Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. « Scélérat » ?
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, sur l’article.
M. Christophe-André Frassa. N’ayons pas peur de le dire, mes chers collègues, la création du conseiller territorial est l’une des grandes innovations de la loi de réforme des collectivités territoriales de décembre 2010. Cette création constitue l’originalité de cette grande réforme, que la majorité, derrière le Président de la République, a voulue et soutenue. En confirmant l’échelon départemental, cette réforme permet de valoriser le rôle des élus de proximité que sont les conseillers généraux.
Lors de la deuxième grande loi de décentralisation de 2004, certains élus de notre groupe avaient fait part de leur souhait de parvenir à un réel rapprochement dans le fonctionnement des conseils généraux et des conseils régionaux. Nous avons dû attendre.
Nous assistons en permanence à des superpositions qui n’ont aucun sens, qui complexifient le rôle réel de chacun et qui rendent inaudibles les élus. Que l’on ne me dise pas que le citoyen sait réellement faire la distinction entre le conseiller général et le conseiller régional !
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Et vous-même ?
M. Christophe-André Frassa. L’avènement du conseiller territorial va rendre naturelle la complémentarité incontournable entre département et région.
La création du conseiller territorial avait fait l’objet de critiques, qui posaient notamment la question de sa constitutionnalité ou encore celle de la difficulté potentielle à mener de front deux mandats fondus en un. Or, le Conseil constitutionnel, dans ses décisions successives, a rejeté tous les griefs qui prétendaient remettre en cause l’existence même du conseiller territorial.
Pour ce qui est de la surcharge de travail, je ne pense pas que ceux qui mettent en avant ce point en soient totalement convaincus. Je constate simplement que, bien souvent, ils sont eux-mêmes à la fois parlementaire, membre de l’exécutif d’une collectivité importante et président d’une communauté de communes ou titulaire d’une fonction plus prenante mais non comptabilisée.
En réalité, cette réforme est conforme au principe de libre administration des collectivités territoriales, puisqu’elle ne porte atteinte ni à l’existence de la région, ni à celle du département, ni à la distinction entre ces deux collectivités.
Cette réforme est également conforme au principe de liberté de vote. Ce principe ne saurait avoir pour effet d’interdire au législateur de confier à un élu le soin d’exercer son mandat dans deux assemblées territoriales distinctes.
Ni la création des conseillers territoriaux ni les modalités d’élection ne posent donc de problème d’un point de vue juridique et constitutionnel, et M. Hyest nous l’a admirablement rappelé tout à l’heure.
Les fondements de cette réforme sont issus de notre expérience de terrain, de l’histoire de notre pays, de l’histoire de notre République, des étapes franchies successivement.
Le conseiller territorial est en effet – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – le trait d’union entre l’échelon local, qui gère au quotidien la vie de nos compatriotes dans le cadre du département, et l’assemblée régionale. Il sera l’interlocuteur puissant et donc respecté des décideurs nationaux.
Nous avons décidé de faire confiance à un élu local, le conseiller territorial, pour engager le chantier de la clarification et de la simplification que, collectivement, nous n’avons pas su faire aboutir en près de trente ans.
Le conseiller territorial, tel que nous l’avons souhaité, sera porteur d’une double vision à la fois territoriale et régionale. Sa connaissance du mode de fonctionnement des départements et de la région, de leurs compétences respectives et des modalités de leurs interventions techniques et financières lui permettra de favoriser la complémentarité des interventions respectives des deux collectivités. Il évitera les actions concurrentes ou redondantes sur un même territoire.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. « Redondant », c’est le mot de la soirée !
M. Christophe-André Frassa. Créer le conseiller territorial, c’était faire le pari de l’intelligence des territoires. Nous avons souhaité simplifier nos institutions locales sans créer de structure nouvelle, renforcer la compétitivité des territoires en donnant une nouvelle impulsion aux initiatives locales et faire progresser la solidarité territoriale. Je n’ose croire que l’ensemble de mes collègues dans cet hémicycle ne partagent pas cette triple volonté pour nos territoires et les élus que nous représentons.
