M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Je me suis intéressé de près à cette question en tant que rapporteur spécial et je sais qu’il y a des problèmes d'humidité, de fuite. Si nous attendons, le bien risque de ne plus valoir grand-chose ! Par conséquent, retarder cette cession, c'est s’exposer à vendre ce bien dans des conditions moins favorables que celles d’aujourd'hui.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. M. le ministre l’a rappelé, toutes les garanties sont réunies en termes de transparence et de publicité ; mon collègue rapporteur spécial et moi-même y veillerons. Par conséquent, je ne vois pas aujourd'hui ce qui s'oppose à cette cession, sinon peut-être le souvenir de la façon dont se déroulait à une certaine époque ce type de transaction. Mais on ne reviendra pas sur le cheval turkmène ou d'autres épisodes…
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Pas de nostalgie !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. En termes budgétaires, compte tenu du coût de l’entretien de ce bien et d’une déperdition de sa valeur, nous avons tout intérêt à le céder dans les meilleures conditions, c'est-à-dire le plus vite possible.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Si nous nous intéressons autant aux conditions de cession de ce bien, c'est parce que celui-ci est composé de différents éléments : on y trouve des bois et forêts, des dépendances, une maison de maître, etc. Je ne peux me prononcer sur la beauté du bâtiment principal, la commission des finances n’ayant pas pu s’y rendre. Pour ma part, j’étais allée à Compiègne, mais le temps me manque désormais. Cependant, je ne doute pas que nos deux rapporteurs spéciaux qui sont tout à fait vaillants examineront tout cela de près.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Nous sommes un peu occupés en ce moment ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les ayants droit sont en droit – sans jeu de mots – de demander un remploi des sommes qui tomberaient dans l’escarcelle de l'État, conformément à leurs souhaits. C’est bien ce qui s’était passé dans l'affaire de Compiègne : lors de la vente, France Domaines avait fixé à l’acquéreur des conditions de remploi des sommes. C'est important. Or, sur cette matière, nous ignorons tout des conditions que les ayants droit du domaine de Souzy-la-Briche ont posées.
J'en viens à la partie bois et forêts. Monsieur le ministre, vous savez très bien que le patrimoine forestier doit être reconstitué. À Compiègne, cela a fait l’objet d’un différend entre le ministère de l'agriculture et celui du budget, le premier ayant exigé cette reconstitution, à une échelle géographique pertinente, qui a bloqué l'affaire pendant plusieurs années.
Je rappelle que l'Office national des forêts a son mot à dire. Or j'ignore dans quelles conditions il a été consulté. Beaucoup a été fait, sans doute. Je fais confiance à l'administration et ce n'est pas moi qui critiquerai systématiquement la fonction publique dont vous avez la responsabilité en tant que ministre. Toujours est-il qu’il ne paraît pas urgent d’accepter cette cession.
D'autres textes financiers seront soumis au Sénat d'ici à la fin de l'année : un projet de loi de finances rectificative est prévu et, compte tenu de l'état de nos finances et de la crise de la zone euro, il nous faudra peut-être en examiner un autre avant l'élection présidentielle. Vous pourrez alors nous donner tous les éléments d’information nécessaires, monsieur le ministre.
Le débat que nous avons ce matin est utile en ce qu’il améliore la connaissance de la commission des finances. Toutefois, cela ne suffira pas à le solder.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre. Je comprends bien les préoccupations que vous exprimez sur les conditions de cession, madame la rapporteure générale. Pour autant, nous ne pouvons pas rester dans cette situation de quasi- blocage, avec un bien que l’État a sur les bras, qui lui coûte cher et dont il doit se séparer. Personne ne conteste ce point. L'opportunité de la vente n'est pas en jeu.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce n'est pas cela le problème !
M. François Sauvadet, ministre. Personne ne conteste non plus les conditions de transparence dans lesquels s'établira cette cession. J'ai indiqué qu'un appel d'offres aura lieu et qu'un prix minimum, que vous avez d’ailleurs dévoilé prématurément, sera fixé. Les ayants droit nous demandent d'être habilités à procéder à cette cession avant d’engager toute négociation ; vous n’ignorez rien de la nature de ces échanges, puisque c'est un bien qui avait été donné à l'État. Tel est l’objet de l’article 64 quinquies. Il va de soi que le Gouvernement reviendra ensuite devant la Haute Assemblée et la commission des finances pour indiquer le périmètre, les conditions, etc.
