craignent qu’elle ne devienne un outil de gestion des flux de contentieux.
La commission des lois suivra donc avec une grande vigilance les simplifications procédurales envisagées afin de s’assurer qu’elles ne porteront pas préjudice aux droits des justiciables, qui sont souvent, dans les contentieux concernés, des justiciables vulnérables.
Prenant toutefois acte des efforts engagés les années précédentes et qui se poursuivent dans ce budget malgré un contexte difficile, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la justice administrative.
M. Détraigne appelle toutefois votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que cet avis favorable n’empêchera pas notre commission d’être très vigilante en raison des incertitudes relatives à la progression programmée du contentieux, dont on ne mesure pas encore l’impact.
J’en viens aux crédits du programme « Cour des comptes et autres juridictions financières ».
Le budget des juridictions financières fait l’objet pour la première fois cette année d’un rapport pour avis de la commission des lois, rapport dont l’auteur est M. Reichardt, que je supplée donc en cet instant.
La place centrale qu’occupent ces juridictions dans le contrôle de la gestion publique et les évolutions qu’elles connaissent actuellement justifient l’intérêt que la commission des lois porte au budget alloué à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.
Le budget pour 2012 est marqué par une continuité et une stabilité au regard du budget pour 2011. Il s’inscrit en effet dans le cadre de la programmation triennale 2011-2013, qui prévoit pour les juridictions financières une enveloppe budgétaire globale constante.
M. Reichardt a constaté, en rencontrant les représentants de la Cour et des chambres, que le montant de ces crédits permettait aux juridictions financières d’assumer leurs missions dans des conditions globalement satisfaisantes.
Il est vrai que, contrairement à d’autres juridictions, les juridictions financières ont la maîtrise de leur contentieux, ce qui les aide à dimensionner correctement leurs actions par rapport aux moyens disponibles.
Ce budget est composé aux neuf dixièmes de dépenses de personnel, qui concernent principalement des personnels de catégorie A+.
La pyramide des âges du corps des magistrats financiers est évasée, ce qui témoigne du vieillissement du corps.
Les personnels des juridictions financières sont également caractérisés par une forte rotation, puisque environ un tiers des magistrats exercent actuellement leur activité hors juridiction.
Le recrutement en 2012 de huit conseillers de chambre régionale des comptes par concours devrait permettre de limiter le nombre de détachements dans les chambres régionales des comptes et de rajeunir le corps des magistrats.
La stabilité du budget pour 2012 ne doit cependant pas faire oublier, mais cela ne vous avait pas échappé, monsieur le ministre, qu’il s’agit d’un budget de transition.
En effet, estime M. Reichardt, la réforme des juridictions financières a connu, après de nombreuses péripéties et sous réserve de l’appréciation du Conseil constitutionnel, une étape décisive avec l’adoption en lecture définitive par l’Assemblée nationale, le 16 novembre dernier, du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles.
Ce texte prévoit notamment la possibilité de regrouper certaines chambres régionales des comptes, ce dont il faudra naturellement tenir compte dans les projections budgétaires futures. Pour l’heure, les conséquences de cette nouvelle loi ne figurent cependant pas dans le projet de budget pour 2012.
Compte tenu à la fois de la stabilité du budget proposé et de la satisfaction globale des représentants de la Cour et des chambres régionales qu’a constatée M. Reichardt, le rapporteur pour avis a proposé un avis favorable à l’adoption des crédits proposés. Toutefois, et peut-être les récents débats sur les chambres régionales des comptes ont-ils eu quelque effet à cet égard, cet avis n’a pas été suivi par la commission des lois, qui vous propose de rejeter les crédits consacrés à la Cour des comptes et aux juridictions financières par le projet de loi de finances pour 2012.
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose, et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour cette mission.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai plusieurs observations sur les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».
Première observation, je me félicite de l’augmentation de 3,4 % des crédits de paiement en faveur de la justice administrative, augmentation tout à fait appréciable par les temps qui courent, d’autant qu’elle vaut aussi pour la Cour nationale du droit d’asile.
