Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L’Allemagne n’a pas de crédit impôt recherche, et ses entreprises s’en sortent très bien !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2007 et 2009, le nombre d’entreprises bénéficiant de ce dispositif a augmenté de 60 %. Qui plus est, 80 % des nouveaux déclarants sont des PME. J’ajoute que l’industrie est le premier secteur – et de loin – à bénéficier du crédit impôt recherche. C’est pourquoi je regrette, madame la rapporteure générale, que vous n’ayez pas eu un mot pour ce dispositif qui dope notre compétitivité.
Notre politique fiscale nous a permis de bâtir une France plus forte, une France qui, sans naïveté mais avec détermination, s’impose dans la mondialisation au lieu de se replier sur elle-même.
M. Daniel Raoul. Ce sera tout ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le troisième axe de notre politique fiscale est l’efficacité : nous nous donnons les moyens de modifier les comportements.
Là encore, nos objectifs sont simples : tout d'abord, modifier les habitudes des Français pour les mettre au service du développement durable ; ensuite, agir pour la santé publique.
La fiscalité verte, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est en effet ce gouvernement qui l’a mise en place. Dans la droite ligne du Grenelle de l’environnement, nous avons agi. Je pense par exemple aux dispositifs qui favorisent les économies d’énergie, comme l’éco-prêt à taux zéro ou encore au crédit d’impôt développement durable. Dans quelques jours, vous examinerez la prorogation de ce dernier, dans le cadre du projet de loi de finances ; vous constaterez alors que nous renforçons son efficacité en le concentrant sur les travaux qui ont le plus d’impact sur les économies d’énergie.
La fiscalité comportementale est un domaine nouveau. Peu à peu, nous affinons les dispositifs en tirant les leçons des évaluations et des études. C’est une démarche raisonnée, une démarche exemplaire, qu’illustre notamment le bonus-malus automobile.
J’en suis convaincue, personne ne reviendra jamais sur la fiscalité verte.
Certains affirment que nous avons créé beaucoup de taxes. De fait, nous avons appliqué la fiscalité verte à tous les produits polluants. C'est pourquoi de nombreuses taxes ont été créées dans le cadre de du Grenelle de l'environnement. Je sais que vous ne remettrez pas ces taxes en cause, car personne ne reviendra sur une fiscalité qui améliore les comportements en matière d’environnement et de développement durable.
M. Alain Richard. Il n’est pas encore certain que nous changerons de gouvernement… (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Valérie Pécresse, ministre. De même, je suis convaincue que personne ne reviendra sur nos décisions en matière de santé publique.
Dans ce domaine, nous voulons passer à une politique préventive. Je pense non seulement à la hausse continue des prix du tabac, que nous avons mise en œuvre depuis 2004, mais aussi aux augmentations des impositions sur l’alcool et à la taxe sur les boissons contenant des sucres ajoutés, dont vous débattrez bientôt.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et sur les mutuelles ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est ce gouvernement qui aura été le premier à donner des signes très forts de sa détermination à lutter contre l’obésité, qui est devenue, vous le savez, l’un des premiers fléaux en matière de santé publique dans notre pays.
La prévention, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, c’est l’avenir de nos politiques de santé et la condition de la réduction de nos déficits sociaux. C’est pourquoi la fiscalité comportementale est appelée à se développer tout au long des années qui viennent. J’aimerais déjà être en 2015 ou en 2016 pour voir quelle sera l’évolution de notre fiscalité en la matière.
M. Alain Richard. Vous êtes donc convaincue de la victoire de la gauche en 2012. Merci !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Richard, ne prenez pas vos désirs pour des réalités. Prêtez plutôt attention à la cohérence de notre politique fiscale.
Nous avons semé une graine, et nous allons la faire fleurir. La voie fiscale des cinq prochaines années s’inscrira dans la lignée de cette fiscalité comportementale que vous critiquez abondamment, mais à tort, car c’est la voie de l’avenir. Vous devriez donc m’écouter davantage, plutôt que de rester dans votre bulle, persuadé que, puisque vous avez remporté les élections sénatoriales, vous avez déjà gagné l’élection présidentielle. Attendez un peu ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Les maîtres mots de notre politique fiscale sont l’équité, la compétitivité et l’efficacité. Oui, le Gouvernement fait des choix, des choix raisonnés et mûrement pesés ! Il les assume pleinement.
M. Daniel Raoul. Hélas !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Notre politique fiscale est le reflet de nos valeurs ; elle est également le reflet de nos convictions économiques. En la matière, s’engager dans une augmentation générale des impôts serait – je le répète avec force – une faute historique. Aucun pays européen n’a fait ce choix. Si elle le faisait, la France s’isolerait une fois encore, en s’engageant dans une voie sans issue : celle de la divergence européenne, celle du « grand soir fiscal » évoqué au cours des primaires socialistes, qui reste terriblement nébuleux. Je souhaite d'ailleurs qu’il le reste encore très longtemps, monsieur Richard !