Il est temps de sortir de cette situation.
N’en doutez pas : le Gouvernement est résolu à préserver les intérêts de l'État et à faire en sorte que les conditions de transparence autour de cette cession soient pleinement garanties. J'en prends l'engagement devant vous. De grâce, mesdames, messieurs les sénateurs, ne repoussez pas à demain ce que la situation exige que nous fassions aujourd'hui.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On aurait pu le faire hier !
M. François Sauvadet, ministre. On aurait pu le faire avant-hier, et même avant ! Laissons l’Histoire de côté. Je me garderai bien de me hasarder sur ce terrain ; je reste prudemment à ma place et vous demande simplement d’habiliter le Gouvernement pour qu’il puisse engager la discussion avec les ayants droits.
J'en appelle à votre esprit de responsabilité. Je sais, madame la rapporteure générale, que vous en avez toujours été animée. Nous l'avons en partage.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 64 quinquies est supprimé.
Nous avons achevé l’examen des crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Provisions », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
Engagements financiers de l’État
Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux
Compte de concours financiers : Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics
Compte d’affectation spéciale : Participations financières de l’État
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances, en remplacement de M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser notre collègue Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial, qui ne peut être présent aujourd’hui.
La mission « Engagements financiers de l’État » voit ses crédits progresser de 6 % entre 2011 et 2012. Cette évolution traduit l’augmentation inexorable de la charge de la dette. En 2012, celle-ci devrait s’établir à 48,8 milliards d’euros. Je précise pour la clarté de nos débats qu’il s’agit uniquement des intérêts de la dette. Nous savons que, l’année prochaine, nous allons émettre 182 milliards d'euros pour renégocier notre dette auprès des marchés.
Nous discutons de ce budget dans un contexte de crise financière, économique et politique dans la zone euro.
Le spread franco-allemand atteint un niveau record depuis la création de la monnaie unique. Ne croyons pas que cela n’intéresse que les initiés. Au contraire, ce type d’information est largement intégré par l’opinion publique, qui a compris que la France avait un problème particulièrement prégnant de financement. C’est évidemment avec nos partenaires allemands que l’affaire se noue et pourrait se dénouer. Le tout est de savoir si ce dénouement se fera dans le bon sens !
La détérioration relative de nos conditions de financement résulte des incertitudes qui planent sur l’avenir de la zone euro, mais elle reflète aussi l’effritement de la confiance des marchés à l’égard de la signature de la France. Lorsqu’on parle des marchés, il s’agit non pas d’un être abstrait, mais des investisseurs, et les doutes qu’ils nourrissent sur notre capacité à tenir notre trajectoire budgétaire et nos engagements européens se font pressants.
Je me garderai de faire un pronostic sur l’avenir de notre notation triple A. Rappelons simplement qu’un choc de taux de 1 % se traduirait par une charge d’intérêts supplémentaire de 2 milliards d’euros la première année, puis de 14 milliards d’euros au bout de neuf ans. Dans un contexte de maîtrise des dépenses de l’État, je vous laisse imaginer à quel point le financement des politiques publiques serait entravé ! Mais il l’est déjà considérablement.
J’en viens aux garanties. Avec la crise, l’État garant est sollicité comme jamais. L’octroi de ces garanties est budgétairement indolore, voire lucratif, puisqu’elles sont rémunérées, mais elles n’en sont pas moins autant d’épées de Damoclès suspendues au-dessus de la tête des Français.
Les garanties sont comptabilisées en engagements hors bilan de l’État et, dans ce domaine, monsieur le ministre, nous aimerions y voir plus clair. Le compte général de l’État fourmille d’informations, mais elles sont bien difficiles à consolider et à recouper avec le contenu des bleus budgétaires. Dans ces conditions, j’informe le Sénat que la commission des finances confiera à la Cour des comptes, en 2012, une enquête sur le recensement et la comptabilisation des engagements hors bilan de l’État. Ses conclusions nous permettront de statuer de manière plus éclairée sur d’éventuelles garanties futures.
