M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. L’amendement n° I-127 n’est pas que d’appel. Si l’on doit faire le bilan du quinquennat qui s’achève, on s’aperçoit que des dossiers ont bien avancé, que d’autres ont avancé puis reculé – je pense notamment au « paquet fiscal » – et que certains n’ont pas avancé du tout. Sur le sujet qui nous occupe, rien n’a été fait pendant cinq ans !
Les annonces se sont pourtant multipliées : le plan de développement de l’économie numérique, en octobre 2008, le programme national « très haut débit » lancé par le Premier ministre, en juin 2010, sans compter les nombreux rapports sur le sujet et les engagements sur les financements qui ont été pris ici même, au Sénat, depuis deux ans.
Aujourd'hui, les collectivités territoriales se trouvent malheureusement confrontées à une situation intenable. On ne sait pas comment les financements vont s’articuler ni comment les territoires vont être couverts. Le découpage qui a été réalisé va réserver les zones denses aux opérateurs privés dans des conditions à peu près rentables pour eux – elles seront donc couvertes de manière satisfaisante –, mais nul ne sait à quel horizon, avec quel financement et sous quelles modalités les autres collectivités disposeront de la fibre optique.
Certains pays ont mieux cerné le problème que nous ne l’avons fait. Je pense notamment à l’Australie, qui a considéré que ce sujet éminemment urgent ne pouvait aboutir qu’avec un opérateur unique. La solution est donc passée par la nationalisation de l’ensemble du dispositif d’installation de la fibre optique. Ce pays ultralibéral a donc un seul programme, financé par l’État, disposant d’un budget de 40 milliards de dollars australiens. Cette approche permettra à l’Australie de réaliser beaucoup plus rapidement son projet.
Je suis très inquiet quant à notre capacité à apporter des réponses à ce problème. Cela a été dit, la France n’est même pas capable de dépenser les crédits qui lui sont alloués par le FEDER. Seule la moitié de la somme a jusqu’à présent été fléchée ! Le FANT, que nous avons créé il y a deux ans, n’a pas été mis en place et n’est toujours pas alimenté. Il s’agit d’une situation de carence de l’État, car aucune ressource ne vient répondre aux besoins.
Au-delà des quelques éléments rassurants que nous apporte Mme la ministre, il semble nécessaire d’y voir plus clair. En l’état actuel des choses, sachant que le recours devant la CJCE va encore ralentir le processus, nous ne pouvons apporter aux élus territoriaux des éléments de réponse qui soient porteurs d’espoir. La France prend malheureusement du retard !
Madame la ministre, nous ne pouvons pas nous satisfaire de vos réponses. Elles se veulent rassurantes, mais elles ne donnent aucune perspective permettant de croire en la réalisation rapide des investissements en fibre optique. Voilà pourquoi notre amendement est justifié !
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Chacun à notre niveau, nous essayons de lutter contre la fracture territoriale.
Cette fracture ne fait que s’accentuer. Elle prive nos territoires ruraux de possibilités de développement. Un fonds a pourtant été créé il y a deux ans, mais il n’est pas alimenté. Cette situation aboutit à une inégalité qui devient insupportable. Il est donc urgent de trouver une solution.
Nos territoires ruraux, à faible densité de population, doivent faire des efforts très importants. En effet, les opérateurs n’investissent que sur les territoires à forte densité de population, là où ils espèrent faire des profits. Les conseils généraux qui sont dans une situation financière très difficile sont obligés de mettre en place des programmes nécessitant des investissements lourds. Je l’ai fait dans mon département, mais nous peinons à boucler notre plan de financement.
