Mme la présidente. Monsieur le ministre, autorisez-vous Mme la rapporteure à vous interrompre ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est n’importe quoi !
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame la présidente, c’est vous qui conduisez les débats dans cet hémicycle, et je n’ai jamais eu l’habitude de mettre en cause la présidence, quelle qu’elle soit. Je tiens juste à préciser que le Gouvernement a toujours la possibilité d’interrompre les orateurs : je ne l’ai jamais fait, ni au Sénat ni à l’Assemblée nationale.
Je voudrais juste achever mon propos, je n’en ai que pour quelques instants. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, c’est M. le ministre qui décide ! (Protestations redoublées sur les mêmes travées.)
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame Schillinger, un échec économique, social et moral ? Ce serait le cas si ce texte était adopté. C’est cette proposition de loi qui entraînerait un tel échec, certainement pas la loi présentée par Richard Mallié.
Vous parlez d’ailleurs d’une rémunération différente pour un même travail, selon le côté de la rue où l’on se trouve. Permettez-moi de vous le dire, madame le sénateur, c’est le principe même des accords collectifs que de savoir produire des différences. (Oui ! sur les travées de l’UMP.)
D’ailleurs, la Constitution et la loi permettent ces accords collectifs. C’est la loi de la République, c’est la norme juridique française. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Voilà pourquoi il ne faut pas chercher à fixer forcément les mêmes normes pour tous. C’était l’erreur des 35 heures. Il faut, me semble-t-il, des lois qui protègent et, ensuite, de la souplesse, absolument nécessaire. Le contester, c’est remettre en cause tout l’édifice du droit social dans notre pays.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des boniments !
Mme Annie David, rapporteure. Un bonimenteur, exactement !
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Le Menn, vous avez évoqué ces familles qui seraient sacrifiées en raison du travail du dimanche. Allons !
Près de 6,5 millions de Français travaillent habituellement ou occasionnellement le dimanche.
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Et alors ?
Mme Annie David, rapporteure. Sur 64 millions de Français !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le tableau que vous dressez de ces « familles sacrifiées » correspond-il véritablement à la réalité ? Le dimanche est un jour particulier et, bien évidemment, le repos dominical est un principe, mais certaines personnes souhaitent pouvoir travailler le dimanche, j’en ai rencontré. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Oui, bien sûr !
Mme Annie David, rapporteure. Et celles qui travaillent à temps partiel « choisi » ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Dans certaines familles monoparentales, pour les personnes qui, un week-end sur deux, n’ont pas la garde des enfants, travailler le dimanche, ce n’est pas forcément imposé, c’est parfois un choix.
Mme Gisèle Printz. Oh !
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il ne m’appartient pas de dire si c’est bien ou mal. J’ai juste à m’assurer que la loi leur apporte des garanties et leur permette de choisir. Voilà ce que je pense nécessaire dans un pays comme le nôtre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
En définitive, on en revient toujours à cette vieille lune du partage du travail.
M. Yves Rome. Et le chômage ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous avez parlé d’avant-garde, tout à l’heure.
Oui, je dois le dire, la majorité sénatoriale est aujourd’hui à l’avant-garde de ce que serait le programme de la gauche. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Au-delà de l’opération de communication qu’a été l’organisation des primaires,…
Mme Annie David, rapporteure. Cela vous ennuie !
M. Xavier Bertrand, ministre. … il faut maintenant entrer dans le concret et dire la vérité ; il faut que les masques tombent.
Nous avons entendu bien des grands discours, bien des promesses. Des grands discours, des promesses, voilà la réalité ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sarkozy, c’est le roi des promesses depuis cinq ans !
M. Xavier Bertrand, ministre. Êtes-vous irréalistes au point de croire à vos promesses ou bien cyniques au point de les faire tout en les sachant intenables ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
En vérité, et les Français doivent le savoir, l’application de vos idées serait un formidable recul ! Hier, la gauche supprimait les avantages fiscaux et les exonérations sociales sur les heures supplémentaires. Aujourd'hui, elle menace l’emploi et le pouvoir d’achat d’un quart de million de Français !