Mme la rapporteure générale elle-même n’est pas parvenue à préciser les contours de ce « grand soir fiscal » : vous nous parlez, madame Bricq, d’un impôt unique, mais vous ne nous donnez pas le moindre détail ; cela intéresserait pourtant les Français…
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous ne sommes pas en campagne électorale !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous nous parlez de milliards d’euros de suppression de niches, en reprenant le constat de l’Inspection générale des finances, mais vous ne vous donnez pas votre avis sur chacune de ces niches.
En vérité, le flou le plus total règne. La seule chose qui soit claire, c’est que votre programme comportera une augmentation des impôts à hauteur de 50 milliards d’euros. C’est une erreur, car le seul chemin de désendettement qui soit à la fois réaliste et juste – j’y insiste, au risque de me répéter – passe d’abord, et avant tout, par une baisse des dépenses. C’est le cœur de la stratégie du Gouvernement, qui continuera dans cette voie pour garantir le respect de nos engagements. Dans l’intérêt du pays, je souhaiterais que la Haute Assemblée rejoigne ce chemin. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame la ministre, vous avez opportunément rappelé la singularité de ce débat sur les prélèvements obligatoires, dont la tenue est prévue par la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances. Reste qu’il n’a lieu qu’au Sénat, car le calendrier imposé à nos collègues de l’Assemblée nationale les empêche de pouvoir l’organiser.
Ma première réflexion consiste à me demander si ce débat demeure pertinent. En effet, l’évolution de la gouvernance de nos finances publiques depuis l’adoption de la LOLF, en 2001, a montré que l’objectif recherché par ses auteurs – obtenir une vision consolidée des prélèvements obligatoires avant la discussion des deux lois financières – a été atteint par d’autres moyens.
De fait, cette approche consolidée a gagné du terrain : nous adoptons des lois de programmation des finances publiques qui fixent des objectifs consolidés en matière de prélèvements obligatoires ; nous votons chaque année sur le programme de stabilité, qui couvre les finances publiques dans leur ensemble – recettes et dépenses –, sans tenir compte de la segmentation entre les deux lois financières.
Ce constat étant fait, on pourrait considérer que ce débat n’est plus nécessaire, sauf lorsque le contexte politique justifie sa tenue. Or tel est précisément le cas cette année. En cette fin de quinquennat, j’ai fait un bilan de la politique menée par le Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires, dans le cadre du rapport sur les prélèvements obligatoires que j’ai commis au nom de la commission des finances. Certains s’en sont étonnés, mais j’estime normal, voire d’une évidente nécessité, à la veille d’une année au cours de laquelle seront tranchées les options qui engageront la France pour cinq ans, de faire le point sur les résultats obtenus par l’équipe sortante.
Je n’ai de surcroît pas innové. En 2006, le rapport sur les prélèvements obligatoires présenté par le Gouvernement de Dominique de Villepin comportait un bilan détaillé de la politique conduite entre 2002 et 2007.
Cela n’est pas le cas cette année. On peut penser, et je le pense, qu’un tel « oubli » n’est pas fortuit tant les choix fiscaux du quinquennat ont été nuisibles et incohérents dans la durée.
M. Daniel Raoul. C’est la vérité !
M. François Marc. Eh oui !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mes appréciations sur les différents volets de la politique de prélèvements obligatoires, et plus particulièrement de la politique fiscale, sont sévères, sévérité que je revendique.
J’ai du reste intitulé mon rapport Prélèvements obligatoires 2007-2012 : un quinquennat d’incohérences et d’injustices.
M. Jean-Jacques Mirassou. Au pluriel !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. De quelque côté que l’on se tourne, quel que soit le pan de la politique fiscale que l’on analyse, on est en effet saisi par l’incohérence et la partialité des choix.
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous aurons le temps d’y revenir dans le détail dans les semaines qui viennent en examinant les amendements destinés à corriger les principales erreurs commises ces dernières années, dans l’attente d’une alternance qui permettra de remettre globalement notre système fiscal sur de bons rails.
Cependant, je ne peux tout de même pas ne pas mentionner les réformes successives de la fiscalité du patrimoine, dans le sens tantôt d’un allégement, tantôt d’un alourdissement, sauf pour une catégorie bien déterminée de Français, les plus riches, qui, eux, sont toujours gagnants, que le mouvement soit à la baisse ou à la hausse ! Tout cela est non seulement injuste, mais aussi illisible.
Je dois aussi mentionner la fiscalité des entreprises et revenir sur la réforme de la taxe professionnelle.
Vous avez allégé de près de 5 milliards d’euros les charges qui pèsent sur les entreprises, dégradant d’autant le déficit structurel, cette réforme ayant été financée par l’emprunt. Ce faisant, vous avez provoqué un désordre sans précédent dans les finances locales et même, comme nous l’avons observé la semaine dernière en examinant en commission une enquête de la Cour des comptes, perturbé sensiblement la reforme de votre administration.