Madame la ministre, si nous avons présenté cet amendement d’appel c’est pour que vous teniez compte de nos observations. Il en va de l’avenir de nos territoires. Si nous voulons que nos concitoyens puissent utiliser les nouvelles techniques de travail et de communication, nous devons absolument trouver des solutions de financement, surtout pour les collectivités les plus pauvres, qui ne peuvent déjà plus honorer un certain nombre de dépenses essentielles.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Lorsque l’on parle de fracture numérique et de zones denses, il faut bien comprendre de quoi il s’agit. En effet, les deux tiers de la Seine-Saint-Denis, département de 1,5 million d’habitants aux portes de Paris, sont considérés par les opérateurs comme une zone non dense. Cela ne manque pas de sel, quand on y pense !
Orange et SFR, qui se sont manifestement entendus pour se partager le territoire, n’interviendront que dans des zones très précises. Cela signifie que, dans un département comme le mien, il n’y aura quasiment pas de couverture en fibre optique. Dans la première couronne parisienne, notamment dans ses territoires les plus déshérités, habités par les populations les plus fragilisées, le haut débit n’est pas pour demain ! Je tiens à ce que ce soit dit et redit.
Nos collègues ont tout à fait raison de parler de fracture numérique pour les territoires ruraux, mais sachez que, dans l’espace du Grand Paris, que j’appelle de mes vœux, le haut débit ne concerne que les zones favorisées. Pour les autres, on attendra…
La situation devient absolument insupportable pour les élus locaux. Je ne sais plus quoi répondre aux habitants de ma commune qui veulent, comme tout le monde, l’offre triple play et qui se retournent vers moi lorsque l’agence France Télécom du coin ne veut pas leur en faire bénéficier au prétexte que la collectivité locale n’aurait pas pris les mesures nécessaires pour établir une connexion de 2 mégabits par seconde.
Une commune comme la mienne n’aura jamais les moyens d’investir les sommes nécessaires. Quant au département de la Seine-Saint-Denis, n’en parlons pas ! Les collectivités qui en auront les moyens feront le nécessaire, les autres regarderont les trains passer. Cela n’est pas supportable !
Le problème soulevé est donc réel, et pas seulement en province. Des zones denses comme la mienne sont également touchées.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je sais que nous sommes d’accord !
M. Gilbert Roger. Absolument ! Pour compléter le duo involontaire que nous formons, je précise que l’inégalité est aussi infra-territoriale. Elle peut se loger au cœur même des zones denses.
Je dois dire que la Seine-Saint-Denis présente une particularité. Les opérateurs font la distinction entre l’ex-Seine-et-Oise et l’ancien département de la Seine, entre Tremblay-en-France et Bondy. Les opérateurs n’interviennent pas en Seine-et-Oise. Ce sont donc les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-d’Oise qui, à travers un syndicat, essaient d’installer la fibre dans ce secteur. La même situation prévaut de l’autre côté de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.
Pis, décision a été prise de mener à Bondy, ville dont j’ai été le maire, une expérimentation visant à mettre en commun les compétences des trois grands opérateurs, Free, Orange et SFR. C’est ce dernier qui est chargé de Bondy. Cependant, si SFR consent à « fibrer » l’habitat vertical, il refuse d’équiper les zones pavillonnaires. Toute la partie concernée par l’action de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, n’est pas fibrée. Cela signifie qu’on ne peut redonner à ces espaces une impulsion en faveur du développement économique. Un médecin qui voudrait consulter des radios par internet plutôt que d’obliger ses patients à se déplacer avec de grandes pochettes sous le bras ne peut pas s’y installer.
Madame la ministre, l’espace territorial doit donc être envisagé dans sa complexité, y compris au sein de ce qu’on appelle la « zone dense ».
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Ce débat dépasse, on le voit bien, les clivages.
La question n’est pas tant la densité des zones que celle de leur solvabilité. Là où les capacités à s’abonner seront les plus grandes, l’opérateur investira. Un territoire rural peut être considéré comme pas intéressant, car il est peu peuplé – c’est ici la densité qui compte –, mais des départements, en particulier certaines banlieues qui ne rapportent pas suffisamment ni assez rapidement au regard des investissements consentis lors de l’installation du réseau ne le seront pas davantage.