La forte baisse des crédits du programme 145 « Épargne » traduit le reflux important des primes d’épargne logement. Nous veillerons à ce que cette baisse n’aboutisse pas à reconstituer la dette contractée par l’État à l’égard du Crédit foncier de France, opportunément résorbée en 2011.
J’en viens au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », retraçant les opérations financières de l’État actionnaire.
Les documents budgétaires n’apportent que des informations limitées. En effet, du côté des recettes, le Gouvernement inscrit, comme chaque année, 5 milliards d’euros. Je comprends les raisons objectives qui incitent l’État à ne pas dévoiler sa stratégie de cession. Nous pouvons néanmoins prévoir que, du fait de la situation économique, il ne réalisera que peu de cessions, voire aucune. À titre d’illustration, au 5 septembre 2011, l’État actionnaire n’avait engrangé que 181 millions d’euros de recettes. Force est de constater que la somme de 5 milliards d’euros est surestimée.
Du côté des dépenses, nous savons que l’État devra encore libérer 467 millions d’euros au titre de l’augmentation de capital de La Poste et qu’il achètera des titres Areva pour un montant d’au moins 200 millions d’euros. On peut donc d’ores et déjà tabler sur près de 700 millions d’euros de dépenses certaines.
Pour la cinquième année consécutive, aucun versement ne devrait intervenir pour réduire la dette héritée du Crédit lyonnais, qui s’élève à plus de 4,3 milliards d’euros et doit être remboursée en 2014. Nous ne savons pas ce que compte faire le Gouvernement. L’issue est-elle déjà annoncée, à savoir une reprise de la dette par l’État ? Monsieur le ministre, permettez que nous nous y intéressions, puisqu’une telle opération alourdirait encore la dette publique.
Au-delà des aspects budgétaires, l’État actionnaire s’est engagé, depuis septembre 2010, dans une nouvelle stratégie tournée vers le développement industriel. Je n’ai pas le temps d’en parler, mais je pense que nos collègues, notamment de la commission de l’économie, y consacreront une partie de leurs interventions.
En réalité, nous ne disposons d’aucun élément tangible pour juger de la mise en œuvre de ces nouvelles orientations. Si je constate bien que les administrateurs de l’État participent aux organes de gouvernance, je n’en vois pas la traduction concrète dans la gestion des entreprises : le taux de féminisation est à peine supérieur, les rémunérations guère plus modérées et les résultats pas meilleurs que dans les entreprises dont le capital est entièrement privé. Nous sommes donc en droit de nous interroger sur l’État actionnaire.
S’agissant des autres comptes spéciaux, le souci de la concision me conduit à vous renvoyer aux observations du rapport écrit.
Mes chers collègues, il est de notre devoir de nous acquitter de notre dette. La commission des finances invite donc le Sénat à adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État ». Elle vous propose en outre d’adopter les crédits du compte d’affectation spéciale « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », mais, en revanche, de rejeter les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » et du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », compte tenu de ce que je viens de dire sur le comportement de l’État actionnaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet, en remplacement de M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour les participations financières de l'État. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne pouvant être présent aujourd’hui, mon collègue Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission de l’économie sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », m’a chargé d’intervenir à sa place.
Je ne m’attarderai pas sur les caractéristiques de ce compte d’affectation spéciale, dont l’existence se justifie par les spécificités de la fonction actionnariale de l’État : il retrace les opérations de l’État liées à la gestion de ses participations financières.
Avant de vous le présenter de manière plus détaillée, je voudrais, à ce stade, formuler une remarque générale sur le contexte dans lequel nous nous trouvons.
En effet, l’année 2011 a constitué un tournant à plusieurs titres.
En premier lieu, la crise a eu de lourdes conséquences sur la valeur des participations de l’État, puisque celles-ci sont passées de 88,2 milliards d’euros en 2010 à 69,8 milliards d’euros en octobre 2011, pour tomber à moins de 60 milliards d’euros ces dernières semaines.
