Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si les crédits de la mission « Santé » semblent connaître une progression, à bien y regarder, on constate qu’ils restent quasiment stables. Car il n’y a en fait aucune augmentation ; il s’agit seulement de transferts. Comme l’a souligné le député Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur cette mission, on se contente de « déshabiller Pierre pour habiller Paul » !
Si les crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » sont en hausse, les moyens supplémentaires seront principalement destinés à l’action n° 16, Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires, plus particulièrement à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS.
Au sein de la mission « Santé », je regrette que les crédits de l’action n° 14, Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades, diminuent de 4 %, alors que les scientifiques s’inquiètent de la hausse des maladies chroniques, comme les cancers, les diabètes, l’obésité ou les maladies cardiovasculaires.
Pourquoi une telle rigueur budgétaire ? Selon la Fédération internationale du diabète, le nombre de diabétiques en France devrait croître de 55 % d’ici à 2025. La prévention des maladies chroniques est essentielle, car elle permet de réaliser des économies sur le long terme.
Il est également surprenant de constater que les crédits de l’action n° 11, Pilotage de la politique de santé publique, baissent de 2,6 %, ce dont l’InVS subira les conséquences. Entre 2011 et 2012, l’Institut devrait voir son plafond d’emplois diminuer de onze équivalents temps plein travaillé, au lieu des six qui étaient initialement prévus. Les sommes mobilisées ne sont pas à la hauteur des besoins. En effet, la progression des maladies chroniques et des problématiques de santé environnementale justifieraient d’y consacrer des moyens budgétaires plus importants.
On soumet l’InVS à la rigueur au moment où il est de plus en plus sollicité ; il faudrait au contraire le doter des moyens structurels nécessaires !
Autre aspect surprenant de la rigueur, les crédits d’intervention des ARS subissent une baisse de 3,6 %. Leurs plafonds d’emplois sont en diminution. De 2011 à 2012, on observe 163 suppressions d’emplois. Ces 26 agences, qui ont été créées en avril 2010 pour remplacer les anciennes agences régionales de l’hospitalisation, sont chargées de la politique sanitaire à l’échelon territorial et ont hérité de compétences larges.
À partir de 2012, les crédits seront intégrés dans les projets régionaux de santé et dans les schémas régionaux de prévention, alors qu’ils étaient auparavant répartis entre les différentes actions du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». Cette nouvelle présentation « globalisée » a l’inconvénient de ne plus permettre l’identification immédiate des objectifs de santé publique ainsi soutenus. Il y a une véritable opacité. Force est de constater, comme l’année dernière, que le suivi des crédits des ARS reste largement à améliorer.
Si l’on peut admettre que le statut des ARS et leur autonomie leur confèrent une liberté de gestion ne permettant pas une présentation en détail de leur financement, il demeure toutefois nécessaire de conserver une certaine visibilité et de renforcer l’information sur les crédits qui leur sont destinés.
À cet égard, on peut déplorer que le questionnaire budgétaire adressé par le rapporteur spécial de la commission des finances, Jean-Pierre Caffet, pour connaître les crédits globaux alloués aux ARS soit demeuré sans réponse sur ce point. Il serait également utile qu’une information soit consolidée sur l’ensemble des crédits destinés aux ARS en amont de l’examen du projet de loi de finances initiale.
Ainsi, nous ne sommes pas favorables au projet de budget que le Gouvernement nous propose pour la mission « Santé ».
Je souhaiterais évoquer les inégalités sociales en matière de santé et de mortalité, qui sont larges et s’accroissent de plus en plus !
C’est en France que les inégalités selon les sexes, les catégories sociales et les zones géographiques sont les plus fortes en la matière. Les plus instruits, les catégories de professions qualifiées et les ménages les plus aisés bénéficient d’une espérance de vie plus importante et se trouvent en meilleure santé. Les patients issus de milieux favorisés ont une fois et demie à deux fois plus de chances de guérir que les autres.
Par ailleurs, le taux de prématurité varie du simple au triple en fonction du niveau scolaire de la mère. Les inégalités apparaissent précocement. En effet, on détecte dès l’école des différences dans la prise en charge des troubles de la vue, des caries dentaires et du problème du surpoids.