Il faut bien reconnaître que les opérateurs mettent des milliards sur la table. On ne peut donc pas dire qu’ils ne font rien. Le problème, c’est qu’ils obéissent à une logique d’entreprise. On ne peut pas blâmer leurs dirigeants de vouloir faire un maximum de bénéfices, car, après tout, c’est leur job, mais quand il s’agit de l’intérêt public, l’État doit peser dans la balance. Au moment de décider qui obtiendra les licences ou qui couvrira un territoire, l’État a la main ! Il peut donc imposer un certain nombre de choses.
Je pense, comme François Marc, que votre réponse se doit d’être peu plus offensive. Les promesses qui ont été faites n’ont pas été honorées, parce que la situation est gérée au fil de l’eau. Dans ce domaine, l’engagement doit être plus déterminé !
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Je propose que nous fassions aujourd’hui ce que nos prédécesseurs ont fait au lendemain de la guerre pour l’approvisionnement en électricité.
Un assez grand nombre de communes rurales n’étaient pas desservies. Des syndicats départementaux d’électricité ont donc été créés. Comment ont-ils fonctionné ? Un pourcentage était prélevé sur chaque quittance d’abonné, et l’opérateur, EDF à l’époque, était contraint d’alimenter le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACE.
Ce système a très bien fonctionné. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire la même chose pour le très haut débit. Ce serait faire preuve de solidarité. Je demande donc à l’État d’être un véritable régulateur en ce domaine, ce qu’il n’est pas aujourd'hui.
Dans un certain nombre de zones, vous avez, d’un côté de la route, la fibre France Télécom et, trois mètres plus loin, la fibre d’un autre opérateur ou d’une collectivité territoriale. En réalité, tout se passe comme si l’on avait deux autoroutes en parallèle, qui se continuent par un chemin muletier !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.
M. Aymeri de Montesquiou. Mon propos s’inscrit dans le droit fil des interventions de mes collègues de départements ruraux, MM. Miquel et Fortassin.
Certains départements sont plus égaux que d’autres : il y en a qui ont tout, il y en a qui ont presque tout, et d’autres qui n’ont rien. Le mien n’a pas d’autoroute, il a vingt-deux kilomètres de deux fois deux voies et ne sait pas ce qu’est la fibre optique ou le très haut débit. Des priorités doivent donc être définies.
La suggestion que vient de faire M. Fortassin va dans le bon sens, celui de l’équité.
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Nous aurions souhaité des réponses plus précises de la part du Gouvernement.
J’ai entendu Mme la ministre affirmer qu’il n’était pas possible d’augmenter une taxe faisant l’objet d’un contentieux devant la Cour de justice de l’Union européenne. Or notre dispositif a été envisagé dans le cadre d’un amendement d’appel. Que nous soyons membres de la majorité ou de l’opposition, que nous venions du monde rural ou du monde urbain, nous trouvons tous insupportable la fracture entre les territoires favorisés et ceux jugés pas suffisamment rentables par les opérateurs.
Ainsi, des entreprises qui pourraient s’installer en Auvergne – et nous savons bien l’importance des PME pour le développement économique de nos territoires – y renoncent quand elles s’aperçoivent qu’elles n’auront pas accès au haut débit ou alors seulement à des coûts prohibitifs, par exemple en recourant au satellite. Il est donc urgent d’agir.
S’il est nécessaire d’adopter cet amendement qui lance un appel pressant – auquel nous pouvons tous être favorables, puisque nous sommes tous confrontés aux mêmes difficultés – pour obtenir des engagements du Gouvernement, nous nous y résoudrons !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous avons deux solutions vis-à-vis de cet amendement : soit l’adopter, sachant qu’il n’est pas opérationnel et qu’il ne permettra donc pas d’atteindre les objectifs visés par ses auteurs, à savoir débloquer les fonds nécessaires ; soit le retirer, en attendant la décision de la Cour de justice de l’Union européenne. À cet égard, Mme la ministre nous apportera peut-être un éclairage sur ce litige, qui pourrait, paraît-il, être tranché dans un sens favorable à la France. Nous devrions en savoir plus en 2012.