M. Yves Rome. Et vous, vous êtes le champion du chômage !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je le dis très clairement, les Français ne veulent pas du recul social que vous imposeriez à l’ensemble de notre pays !
Voilà la vérité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. – Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes le ministre du chômage !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça y est ! Les anticommunistes se réveillent !
Mme Annie David, rapporteure. Pour ma part, je m’étonne que nos collègues ne se soient pas levés pour applaudir M. le ministre. (Plusieurs sénatrices et sénateurs de l’UMP se lèvent alors et applaudissent.) En effet, en l’écoutant, j’ai eu l’impression d’assister à un meeting de l’UMP organisé dans le cadre de la campagne présidentielle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Pierre Hérisson. Et vous, vous faites quoi ?
M. Roger Karoutchi. Oui, vous faites quoi, en ce moment ?
Mme Annie David, rapporteure. Pourtant, je croyais que nous examinions une proposition de loi garantissant le droit au repos dominical inscrite à l’ordre du jour du Sénat dans le cadre d’une niche parlementaire.
Mes chers collègues, lorsque vous étiez dans la majorité et nous, dans l’opposition, vous étiez tout à fait d'accord pour laisser la Haute Assemblée débattre des propositions de loi déposées dans ce cadre. (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.) Mais, aujourd’hui, vous vous évertuez les uns et les autres à ne pas débattre du sujet.
Mme Catherine Troendle. Débattre ? C’est ce que nous faisons !
Mme Annie David, rapporteure. Je m’étonne d’ailleurs de la longueur des propos de M. le ministre. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.) Alors qu’il se contente d’ordinaire d’un laconique « favorable » ou « défavorable », sans autre forme de procès, pour se prononcer sur les amendements que nous lui présentons, il s’est exprimé aujourd'hui pendant une heure au total ! (Protestations redoublées sur les mêmes travées.)
Vous ne m’empêcherez pas de parler, mes chers collègues ! Hurlez tant que vous voulez ! Cela montre simplement combien vous êtes en colère d’avoir perdu la Haute Assemblée ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.) Vous avez décidément du mal à accepter votre défaite. Pourtant, il va falloir vous y faire, vous en avez encore pour six ans au moins !
Mme Catherine Troendle. Trois ans !
Mme Annie David, rapporteure. Et j’espère même plus longtemps encore !
M. Roger Karoutchi. Dans trois ans, c’est fini !
Mme Annie David, rapporteure. Mais non ! Dans trois ans, le résultat des élections sénatoriales sera, j’en suis certaine, encore plus favorable à la gauche !
Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, nous ne sommes pas là pour débattre de la majorité et de l’opposition au Sénat. (Vives exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Alain Gournac. Et que faites-vous d’autre ?
Mme Annie David, rapporteure. En réalité, par vos subterfuges et votre attitude parfaitement méprisable, vous voulez simplement empêcher le débat parlementaire sur une proposition de loi garantissant le droit au repos dominical. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Je n’entrerai pas dans le détail des arguments que vous avez avancés. Nous pourrions les démonter très facilement. (Exclamations indignées sur les mêmes travées.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh bien, faites-le !
Mme Annie David, rapporteure. Non ! Je me refuse à entrer dans ce jeu ! Je préfère me réserver pour la discussion des articles, et je démonterai alors chacun de vos arguments, amendement par amendement.
M. Pierre Hérisson. Comme hier soir ! On va vous laisser seuls ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David, rapporteure. Selon vous, 250 000 emplois seraient menacés. Mais il y a tout de même 65 millions d’habitants dans notre pays !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Jusque-là, c’est juste !
Mme Annie David, rapporteure. Pourquoi ces 250 000 salariés n’auraient-ils pas droit au repos dominical dont tous les autres Français bénéficient ? (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Jean-Claude Lenoir. Nous travaillons même le dimanche !
M. Rémy Pointereau. Tout à fait !
Mme Annie David, rapporteure. Vous prétendez que la loi Mallié a permis de trouver un équilibre. C’est l’inverse, et vous le savez ! Cette loi a au contraire cassé l’équilibre qui existait auparavant dans notre code du travail !