Ces dernières années, le Gouvernement a aggravé les inégalités et abîmé le système de santé et de protection sociale des Français. (Mme Chantal Jouanno proteste.) On a fait de la santé un luxe pour nombre de nos concitoyens. Un Français sur quatre renonce à se soigner pour des raisons financières.
Depuis 2002, le Gouvernement a multiplié les forfaits, les franchises et les déremboursements, mais il n’a rien fait pour trouver des solutions aux problèmes majeurs rencontrés par les Français, qu’il s’agisse des dépassements d’honoraires, de l’allongement des listes d’attente ou de la difficulté à trouver un médecin le soir ou le week-end !
Les Français sont quotidiennement confrontés à de telles difficultés. La vérité, c’est que les dépassements d’honoraires constituent un obstacle à l’accès aux soins ! Les « déserts médicaux » se multiplient, à la campagne comme en banlieue. Ces problèmes existent depuis longtemps. Que fait le Gouvernement ?
Les disparités françaises peuvent s’expliquer par une politique de santé principalement axée sur l’accès aux soins plutôt que sur la promotion de la santé. Face à toutes ces inégalités, la prévention peut jouer un rôle important. Elle doit devenir une priorité en matière de santé publique.
La Cour des comptes a relevé qu’on ne disposait pas d’une vision globale des moyens consacrés à la prévention. Elle a également critiqué le mode de gestion et l’organisation du système de santé en France, qui, à force de complexité, finissent par devenir opaques.
L’état des lieux est alarmant : les dépenses sont mal connues, les orientations et les priorités mal définies. Il y a des insuffisances dans le pilotage de la politique et des acteurs de la prévention, et l’évaluation de cette politique est limitée.
L’efficacité d’une stratégie préventive est appréciée en prenant en compte la durée de la vie et la qualité de la vie des personnes auxquelles elle s’applique. La santé est un bien collectif ; elle ne relève pas de la responsabilité individuelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Santé », qui figurent en loi de finances, sont sans commune mesure avec les sommes dont dispose la sécurité sociale, mais ils sont tout aussi essentiels, tant pour les professionnels que pour les usagers du système de soins.
D’ailleurs, et cela a été souligné par M. le rapporteur spécial comme par M. le rapporteur pour avis, ces crédits font aujourd’hui l’objet d’une augmentation en trompe-l’œil. En effet, la hausse de 5 % que cette mission affiche pour 2012 correspond quasi exclusivement au nouveau mode de financement de l’agence chargée de la sécurité sanitaire, faisant suite au scandale du Mediator.
Nous apprécions positivement le fait que le financement de la nouvelle agence ne soit plus lié au nombre d’autorisations de mise sur le marché délivrées par ses soins. En effet, cette situation était source d’ambiguïtés. La rupture avec ce mode de financement entraîne des dépenses supplémentaires pour le budget, ce dont vous tenez compte avec l’augmentation des crédits de la mission.
Mais nous restons très vigilants. Nous ne voulons pas revoir ce qui s’était passé pour le projet de loi de finances pour 2011, lorsque le Gouvernement avait ramené à zéro la dotation de l’État à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Les missions importantes de cet organisme nécessitent des financements durables. Nous souhaiterions que le Gouvernement s’engage aujourd’hui à ne pas réduire les moyens financiers et humains qui seront dédiés à cette structure.
Nous rejoignons également M. le rapporteur spécial lorsqu’il regrette que « la globalisation des ressources » des agences régionales de santé « altère la lisibilité des crédits qui leur sont affectés ». Une telle situation nous prive de lisibilité sur l’utilisation des crédits alloués aux ARS, et nous ne sommes pas en mesure de comparer pleinement les moyens, leur utilisation et les politiques mises en œuvre dans chacune des régions.
Il est donc impossible de vérifier si les régions les plus affectées par les inégalités territoriales en matière de santé bénéficient de compléments financiers destinés spécifiquement à les réduire.
C’est cette même logique de globalisation, couplée à la régionalisation des compétences, qui rend impossible l’élaboration d’une véritable stratégie en termes de santé publique. S’il est bien évidemment souhaitable que les régions bénéficient de marges d’action qui leurs sont propres, compte tenu des réalités locales, une politique de prévention nationale est primordiale.
