M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement considère que cet amendement est largement satisfait puisque l’article 16 de la loi de finances rectificative pour 2011 a d’ores et déjà institué une contribution exceptionnelle à la charge des entreprises du secteur pétrolier. Je crois qu’il faut, de temps en temps, s’arrêter de taxer toujours et encore, notamment les entreprises du secteur industriel et surtout cette année.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Je remercie la rapporteure générale d’apporter le soutien de la commission des finances à cet amendement.
Je n’ai pas grand-chose à ajouter à l’argumentation que j’ai déjà développée, sinon pour préciser que cet amendement ne sera pas forcément coûteux puisque nous l’avons gagé, ce qui sous-entend qu’il pourrait être source de recettes supplémentaires pour l’État.
En premier lieu, notre préoccupation est de mettre en place une mesure fiscale afin d’inciter les sociétés pétrolières à s’orienter davantage vers la recherche sur les énergies alternatives.
En second lieu, il s’agit de mieux répartir le gâteau des bénéfices supplémentaires tirés par les sociétés pétrolières du fait de l’augmentation des tarifs à la pompe. Si elles engrangent des bénéfices, il nous semble légitime – d’autant que leur impôt n’est majoré que si leur bénéfice est supérieur de plus de 10 % à celui de l’année précédente – qu’elles en restituent une part à la collectivité : sur 10 milliards ou 15 milliards d'euros de bénéfices, Total peut donner un petit peu à la collectivité.
Ces deux raisons justifient pleinement le vote de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je voudrais simplement clarifier un point.
Cet amendement tend à instituer « une contribution égale à 40 % de l'impôt sur les sociétés » : il s’agit bien d’une surtaxe de 40 % à l'impôt sur les sociétés, la déduction pour investissement dans les énergies renouvelables étant limitée à 20 % de la contribution due. Cela représente tout de même 80 % de taxes supplémentaires pour le secteur pétrolier !
Par ailleurs, je précise à l’attention de M. Marc, qui le sait d’ailleurs très bien, que cette contribution ne s’appliquera bien évidemment pas à Total, puisque cette société ne paie pas d'impôt sur les sociétés en France.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C'est purement symbolique !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-93, présenté par MM. Adnot, Bernard-Reymond, Darniche, Husson et Türk et Mme Des Esgaulx, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article 44 sexies A du code général des impôts est abrogé.
II. - Le V de l’article 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « septième » ;
2° La deuxième phrase est supprimée.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Les amendements nos I-147 et I-164 sont identiques.
L'amendement n° I-147 est présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-164 est présenté par M. Plancade et Mme Blandin, au nom de la commission de la culture.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de l’article 44 sexies A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le second alinéa du 1 est supprimé ;
2° La seconde phrase du 3 est supprimée ;
3° Le 4 est abrogé.
II. – L’article 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 est ainsi modifié :
1° Au I, les mots et la phrase : « dans la double limite, d’une part, des cotisations dues pour la part de rémunération inférieure à 4,5 fois le salaire minimum de croissance, d’autre part, d'un montant, par année civile et par établissement employeur, égal à trois fois le plafond annuel défini à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, et dans les conditions prévues au V du présent article. Les conditions dans lesquelles ce montant est déterminé pour les établissements créés ou supprimés en cours d'année sont précisées par décret. » sont supprimés ;
2° Aux deux premières phrases du premier alinéa du V, les mots et la phrase : « à taux plein jusqu’au dernier jour de la troisième année suivant celle de la création de l’établissement. Elle est ensuite applicable à un taux de 75 % jusqu’au dernier jour de la quatrième année suivant celle de la création de l'établissement, à un taux de 50 % jusqu'au dernier jour de la cinquième année suivant celle de la création de l’établissement, à un taux de 30 % jusqu’au dernier jour de la sixième année suivant celle de la création de l’établissement et à un taux de 10 % jusqu’au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l'établissement. » sont remplacés par les mots : « au plus tard jusqu’au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l’entreprise ».