On constate que cette augmentation de crédits, qui se poursuit depuis plusieurs années, a pour effet de réduire les délais devant les juridictions administratives, qu’il s’agisse du Conseil d'État, des cours administratives d’appel ou des tribunaux administratifs, dont les décisions seraient désormais rendues dans des délais inférieurs à un an. J’emploie certes le conditionnel, mais ce serait en effet un résultat remarquable…
Justement, ma deuxième observation, après ces félicitations, est une interrogation quant à la fiabilité de ces délais, car il y a un mystère.
Par exemple, si l’on retient le « délai moyen constaté pour les affaires ordinaires », indicateur institué par la loi de programmation 2009-2011, on parvient à des délais – sans doute plus proches d’ailleurs de ceux que constatent les praticiens – encore supérieurs à deux ans pour le Conseil d'État ou les tribunaux administratifs, un peu moins longs pour les cours administratives d’appel, mais en fait très variables d’une cour à l’autre.
Ma troisième observation sera pour formuler une inquiétude : à quel prix obtient-on ces réductions des délais ?
Ce prix, c’est sans doute une justice plus expéditive, ce qui se traduit par la multiplication des jugements par ordonnance et un recours au juge unique de plus en plus fréquent.
Cela me rappelle le cours de droit administratif publié dans les années soixante par Raymond Odent, mais réédité depuis, dans lequel l’éminent conseiller d'État résume le problème en une formule désormais banale quand on évoque le juge de l’ordre judiciaire, le fameux : « juge unique, juge inique ».
Dans le rapport de M. Yves Détraigne, c'est la même inquiétude qui s’exprime. Nous nous dirigeons vers une justice moins respectueuse du droit des justiciables : « Le cas du référé mis à part, toute extension du champ des matières relevant d’un juge unique ou du président de la juridiction statuant par ordonnance est susceptible de préjudicier aux droits du justiciable, puisqu’elle le prive des garanties d’instruction et de délibéré de la formation collégiale. » Cette analyse est partagée par tous les praticiens du droit, qu’ils soient magistrats ou avocats.
Il nous faut nous interroger sur ce que nous voulons en matière de droit. Préférons-nous un droit plus rapide, mais moins respectueux des parties, ou bien un droit plus lent, mais sans doute plus attentif aux complexités procédurales ?
Cela étant, les délais de traitement pourraient sans doute diminuer si les moyens étaient distribués autrement.
Je conclurai mon intervention par une dernière observation, qui concerne l'ensemble de la justice. Qu'en est-il de son coût, en particulier de celui de l’aide juridictionnelle ? De ce point de vue, je ne peux que me féliciter de la suppression du timbre fiscal de 35 euros.
Même si cela n’entre pas à proprement parler dans le cadre de l’examen des crédits de cette mission, je tiens à souligner que nous avons besoin d’une réforme d’ampleur de l’aide juridictionnelle. Elle n’est toujours pas annoncée, alors que d'autres réformes de la procédure administrative semblent aujourd'hui prêtes à être mises en œuvre. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des éclaircissements sur les différentes réformes qui sont annoncées en matière de contentieux administratif ?
Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, le groupe socialiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » est pour moi l’occasion de rappeler qu’une réforme des juridictions financières a été intégrée par la majorité à l’Assemblée nationale dans le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles. Cette initiative a fait échouer la commission mixte paritaire, puisque le Sénat a rejeté cette réforme qui a notamment pour objet de réduire le nombre des chambres régionales des comptes.
Nous ne souscrivons pas, sur la forme, à cette façon de procéder à la sauvette, pas plus que, sur le fond, nous ne souscrivons au dispositif lui-même.
Si réforme des juridictions financières il doit y avoir, elle devra faire l’objet d’un débat de fond. La réforme insérée dans le projet de loi laisse peser des incertitudes quant à ses conséquences sur le devenir de certaines chambres, sur les regroupements qui pourraient être envisagés, donc sur les besoins de financement futurs.