Ce constat me conduit à aborder le programme « Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins ». Si nous prenons acte de son augmentation modérée, les remontées qui nous viennent du terrain nous inquiètent. En effet, il semblerait que cette hausse se fasse au détriment des opérations de proximité.
Or les besoins sont grands et les politiques préventives, notamment en matière de dépistages de l’hépatite C et du VIH, ont besoin d’un sérieux renforcement. Ainsi, selon le bulletin épidémiologique de l’InVS, en date du 25 mai 2011, « près d’un demi-million de personnes en France vivent avec une hépatite chronique B ou C, et la moitié d’entre elles ne le savent pas ».
Prenons le cas du virus du SIDA : on estime à 6 700 par an le nombre de personnes découvrant leur séropositivité et à 50 000 le nombre total de celles qui l’ignorent. Le cas des jeunes est particulièrement dramatique. Chaque jour, deux nouveaux jeunes de quinze ans à vingt-quatre ans sont infectés, une situation qu’ils ignorent souvent, puisque 71 % d’entre eux déclarent n’avoir jamais réalisé de dépistage. Il semble bien que notre modèle préventif soit en échec.
La situation exige donc que les pouvoirs publics envisagent un renouvellement et un renforcement de nos campagnes de prévention et de dépistage.
À cette occasion, madame la secrétaire d’État, nous souhaiterions vous interroger sur les tests rapides à orientation diagnostique, les TROD. En effet, un arrêté du mois de novembre 2010 a étendu les conditions d’utilisation de ces tests, ce qui est une bonne chose. Toutefois, les acteurs associatifs ne sont toujours pas autorisés à les utiliser. Pourtant, comme le démontre une étude biomédicale menée par l’association AIDES, une extension de ces tests rapides – on obtient le résultat en demi-heure – dans les lieux que fréquentent les populations les plus exposées est de nature à toucher des publics que l’on ne toucherait pas autrement.
Les seuls dispositifs qui existent actuellement consistent à faire venir les personnes vers les centres de dépistage. Ne serait-il pas pertinent, tout en finançant les associations, de les autoriser à faire de tels tests ?
Mme Laurence Cohen. Je voudrais aussi évoquer brièvement une profession dont on parle trop peu souvent, celle de sages-femmes.
Comme beaucoup, j’ai suivi leur mobilisation récente en faveur d’une meilleure reconnaissance de leur profession. Cela passe par une revalorisation des actes, sujet qui, je le concède, ne concerne pas le projet de loi de finances. Toutefois, c’est bien au Gouvernement que revient la prérogative de relever le montant des actes, qui est notoirement bas.
Mais la question dépasse de loin l’aspect financier : les sages-femmes ont également besoin de retrouver de la considération. Ne rien faire, c’est prendre le risque de voir le nombre de sages-femmes en exercice diminuer. Il est pourtant déjà particulièrement bas : près de 20 000 sages-femmes exercent aujourd’hui en France, ce qui représente 55 sages-femmes pour 100 000 femmes. Ce nombre est insuffisant, et la situation ne peut que continuer à se dégrader si vous poursuivez votre politique systématique de casse et de fermeture des structures de proximité.
Il faut également intervenir en amont, en apportant d’importantes modifications à la formation des sages-femmes. L’ensemble des organisations syndicales qui les représentent vous ont proposé la création d’une filière spécifique autour d’instituts universitaires en maïeutique. Mieux formées, grâce à un nouveau master universitaire se substituant à celui qui existe aujourd’hui, les sages-femmes demain pourraient intervenir dans des domaines de compétences qui leur sont aujourd’hui interdits. Elles pourraient ainsi proposer aux femmes qui le souhaitent, dans les maternités de niveau 3, c’est-à-dire au sein même des structures hospitalières, pour les grossesses ne présentant pas de risques particuliers, un accompagnement à la naissance moins médicalisé.
Tout cela nécessite que le Gouvernement réforme le processus de formation des sages-femmes. Compte tenu des missions nouvelles que je viens de détailler, nous souhaiterions que ces formations soient harmonisées sur le plan national et qu’elles intègrent un volet spécifique sur l’accompagnement post-accouchement des grossesses sans risques. D’ailleurs, cette préconisation a également été formulée par la Cour des comptes.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous l’aurez compris, au regard de toutes les inquiétudes que je viens de soulever, le groupe CRC votera contre les crédits de la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud. (M. Jean Desessard applaudit.)