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du II ci-dessus est compensé, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l’amendement n° I-147.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement, qui tend à rétablir les exonérations de charges patronales dont bénéficiaient les JEI – les jeunes entreprises innovantes –, avait rencontré en commission l'assentiment des auteurs de l'amendement n° I-93, notamment Philippe Adnot, qui n'ont pu être présents aujourd'hui pour le défendre.
M. Plancade a déposé, au nom de la commission de la culture, un amendement identique à celui de la commission des finances pour défendre ces jeunes entreprises innovantes, car elles doivent certainement être également très présentes dans le secteur culturel.
Pour ma part, je pensais plus particulièrement aux jeunes entreprises intervenant dans le domaine de l'innovation industrielle. Ces dernières sont souvent déficitaires lors de leurs premières années d'existence, mais recèlent un très fort potentiel de croissance. Je pense aux entreprises qui œuvrent dans le domaine des biotechnologies.
L'année dernière, le Gouvernement avait pris une mesure d'économie particulièrement mal ciblée concernant les JEI, car ce sont justement elles que l’on cherche à attirer dans nos territoires et à qui l’on souhaite de connaître une croissance suffisante pour éviter de disparaître ou de se faire racheter.
Nous voulons revenir sur cette mesure gouvernementale tout en recentrant le dispositif, comme Philippe Adnot en avait exprimé le souhait en commission. La coupe claire à laquelle il avait été procédé l'année dernière avait envoyé un très mauvais signal à ces entreprises, à un moment particulièrement mal choisi : à la même époque, les crédits alloués par OSEO, qui participe très largement au soutien de ces jeunes entreprises, étaient en diminution. En effet, il est relativement incohérent de prendre une telle décision, très mal vécue par ces entreprises, alors qu’il était indispensable de trouver de nouveaux ressorts de croissance et de renforcer la capacité des entreprises à affronter la compétition mondiale.
En recentrant le dispositif, il est possible d’éviter les effets d'aubaine inhérents à ce genre de dispositif, même s'ils sont, en l’espèce, limités. Nous proposons un mécanisme davantage concentré sur les entreprises qui en ont le plus besoin pour éviter une trop grande dispersion.
Cette mesure utile pourrait recueillir l’assentiment de nos collègues, au-delà des membres de notre groupe.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture, pour présenter l'amendement n° I-164.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Cet amendement a été déposé sur l'initiative du rapporteur de notre commission, Jean-Pierre Plancade.
Je me félicite que Mme la rapporteure générale ait proposé de rétablir le dispositif de soutien aux JEI, qui concerne, en effet, également des entreprises intervenant dans des secteurs qui nous sont chers, comme les techniques du cinéma d'animation et les jeux vidéo.
La commission de la culture est celle de la recherche. C'est pour que le lien étroit entre recherche et innovation ne soit pas vain et qu’il se traduise par des emplois et de l'activité durables que nous portons cet amendement.
La commission de la culture est aussi celle de la formation. La France dispose de remarquables cursus de formation à la création d'images d'animation, notamment à Nîmes, Angoulême et Valenciennes. Or les jeunes qui en sortent excellemment formés ne trouvent de travail qu’en Australie, au Canada ou en Angleterre. Le soutien aux JEI profiterait notamment considérablement aux entreprises du secteur du jeu vidéo, qui est en plein développement.
Favoriser cette économie et ses débouchés participe aussi de la création cinématographique, qui bénéficie des recherches sur les effets spéciaux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos I-147 et I-164 ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il s’agit d’un sujet auquel je suis bien évidemment particulièrement sensible en tant qu'ancienne ministre de la recherche.
Je le rappelle, nous avons réduit et recentré le dispositif des jeunes entreprises innovantes sur leurs premières années d'existence pour deux raisons.
D'abord, c’est à ce moment-là qu’elles ont le plus besoin d’être aidées.
Ensuite, le dispositif du crédit d’impôt recherche que nous avons créé permet à la France d’offrir l’environnement fiscal le plus favorable au monde en matière de recherche et de développement privés.
Aussi nous a-t-il paru logique de rationaliser les aides et de ne pas proposer deux dispositifs différents.