M. Roger Karoutchi. Mais non !
Mme Annie David, rapporteure. Vous invoquez la nécessité de soutenir notre économie. Mais ceux qui consommeront le dimanche ne consommeront pas la semaine, d’autant que le pouvoir d'achat des Français diminue ! Ceux qui auront acheté un canapé ou une voiture le dimanche ne retourneront pas racheter un canapé ou une voiture le lundi ou le mardi ! Ne soyez pas ridicules à ce point, chers collègues ! (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
S’agissant des PUCE, il est vrai que nous avons décidé de ne pas revenir sur le dispositif, et cela n’a jamais été l’intention des auteurs. Simplement, et j’aurai l’occasion de m’en expliquer lors de la discussion des articles, nous voulons empêcher la création de tout nouveau PUCE, car vous utilisez ce dispositif pour favoriser l’ouverture illégale des magasins le dimanche dans l’intention de généraliser le système, une fois que les habitudes seront prises ! (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Par conséquent, nous sommes effectivement totalement opposés à la loi Mallié. C'est la raison pour laquelle, avec mon groupe, nous avons déposé la présente proposition de loi et pour laquelle aussi j’ai accepté d’en être la rapporteure.
Monsieur le ministre, chers collègues, je vous démontrerai, article après article, que la loi Mallié n’institue en rien un équilibre favorable aux salariés, bien au contraire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Isabelle Debré. Rappel au règlement !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
Mme Isabelle Debré. Rappel au règlement !
Mme la présidente. La discussion générale est close. (Vives protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Jean-Claude Lenoir. Mme Debré demande la parole pour un rappel au règlement, madame la présidente.
M. André Reichardt. Le rappel au règlement est de droit !
Mme la présidente. Nous passons à la discussion des deux motions qui ont été déposées. (Plusieurs sénateurs de l’UMP scandent : « Rappel au règlement ! »)
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mmes Procaccia, Debré, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Léonard, Lorrain, Milon, Pinton, Savary, Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 2. (Protestations continues sur les travées de l’UMP.)
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical (n° 90, 2011-2012)
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, Mme Isabelle Debré a formulé une demande de rappel au règlement. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David, rapporteure. C’est Mme la présidente qui préside !
Mme la présidente. Madame Procaccia, ce n’est pas vous qui présidez ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Vous avez la parole pour défendre la motion n° 2, madame Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Bien, madame la présidente. Toutefois, comme j’ai la parole, je vais faire un rappel au règlement avant de défendre la motion tendant à opposer la question préalable. (Nouvelles marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, nous sommes ici pour débattre, et vous n’avez pas eu une attitude de présidente !
M. Alain Gournac. Vraiment pas !
Mme Annie David, rapporteure. Je suis rapporteure de la proposition de loi !
Mme Catherine Procaccia. Je sais bien que vous êtes rapporteure, mais vous nous avez injuriés ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui nous injuriez !
Mme Catherine Procaccia. Dans cette assemblée, il n’est pas courant que l’on se respecte si peu.
M. Claude Bérit-Débat. Montrez l’exemple !
Mme Catherine Procaccia. Aussi, et je m’adresse à la fois à Mme la présidente et à Mme la rapporteure, je souhaite que nous puissions désormais débattre un peu plus sereinement qu’en ce début d’après-midi.
Par exemple, madame la rapporteure, vous avez voulu interrompre M. le ministre pendant qu’il répondait aux parlementaires, ce qui est contraire à la pratique républicaine.
Mme Annie David, rapporteure. Pas du tout ! Cela se fait très fréquemment !
Mme Catherine Procaccia. Vous pouviez attendre qu’il ait fini de s’exprimer !
Et les invectives qui fusaient des travées de la gauche pendant que M. le ministre répondait aux intervenants ne sont pas plus républicaines ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme Annie David, rapporteure. Ce n’était pas mieux pendant que je parlais !
Mme Catherine Procaccia. J’en viens à présent à la motion proprement dite. Je souhaite, madame la présidente, que les chronomètres soient remis à zéro et que mon temps de parole soit intact, puisque j’ai simplement fait le rappel au règlement qui nous a été refusé tout à l’heure. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.- Mme la rapporteure proteste.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le législateur a le devoir de répondre aux transformations sociales et culturelles de notre société, qui est en perpétuel mouvement.