Mme Aline Archimbaud. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, les quelques minutes dont je dispose pour m’exprimer sur la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2012 m’empêchent de vous faire part de toutes mes inquiétudes.
Je ne pourrai donc pas insister, comme je l’aurais souhaité, sur le manque d’ambition de ce budget en matière de sécurité sanitaire. À quoi bon renforcer les moyens de l’AFSSAPS si c’est pour diminuer d’autant ceux des autres opérateurs de la politique de santé publique ?
M. Ronan Kerdraon. À quoi bon, en effet ?
Mme Aline Archimbaud. Je pense notamment à l’Institut de veille sanitaire, à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé ou encore à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES.
Faute de temps, j’interviendrai donc seulement sur deux points.
Le premier volet de mon propos porte sur ce qui est pour moi une décision inacceptable : la réforme de l’aide médicale de l’État, un changement fortement préjudiciable aux 228 000 bénéficiaires de droit commun du dispositif et en totale contradiction avec sa vocation humanitaire et de santé publique.
Madame la secrétaire d'État, les mesures adoptées au cours de l’année passée étaient fondées sur des arguments fallacieux et ont laissé libre cours aux fantasmes de la droite extrême, fantasmes d’ailleurs démontés par les faits. Selon les observations formulées en 2010 par une mission conjointe de l’Inspection générale des finances, l’IGF, et de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, les bénéficiaires de l’AME sont majoritairement des hommes seuls, dans un état de santé dégradé, ne recourant aux soins qu’en cas de besoin et n’ouvrant de droits à plus de 80 % que pour eux-mêmes, les familles de plus de six personnes et plus constituant moins de 0,5 % du total des ouvrants droit.
Manifestement, les deux inspections n’ont été consultées que pour la forme. Dans le cadre de la réforme engagée en loi de finances pour 2011, il a été fait exactement le contraire de ce qu’elles avaient préconisé.
Par exemple, la mission conjointe, à qui vous aviez explicitement posé la question de l’opportunité de l’instauration d’un droit de timbre de 30 euros, avait clairement répondu que cela compromettrait largement l’accès aux soins des populations concernées par l’AME, populations dont les revenus sont, rappelons-le, le plus souvent inférieurs à 634 euros par mois.
En effet, un droit de timbre de 30 euros est susceptible de retarder la prise en charge médicale de ces personnes, et donc de la rendre plus coûteuse tout en accroissant le risque sanitaire encouru. En résumé, c’est un non-sens économique et sanitaire.
Notre politique de santé publique doit impérativement avoir comme objectif principal la santé de ses bénéficiaires, ce qui, lorsque des efforts sont réalisés, notamment en termes de prévention, nous évite d’être contre-productifs sur le plan financier : des malades mieux pris en charge, c’est une situation sanitaire améliorée et moins de dépenses de santé à long terme.
Aussi, madame la secrétaire d'État, je compte sur votre bon sens pour revenir dans les plus brefs délais sur cette mesure.
J’évoquerai également la démarche expérimentale mise en place depuis le printemps à Bobigny, dans mon département, la Seine-Saint-Denis. Il s’agit d’assortir la délivrance de chaque attestation d’AME d’une consultation de prévention, que les bénéficiaires de l’aide sont invités à effectuer dans des centres d’examens de santé.
Pourquoi ne pas étendre un tel dispositif au niveau national ? Car, chacun le sait, si maintenir une population en bonne santé n’a pas de prix, avoir une population en mauvaise santé a également un coût !
Le second sujet sur lequel j’interviendrai concerne la situation inquiétante de certains malades de l’amiante. À cet égard, je rejoindrai les préoccupations exprimées par Dominique Watrin, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
D’une manière générale, malgré une nette amélioration en 2010, les délais d’indemnisation par le FIVA sont de nouveau en train d’exploser, ce qui n’est pas admissible.
