M. Didier Boulaud. On n’est pas là pour noter les hommes, on est là pour noter un budget !
M. Robert del Picchia. Réfléchissez bien, ce ministère fonctionne bien, avec, à sa tête, un ministre qui défend, comme je le disais précédemment, son budget. Écoutez, ayez un peu de courage pour reconnaître que l’autre partie de l’hémicycle a peut-être raison ! C’est d’autant plus facile que, en privé, vous semblez souvent d’accord avec nous.
M. Didier Boulaud. Vous disiez la même chose il y a un an !
M. Robert del Picchia. Permettez-moi de vous dire qu’il est des moments où l’on ne comprend pas votre logique politique. On se demande même parfois si vous en avez une !
M. Didier Boulaud. C’est difficile d’être dans l’opposition !
M. Robert del Picchia. Les Français, qui, dans leur immense majorité, sont satisfaits de notre politique étrangère,…
M. Didier Boulaud. Je le répète : c’est difficile d’être dans l’opposition !
M. Robert del Picchia. … risquent de ne pas comprendre votre refus de voter ce budget, et vous allez peut-être perdre, si je peux me permettre cette observation, une bonne occasion de faire preuve de « politique de bon sens ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Boulaud. Vous nous avez émus, monsieur del Picchia ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Natacha Bouchart. Nous ne sommes pas à l’école maternelle !
Mme la présidente. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, ce débat sur le budget nous conduit à aborder – c’est une chance ! – un certain nombre de problèmes de politique générale. À cet égard, je tiens à évoquer l’onde de choc des printemps arabes, la Tunisie, le Maroc, la Libye, l’Égypte, le Yémen, Bahreïn et la Syrie.
Nous avons assisté à un certain nombre de convergences, partout. Le mouvement islamique est général. Il suscite, au moment des élections, une certaine déception quand les islamistes gagnent, un peu d’inquiétude, mais jamais réellement de peur.
La contestation a été déclenchée par des jeunes, qui défendent les valeurs qui sont les nôtres : la liberté, l’égalité et la démocratie. Mais le paradoxe veut que les « vieux islamistes » reviennent. Certes, ils ne sont pas forcément si vieux que cela, mais les plus anciens sont des exilés, des persécutés, des « victimisés », porteurs d’un potentiel électoral sûr.
On constate le rejet catégorique de la classe politique, épuisée, corrompue, qui n’a plus de légitimité. On constate également, au Maroc et en Jordanie notamment, que les monarchies résistent mieux.
Nous avons eu quelques surprises, qu’il nous appartient d’analyser. À cet égard, j’insisterai sur le Maroc, pays dont je reviens et où, avec d’autres, j’étais observateur des élections.
Le roi du Maroc a su anticiper les élections de 2002 et de 2007, et fait évoluer le régime. La maîtrise du mouvement islamiste est relativement balisée. Le roi a fait preuve de réactivité par rapport au mouvement du 20 février 2011 : discours du 9 mars, référendum du 1er juillet et élections du 25 novembre. Au demeurant, ces élections ont fait apparaître une poussée des islamistes : le PJD, le parti de la justice et du développement, est passé de 46 députés à 107, malgré l’action du roi, qui avait, incontestablement, essayé de maîtriser cette montée en puissance. Le Palais avait impulsé en 2008 la création d’un parti, le PAM, le Parti Authenticité et Modernité, et, en 2011, celle d’une coalition, la Coalition pour la démocratie, dite « le G8 ».
Les islamistes ont obtenu un nombre important de sièges, mais pas la majorité. Il sera intéressant de voir évoluer le régime nouveau.
Pour l’instant, nous pouvons dire que l’on passe de la contestation à la prise du pouvoir, plus ou moins pacifique et légale.
Observons l’exercice de ce pouvoir !
Monsieur le ministre d’État, j’aurais envie de rappeler certains événements d’hier.
Je commencerai par les années 1990-1991 en Algérie, quand le Front islamique du salut, le FIS, a gagné des élections et a obtenu 82 % des sièges. L’armée a réglé le problème…
En 2006, cela me paraît important, le Hamas a gagné en Palestine, où la communauté internationale était présente. Nous étions « observateurs » des élections ; nous avons assisté, stupéfaits, à une victoire du Hamas à laquelle nous ne croyions pas jusqu’à la veille des élections.