Cela étant, je me demande tout de même quand les fonds du programme d’investissements d’avenir arriveront dans les territoires. Pour l’instant, nous ne voyons rien venir !
Concernant les deux procédures en cours, la première est bloquée, car la Cour de justice de l’Union européenne estime que la taxe ne peut financer que le régulateur, c'est-à-dire, l’ARCEP, et les frais de gestion, mais pas les équipements. Quant aux investissements d’avenir, ils sont renvoyés à un avenir lointain…
Or n’oublions pas qu’il y a une demande sociale. Ceux qui sont privés du haut débit se sentent exclus. Nous devons en tenir compte, même s’il est difficile de faire la part des choses entre l’existant et le ressenti dans ce domaine comme dans celui de la sécurité.
Certains intervenants ont parlé de la Seine-Saint-Denis. Pour ma part, j’évoque des territoires qui ne sont guère éloignés. Comment expliquer à des Franciliens qu’ils ne peuvent pas avoir accès au très haut débit ? Pour eux, c’est incompréhensible ! D’ailleurs, les départements se font l’écho de telles préoccupations.
Quoi qu’il en soit, le débat venant d’avoir lieu, je pense que vous pourriez maintenant retirer votre amendement, madame André.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Beaucoup ont évoqué, et à juste titre, les inégalités territoriales en matière d’accès au très haut débit. Celles-ci sont manifestes, parfois au sein d’un même département – je pourrais parler du mien –, d’une même ville, voire d’un même quartier. Nombre de zones rurales, de villes moyennes ou de communes périurbaines connaissent ce problème.
Il faut aussi attacher, me semble-t-il, quelque importance à l’aspect des ressources. C’est sur ce thème que je voudrais intervenir.
Voilà quelques jours, quatre opérateurs, par ailleurs concurrents entre eux, signaient une tribune dont je voudrais vous lire un extrait : « Qu’on ne s’y trompe pas : le secteur des télécoms n’est pas coupé du reste du monde, il n’est pas non plus un pays de cocagne où les richesses pousseraient sur les arbres. Il appartient à l’écosystème plus large du numérique, extrêmement concurrentiel et de plus en plus ouvert au reste du monde. Déjà, des géants mondiaux cherchent à conquérir de nouveaux marchés en sortant de leurs métiers d’origine et en venant concurrencer directement les activités des opérateurs, mais en échappant totalement à l’arsenal fiscal et réglementaire. »
À mon sens, il va falloir remettre à plat et repenser entièrement la fiscalité du numérique, une fiscalité fondée sur des principes du passé alors que nous sommes déjà dans une ère nouvelle. D’ailleurs, nous avons un peu abordé cette question l’an dernier à propos de multinationales comme Google. Si nous ne raisonnons pas à partir d’une assiette plus large, nous ne pourrons pas traiter correctement de tels sujets.
Aussi, mes chers collègues, permettez-moi de vous donner rendez-vous…
M. David Assouline. L’année prochaine !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … pour faire preuve d’un peu d’imagination et d’innovation.
M. David Assouline. Si nous arrivons au pouvoir l’an prochain, nous en aurons !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur Assouline, l’ironie avec laquelle vous abordez ces questions me paraît déplacée. Il est dans notre intérêt à tous de trouver des solutions qui soient autant que faire se peut compatibles avec le droit communautaire, avec la réalité de l’industrie et avec les besoins des territoires !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Assouline, si votre solution consiste à doubler la taxe sur les opérateurs de télécommunications, permettez-moi de vous dire que ce n’est pas très innovant !