J'ajoute que le mécanisme des JEI présente tout de même un inconvénient qu'il ne faut pas négliger : c'est l'effet de seuil de la huitième année. Il nous semblait préférable de proposer un dispositif favorisant l'amorçage, qui doit ensuite laisser place au droit commun, c'est-à-dire au crédit d’impôt recherche. Je rappelle que le CIR représente 30 % de déduction, ce qui est énorme par rapport au régime initial des JEI.
Je me souviens que nous avions eu l'année dernière ici même une discussion très âpre sur cette question – j’y participais à un autre titre qu’aujourd'hui. La question du recentrage du dispositif des JEI a été discutée à l'Assemblée nationale voilà quelques jours. Nous avons assuré à Mme de La Raudière que le Gouvernement était prêt à débattre à nouveau de la question, à « remouliner » les données pour dresser une véritable étude d'impact du dispositif.
Aujourd'hui, nous n'avons pas de données fiables permettant de mesurer s’il a été vraiment défavorable à certaines entreprises innovantes dans des proportions déraisonnables. J'ai proposé de créer un groupe de travail sur cette question. Je serais ravie d'y associer la commission de la culture, si elle le souhaite, et la commission des finances.
En tout état de cause, le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur ce dispositif, qui a moins d’un an, car il est souhaitable de garantir un minimum de stabilité des règles fiscales. Je suis donc défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En matière de stabilité des règles fiscales, le Gouvernement n’a pas de leçons à donner au Parlement ! Je rappelle qu’il est revenu sur la taxe sur les nuitées d'hôtel à peine deux mois après son instauration.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L'encre n'avait même pas eu le temps de sécher…
Mais ne nous querellons pas sur les mérites respectifs du Parlement et du Gouvernement.
Vous avez parlé, à juste titre, madame la ministre, du crédit d’impôt recherche, qui représente un effort en termes de finances publiques, me semble-t-il, de près de 5 milliards d’euros en tendanciel, avec un montant estimé à 2,3 milliards d'euros en 2012.
Je ne retirerai pas mon amendement, car il me semble nécessaire de rétablir ce dispositif pour préserver la faible croissance que nous pourrions connaître en 2012 et en 2013. Mais j'accepte que l’on étudie l’impact des dispositifs incitatifs, y compris le crédit d’impôt recherche, sur lequel nous, parlementaires, avons du mal à voir clair.
L’année dernière, le rapport des députés Alain Claeys et Jean-Pierre Gorges a mis en évidence, à la suite des travaux de la commission des finances, que le dispositif du CIR pouvait entraîner un certain effet d'aubaine et d'optimisation, notamment pour les grandes entreprises.
Madame la ministre, vous avez fait allusion au débat que nous avions eu sur l’amendement présenté par le président Arthuis – le groupe socialiste avait déposé, me semble-t-il, un amendement identique –, qui supprimait la fraction du crédit d’impôt recherche subventionnée au taux de 5 % au-delà de 100 millions d'euros des dépenses de recherche et développement. À l’époque, nous l’avions soutenu, car nous avions considéré qu'il fallait éviter les effets d'aubaine, sans parler du jeu des filiales qui « remontent » le bénéfice du CIR au niveau de la holding. Cela s’apparente à de l'optimisation fiscale…
Le Gouvernement nous avait communiqué un rapport de l'Inspection générale des finances de septembre 2010. Il s'était opposé à l’initiative du président Arthuis au nom de la nécessaire stabilité du dispositif du crédit d’impôt recherche.
J'entends bien le message : dans les grandes entreprises, les décisions d’investissement dans la recherche ne se décident pas du jour au lendemain. Je voudrais reprendre l’exemple du groupe automobile, dont je parlais précédemment, qui va supprimer des emplois en France : une telle décision a aussi des conséquences sur la recherche et le développement. Le Gouvernement devrait en être bien conscient ! Nous devons donc regarder de très près cette dépense fiscale.