Mais le fait important et lourd de conséquences, jamais complètement analysé, c’est le refus de la même communauté internationale de valider des élections qu’elle avait observées ! Tout ce qui a suivi en découle. La démocratie en a pris un coup !
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
Mme Josette Durrieu. Parmi les conséquences, je citerai, au risque de paraître brutale dans la démarche, qu’il y a, entre autres, Gaza !
Et aujourd’hui ? La prise du pouvoir dans certains pays tels que la Tunisie, la Libye ou l’Égypte se fait d’une autre façon, mais veut se poursuivre par des élections.
J’en reviens au Maroc, où justement les élections nous placent face à l’évolution intéressante d’un régime ; il faut l’observer. Nous voyons, nous, ce pays s’installer dans une monarchie parlementaire. Qui l’eût cru ?
En effet, selon la Constitution, le Premier ministre doit être issu de la majorité, en l’occurrence, celle qui vient de gagner. C’est donc le secrétaire général du Parti de la justice et du développement, le PJD, secrétaire général du parti islamiste, qui sera chef du Gouvernement. Dans le même temps, le roi restera chef du conseil des ministres.
Voilà un système où s’installe une forme de cohabitation assez surprenante, mais telle est la réalité. Il nous faudra observer l’évolution de ce régime nouveau, susceptible de devenir un modèle, le modèle marocain.
Et la démocratie ? Sera-t-elle pluraliste ? Quid de la relation laïcité/charia ? Une nouvelle forme de démocratie émergera-t-elle ? S’agira-t-il d’une démocratie endogène faite d’autres choses, de spécificités et probablement de créativité ? C’est possible, mais ce sera sûrement long.
Observons !
Au demeurant, beaucoup de menaces et de divisions subsistent.
Je citerai la Syrie, que vous observez aussi, monsieur le ministre d’État, et c’est tant mieux ! Le régime est brutal et sanguinaire, mais le pays est de plus en plus isolé, lâché par certains, la Turquie ; lâché par la Ligue arabe ; lâché peut-être un peu aussi par le Hezbollah.
Alors, intervention ou non ? Qui s’y risquerait ? La Turquie : ira, ira pas ? Elle n’ira pas seule. Avec l’ONU, l’OTAN ? Elle envisage la création d’une « zone tampon » de quatre à cinq kilomètres. Bien sûr, les réfugiés arrivent, et avec eux les Kurdes de Syrie...
Ainsi des situations différentes se créent ; elles ne sont pas sans risques. Soyons des observateurs, et la France avec vous, monsieur le ministre d’État.
Vous avez évoqué un corridor humanitaire, soit ! Vous y reviendrez un peu plus longuement, je suppose.
En cas d’attaque, y aurait-il riposte ? Le problème est de savoir jusqu’où ne pas aller trop loin. Nous sortons d’une affaire, je veux parler de la Libye, qui s’est bien terminée. Nous avons approuvé votre détermination sur ce sujet. Mais la France et le Royaume-Uni étaient seuls ; les Allemands étaient absents. Le coût est estimé à 300 millions, voire 350 millions d’euros.
Le monde est en pleine recomposition. Il demeure beaucoup d’incertitudes et sans doute y aura-t-il encore des ruptures.
Notons le repli du leadership américain, notamment en Europe.
Notons la perte d’influence de l’Europe. Encore une fois, en Libye, la France et le Royaume-Uni étaient seuls.
Notons que l’Union européenne, absente politiquement, est toujours très présente, quand elle est sollicitée financièrement. En Palestine, et depuis 2005, l’Union européenne consacre à peu près 50 millions de dollars par mois à l’accompagnement de l’Autorité palestinienne.
Notons qu’au Liban, pour ne prendre que le seul exemple de l’opération Daman, la France a consacré à ce titre 83 millions d’euros en 2010 et il est prévu 77 millions d’euros en 2011. Voilà une réalité ; elle n’est sans doute pas à la dimension des sollicitations à la fois de la France et de l’Union européenne au Moyen-Orient.
Notons aussi le déplacement du centre de gravité, bien sûr vers l’Asie et vers la Chine.