Mme Éliane Assassi. Là, il a tout raté !
Mme Catherine Procaccia. C’est ce qu’il a fait en 2009, en adoptant la loi du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales, ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.
Si le dimanche n’est pas une journée comme les autres, et ne doit pas le devenir, comment ne pas prendre en considération les évolutions sociétales ?
Le législateur de 2009 a décidé de prendre acte des nouveaux modes de vie, notamment dans les plus grandes agglomérations. C’est pour répondre à une telle évolution que la loi a tenu compte d’un certain nombre de situations spécifiques.
Madame David, le texte que vous, le groupe CRC et d’autres sénateurs de gauche nous présentez remet en cause non seulement la loi du 10 août 2009, mais aussi et surtout le droit au libre choix de travailler ou non le dimanche et même le rôle du Conseil constitutionnel, qui a validé cette loi !
Nous sommes d’accord pour dire que le dimanche est un jour d’exception où l’on a le plaisir de se réunir en famille. Mais c’est aussi bien souvent le seul jour où l’on peut prendre le temps de faire, en famille, des achats et des choix qu’il est impossible d’effectuer le reste de la semaine.
Madame David, vous voulez ignorer que la France a profondément évolué.
Mme Catherine Procaccia. Voilà plus d’un siècle que la loi existe ! On ne peut pas appliquer sur l’ensemble du territoire les mêmes règles que celles qui dataient de 1906 !
Un des orateurs a voulu nous faire un cours sur l’histoire de la loi au XXe siècle. Nous, nous pourrions lui faire un cours sur l’histoire de l’évolution de la société du XXe siècle jusqu’au XXIe siècle.
M. Ronan Dantec. Vous, vous voulez nous faire revenir au XIXe siècle !
Mme Catherine Procaccia. En France, il existe treize agglomérations de plus de 500 000 habitants, qui totalisent un peu plus de 20 millions de personnes. Les modes de vie y sont très différents de ceux que l’on observe sur le reste du territoire.
La véritable question n’est pas d’être pour ou contre l’ouverture des magasins le dimanche ; c’est celle de la liberté, qu’il s’agisse de la liberté des consommateurs, de la liberté du commerce, de la liberté de choix des salariés.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Mirassou. La liberté du renard dans le poulailler !
Mme Catherine Procaccia. Cette proposition de loi révèle un décalage entre une vision totalement idéologique et dépassée de la société et la réalité d’aujourd’hui.
Chers collègues communistes, allez donc en Russie ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.) À titre personnel, j’étais à Moscou ce week-end, et je peux en témoigner : tout y est ouvert sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre !
M. Alain Gournac. Ah !
Mme Catherine Procaccia. Certains pays ont su évoluer, mais pas les communistes en France !
Mme Annie David, rapporteure. J’ignorais que Poutine était communiste ; vous me l’apprenez ! Sarkozy aussi est communiste ? Ce serait une sacrée nouvelle !
Mme Catherine Procaccia. Vous refusez d’admettre que le travail le dimanche peut être aussi souhaité et relever d’un choix totalement libre. Vous ne voulez pas voir que si certains choisissent le dimanche comme jour de repos, d’autres préfèrent prendre leur vendredi ou leur samedi !
Mme Éliane Assassi. Et ceux qui vont à la messe ? (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Catherine Procaccia. Allez donc au bout de la logique et laissez les gens choisir eux-mêmes leur jour de repos ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
L’article 2 de la proposition de loi prévoit de réécrire le code du travail pour y insérer une section supplémentaire relative aux garanties et protections pour les salariés qui travaillent le dimanche.
L’article 1er de la loi du 10 août 2009, qui rédige l’article L. 3132-27 du code du travail, garantit pourtant à chaque salarié privé de repos dominical une majoration de salaire égale au trentième de son salaire mensuel ou à la valeur d’une journée de travail s’il est payé à la journée. Le salarié bénéficie d’un repos compensateur en temps.
L’arrêté pris en application de l’article L. 3132-26 du même code, qui porte sur les établissements de commerce de détail, définit les conditions dans lesquelles ce repos est accordé, soit collectivement, soit par roulement dans la quinzaine qui précède ou suit la suppression du repos.