Pour toutes ces raisons, il est de notre devoir, aujourd’hui, de nous rassembler contre cette proposition de loi, afin que nos ambitions inscrites dans la loi deviennent demain réalité. C’est la raison pour laquelle, en conscience, je voterai l’amendement de suppression de l’article unique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela fait un certain temps que nous n’avions pas entendu M. Hyest !
M. Jean-Jacques Hyest. Je comprends parfaitement les doutes de bonne foi exprimés par certaines personnes lorsque l’on a parlé de changements : nous sommes en effet très attachés à nos institutions, et parfois au confort de ces dernières.
Dans certains départements, des conseillers généraux sont élus par moins de 1 000 habitants. Je veux bien que la tâche soit très prenante, mais ce n’est quand même pas le sujet.
En fait, au début de la mise en œuvre de la décentralisation, les lois de 1982 et suivantes avaient opéré une répartition stricte des compétences entre les collectivités. Certaines avaient été données au département, d’autres à la région.
D’autres lois ont transféré de nouvelles compétences, le plus souvent d’ailleurs au département. C’est ainsi que certaines collectivités rencontrent aujourd’hui des difficultés s’agissant du financement des compétences sociales.
Quelques grands penseurs parisiens, qui ne sont parfois jamais allés au-delà du périphérique (Sourires sur les travées de l’UMP.),…
M. Philippe Dominati. Nous allons de temps en temps jusqu’au bois de Boulogne !
M. Jean-Jacques Hyest. … – ensuite, c’est pratiquement la campagne, et il faut se méfier des routes rendues glissantes par les betteraves… – ont dit qu’il fallait supprimer des collectivités, compte tenu de leur trop grand nombre.
Mais en fait, toutes les collectivités ont leur utilité ! Nous avons réaffirmé à plusieurs reprises, contrairement à ceux qui veulent supprimer les communes – il paraît que les petites communes ne servent à rien,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais non, c’est faux !
M. Jean-Jacques Hyest. … et j’ai lu une telle affirmation à de nombreuses reprises chez certains penseurs, de droite comme de gauche d’ailleurs –,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument, nous ne sommes pas d’accord !
M. Jean-Jacques Hyest. … que la solution était l’intercommunalité. Pourquoi ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oui, nous sommes d’accord !
M. Jean-Jacques Hyest. Dans un souci à la fois de mutualisation d’un certain nombre de services et d’égalité entre les citoyens : il y a en effet des choses que les très petites communes ne peuvent pas offrir aux habitants.
Il a donc été décidé de supprimer le département. Pourquoi ? Parce que c’est plus facile ! Les régions constituent des collectivités éloignées, et il a été parfaitement démontré par certains que les conseillers régionaux, quelles que soient leurs qualités personnelles, sont hors sol. On ne les connaît pas !
J’ai ainsi procédé à des sondages, demandant à des élus de me donner le nom de cinq conseillers régionaux de leur département.
M. Jean-Claude Lenoir. Mission impossible !
M. Jean-Jacques Hyest. Ils en étaient incapables ! Cela prouve bien que le conseiller général demeure le niveau adéquat ! Il faut donc conserver le département, car il est profondément inscrit, comme la commune, dans notre histoire politique depuis la Révolution française et qu’il assume des tâches considérables de proximité.
J’ai été conseiller général et conseiller régional en même temps. C’était l’époque bénie où la région était non pas encore une collectivité locale, mais un établissement public régional.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce n’était pas une époque bénie ! C’était le préfet qui faisait le budget !
M. Jean-Jacques Hyest. C’est faux, monsieur le président de la commission des lois ! Le président du conseil général ou du conseil régional dirige l’exécutif local depuis 1982. Et la situation que je décris a duré quatre ans.
C’est à cette époque que, par exemple en Île-de-France, ont été mises en œuvre toutes les grandes politiques de coopération entre les communes, les départements et la région. Depuis, il n’y a plus rien eu ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann le conteste.) La région est en effet devenue une sorte de monstre qui s’occupe de tout, avec des agences sur l’eau, sur l’air, sur le feu – que sais-je encore ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais arrêtez ! Vous êtes ridicule !