Notons enfin tous ces bouleversements dans le monde arabo-musulman.
Monsieur le ministre d’État, nous voudrions accompagner ce bel élan d’émancipation, ce beau printemps arabe, afin qu’il s’inscrive réellement dans la durée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous le savons et nous en sommes fiers, la France vient de jouer un rôle essentiel dans ce que l’on appelle le « printemps arabe », ce qui m’amène d’emblée à déplorer que la mission « Action extérieure de l’État », qui porte pourtant la voix de notre pays et participe à son rayonnement, n’ait pu se sortir des méandres d’une révision générale des politiques publiques bien aveugle. Quel dommage et quelle occasion manquée d’asseoir un peu plus notre position dans ce monde désormais épris de liberté, et tant mieux !
Monsieur le ministre d’État, je m’attendais à ce que votre arrivée coïncide avec la continuation de l’effort consenti l’an passé. Pourtant, malgré l’accroissement de nos engagements multilatéraux, les crédits accordés à cette mission sont en baisse de 2 % pour les autorisations d’engagements et de 1,4 % pour les crédits de paiement.
En découle principalement la perte de 378 emplois équivalents temps plein. Et notons que, depuis 2006, le Quai d’Orsay a vu ses effectifs diminuer de 10 %, mouvement qui devrait malheureusement continuer jusqu’en 2013, avec la suppression de 450 postes, toujours en application de la révision générale des politiques publiques.
Monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je m’interroge vraiment sur l’opportunité d’une telle politique. Bien sûr, il est nécessaire de faire des économies, nous le savons. Bien sûr, nous devons impérativement prendre à bras-le-corps la crise de la dette publique. Néanmoins, devant l’ampleur du bouleversement géopolitique actuel, est-il bien raisonnable de remettre en cause l’universalité de notre réseau diplomatique – car c’est bien de cela qu’il s’agit ! –, alors que la France peut, cela a été dit, s’enorgueillir de disposer de l’un des réseaux d’ambassades et de consulats parmi les plus importants ?
Ce qui est sûr, c’est que, au travers de la redéfinition des postes diplomatiques, se pose la question de la capacité de certaines ambassades, voire de certains consulats, à assurer l’ensemble de leurs missions. Si les ambassades « à missions prioritaires » bénéficient d’un soutien particulier, que va-t-il advenir des ambassades dites « à missions spécifiques » ?
Imposé finalement sans véritable concertation, le redéploiement des effectifs diplomatiques est marqué par une absence de prospective. L’actualité récente nous montre pourtant que les pays prioritaires d’aujourd’hui ne seront pas nécessairement ceux de demain.
Monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, compte tenu du peu de temps qui m’est imparti, je me concentrerai sur le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », et spécifiquement sur la ligne budgétaire consacrée aux opérations de maintien de la paix.
Je m’inquiète de la baisse de 14 % des crédits alloués qui, comme le souligne très justement le rapporteur spécial, constitue un véritable pari dont on ne peut connaître par avance les répercussions. Ces crédits risquent de devoir être réévalués.
Monsieur le ministre d’État, en terminant – déjà ! –, au nom de tous mes collègues radicaux de gauche, je me félicite à cette tribune de la libération du peuple libyen, dans laquelle la France a joué un rôle central et prépondérant.
L’opération Harmattan fut incontestablement un succès politique et militaire. Nous l’avons soutenue, je le rappelle, dans le cadre fixé par les Nations unies. Et, puisque j’évoque les Nations unies, je veux vous dire que les radicaux de gauche, eux aussi, sont très attachés au droit de veto de la France.
Toutefois, en tant qu’Européen convaincu, permettez-moi de voir dans la manière dont les événements se sont déroulés le signe de l’incapacité de l’Europe à s’entendre sur les plans diplomatique et militaire. Une fois de plus, et je le ferai inlassablement, je répète que seule une Europe fédérale, que les radicaux de gauche appellent de leurs vœux, nous permettra de construire une véritable politique extérieure à l’échelle du continent et, bien entendu, de surmonter la terrible crise budgétaire et financière que nous traversons.