En second lieu, la réforme institutionnelle de l’État actionnaire a eu des retombées importantes en termes de fonctionnement et de gouvernance des entreprises appartenant au périmètre de l’Agence des participations de l’État, l’APE.
J’en viens maintenant à des observations plus spécifiques concernant ce compte d’affectation spéciale.
Ma première remarque porte sur son caractère approximatif. Ce sujet n’est pas abordé pour la première fois dans notre hémicycle, puisque la quasi-totalité des rapporteurs ayant abordé ce sujet à cette tribune par le passé avaient déjà pointé ces limites. Les recettes et les dépenses ne sont que purement indicatives, et, surtout, l’écart entre les prévisions et l’exécution est si important qu’il remet en cause la pertinence des informations regroupées par ce compte.
À titre d’exemple, les recettes prévues pour 2010 par la loi de finance initiale s’élevaient, comme cette année, à 5 milliards d’euros. Or l’exécution du budget a donné lieu à l’encaissement de seulement 2,9 milliards d’euros, soit un écart de plus de 2 milliards d’euros.
Monsieur le ministre, nous comprenons bien que certaines données doivent être tenues secrètes pour ne pas mettre en péril des opérations importantes, mais ne pensez-vous pas qu’il pourrait y avoir, sur un sujet aussi essentiel, un juste milieu entre un niveau d’information du Parlement proche de zéro et une totale publicité de ces données stratégiques ?
Ma deuxième remarque concerne la gestion de l’État actionnaire. La récente réforme de l’Agence des participations de l'État a montré la volonté de lui donner une plus forte dimension stratégique et industrielle. La nomination, l’année dernière, d’un commissaire aux participations de l’État, directement rattaché au ministre en charge de l’économie, mais également la mise en œuvre de nouvelles pratiques, comme le recours à des études sectorielles pour mieux anticiper les intérêts stratégiques des participations de l’État, ont concrètement amélioré cette gestion.
Néanmoins, ne serait-il pas utile de clarifier les rôles entre différents acteurs comme l’APE, la Caisse des dépôts et consignations ou encore le Fonds stratégique d’investissement, qui détiennent parfois des actions dans les mêmes entreprises ? En effet, cela peut conduire à une confusion dans le pilotage de la politique actionnariale de l’État et la définition de sa politique industrielle.
Pour finir, je voudrais faire remarquer que le contexte difficile dans lequel se trouvent nos finances publiques plaide plus que jamais en faveur d’un véritable débat au Parlement sur le périmètre, le volume et le mode de gestion des participations de l’État. En effet, le montant total des participations cotées de l'État atteignait un peu moins de 60 milliards d’euros au 22 novembre dernier.
Monsieur le ministre, toutes les participations de l’État se justifient-elles d’un point de vue de la cohérence de la stratégie industrielle ? Ne vaudrait-il pas mieux adopter une gestion plus dynamique susceptible de conduire à la cession de certains actifs, permettant de nouvelles prises de participations dans des entreprises stratégiques ou un désendettement ?
En tout cas, la question mérite d’être posée.
Pour toutes ces raisons, et malgré une évolution notoire et concrète de l’État actionnaire, qui assume un objectif renforcé de stratégie industrielle, le rapporteur pour avis a proposé à la commission de l’économie de s’abstenir sur les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». Celle-ci ne l’a cependant pas suivi et s’est déclarée défavorable à leur adoption.
Mme la présidente. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Je rappelle que l’intervention générale vaut explication de vote pour ces missions.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » sont particulièrement importants, puisqu’ils avoisinent les 50 milliards d’euros en crédits de paiement, dont 48,7 milliards d’euros au seul titre du service de la dette publique.
Cela fait plusieurs mois que cette dernière s’est invitée dans toutes les conversations, et la plupart des grands medias en font régulièrement leur « une ».
La véritable surenchère médiatique qui a eu lieu cet été sur le sujet vient de montrer sa raison d’être : justifier, aux yeux de l’opinion publique, la mise en œuvre d’un nouveau plan d’austérité ; imposer de nouveaux sacrifices au monde du travail et de la création, à ceux qui produisent les richesses de la France.