Il paraît donc difficile d’avaliser les crédits de ce programme.
Quant au budget du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives », il est préservé, puisque les crédits de paiement augmentent de 3,23 %. Dans le contexte économique que nous connaissons, c'est évidemment appréciable : cela signifie que le programme 2011-2013 se poursuit. Cependant, en réalité, dans les tribunaux administratifs, pour ne prendre que cet exemple, seulement 764 magistrats, assistés des agents de greffes et autres personnels, ont dû faire face en 2010 aux 183 283 recours enregistrés ; ces chiffres émanent de source syndicale.
Globalement, la progression des emplois atteint seulement 0,45 % pour 2012 et 2013. Or l’activité des cours administratives d’appel a progressé de 112 % en dix ans, celle des tribunaux administratifs, de près de 55 % ! Peut-on raisonnablement penser que ce budget sera suffisant pour faire face et à la charge de travail actuelle et à l’accroissement, année après année, des contentieux administratifs ?
Le risque est réel que soient réduits à néant les efforts des personnels pour réduire les délais de jugement que l'on constate aujourd'hui. En effet, le Gouvernement fait voter des lois sans jamais se soucier de leurs incidences, et les études d’impact sont trop souvent lacunaires.
Le contentieux de police s’accroît, tout particulièrement celui qui est lié au retrait des points du permis de conduire. Après les annonces du Président de la République, nul doute qu’il augmentera encore !
Le contentieux de l’éloignement des étrangers devrait connaître une nouvelle augmentation avec la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, notamment en raison de l’inversion de l’intervention du juge judiciaire et du juge administratif. Ce dernier sera saisi plus souvent et sur un nombre accru de questions.
La Cour nationale du droit d’asile a vu ses moyens humains renforcés. Il n’en reste pas moins que les avocats qui plaident devant la CNDA viennent de cesser le travail pour dénoncer une « politique du chiffre ». Et l’annonce, par le ministre de l’intérieur, d’une nouvelle réforme du droit d’asile n’est pas faite pour les rassurer. Il s’agit, en effet, de durcir les conditions d’accès à la procédure et de réduire le budget de l’asile. Le motif est désormais récurrent : la prétendue fraude d’un nombre important d’étrangers demandeurs d’asile.
J’en viens au contentieux du droit opposable au logement. Ne soyons pas surpris que le Comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable vienne de dénoncer une situation qui empire, puisque le Gouvernement choisit délibérément de délaisser le logement social.
En Île-de-France, qui concentre 62 % des recours, le taux de relogement a baissé. Cela a un effet de chaîne sur l’hébergement, qui, mécaniquement, est plus sollicité : plus 15 % en 2011. L’ouverture du DALO à toutes les personnes reconnues prioritaires à partir de 2012 va, sans nul doute, accroître encore le nombre des recours.
Pour réduire l’impact des restrictions budgétaires, notre collègue Yves Détraigne s’interroge sur d’éventuels changements procéduraux, par exemple l’extension de la disparition des conclusions du rapporteur public déjà en œuvre dans certaines audiences ou celle des contentieux jugés à juge unique. Ces derniers concernent aujourd’hui, si l’on y ajoute les ordonnances, les deux tiers des affaires jugées devant les tribunaux administratifs. Il s’agit bien souvent de contentieux « sociaux », touchant des justiciables modestes.
Je suis pour ma part totalement opposée à l’extension de ces deux dispositifs – rapporteur public et collégialité sont protecteurs des droits des justiciables –, comme je suis opposée à la délocalisation des audiences.
Plutôt que le rapport prévu par l’article 49 quater, il serait urgent de donner à la justice administrative les moyens de son fonctionnement. Pour toutes ces raisons, le groupe CRC ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, la mission « Conseil et contrôle de l'État » comporte trois programmes : « Conseil d’État et autres juridictions administratives », juridictions parmi lesquelles on trouve désormais la Cour nationale du droit d’asile, « Conseil économique, social et environnemental », « Cour des comptes et autres juridictions financières ». Pour chacune de ces institutions sont précisées les dépenses de personnel correspondantes.