En outre, cet article 2 vise à encadrer le principe du volontariat. L’article L. 3132-25-4 du code du travail prévoit que seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche sur le fondement des autorisations d’ouverture dominicale accordées.
Enfin, cet article 2 prévoit qu’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation ne peut pas prendre en considération le refus d’une personne de travailler le dimanche pour ne pas l’embaucher.
Or l’article L. 3132-25-4 du code du travail prévoit que le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’autorisations ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement et que, à défaut d’accord collectif applicable, l’employeur est tenu de demander chaque année à tout salarié travaillant le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou pour reprendre un emploi ne comportant pas de travail le dimanche, et ce dans la même entreprise.
La loi que nous avons adoptée au mois d’août 2009 accorde donc déjà des garanties fortes aux salariés concernés, et le dispositif est fondé sur le volontariat, qui reste la base du travail dominical. Cette loi reconnaît même au salarié la possibilité de revenir sur son choix au terme d’une période donnée.
En outre, le législateur a fait toute sa place à la négociation pour fixer les modalités de travail et les compensations accordées aux salariés. Grâce aux nouvelles règles de représentativité, c’est bien au plus près du terrain, et avec des accords d’entreprise ou de branche, que la loi a été mise en œuvre.
Cette loi a prévu un encadrement meilleur, une protection des salariés accrue, ainsi qu’une clarification de la situation dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE, dont il sera évidemment beaucoup question aujourd’hui.
Les partenaires sociaux ont été entendus. Idem pour le Conseil économique, social et environnemental.
La loi de 2009 n’a jamais prévu une généralisation du travail dominical, contrairement à ce qui a été affirmé sur certaines travées ; elle a tout simplement prévu une extension limitée et encadrée, avec quelques dérogations nouvelles. Les droits individuels des salariés n’ont aucunement été sacrifiés.
L’article 4 de la proposition de loi vise à remettre en cause les dérogations accordées aux communes touristiques et thermales déjà prévues par la loi du 10 août 2009, et ce même pendant les périodes d’activités touristiques, ce qui est particulièrement grave pour ces communes et ces emplois. Je doute que les communes, les employeurs et les employés concernés soient enchantés de cette disposition…
Le régime dérogatoire au repos dominical, pour les communes et les zones touristiques, est différent, certes, puisqu’il est de droit.
Pour tous les commerces situés dans les communes et zones touristiques, cette dérogation est donc transformée en dérogation de plein droit.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 6 août 2009, a considéré qu’il résulte du texte même des dispositions précitées que les communes et les zones touristiques sont déterminées sur le fondement des seules dispositions du code du travail qui définissent le régime des dérogations au repos dominical ; que les dispositions du code du tourisme qui permettent à certaines communes d’être dénommées « communes touristiques » ont un objet différent ; que dès lors, le grief selon lequel le texte méconnaîtrait l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi doit être écarté.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a considéré qu’en étendant la dérogation à tous les commerces situés dans ces communes et ces zones le législateur a voulu mettre fin aux difficultés d’application du critère actuel des établissements de vente au détail qui mettent à la disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel ; qu’en étendant cette dérogation à l’ensemble de l’année, le législateur a pris en compte l’évolution des modes de vie et de loisirs ; qu’en transformant cette dérogation en une dérogation de droit, il n’a fait que tirer les conséquences de cette double modification. Ainsi, toujours d’après le Conseil constitutionnel, le législateur a fait usage de son pouvoir d’appréciation sans priver de garanties légales les exigences constitutionnelles résultant des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946.
Pour ces motifs, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution le régime dérogatoire au repos dominical des communes et zones touristiques, Paris mis à part, comme il a jugé conforme le régime dérogatoire des périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE.
Le Conseil constitutionnel a également estimé que les critères retenus par le législateur de 2009 ne revêtaient en aucun cas un caractère équivoque et étaient suffisamment précis. La loi ne portait donc pas atteinte au droit au repos ni au droit à mener une vie familiale normale.
Les salariés travaillant dans les communes touristiques, en vertu d’une dérogation de plein droit liée aux caractéristiques des activités touristiques de celles-ci, sont dans une situation différente de celle des salariés travaillant dans les PUCE.