M. David Assouline. Est-ce que j’ai dit cela ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous venez de dire que vous ferez preuve d’imagination pour trouver les ressources. Or l’amendement qui est proposé ayant pour objet de doubler la taxe sur les opérateurs, je ne trouve pas cela très innovant comme mode de financement.
M. David Assouline. Mais vous ne connaissez pas mon point de vue personnel !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Quoi qu’il en soit, que nous habitions l’Île-de-France ou l’une des autres grandes régions françaises, nous sommes évidemment tous préoccupés par la couverture du territoire en très haut débit.
Rappelons-nous que la France, au regard de la taille de son territoire et de la dissémination de sa population, a été pionnière en matière de couverture en réseau haut débit.
M. François Marc. Avec le Minitel ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je parle de l’ADSL, monsieur Marc. Mais, comme vous le savez peut-être, c’est à Vélizy que le Minitel a commencé ! (Sourires.)
Comment pouvons-nous équiper l’ensemble du territoire en très haut débit ? Le problème, c’est la fibre optique. C’est un sujet très compliqué.
Comme l’a souligné à juste titre M. le président de la commission des finances, taxer uniquement nos opérateurs reviendrait à faire financer les réseaux français par nos entreprises et à laisser ensuite des concurrents étrangers venir en profiter. Nous devons donc faire très attention.
Les collectivités territoriales ont évidemment un rôle éminent dans la fourniture des réseaux. Par « collectivités territoriales », je ne vise évidemment pas des communes ; les plus petites d’entre elles n’en ont pas les moyens. Il vaudrait mieux mutualiser au sein d’un département, voire d’une région les moyens des communes plus favorisées, dans une perspective de péréquation territoriale. Par conséquent, ce sont les départements, les régions et l’État qui doivent être mobilisés.
À cet égard, les 2 milliards d’euros du plan investissements d’avenir sont intéressants, parce qu’il s’agit de « multi-technologies ». On ne peut pas faire uniquement le pari de la fibre optique, qui ne peut pas être installée tout de suite dans chaque village, contrairement au téléphone ou à l’ADSL. Le satellite peut-être une solution pour des zones rurales, tout comme la péréquation territoriale peut être une solution pour des zones périurbaines.
Nous devons donc travailler territoire par territoire avec des solutions technologiques adaptées aux réalités locales. C’est tout l’objectif du plan investissements d’avenir.
Je n’ai pas la date de décaissement des crédits du premier appel à projets numériques, qui a été lancé au mois de juillet. En revanche, il est prévu dans le projet de budget que les 2 milliards d’euros soient décaissés en 2012.
M. le président. Madame André, l'amendement n° I–127 est-il maintenu ?
Mme Michèle André. Vos explications ne nous satisfont pas, madame la ministre. Pour autant, compte tenu de l’argument juridique qui a été avancé – je parle du contentieux devant la CJCE –, je vais retirer mon amendement. Nous resterons extrêmement vigilants sur l’évolution de la procédure à Bruxelles ; le cas échéant, nous reviendrons sur le sujet.
Vous avez évoqué le chiffre de 2 milliards d’euros, mais notre collègue Hervé Maurey faisait état dans son rapport d’un besoin de 23 milliards d’euros !
M. le président. L'amendement n° I-127 est retiré.
Article 4 octies (nouveau)
I. – Après la seconde occurrence du mot : « impôts », la fin de la première phrase du 1° de l’article L. 3324-1 du code du travail est supprimée.
II. – Le I s’applique à compter des exercices ouverts à partir du 21 septembre 2011.
M. le président. L'amendement n° I-14, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L’article 4 octies, qui a été introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, est un cavalier budgétaire. En outre, un tel dispositif aboutirait, s’il était maintenu, à une diminution des sommes octroyées aux salariés au titre de la participation.
La commission propose donc de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la rapporteure générale, vous faites, me semble-t-il, une fausse interprétation de ce dispositif. En réalité, il s’agit d’un article de coordination.