Tout le monde s’accorde à reconnaître que le dispositif entraîne certainement des effets d'aubaine, mais personne ne veut qu’on y touche maintenant ! Je veux bien qu'un cycle de recherche ne produise pas ses effets tout de suite, mais, à un moment ou à un autre, nous devrons mesurer l’impact réel d’une dépense qui représente tout de même, je le répète, 5 milliards d'euros en rythme de croisière.
Madame la ministre, je vous ai entendu vanter le CIR qui nous permet, selon vous, d’offrir le meilleur système au monde d’aide à la recherche. Vendredi dernier, vous nous avez parlé de la convergence avec l'Allemagne, un pays qui – je le constate – n'a pas de dispositif similaire. Et pourtant son effort de recherche publique et privée est bien supérieur à celui de la France, compte tenu de son tissu industriel. On pense toujours que l’Allemagne, c'est la machine-outil ; mais ils en sont bien loin ! Tous les efforts en matière de compétitivité ont été portés sur l'innovation, sans que les entreprises bénéficient pour autant d'une niche fiscale de cette nature.
Si vous n'aviez pas évoqué le crédit d’impôt recherche, je n'aurais pas fait cette digression. Nous devrons vraiment essayer de cerner les effets d’optimisation de cette dépense fiscale. Il y a quelques années, notre ancien rapporteur spécial, qui est aujourd'hui préfet, Christian Gaudin avait, comme certains députés, beaucoup travaillé sur ce sujet. La commission des finances devra reprendre en 2012 le travail qu’il avait initié afin qu’il puisse porter ses fruits en 2013, année de tous les dangers pour nos finances publiques.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le parti socialiste propose de réformer l'impôt sur les sociétés pour réinvestir une partie des bénéfices dans l'entreprise : c’est exactement ce que nous avons fait dans le domaine de la recherche et du développement avec le crédit d’impôt recherche.
Le taux d'impôt sur les sociétés est de 33 % ; la réduction est d’un tiers si les bénéfices sont réinvestis dans la recherche et le développement. Voilà le système du CIR, qui permet de développer la recherche et le développement en France.
Vous avez pris l’exemple de l'Allemagne. Je vous rappelle que le taux de l’impôt sur les sociétés y est de 15 %.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le taux de 14 % que vous citez correspond à des taxes locales affectées aux Länder, soit l’équivalent de notre ancienne taxe professionnelle, aujourd'hui de notre contribution économique territoriale et de notre cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Ce débat sera clos en janvier lorsque nous aurons enfin un rapport qui nous permettra de comparer ligne à ligne les deux principes de fiscalisation.
Il est vrai que les Allemands n’ont pas prévu cette défiscalisation pour la recherche et le développement, mais ils n’en ont pas besoin. Ils ont une culture de l’imbrication technologique des centres de recherche avec l’entreprise qui nous manque. Nous savons très bien que c’est le grand défaut de notre système, qui est trop axé sur la recherche fondamentale, au détriment de la valorisation, et qui n’est pas assez en symbiose avec le monde de l’entreprise, singulièrement avec les PME.
Ce serait une erreur que de modifier tous les quatre matins le crédit d’impôt recherche, que l’on a créé il y a moins de cinq ans. Un projet de recherche ne se fait pas en un an !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous sommes d’accord !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Croyez-moi, cela ne m’a pas fait plaisir d’entendre qu’une grande société automobile envisageait de délocaliser une partie de sa recherche-développement en Chine. C’est d’autant plus vrai que cette entreprise a l’un de ses sièges à Vélizy-Villacoublay, ville avec laquelle j’ai des attaches particulières.
Certes, le marché chinois a des spécificités, et il est évident que ce n’est pas depuis la France que l’on va s’y attaquer. Mais cette annonce signifie qu’il ne faut surtout pas détricoter le crédit d’impôt recherche : je pense à toutes les entreprises qui nous ont affirmé que, si ce dernier n’avait pas été créé, elles auraient dès 2007 délocalisé leur recherche-développement. La Chine forme aujourd'hui un million d’ingénieurs. Tout l’enjeu est là !