M. Jean-Jacques Hyest. Nombre d’acteurs s’occupent de sujets très différents et se permettent en plus de venir nous faire la leçon, voire de nous donner des ordres !
Pour ma part, je préfère que ce soient des élus de terrain qui assurent au quotidien l’exercice des tâches du département.
À cet égard, il me paraîtrait normal que le conseil général gère à la fois les collèges et les lycées. Je ne vois pas ce qui justifie une différence de traitement entre les bâtiments des collèges et ceux des lycées. Pourquoi faire appel pour les lycées à la région, qui ne dispose même pas d’un service de construction et qui se voit contrainte de solliciter des cabinets privés, alors que les départements ont les services compétents ?
Quoi qu’il en soit, la création du conseiller territorial se justifie. À mon sens, le conseiller territorial sera avant tout un conseiller général. Or les conseillers généraux savent gérer au quotidien, ce qui permettra de réaliser des économies.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Temps écoulé !
M. Francis Delattre. Ce n’est pas vous la présidente !
M. Jean-Jacques Hyest. Je suis convaincu que le conseiller territorial est la réponse adaptée au flou qui caractérise la répartition des compétences entre certaines collectivités locales. Ces nouveaux élus sauront agir avec efficacité, à faible coût et au service de l’intérêt général, et non des intérêts particuliers de quelques-uns ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli, sur l'article.
Mme Colette Giudicelli. Mon intervention sera extrêmement brève. D’une part, à cette heure avancée de la nuit, nous ne sommes peut-être plus en état de bien saisir ce que chacun d’entre nous dit.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est très lucide, ma chère collègue !
Mme Colette Giudicelli. D’autre part, je risquerais de répéter ce que d’autres orateurs ont déjà souligné.
Simplement, mon collègue et ami Jean-Claude Lenoir évoquait tout à l’heure une fable de La Fontaine que M. Gaëtan Gorce se plaisait à citer lorsqu’il siégeait à l’Assemblée nationale. Avec votre permission, j’aimerais citer les quatre derniers vers d’une autre fable de La Fontaine, Le Conseil tenu par les rats.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est beaucoup question de rats ce soir ! (Sourires.)
Mme Colette Giudicelli. Cette fable se termine ainsi :
« Ne faut-il que délibérer,
« La Cour en conseillers foisonne ;
« Est-il besoin d’exécuter,
« L’on ne rencontre plus personne. »
Voyez-vous, c’est justement ce que nous pensons de ce côté de l’hémicycle ! Nous soutenons le Gouvernement et la majorité présidentielle, parce que nous préférons la voie de l’action et de la réforme à celle de la démagogie !
Par conséquent, à l’instar de mes amis, je ne voterai pas cette proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, sur l'article.
M. François Grosdidier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la nécessité de dépenser mieux s’impose aujourd'hui plus que jamais à toutes les collectivités publiques, dans l’intérêt des contribuables et usagers.
Le Président de la République et le Gouvernement ont imposé un tel effort à l’État, via la révision générale des politiques publiques. Certes, ce n’est pas une partie de plaisir ! Mais sans ces mesures, et sans la réforme des retraites, la France serait dans la situation de la Grèce. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Si l’État se réforme, ce n’est ni par mesquinerie ni par idéologie. C’est par nécessité. Les doutes qui pouvaient exister sont balayés par la réalité de la crise mondiale. Seules les autruches ne le voient pas !
Pendant que l’État réalisait péniblement et douloureusement des économies de fonctionnement, nombre de collectivités locales, notamment de gauche, s’empressaient de créer davantage de dépenses.
Dans ces conditions, il était impossible d’équilibrer les comptes de la nation. En cinq ans, de 2004 à 2009, rien que les régions ont augmenté les impôts de 36 % en moyenne, l’augmentation étant de 11 % à 120 % selon les régions.
M. Jean-Jacques Mirassou. Les régions ne perçoivent plus d’impôts !
M. François Grosdidier. Bien entendu, l’État ne peut pas empêcher une collectivité locale de dépenser à outrance. Mais il peut poser un cadre plus rationnel pour les actions et les dépenses des différents niveaux de collectivités. Il peut dessiner une architecture évitant que l’on ne s’occupe de tout à tous les étages.