L’alarmisme a été de mise et seul compterait aujourd’hui la conservation de notre triple A, véritable diktat des agences de notation à qui on a laissé les mains libres.
L’utilisation de cette notation par les marchés financiers pour augmenter le coût des emprunts pèse lourd. Le moindre relèvement des taux longs provoquerait une progression des crédits de la mission, et le peu d’intérêt qu’il y a à mener une politique de révision des politiques publiques serait ainsi rapidement annulé. L’exemple des pays qui y sont soumis en témoigne.
Le problème du débat ainsi ouvert sur la dette, pour les tenants de l’austérité sans limites, c’est qu’il a aussi, nous semble-t-il, éveillé l’intérêt de l’opinion pour disposer d’une meilleure connaissance des raisons profondes de cet endettement public et des remèdes susceptibles d’y être apportés.
Plutôt que d’un excès de dépenses publiques, c’est bel et bien d’une insuffisance de recettes fiscales et sociales que souffrent, aujourd’hui, nos finances. La première partie de notre débat budgétaire l’a bien confirmé.
Depuis 1985, les politiques de simple réduction du taux de l’impôt sur les sociétés, de réforme de la fiscalité locale s’appliquant aux entreprises et d’exonération des cotisations sociales ont fait perdre à l’État environ 800 milliards d’euros de recettes fiscales.
Comparons ces sommes avec le niveau de la dette de moyen et long terme qui pèse aujourd’hui sur l’État !
Nos compatriotes, toujours plus curieux, ont fait une autre découverte : depuis janvier 1973 et la loi Giscard sur la Banque de France, notre pays s’est privé de l’instrument de politique économique que pouvait constituer la politique monétaire, et notamment l’émission de valeurs pour le compte du Trésor.
Rappelons-nous que cette loi fut promulguée quelques jours seulement avant le lancement de l’emprunt 7 % de janvier 1973, le trop fameux « emprunt Giscard », indexé sur l’or. Ce dernier avait comme objectif de solder le coût d’une mise en œuvre retardée de la TVA dans certains secteurs d’activité et l’abandon de recettes courantes.
En 1973, on s’endettait sur le long terme pour payer ce dont on avait besoin tout de suite : le contraire même de ce qu’il faut faire ! Vous connaissez tous le résultat et le coût pour le budget de l’État.
Aujourd’hui, quand l’État a besoin d’argent, il passe par les marchés et émet un volume croissant de bons du Trésor sur formule, une sorte de « planche à billets » à titre onéreux !
C’est dans ce cadre qu’il faut nous interroger sur l’indépendance de la Banque centrale européenne. Il est temps, de notre point de vue, de mettre clairement en question le rôle de cette institution, véritable clef de voûte de l’actuelle construction européenne.
Je dois l’avouer, je trouve quelque peu surprenant que le Président de la République exprime autant de reproches à l’encontre de la BCE : il critique notamment le fait qu’elle n’agisse pas encore en prêteur en dernier ressort, qu’elle n’ouvre pas de ligne de prêts à faible taux pour financer les politiques d’investissement des États membres.
Or cette conception de la BCE figure expressément dans le traité de l’Union européenne consolidé et le fameux « mini-traité » de Lisbonne, tant promu et défendu par le Président lui-même !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, regardons l’avenir. Il va bien falloir que nous repensions effectivement le rôle de la Banque centrale européenne, car elle doit devenir l’un des moteurs de la croissance de notre continent, en apportant son concours au développement des États membres, des infrastructures, des capacités d’innovation et de recherche.
Il convient de créer les conditions d’un financement moins coûteux de l’action publique et d’un développement économique et social porteur d’un nouveau type de croissance, plus respectueux de l’environnement, des territoires et des êtres humains eux-mêmes.
Si nous ne nous opposerons pas à l’adoption des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », nous en appelons à un engagement fort pour dégager l’action publique de la contrainte des marchés. Mais nous suivrons l’avis de M. le rapporteur spécial de la commission des finances, qui a préconisé le rejet des crédits prévus pour les comptes spéciaux relatifs à la gestion patrimoniale de l’État et aux opérations monétaires internationales.