Pour toutes les raisons que j’ai rapidement évoquées, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, les sénateurs radicaux de gauche et la grande majorité des membres du RDSE ne voteront pas en faveur des crédits accordés à cette mission. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le ministre d’État, je voudrais d’emblée vous remercier, car vous êtes parvenu à nous présenter un budget qui, dans un contexte difficile, ne diminue pas et réussit même à intégrer des coûts nouveaux, ceux de l’organisation, pour la première fois, d’élections législatives à l’étranger.
C’est un défi de taille, puisqu’il s’agit non seulement de faire fonctionner huit cents bureaux de vote, mais aussi de franchir une nouvelle étape dans la mise en œuvre du vote par Internet et par correspondance.
Dans ce projet de budget, il est pris acte des efforts considérables réalisés par le ministère ces dernières années et de l’impossibilité structurelle de réduire encore les dotations, sous peine de voir remises en cause à la fois notre capacité d’influence internationale et la réalité même des services publics dispensés aux Français de l’étranger.
Malgré une rationalisation du réseau consulaire qui impose des charges de travail extrêmement lourdes, je voudrais d’abord saluer l’amélioration globale de la qualité des services. Ainsi, le délai moyen de traitement des demandes de cartes d’identité a été réduit, en l’espace de deux ans seulement, passant de soixante-neuf jours à cinquante jours.
Autre réalisation importante au vu de l’évolution de l’environnement géopolitique et des catastrophes naturelles récentes, le taux d’actualisation des plans de sécurité des ambassades est passé de 47 % l’an dernier à 100 % aujourd’hui.
Afin de permettre la mise en œuvre d’améliorations ciblées, adaptées aux problématiques spécifiques des différents pays, il me semblerait utile d’encourager les consulats à mettre à la disposition des usagers des questionnaires de satisfaction, comme cela vient de se faire à Londres.
Je salue aussi, en matière de télé-administration, les progrès qui s’inscrivent dans une perspective non seulement de maîtrise des coûts, mais aussi d’amélioration de l’accessibilité des services administratifs. Cela est indispensable aux Français qui résident loin de tout consulat. La mise en ligne, la semaine dernière, de l’interface MonConsulat.fr constitue une nouvelle étape vers une ergonomie et une efficacité accrues.
L’électronique a cependant parfois ses limites. Le contact humain reste nécessaire pour les usagers peu à l’aise avec les interfaces Internet ; il reste indispensable pour un certain nombre de procédures, les consulats étant censés remplir la plupart des missions des mairies françaises.
Alors que la France ne compte plus que 233 consulats, le rôle des 496 consuls honoraires est plus stratégique que jamais. Mais, pour que ces bénévoles, français ou étrangers, puissent remplir plus efficacement leurs missions, il importe de leur en donner les moyens.
En 2009 avait été lancé le chantier de création d’un extranet mettant à la disposition des consuls honoraires des outils de travail et des supports d’information et de formation. Il constituera un appui puissant et peu onéreux. J’attire votre attention, monsieur le ministre d’État, sur la nécessité de mener à bien ce chantier dans les meilleurs délais.
De même, une journée annuelle d’accueil à Paris pour sensibiliser ces consuls honoraires à nos grands dossiers, comme cela se fait pour les ambassadeurs et dans d’autres pays, serait très appréciée.
La synergie entre les consuls et consuls honoraires et les élus de terrain, conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, sénateurs et, l’an prochain, députés, doit encore être renforcée.
En termes de ressources humaines, je note aussi que les suppressions d’effectifs ont, ces dernières années, surtout affecté les agents de droit local, contractuels, vacataires, volontaires internationaux et stagiaires.
La règle du non-remplacement d’un départ la retraite sur deux pour les fonctionnaires n’a pas toujours été appliquée de manière très rigoureuse.
Les fonctionnaires titulaires sont souvent d’une remarquable qualité, d’ailleurs reconnue par tous, mais il me semble que le recours à d’autres catégories de personnel permettrait, au-delà de l’intérêt budgétaire évident, d’enrichir le ministère de nouveaux talents, tout en offrant à des jeunes une expérience professionnelle et humaine particulièrement stimulante et formatrice.
Comme l’a souligné, il y a quelques semaines, le Conseil économique, social et environnemental, la mobilité internationale des jeunes doit être davantage accompagnée. Cela passe par un appui renforcé aux programmes de volontariat en entreprise et en administration ou aux volontariats de solidarité internationale, notamment en termes de soutien au moment du retour en France.