Qu’est-ce qui marche bien dans le couple « commune/intercommunalité » ? Les mêmes élus agissent de façon complémentaire sur des terrains différents. Et qu’est-ce qui ne va pas dans le couple « département/région » ? Des élus différents se marchent sur les pieds !
Trop souvent, départements et régions agissent dans les mêmes domaines de compétences en prenant des initiatives au mieux redondantes, au pire contradictoires. Et même quand chacun reste dans son champ de compétence, il y a un manque de coordination.
Ainsi, il n’y a aucun lien entre l’insertion sociale, qui relève du conseil général, et l’insertion professionnelle, qui dépend du conseil régional. On peut multiplier les exemples à l’infini.
Ces incohérences ne résultent même pas toujours d’oppositions politiques. Elles sont parfois le fait de rivalités structurelles, voire d’une obsession existentielle de chaque niveau de collectivité dans la tête des élus, et souvent davantage encore dans celle des cadres territoriaux.
Par ailleurs, comment reprocher à un conseiller général de vouloir mener des actions pour le développement économique dans son canton alors que c’est davantage la vocation de la région ? Et comment faire grief à un conseiller régional de vouloir aussi mener des actions sociales alors que c’est d’abord la mission du département ? Le conseiller territorial n’aura plus ce problème.
L’idée initiale, déjà imaginée par Pierre Mauroy ou François Bayrou, était de supprimer soit le département, soit la région. Mais une gestion de l’action sociale et des collèges depuis la région apparaîtrait comme lointaine, tandis qu’une gestion du TER, de la recherche et des infrastructures structurantes depuis les départements semble impossible dans la plupart d’entre eux.
L’idée géniale de cette réforme a été d’adopter pour le couple « département/région » ce qui fonctionne bien dans le couple « commune/intercommunalité », à savoir les mêmes élus pour siéger aux deux niveaux et des compétences distinctes à chacun de ces niveaux. Il y aura non plus concurrence, mais complémentarité.
Pour les administrés comme pour les élus communaux, ce sera plus simple. Il y aura un seul interlocuteur et un seul dossier. Économisant sur leur fonctionnement propre, départements et régions pourront éviter de recourir à la fiscalité supplémentaire et consacrer davantage de moyens aux investissements ou aux services publics, au bénéfice direct des usagers.
Mes chers collègues, passant de l’Assemblée nationale au Sénat, je me réjouissais de siéger dans une assemblée où les clivages partisans paraissaient s’effacer devant l’intérêt général et où le pragmatisme semblait l’emporter sur l’idéologie. Quelle déception !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Retournez donc à l’Assemblée nationale !
M. François Grosdidier. Faux prétexte que celui de la défense de la parité dans cette proposition de loi !
La réforme territoriale renforce les dispositifs d’incitation financière pour le respect de la parité. Elle institue un suppléant qui sera obligatoirement de sexe opposé et qui siègera désormais en cas de démission du titulaire, même pour cause de cumul ou de convenance personnelle. C’est un système très efficace pour renforcer la représentation féminine. D’ailleurs, il a fonctionné dès cette année après les élections cantonales.
En abaissant le seuil du scrutin de liste aux élections municipales, la réforme permettra l’élection de dizaines de milliers de femmes supplémentaires dès 2014.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais arrêtez !
M. François Grosdidier. Alors non, le motif de cette proposition de loi n’est pas la défense de la parité ! Ce texte est d’abord l’expression du sectarisme et d’une volonté de s’empresser de défaire ce que la majorité présidentielle a fait. C’est aussi l’expression d’une idéologie, celle d’une extension infinie du secteur public, bien au-delà des moyens de la nation. C’est enfin l’expression de la défense des intérêts les plus partisans et les plus électoralistes, au détriment de la représentation des territoires, par le maintien de la proportionnelle aux élections régionales et peut-être même par son extension au niveau départemental, si j’en crois la fondation Terra Nova.
M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui !
M. François Grosdidier. Les Verts accepteront la poursuite du programme nucléaire et les communistes accepteront des socialistes les adaptations à l’économie de marché. Mais il est sujet sur lequel Verts et communistes ne lâcheront pas et sur lequel les socialistes leur céderont : tous veulent des collectivités pléthoriques et le scrutin proportionnel !
Au moment où la France se trouve face à elle-même et à ses faiblesses structurelles en pleine tempête mondiale, une telle proposition de loi est vraiment décalée et irresponsable. Il faut la rejeter ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l'article.
M. Philippe Bas. À vrai dire, je suis un peu déconcerté par notre manière de travailler.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous aussi !
M. Philippe Bas. Jusqu’à ces dernières semaines, le Sénat légiférait. À présent, il « délégifère » !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oh !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un néologisme !
M. Philippe Bas. Voilà une nouvelle approche de notre mission, et j’avoue qu’elle me surprend un peu.
Nous voyons bien, puisque cela nous a été expliqué par les auteurs de ce texte, que cette proposition de loi est en réalité d’un texte d’attente. Mais attente de quoi ?
M. Jean-Jacques Mirassou. De lendemains qui chantent ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Philippe Bas. Attente des résultats des états généraux de la démocratie locale ! Or il s’agit d’une initiative personnelle du président de la Haute Assemblée. Nous n’en avons été informés qu’a posteriori. La démarche a été engagée hors de tout débat au sein du Sénat ; elle ne saurait donc engager l’institution.
Et l’on se demande bien sur quel budget pourrait reposer la mise en œuvre pratique et matérielle de cette initiative. Ce ne sera certainement pas le budget de la Haute Assemblée, et encore moins celui de collectivités territoriales, dont ce n’est pas l’objet légal. On voit donc mal ce qu’il en est.
Par conséquent, nous avons un texte d’attente, mais un texte d’attente de rien du tout ! Voilà qui me déconcerte encore plus ! Curieuse catégorie de loi que les lois d’attente, surtout quand on ne voit pas ce que l’on attend.
D’ailleurs, pourquoi aurait-on besoin d’un texte de loi pour attendre ? Si l’on veut adopter un système autre que celui du conseiller territorial mais qui soit différent du mécanisme antérieur, il n’y a strictement aucune urgence, puisque l’élection des conseillers territoriaux n’est prévue qu’en 2014 !
On nous annonce qu’il y aura des états généraux et que le Parlement reprendra docilement leurs conclusions pour instituer un nouveau dispositif. Nous n’avons donc pas besoin d’un texte d’attente pour nous engager dans un tel processus, qui est lui-même assez singulier et, pour tout dire, totalement improvisé.
L’idée que le retour à la législation antérieure pourrait survivre à une telle attente m’inquiète beaucoup. Dans nos départements, l’écart de représentativité des conseillers généraux les uns par rapport aux autres est parfois considérable, et il l’est d’ailleurs encore plus d’un département à l’autre. Je siège au conseil général de la Manche en représentant 2 900 habitants quand l’un de mes collègues en représente 23 000 !
Mesdames et messieurs qui soutenez cette proposition de loi, si vous pensez que nous avons un bon système et que le législateur a eu tort de vouloir y mettre fin, assumez vos responsabilités ! Dites clairement que vous voulez maintenir en l’état un mécanisme aussi inégalitaire entre les représentants de chaque département et à l’intérieur de chaque département.
J’ajoute que le système de désignation des conseillers régionaux entraîne – cela saute aux yeux – la désignation d’élus totalement en apesanteur, sans enracinement, ni interlocuteur parmi les forces vives de la société ni connaissance réelle du terrain.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Comme à l’Élysée !
M. Philippe Bas. Le seul combat politique qu’ils ont eu à mener est celui qui les a amenés en position éligible sur les listes aux régionales !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes quand même au courant qu’ils sont élus dans les départements ?
M. Philippe Bas. Ces élus ont parfois des compétences militantes, qui sont d’ailleurs précieuses dans l’exercice de certaines activités, mais qui ne sont pas la meilleure garantie pour une gestion optimale des collectivités territoriales. Là encore, je pense que le retour au système antérieur n’est pas la bonne solution.
Si nous voulons évoluer vers un système autre que celui du conseiller territorial, il serait temps, me semble-t-il, de préciser lequel !