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Engagements financiers de l’État » est une mission essentielle puisqu’il s’agit de la troisième du budget général en volume et qu’elle retrace principalement la charge de la dette, ce qui, par les temps qui courent, n’est pas rien.
La croissance de la charge de la dette est d’ailleurs l’unique facteur de l’augmentation des crédits de cette mission, lesquels progressent de 6 % entre 2011 et 2012, pour atteindre 49,9 milliards d’euros.
En 2011, la charge nette de la dette s’est accrue de 6,3 milliards d’euros, dont 1,4 milliard d’euros au titre de la charge d’indexation du capital des titres indexés. Elle atteint désormais 46,8 milliards d’euros et devrait encore augmenter de 2 milliards d’euros en 2012.
Cette hausse est très largement due à l’encours croissant de la dette de notre pays. Selon les estimations, l’effet volume sur l’augmentation de la charge de la dette négociable se traduit par un coût supplémentaire de 2,7 milliards d’euros.
Faut-il le rappeler, les chiffres de notre dette publique sont alarmants : celle-ci est passée de 64,2 % du produit intérieur brut en 2007 à 87,4 % en 2012. Notre collègue député, Dominique Baert, dans son rapport spécial sur la mission « Engagements financiers de l’État », envisage même que la dette puisse atteindre 95 % du PIB en 2013.
Or la soutenabilité de notre dette pourrait être fortement menacée par un ralentissement de la croissance, une hausse des taux d’intérêt ou une baisse de la confiance des marchés.
D’ailleurs, cette soutenabilité n’est-elle pas déjà remise en question ? Souvenez-vous des avertissements formulés par une célèbre agence de notation, déclarant, le 17 octobre dernier, que notre dette était « sous surveillance ». Ne faut-il pas s’interroger sur le comportement, pour le moins dérangeant, de certaines banques et compagnies d’assurance françaises, qui n’ont pas hésité à revendre massivement des titres de la dette au lendemain même de cette annonce ?
La charge de la dette négociable augmente également sous l’effet des taux d’intérêt, même si ces derniers ont pour l’instant un effet plus limité, estimé à 0,4 milliard d’euros. Cependant, il nous faut être très prudents et ne pas négliger les effets néfastes d’une possible augmentation des taux directeurs de la BCE.
Par ailleurs, l’inflation a un impact budgétaire sur les provisions pour obligations indexées. Cet impact, monsieur le ministre, serait, selon les chiffres du Gouvernement, de 1,5 milliard d’euros pour un point d’inflation, comme l’a rappelé tout à l’heure Mme la rapporteure générale.
Les crises des dettes souveraines dans le reste de la zone euro ne sont évidemment pas sans effet sur nos finances publiques. Au demeurant, voici ce que votre collègue Frédéric Lefebvre a annoncé devant la commission des finances de l’Assemblée nationale : « Selon une estimation provisoire, l’aide financière à la Grèce, à l’Irlande et au Portugal, via le FESF, ferait augmenter notre dette de près de deux points du PIB en 2012. » C’est sans compter sur une aide probable à l’Italie, qui est actuellement en très grande difficulté, comme en témoignent les conclusions du dernier sommet de l’Eurogroupe.
Je ne m’attarderai pas sur la dégradation récente et très inquiétante des conditions d’emprunts de l’État français sur les marchés. Je rappelle que, selon Philippe Mills, le directeur général de l’Agence France Trésor, la perte du triple A pour la France représenterait un surcoût de 120 à 150 points de base pour se financer, soit 2,5 milliards à 3 milliards d’euros supplémentaires par an.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de conclure, j’aborderai trois points.
Tout d’abord, je veux souligner que les deux tiers de notre dette sont actuellement détenus par des non-résidents, contre moins de la moitié au début des années deux mille. Bien que cette question ne semble inquiéter ni l’Agence France Trésor ni le Gouvernement, j’émettrai pour ma part de très fortes réserves sur le fait que cela ne représenterait aucun danger. Cette part importante de la dette détenue à l’extérieur de la zone euro accroît en effet notre dépendance, et peut-être notre vulnérabilité face aux marchés.
Ensuite, je souhaite insister sur l’importance des collectivités territoriales,…