L'augmentation de 3,4 % des crédits est imputable à la seule Cour nationale du droit d’asile, dont la charge administrative s'est considérablement accrue, pour répondre, dans des délais raisonnables, aux recours formés contre les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA.
Pour 2012, la création de 62 équivalents temps plein travaillé doit permettre d'améliorer la situation d'engorgement à laquelle sont confrontés la Cour nationale du droit d’asile et les tribunaux administratifs de la région d'Île-de-France.
Les contraintes budgétaires imposent de limiter le nombre des créations d'emplois que nécessiterait cependant la constante inflation du contentieux – plus 6 % – liée tant à la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite « loi DALO », qu'à la loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité de 2011, qui augmente les délais de traitement des dossiers.
Aujourd'hui, ces délais atteignent plus de deux ans devant les tribunaux administratifs et plus d'un an devant les cours d'appel et le conseil d'État. Sur ce point, je souhaite que notre collègue Alain Anziani voie son vœu exaucé.
En dépit des nouvelles missions qui lui sont dévolues, le Conseil économique, social et environnemental ne bénéficiera d'aucune mesure complémentaire. Bien pis, il perd 0,3 % de son budget. Il sera confronté, à court terme, au problème du financement de la caisse de retraite de ses agents. Ce financement a nécessité, dès cette année 2011, des mesures de nature à préserver l'équilibre d’une caisse dont le nombre de cotisants est presque quatre fois inférieur à celui des ayants droit.
Je souhaite m'arrêter plus longuement sur le sort réservé à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.
La réforme de ces juridictions financières, qui aurait dû être la conséquence naturelle de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, n'est jamais intervenue. Elle aurait pourtant fait de la Cour des comptes un outil moderne d’audit, d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. En lieu et place de cette réforme travaillée et attendue par les membres de la Cour des comptes, le Gouvernement a prévu non seulement de réduire le nombre des chambres régionales des comptes, les faisant passer de 27 à 20 – c'est dire qu'il n'y aura pas une chambre par région administrative –, mais aussi de redistribuer les compétences qui leur étaient antérieurement dévolues entre elles et les directions départementales des finances.
Un tel dispositif fait craindre aujourd'hui que, après le contrôle de légalité des actes administratifs, les comptes des collectivités locales ne soient plus contrôlés, ou du moins presque plus. On retrouverait dans les chambres régionales des comptes ce que l’on constate au sein des cours administratives.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, n’allez surtout pas penser que je suis une adepte inconditionnelle du contrôle des collectivités locales, mais je crois à l'intérêt et à la valeur, autant pour elles-mêmes que pour l'État, des principes de légalité et de régularité budgétaire. Je m'associe donc à ceux de mes collègues sénateurs qui, animés de la même crainte, ont déposé un recours auprès du Conseil constitutionnel sur ce point.
Pour toutes ces raisons, dans leur grande majorité, les membres du groupe RDSE s'abstiendront. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, nous sommes donc réunis pour examiner les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Celle-ci comporte trois programmes : « Conseil d’État et autres juridictions administratives », « Conseil économique, social et environnemental », « Cour des comptes et autres juridictions financières ».
Avant tout, et comme l’a rappelé notre collègue Charles Guené, dont je tiens à saluer l’implication, la logique de performance s’est progressivement imposée, en conformité avec les préconisations et l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. On ne peut que s’en réjouir.
Pour l’exercice 2012, je commencerai par rappeler quelques éléments chiffrés - très positifs pour cette mission, dans un cadre budgétaire que nous savons tous contraint.
La mission que vous nous présentez, monsieur le ministre, bénéficie en effet de 601,4 millions d’euros de crédits de paiement, dont 83,5 % au titre des frais de personnels. J’insiste, ceux-ci sont au service de tous les Français, pour un fonctionnement optimal de nos institutions.