Favoriser les volontariats internationaux en entreprise serait aussi un moyen de faciliter l’accès à ces programmes à des jeunes moins diplômés, qui demeurent les grands absents de la mobilité internationale.
Le développement de la dimension internationale du service civique doit également être promu.
Quant aux jeunes qui grandissent à l’étranger, l’enjeu, pour eux, est bien sûr celui de la scolarité. Je suis heureuse de constater l’augmentation de l’enveloppe des bourses, qui passe de 84 millions à 93 millions d’euros. Mais, comme l’an dernier, je voudrais insister sur la nécessité d’adopter, au-delà de la polémique récurrente autour de la PEC – le prise en charge –, une approche plus globale, car près des trois quarts des enfants français à l’étranger n’ont pas accès au réseau piloté par l’AEFE.
Développer d’autres filières éducatives en français et « à la française » répondrait à la fois à la nécessité de garantir aux enfants français expatriés une continuité avec leur cursus français et aux exigences de notre diplomatie d’influence.
Les supports pédagogiques dématérialisés se développent et leurs synergies s’accroissent.
Le CNED, le Centre national d'enseignement à distance, permet à 15 000 élèves scolarisés à l’étranger de bénéficier d’un enseignement français à distance. Il a développé de nombreux partenariats.
Comme je l’ai souligné dans mon rapport sur l’audiovisuel extérieur, TV5 Monde diffuse des contenus francophones de très grande qualité pédagogique, par le réseau télévisuel et Internet. J’ai d’ailleurs insisté vendredi, à cette tribune, comme je l’avais fait auparavant en commission, pour que la tutelle de l’AEF vous revienne, monsieur le ministre d’État.
Il y a cependant encore beaucoup à faire en termes d’initiatives institutionnelles.
Plusieurs des pistes que j’avais évoquées l’an dernier ont toutefois donné lieu à de véritables avancées.
Par exemple, le programme FLAM – français langue maternelle – connaît un succès croissant. Cette année, soixante-deux associations dans vingt-cinq pays ont pu être aidées. Je me réjouis que le budget de 600 000 euros ait pu être maintenu, car son effet de levier est particulièrement fort. En effet, les subventions ne viennent qu’en appui de financements privés et elles ne peuvent être perçues au-delà de cinq ans.
Les actions de collaboration internationale, qu’il s’agisse du programme Jules Verne ou de l’appui aux filières bilingues, devraient aussi être encouragées, d’autant qu’elles ne pèsent qu’assez peu sur le budget de l’État, puisqu’elles mobilisent des financements privés ou étrangers.
Je note avec soulagement que l’enveloppe de 3,14 millions d’euros consacrée à l’action internationale a pu être sanctuarisée dans le budget de l’éducation nationale.
Je me réjouis aussi de la création du Haut conseil de l’enseignement français à l’étranger et d’un comité de pilotage stratégique associant le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère de l’éducation nationale, pour faciliter l’articulation entre leurs différentes composantes.
Enfin, la création du label « FrancEducation », qui vise à labelliser une centaine d’établissements étrangers d’excellence, est une grande avancée.
Le décret portant création de ce label n’ayant pas encore été publié, j’aimerais attirer votre attention, monsieur le ministre d'État, sur la nécessité d’allouer un budget spécifique à cette initiative, à travers une dotation particulière à l’AEFE.
L’État aura en effet tout intérêt à accompagner la montée en charge de ces dispositifs innovants, qui permettront de démultiplier le nombre d’étudiants, moyennant un investissement modeste pour le budget public.
Je conclurai par deux brèves remarques sur l’action sociale.
La dotation consacrée à celle-ci est maintenue à 19,8 millions d’euros. Or, au regard de la croissance de la communauté française à l’étranger et des conséquences de la crise mondiale, il aurait été très opportun d’accroître cette enveloppe, ce qui aurait permis une réévaluation du taux de base pour faire face à l’augmentation du coût de la vie dans de nombreux pays.