Mme Éliane Assassi. Temps écoulé !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est l’heure, monseigneur !
M. Philippe Bas. Et vous devrez aussi expliquer que le système supprimé par la réforme de l’an dernier ne sera pas remis en place à la suite de l’éventuelle adoption de cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, sur l'article.
M. Alain Bertrand. À vous écouter, il semblerait que les régions ne comptent que quelques analphabètes qui s’échinent à faire le malheur de nos concitoyens !
Il est grossier de parler ainsi des régions, car nul n’ignore leur action en matière de formation professionnelle, de transports, des lycées, de développement économique, d’emplois ou d’apprentissage.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bref, tout ce que l’État ne fait pas !
M. Alain Bertrand. Vouloir faire passer les régions pour des cancres,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas ce qu’on a dit !
Mme Annie David. Si !
M. Alain Bertrand. … c’est aborder la République par le petit bout de la lorgnette, sans se préoccuper trop des citoyens.
De plus, présenter le conseiller régional comme un élu qui n’y comprend goutte n’est pas correct. Dans ma région, peu de manifestations culturelles, sportives ou événementielles s’organisent sans que soit consulté le conseiller général, mais aussi le conseiller régional. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Mes chers collègues, je suis vice-président d’une région qui compte un département de 70 000 habitants, mais aussi un département de 1,5 million d’habitants. Je connais les élus locaux, nous faisons tous le même travail.
Devrions-nous ces critiques sur les conseillers qui sont incultes, qui ne sont pas proches des citoyens, qui veulent du mal à l’ensemble de la France, au fait que les régions sont majoritairement de gauche ? Certainement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Si c’est vous qui le dites…
M. Alain Bertrand. Par ailleurs, un de nos collègues a gentiment affirmé que les régions avaient augmenté les impôts en moyenne de 36 %.
M. André Reichardt. Pas en Alsace !
M. Alain Bertrand. Je le crois, mais le même collègue aurait pu également préciser que l’État transfère massivement les charges et les personnels, tape en touche, etc. Cessez donc la curée sur les régions !
Un autre sujet me tient particulièrement à cœur, à savoir les départements de 70 000 habitants. Il s’agit non pas de la ruralité, mais de l’hyper ruralité. Évidemment, ces départements ne comptent pas d’université ! Tout à l’heure quelqu’un disait que, pour se rendre dans sa capitale régionale, il lui fallait une heure, ce qui est commode. Moi, en train, un aller-retour pour Montpellier me prend huit heures !
M. André Reichardt. En train ou à cheval ? (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Bertrand. Le vrai élu de proximité est donc le conseiller général – vous avez raison à cet égard –, qui est le capitaine de l’équipe des maires ruraux et des petites communes, ceux dont le budget – je le rappelle à certains qui doivent diriger des communes plus importantes – peut s’élever à 80 000 euros pour une année, somme avec laquelle il faut payer beaucoup de choses.
En Lozère, nous avions vingt-cinq conseillers généraux. La nouvelle forme du conseiller territorial ne nous en laissera plus que quinze ! J’ai entendu ce qu’a dit l’orateur qui s’est exprimé avant moi. Comme d’autres, je souhaite une réforme constitutionnelle pour que l’on tienne compte du nombre de citoyens que les élus locaux représentent, mais aussi dans certains cas du territoire qu’ils représentent. Il n’y a pas de territoires sans hommes et il n’y a pas d’hommes heureux sans amour d’un territoire, et sans envie ni projets ! Je me fais donc énormément de souci quant à l’hyper ruralité.
Par ailleurs, vous évoquez les états généraux de la démocratie territoriale annoncés par le président du Sénat et vous nous dites que nous n’avons rien à proposer. Permettez-moi de vous indiquer que nous avons autant de propositions que vous ! Chaque fois que vous parlez du conseiller territorial, vous ne savez rien sur les compétences, sur le mode d’élection dans les petits départements, sur le rôle des élus au sein des régions et des départements. D’ailleurs, si l’élu est affecté à la région, il ne sera plus aussi disponible sur le terrain et il perdra son caractère d’élu de proximité !