Les crédits affectés au programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » représentent 58,1 % des crédits de la mission, ceux qui sont affectés au programme « Cour des comptes et autres juridictions financières », 35,7 %.
Les crédits de ce programme, vous l’avez tous rappelé, augmentent de 3,4 % par rapport à 2011. C’est là une progression significative des moyens, faisant suite à celle, encore plus substantielle de 4,8 %, qui a été enregistrée en 2011.
Vous conviendrez donc que, dans un contexte budgétaire tendu, cette augmentation confirme l’importance attachée aux moyens de la justice administrative.
En 2012, monsieur le ministre, vous proposez d’augmenter de 62 le nombre d’équivalents temps plein travaillé, en vue de poursuivre l’amélioration des délais de jugement des juridictions. C’est une décision fondamentale pour la rénovation de notre système judiciaire.
Dans cette optique, afin de rétablir un niveau de performance très dégradé, la Cour nationale du droit d’asile a d’ailleurs fait l’objet d’un renforcement important de ses moyens humains.
Nous ne pouvons donc que nous satisfaire des 15 recrutements supplémentaires que vous prévoyez pour 2012. Alors que le délai moyen de jugement devant cette cour s’élève à neuf mois en 2011, ce renforcement en moyens humains contribuera à atteindre l’objectif de réduction de ce délai à six mois en 2012.
Cette logique du renforcement des moyens prévaut également pour les autres juridictions administratives, notamment le Conseil d’État, qui devront savoir tirer profit de l’augmentation de leur budget pour mieux répondre au traitement du contentieux administratif de masse.
Outre le Conseil d’État, sont concernés les 8 cours administratives d’appel et les 42 tribunaux administratifs, dont 11 dans les collectivités d’outre-mer. In fine, c’est donc une politique qui bénéficie à la juridiction administrative, mais surtout à ceux qui y recourent.
À cet égard, l’activité consultative du Conseil d’État, en particulier, est, pour les parlementaires que nous sommes, une aide fondamentale dans l’exercice de notre mission législative. Nous devons donc avoir à cœur de soutenir, comme vous le faites, monsieur le ministre, son activité structurante pour l’État.
S’agissant du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières », sur lequel a travaillé notre collègue André Reichardt, nous constatons avec satisfaction que ces juridictions suivent leur trajectoire budgétaire, dans l’attente d’une éventuelle réforme des chambres régionales et territoriales des comptes, que vous avez évoquée.
Le groupe UMP se félicite de ce que les représentants de la Cour des comptes, des chambres régionales et des syndicats de magistrats aient reconnu l’adéquation des moyens qui leur sont alloués à l’exercice de leurs missions.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez évoqué les incertitudes qui découlent de la réforme des juridictions financières contenue dans le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles, concernant l’évolution du budget de ces juridictions. Nous vous écouterons avec attention sur ce point, monsieur le ministre.
Nous nous félicitons également des efforts déployés par le Conseil économique, social et environnemental pour mener sa réforme à budget constant.
Chacun le sait ici, il existe de nombreuses interactions entre les avis du CESE et les projets de loi adoptés ces dernières années par le Parlement, confirmant, s’il en était besoin, l’importance du Conseil et l’apport que ce dernier constitue pour notre société et la qualité de nos lois.
Le CESE, qui constitue un lieu de dialogue préservé entre toutes les strates de la société, a prouvé son utilité et sa valeur ajoutée : souhaitons qu’il continue avec autant de qualité.
Monsieur le ministre, autant dire que les choix traduits dans cette mission pour des institutions de contrôle et de conseil qui contribuent au bon fonctionnement de notre République nous semblent aller dans le bon sens.
En conclusion, mes chers collègues, fort de ces constats positifs, le groupe UMP votera les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », structurante pour l’État et pleine d’espérance quant à la modernisation de nos institutions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)