Nous sommes dans des ordres de grandeur extrêmement concurrentiels. Nous devons donc absolument avoir un dispositif qui nous permette d’être forts dans la compétition, quitte à nous différencier sur ce point de nos amis allemands.
J’ajoute que les Américains regardent avec beaucoup d’intérêt notre dispositif de crédit d’impôt recherche ; c’est aussi le cas des Allemands. Je crois donc que c’est un outil puissant dont on peut être fier.
Malgré sa « jeunesse », il a déjà beaucoup été évalué : il a fait l’objet d’un rapport de la Cour des comptes et d’un rapport de l’Inspection générale des finances, pour autant que l’on puisse avoir des résultats sur un projet de recherche existant en trois ans. En effet, n’importe quel grand chercheur m’interdirait d’évaluer son laboratoire moins de trois ans après sa création ! Ne nous permettons donc pas de faire à l’égard des entreprises ce que l’on ne se permettrait pas vis-à-vis des grands laboratoires publics.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il est exact que, l’an dernier, nous avons raboté le régime fiscal et le régime d’atténuation de charges sociales des jeunes entreprises innovantes. On m’avait alors prédit des calamités, des catastrophes. Je n’en ai point vu,…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il y en a pourtant eu !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … même à Compiègne et dans le Compiégnois, qui comptent de belles et nombreuses jeunes pousses grâce à la forte présence de l’université de technologie.
Je me permets donc de témoigner que la mesure prise il y a un an a été probablement moins douloureuse que ne le prédisaient les groupes d’intérêt spécialisés en la matière.
Madame la ministre, je suis tout à fait prêt à participer au groupe de travail dont vous avez annoncé la création. Il permettrait de se pencher sur la question d’une éventuelle redondance entre le crédit d’impôt recherche et d’autres régimes d’aide.
Cela étant, les deux amendements identiques présentés, qui me semblent très bien conçus techniquement, portent surtout sur l’exonération de charges sociales, même s’ils prévoient une compensation. Toutefois, il est regrettable qu’une telle mesure n’ait pas été évoquée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Reste que, tant que nous n’aurons pas réalisé la fusion historique et indispensable de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, il faudra bien qu’il y ait des dispositifs qui se répondent d’un texte à l’autre.
En tout état de cause, il me semble qu’il vaudrait mieux, dans l’immédiat, en rester à la législation de 2011, tout en associant nos réflexions et en nous investissant dans le futur groupe de travail.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je rappelle à l’ancienne ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche que le crédit d’impôt recherche visait également à inciter les entreprises à engager des chercheurs issus notamment des filières universitaires. Or les résultats sont très faibles, en particulier concernant les docteurs.
Il faudra donc voir de près si cet objectif a été rempli.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Dans la tradition de la commission de la culture, je veux à mon tour, à la suite de Mme Blandin, demander que cette aide ne soit pas supprimée. Nous étions déjà unanimes sur ce point l’année dernière. Nous revenons donc à la charge.
À l’occasion d’une mission d’études effectuée en avril 2010 au Canada, notre commission a essayé de comprendre les raisons du succès, dans ce pays, des fleurons de l’entreprise innovante, notamment dans le jeu vidéo, alors même que les entreprises françaises disposent d’une renommée et d’une reconnaissance internationales dans ce secteur à la pointe de l’innovation, pour encore de nombreuses années.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Absolument !
M. David Assouline. Comme, en France, une telle situation est rare – vous voyez qu’il n’y a pas que le nucléaire ! –, il faut peut-être que, à un moment donné, l’État prenne toutes les dispositions nécessaires pour encourager l’industrie et pour la maintenir autant que possible sur le territoire national.
Les entreprises innovantes partent, parce que la fiscalité et le régime d’aides ne leur permettent pas d’obtenir ce qu’elles pourraient obtenir ailleurs. Mais elles ne sont pas les seules à partir : nous délivrons également des formations de pointe à des jeunes qui partent ensuite dans les entreprises étrangères.