Je reprendrai les faits évoqués par mon collègue, tant ils sont préoccupants. À la suite d’un revirement de jurisprudence opéré par la cour d’appel de Douai, la justice demande aujourd’hui à environ 300 malades ayant été indemnisés de rembourser au FIVA des sommes allant de 5 000 euros à 10 000 euros. L’un d’entre eux se voit même réclamer 28 000 euros.
Bien évidemment, les victimes ont bien souvent déjà dépensé cet argent, qu’elles considéraient en toute bonne foi comme leur ayant été définitivement octroyé. Nombreuses sont celles qui sont aujourd’hui dans l’incapacité de rembourser de telles sommes, étant donné par ailleurs la modicité de leurs revenus.
Madame la secrétaire d'État, je sais que l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, l’ANDEVA, est sur le point de vous faire parvenir une lettre ; peut-être l’avez-vous déjà reçue ? Je ne puis que relayer ses attentes, en vous demandant aujourd'hui de bien vouloir renoncer à réclamer aux victimes le remboursement des sommes concernées. Pour les dossiers qui n’ont pas encore été examinés par la cour d’appel, je vous saurais gré d’enjoindre la direction du FIVA de ne pas créer de contentieux supplémentaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j’osais espérer que majorité et opposition pourraient pour une fois se retrouver pour reconnaître l’implication du Gouvernement sur la mission « Santé » de ce projet de loi de finances pour 2012.
Or, à lire les titres des différentes parties du rapport spécial et du rapport pour avis, à en lire le contenu, qui n’a d'ailleurs souvent pas grand-chose à voir avec le projet de budget, et à en lire les conclusions, je doute que nous parvenions à un accord.
Vous auriez pu reconnaître l'augmentation, malgré le contexte, du budget de la mission « Santé » et constater que l’axe privilégié dans ce cadre était la prévention des risques. Voilà des années que nous en parlons, que nous le souhaitons et que vous le demandez. Nous aurions pu tous nous en féliciter.
Vous dénoncez aujourd’hui le rôle des agences que vous réclamiez hier. Or nous devrions nous satisfaire ensemble de voir les crédits de l’AFSSAPS s’accroître de 40 millions d’euros, ce qui lui permettra de répondre à l'objectif assigné, c’est-à-dire fournir une expertise indépendante et de qualité.
Monsieur le rapporteur pour avis, alors que nous pourrions tous nous réjouir de telles évolutions, vous choisissez comme sous-titre de votre rapport : « Les critiques sévères de la Cour des comptes ». En réalité, il conviendrait de compléter cet intitulé en précisant : « sur trente années d’errements de la politique de santé publique ».
C’est vrai qu’il y a, dans le domaine de la santé, une multiplicité d’acteurs, un amoncellement de cloisons, un empilement de plans tous plus prioritaires les uns que les autres. C’est vrai aussi qu’il nous faudrait mener un énorme travail de remise à plat autour de la question de la santé publique. Pour autant, cette tâche est devant nous, et elle ne doit pas nous amener à condamner le budget tel qu’il nous est présenté !
Chers collègues de la majorité sénatoriale, un tel travail sera sans nul doute intéressant, car nous avons des divergences de vues fondamentales. Lorsque vous soutenez que les déterminismes sociaux l’emportent systématiquement sur les choix individuels, c’est un point sur lequel nous ne nous retrouverons pas !
Je tiens d’ailleurs à souligner la contradiction qu’il y a à s’opposer à la création d’un fonds d’indemnisation des victimes du tabac. Certes, le terme de « victimes » n’est pas adapté à nos yeux.
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur spécial. Nous en reparlerons !
Mme Chantal Jouanno. Mieux vaut en réalité faire référence aux « malades », dans la mesure où consommer du tabac relève d’abord d’un choix.
Pour notre part, étant plutôt favorables à l’instauration de taxes comportementales, nous regrettons que vous ne nous ayez pas suivis dans cette voie, toujours préférable, pour reconnaître la responsabilité individuelle et orienter les choix, à la solution de l’interdiction.
En revanche, puisque vous évoquez la question des inégalités, il aurait été souhaitable, à mon sens, de mettre l’accent sur celles qui existent en matière d’environnement. Asthme, allergies, cancers, problèmes de fertilité, voilà autant d’enjeux sanitaires très onéreux et de facteurs d’inégalités sociales et territoriales de santé extrêmement importants.