Le Conseil économique, social et environnemental a estimé, pour sa part, que, pour des raisons d’équité et de cohérence commerciale, l’autorisation d’ouverture le dimanche pour les commerces situés en zones ou communes touristiques est collective et doit s’appliquer à l’ensemble des commerces.
La loi du 10 août 2009 tend donc à clarifier les conditions auxquelles peut s’appliquer la dérogation au repos dominical dans les communes et zones touristiques.
À partir du moment où il existe une activité touristique régulière et soutenue qui justifie l’ouverture des commerces dans une commune ou une zone touristique, et si le maire le demande, le préfet peut autoriser, sous le contrôle du juge, tous les commerces de cette commune ou de cette zone à employer des salariés le dimanche.
Il s’agit là d’une double garantie de liberté des collectivités locales et de légalité du processus de décision placé sous le contrôle du juge administratif.
Les dérogations doivent obligatoirement correspondre à des critères économiques clairement identifiés et ne peuvent être autorisées sans que des contreparties sérieuses et des garanties juridiques strictes soient apportées aux salariés concernés.
L’article 5 de la proposition de loi vise, lui, à remettre en cause les dérogations possibles dans certaines grandes agglomérations, à savoir les PUCE, alors que ce régime dérogatoire a été validé par le Conseil constitutionnel.
Les dérogations nouvelles concernent le personnel des établissements de vente au détail travaillant dans un PUCE caractérisé par des habitudes de consommation dominicales. Sont également pris en compte l’importance de la clientèle concernée et l’éloignement du centre-ville.
Le Conseil constitutionnel a bien indiqué que le législateur pouvait, usant de son pouvoir d’appréciation, définir un nouveau régime de dérogation au principe du repos dominical au regard des évolutions des modes de consommation dans les grandes agglomérations et que, ce faisant, il ne privait pas de garanties légales les principes reconnus par les dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946.
Le PUCE est créé sur demande du conseil municipal de la commune. En tout état de cause, si un ensemble commercial est installé sur le territoire de plusieurs communes, c’est le préfet qui prendra la décision de création du périmètre, excluant ainsi toute tutelle d’une commune sur une autre.
Dans mon département, comme le ministre l’a rappelé, madame Cohen, monsieur Favier, cela pose des problèmes : plus de soixante emplois viennent de disparaître parce que le préfet n’a pas voulu étendre le périmètre, alors qu’il s’agissait de deux communes séparées de cent cinquante mètres !
Le Conseil économique, social et environnemental a d’ailleurs mis l’accent, à différentes reprises, sur les nouveaux rythmes de vie et les nouveaux comportements de consommation dans les très grandes agglomérations.
Le préfet a la possibilité de délimiter des périmètres d’usage de consommation exceptionnel caractérisés, au sein d’unités urbaines de plus de 1 million d’habitants, par des habitudes de consommation de fin de semaine, par l’importance de la clientèle concernée et par l’éloignement de celle-ci du périmètre susvisé.
Bien évidemment, des garanties et des avantages ont été prévus pour les salariés visés, tous volontaires, et il n’est pas possible d’y déroger.
Enfin, je rappellerai les termes du protocole Larcher du 16 décembre 2009. En effet, à la demande du Premier ministre, Gérard Larcher, alors président du Sénat, a formalisé une procédure de concertation préalable des partenaires sociaux en cas de proposition de loi à caractère social examinée par le Sénat. Ce protocole, établi après une consultation de la présidente de la commission des affaires sociales, du président de la commission des lois, de l’ensemble des présidents de groupe du Sénat, ainsi que des partenaires sociaux, a été approuvé par le bureau du Sénat le 16 décembre 2009.
Il organise la concertation avec les partenaires sociaux préalablement à l’examen, par le Sénat, des propositions de loi relatives aux relations individuelles et collectives du travail, à l’emploi et à la formation professionnelle.
Or la procédure de cette concertation préalable n’a pas vraiment été respectée.
Mme la présidente de la commission des affaires sociales, Mme Annie David, a fait inscrire la proposition de loi à l’ordre du jour de nos travaux sans avoir encore envoyé le texte aux partenaires sociaux. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)