Or, au Canada, il ne s’agit pas seulement d’un dispositif d’État. Nos interlocuteurs canadiens nous ont expliqué comment, bien sûr, la fiscalité pouvait d’abord encourager les jeunes entreprises pour les aider à tenir et comment, ensuite, les banques canadiennes ne demandaient pour ainsi dire rien à ces entreprises, pendant une année, et les aidaient à fond.
Or en France, et c’est de plus en plus vrai, si les banques demandent peut-être moins aux grandes entreprises, quand on est une PME – innovante ou pas –, il n’est jamais possible d’obtenir cet appui. C’est donc un débat général qu’il convient d’avoir à ce sujet.
Madame la ministre, vous avez raison d’appeler de vos vœux la création d’une commission dont les membres étudieraient ensemble le meilleur régime. En tout état de cause, si, dans la situation actuelle, on ne met pas le paquet, en termes de fiscalité et d’encouragement de la part des banques, sur ce qui marche, sur ce qui est à la pointe et sur ce qui peut faire que la France gagne sur le plan de la compétition économique mondiale, c’est que nous sommes en dessous de tout !
À cet égard, l’adoption de ces deux amendements identiques serait le signe d’une prise de conscience par le Parlement de l’ampleur de l’enjeu et de la nécessité d’agir en conséquence.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je rappelle qu’il y a eu dans cette assemblée une mission sur la désindustrialisation des territoires, dont j’étais membre.
Cette mission a essayé de repérer ce qui fonctionnait et a mis en évidence à cet égard un triptyque composé, évidemment, de la production et de la formation, mais aussi de la recherche et du développement. En effet, partout où il n’y a pas de recherche et de développement, c’est-à-dire partout où l’entreprise – petite, moyenne ou plus importante – n’a pas un produit d’avance, elle s’expose de façon excessive, ce qui fragilise le tissu industriel.
Il est donc absolument évident qu’il faut cumuler les dispositifs en faveur de la recherche et du développement. Si on revenait sur les mesures en place, ce serait un très mauvais coup porté à cette dernière ainsi qu’aux territoires, dont le tissu industriel est excessivement fragile.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Nous sommes vraiment là au cœur de la politique économique française : notre talon d’Achille, c’est la faiblesse de nos investissements en recherche et développement.
La France consacre à la recherche et au développement à peu près 2 % de son PIB, dont 1% vient de l’État et 1% des entreprises. Or notre objectif devrait être de 3 % du PIB, 1 % émanant de l’État et 2 % des entreprises.
Autrement dit, si, en France, les pouvoirs publics font globalement leur devoir – même si l’on peut toujours faire mieux –, les entreprises sont en partie défaillantes, puisqu’elles ne réalisent que la moitié de l’objectif qu’elles devraient atteindre.
Les amendements identiques nos I-147 et I-164 vont donc dans le bon sens, puisqu’ils visent à centrer la défiscalisation sur les entreprises qui en ont besoin.
Mme la ministre comparait tout à l'heure la situation de la France à celle de l’Allemagne. Je ne pense pas toutefois que les Allemands voudront d’un dispositif analogue à celui du crédit d’impôt recherche : ils n’en ont pas besoin. En effet, si vous voyagez en Allemagne, vous trouverez, dans toutes les petites villes, des PME innovantes et des PME qui exportent.
Certes, cela fait partie de leur culture, mais cela s’explique également – c’est même l’une des raisons essentielles – par le fait que le système bancaire et financier allemand est décentralisé. Les banques sont, installées dans les petites villes et accompagnent les entreprises. C’est ce qu’on appelle le capitalisme rhénan. Ainsi, quand les entrepreneurs ont besoin d’investir pour innover, ils trouvent, dans leur petite ville, un partenaire qu’ils connaissent et avec qui ils ont une relation de confiance.
Voilà ce qui manque en France ! Dans notre pays, les dossiers remontent à la direction locale, puis à la direction régionale, avant d’être examinés par la direction nationale, qui évidemment use de critères abscons pour refuser les crédits de recherche et développement.
Nous pourrions donc nous inspirer utilement du modèle allemand.