C'est la raison pour laquelle je m’étais moi-même beaucoup battue pour interdire le bisphénol A dans les biberons, pour empêcher l’utilisation des téléphones portables par des enfants, d’ailleurs sans succès d’ailleurs, ou encore pour favoriser la mise en place des zones d’action prioritaire pour l’air, les ZAPA.
Le débat ne fait que s’ouvrir. Il s’annonce difficile : en raison de la logique pastorienne, les questions de santé environnementale, autrement dit les effets à long terme des pollutions diffuses, sont toujours difficiles à aborder.
Malgré tout, si vous êtes vraiment décidés à débattre sérieusement des inégalités face à la santé, la santé environnementale et les inégalités face aux pollutions sont au cœur du sujet.
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme Chantal Jouanno. Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement a d'ores et déjà agi, lançant le plan national santé-environnement pour la période 2009-2013, dit PNSE 2, auquel il a consacré 490 millions d’euros. Par ailleurs, l’ANSES est aujourd'hui une agence reconnue, et on tient véritablement compte de ses expertises.
Pour conclure, je vous poserai la même question qu’à votre collègue de l’écologie : ne pourrions-nous pas regrouper au sein d’un même budget, sous la responsabilité d’un seul ministère, l’ensemble des actions liées à la santé environnementale, et surtout prévoir leur évaluation systématique ? Nous faisons beaucoup dans ce domaine, mais souvent de manière quelque peu dispersée.
Cela étant dit, puisque vous avez fait le choix, certes, difficile, de la responsabilité et de l'équilibre – il est toujours beaucoup plus aisé de dire « oui » à tout et de passer son temps à discourir –, je veux vous réaffirmer, au travers de l'examen de ce budget, toute notre confiance ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. Jean Desessard. Madame Jouanno, j’ai préféré votre propos sur la santé environnementale à votre conclusion !
Mme la présidente. La parole est à M. René Teulade.
M. René Teulade. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, à la fin du mois de septembre dernier, une vingtaine d’habitants de Clichy-sous-Bois apprenaient qu’ils étaient atteints de tuberculose. Aussi soudaine qu’imprévue, semblant dater d’une autre époque, la résurgence de cette maladie a mis en lumière l’abandon et la paupérisation croissante d’un certain nombre de quartiers où l’État est depuis longtemps porté disparu.
Contraste saisissant, le 11 octobre suivant, l’Organisation mondiale de la santé annonçait que la tuberculose, pour la première fois, avait reculé dans le monde. Dans un rapport, elle appelait notamment les États à investir davantage dans la lutte contre les formes de maladie résistantes aux médicaments.
Bien que considérée comme un pays développé, et nous nous en réjouissons, la France ne peut pas faire l’économie d’une telle recommandation. Je rejoins ce qu’ont dit mes collègues avant moi : comment ne pas nous insurger des inégalités devant la santé, droit pourtant constitutionnellement garanti par l’alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 ?
Alors que la chirurgie esthétique prospère, le droit à la santé devient une chimère pour un nombre toujours plus important de nos concitoyens. J’en veux pour preuve les résultats d’une récente étude, selon lesquels près d’un tiers des Français ont renoncé à se soigner en 2011. En Europe, seule la Pologne présente des statistiques plus inquiétantes.
Sans sombrer dans le pessimisme, nous devons être objectifs : se soigner a tendance à devenir un luxe, et le droit à la santé pour tous un mythe.
C’est à l’aune de ces remarques que j’aimerais émettre quelques commentaires sur le budget de la mission « Santé ». Ce dernier, dit-on, est en hausse de 12 % par rapport à celui de 2011. Néanmoins, il s’agit d’une augmentation en trompe-l’œil, car elle est principalement liée à la mise en œuvre de la réforme de la sécurité sanitaire du médicament, qui crée l’Agence nationale de sécurité du médicament, l’ANSM, en remplacement de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Afin d’éviter toute compromission, l’ANSM sera intégralement financée par une dotation budgétaire de l’État, à hauteur de 134,9 millions d’euros. Si nous nous réjouissons de cette évolution, nous regrettons que le renforcement des effectifs de cette agence se fasse au détriment des autres opérateurs du programme,…