Cette année, nous avons instauré un impôt minimal sur les sociétés, afin d’empêcher les entreprises de reporter d’une année sur l’autre leur déficit et d’afficher un bénéfice en baisse. Ainsi, 1 million d’euros de bénéfice sont obligatoirement taxés, ainsi que 40 % du bénéfice. Seuls les 60 % restants peuvent faire l’objet d’un report de déficit antérieur.
Dès lors, comme l’a fait remarquer à juste titre le député Olivier Carré, il serait bénéfique aux salariés que leur participation soit calculée non pas sur le bénéfice amputé de tous les déficits antérieurs, mais seulement sur le bénéfice amputé de 60 %, en tenant aussi compte de la franchise de 1 million d’euros. Ce mécanisme leur est donc favorable.
Je le répète, le dispositif retenu permet non seulement d’instituer un impôt minimal sur les sociétés, mais il protège également la participation lorsque l’entreprise est bénéficiaire. Celle-ci ne peut pas ne pas distribuer au moins au prorata de 1 million d’euros, plus 40 % du bénéfice de l’année.
Bien entendu, l’effet est lissé sur le long terme – il y a bien un moment où l’entreprise ne reportera pas ses déficits des années antérieures –, mais les salariés y gagnent à court terme. En outre, je ne pense pas qu’il s’agisse d’un cavalier budgétaire. En effet, la participation, c’est de la dépense fiscale.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je ne retiens pas l’argument de la coordination avec l’instauration d’un impôt minimal sur les sociétés.
Si le dispositif fait gagner un peu de trésorerie à court terme, le problème se pose toujours en année n+1.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non, c’est l’année 2013 qui sera la plus importante, notamment par rapport à la réduction des déficits et aux engagements européens de la France. Par conséquent, en valeur absolue, l’État ne gagnera rien, si ce n’est un peu de trésorerie.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce qui me gêne par rapport au débat de 2006 – c’était notre collègue Godefroy qui était intervenu –, c’est que vous ne pouvez pas affirmer que les nouvelles règles de report des déficits conduiront à augmenter la participation, car les salariés non plus ne gagneront pas en valeur absolue.
Je ne souhaite pas modifier le droit actuel, car, sinon, au mieux, les salariés ne gagneront rien ; au pire, la participation en valeur absolue dans certaines entreprises s’en trouvera réduite. Si l’objectif est de faire en sorte que les entreprises abondent moins la participation, nous n’y souscrivons pas.
Le présent article est un cavalier législatif. Le Gouvernement ne peut raisonner à géométrie variable : tantôt, cela concerne les textes sur la participation – or ce n’est pas le ministre du budget qui défend la participation, en principe –, tantôt cela concerne la loi de finances.
En conclusion, oui le présent article est en dehors du champ de la loi de finances, et non le dispositif ne constitue pas un avantage pour les salariés !
M. le président. Madame la ministre, l’incompréhension est-elle levée ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne le crois pas. J’ai le sentiment, au contraire, que nous allons dans le mur.
Nous instaurons un impôt minimal sur le bénéfice des sociétés. Cet article de coordination, qui est d’origine parlementaire et non gouvernementale,…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Qu’est-ce que ça change ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. … en est le calque, totalement judicieux, en matière de participation. Il nous semble logique qu’une société qui réalise un bénéfice en 2012 et acquitte l’impôt minimal sur les sociétés verse une participation minimale aux salariés. Ce n’est donc pas un cavalier budgétaire.
Par ailleurs, il sera absolument bénéfique aux salariés…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … sur le court terme qui nous occupe, soit 2012-2013, contexte de crise où le pouvoir d’achat est un paramètre extrêmement important.
J’aurais donc aimé que cet amendement soit retiré, mais je sens que Mme la rapporteure générale ne me donnera pas satisfaction.
M. le président. En conséquence, l'article 4 octies est supprimé.