Toujours au sujet de cette dotation, je souhaiterais connaître le bilan de la première année d’existence de la ligne budgétaire de 498 000 euros allouée aux hospitalisations d’urgence, une initiative extrêmement importante - des vies peuvent être sauvées - prise en réponse à un vœu de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, je vous réitère, monsieur le ministre d'État, mes remerciements pour ce budget tout aussi responsable que sincère et j’appelle mes collègues, au-delà des positions partisanes et au regard du contexte financier, à faire acte de responsabilité personnelle en le votant.
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous n’allons pas le voter !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, le débat est budgétaire et laisse peu de temps à une discussion de politique générale.
Les outils de la diplomatie d’influence supposent une bonne coordination et une grande modestie. Aussi vais-je vous proposer, monsieur le ministre d'État, trois pistes qui ne pèseront pas d’un centime sur votre budget. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste-EELV) : le suivi des étudiants et stagiaires étrangers, la coopération décentralisée et, si possible, la rénovation de la diplomatie parlementaire.
À ce jour, monsieur le ministre d'État, personne en France n’a une idée précise du nombre et de la qualité des stagiaires étrangers invités sur argent public.
Une étude sur les écoles de défense logées à l’École militaire démontrait que, sur les 6 000 à 7 000 stagiaires militaires et ingénieurs passant en formation sur le site, il n’y avait que 10 % d’étrangers et que le suivi des « anciens » se fondait toujours sur le bénévolat et l’adresse postale. Les Allemands ont, eux, un taux de suivi d’environ 70 %...
Un ambassadeur, un attaché de défense ou un industriel français se déplaçant à l’étranger ne dispose ainsi d’aucun élément sur les stagiaires formés dans notre pays, ce qui les prive à mon avis d’un réseau qui pourrait être plein d’intérêt.
On pourrait faire la même remarque pour ce qui concerne l’expertise française, par exemple dans le domaine stratégique.
Les centres stratégiques aidés par le ministère des affaires étrangères – Institut français des relations internationales, Centre d’études et de recherches internationales, Institut des relations internationales et stratégiques, etc. – ne pèsent pas, tous additionnés, le même poids que la RAND ou le CSIS américain. Ne pourrions-nous pas mettre en place, monsieur le ministre d’État, des opérations de suivi ?
La question de leur visa et de leur statut est un cauchemar pour les jeunes diplômés étrangers en France, et j’ai souligné à de nombreuses reprises – en particulier lors de l’examen du texte sur la LME, la loi de modernisation économique, qui comporte des dispositions sur l’attractivité des territoires – l’absurdité de notre politique en matière de visas, politique également souvent dénoncée par notre ancien collègue Adrien Gouteyron. À cet égard, l’affaire de la circulaire du 31 mai, sur laquelle notre collègue Jean-Marie Bockel et moi-même avons interrogé M. Guéant en commission des affaires étrangères n’est guère encourageante.
Comme titrait ce matin le journal Libération,…
M. Richard Yung, rapporteur spécial. Bonne lecture !
Mme Nathalie Goulet. … la France « se tire une balle dans le pied avec sa politique d’exclusion » ou sa politique d’immigration choisie en faveur des porteurs de « carte Visa Gold », pour reprendre le nom que Bariza Khiari, qui préside aujourd’hui nos débats, avait donné à ce visa particulier destiné aux étrangers richement dotés.
J’en viens à la coopération décentralisée.
Au total, 4 754 collectivités territoriales françaises mènent environ 12 000 projets dans 139 pays, les financements sur les fonds propres de ces collectivités s’étant élevés en 2009 à près de70 millions d’euros, et il n’y a pas davantage de coordination avec votre ministère, monsieur le ministre d’État.
Cette dispersion d’efforts est évidemment à l’image du reste. C’est dire la projection à l’étranger des divisions politiques françaises ! J’ai ainsi cité hier l’exemple de la Basse-Normandie et de la Haute-Normandie, l’une et l’autre jumelées à des régions chinoises. Il est dommage que toute la politique de coopération décentralisée ne soit pas mieux coordonnée.
S’agissant enfin de la diplomatie parlementaire, dont j’ai également parlé hier lors de l’examen des crédits de la mission « Économie », je crois très sérieusement qu’il ne faut pas se montrer aussi méfiant à l’égard de la diplomatie parlementaire, à laquelle recourent abondamment les Anglo-Saxons.