Or les entreprises avaient-elles besoin de ce dispositif ? On peut en douter si l’on fait la liste des mesures qui, depuis lors, ont accru les prélèvements qui pèsent sur elles, liste qui n’est d’ailleurs pas close puisqu’une surtaxe de l’impôt sur les sociétés est annoncée dans un projet de loi de finances rectificative ! Allez comprendre : après avoir allégé cet impôt de 5 milliards d’euros, on le surtaxe en fin de quinquennat… Incohérence, une fois encore !
Quoi qu’il en soit, on attend toujours l’étude économique sur les effets de la réforme de la taxe professionnelle sur la compétitivité, la croissance et l’emploi, puisque c’est au nom de ces trois facteurs que Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi nous avait à l’époque présenté cette réforme comme nécessaire. On doute cependant que le bilan soit positif.
Vous avez parlé, madame la ministre, du crédit impôt recherche, dispositif pour lequel la période d’évaluation est, nous dit-on, de cinq ans. J’ai cependant observé, dans le cadre du travail de convergence fiscale avec l’Allemagne, que ce pays ne disposait pas d’un tel crédit d’impôt mais qu’il était très supérieur au nôtre en termes de compétitivité et de parts de marché. Les chiffres de notre commerce extérieur et nos pertes de parts de marché depuis, il faut bien le constater, une dizaine d’années me conduisent d’ailleurs à m’interroger sur la pertinence de nos dispositifs fiscaux.
Je m’arrête là et vous renvoie, mes chers collègues, au rapport de la commission pour ce qui est d’autres graves erreurs, qu’il s’agisse de la fiscalité écologique, que le Gouvernement a « plombé » dans l’opinion avec la calamiteuse taxe carbone, du régime des heures supplémentaires, contre-productif en période de chômage intensif et, hélas ! toujours croissant, ou encore des réformes allant dans le mauvais sens de la fiscalité immobilière.
Je veux maintenant aborder la contribution des prélèvements obligatoires à la trajectoire de nos finances publiques, ce qui est l’objet de ce débat.
Il ressort de l’analyse des programmations successives que le Gouvernement n’a, pendant trop longtemps, ni compris la nature ni perçu la profondeur de la crise de 2008 et qu’il a entretenu, jusqu’à tout récemment – y compris dans le programme de stabilité qu’il a transmis à la Commission en avril 2011 –, l’espoir de terminer la législature sans faire remonter le taux de prélèvements obligatoires au-dessus de son niveau de 2007. De ce point de vue, la programmation associée au projet de loi de finances pour 2012 marque une rupture puisqu’elle prévoit que notre pays battra son record en matière de taux de prélèvements obligatoires à partir de 2013, à 45 % et plus.
À ce sujet, je me souviens du débat de 1999, auquel j’ai participé dans une autre assemblée, entre majorité et opposition d’alors ; je note qu’il vous est de plus en plus difficile, madame la ministre, de nous accuser d’incarner les augmentations de prélèvements obligatoires puisque vous les avez vous-mêmes augmentés. Je me souviens aussi que, en début de quinquennat, le Président de la République s’était engagé à les diminuer de quatre points.
Votre refus de vous rendre à l’évidence constitue la raison principale de l’éparpillement et de l’incohérence de votre politique fiscale. Le Gouvernement augmente les impôts à reculons, mais il ne peut pas inscrire les mesures qu’il propose dans la cohérence, les privant ainsi de lisibilité pour les agents économiques : les ménages, qui épargnent au lieu de consommer, les entreprises, qui hésitent à investir, les collectivités locales, qui freinent leurs projets, leur taux d’investissement étant ainsi passé, je le rappelle, de 71 % à 63 %.
Pourtant, la hausse des prélèvements obligatoires que vous avez opérée est une évidence mathématique dès lors que l’on s’inscrit dans une trajectoire de réduction du déficit et, pour peu que l’on reconnaisse que la dynamique de la dépense publique dans notre pays est forte, on doit assumer, et non pas subir, les hausses de prélèvements pour les répartir – c’est une différence entre nous – de manière juste socialement et pertinente économiquement. Un exemple particulièrement éclairant du déni qui caractérise l’attitude du Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires est fourni par ce qu’il est convenu d’appeler les « niches » fiscales et sociales.
On peut être d’accord, et je crois que nous le sommes tous, sur le fait que la réduction du poids des dispositifs dérogatoires est une nécessité ; notre désaccord, légitime en démocratie, porte sur les choix de réductions, madame la ministre. Au reste, il est paradoxal que le Gouvernement choisisse de réduire, de préférence, des niches jugées efficaces dans le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, présidé par M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances, rapport dont la commission des finances a disposé peut-être tardivement mais qu’elle a néanmoins eu le temps d’examiner dans le détail.
Encore plus grave à nos yeux est la perte de crédibilité de la parole publique que produit le discours du Gouvernement sur les niches fiscales.
D’une part, le Gouvernement considère que les réductions de niches n’ont pas les mêmes effets économiques que les hausses faciales des barèmes. C’est absurde : toutes les hausses de prélèvements obligatoires, niches ou non, ont un impact sur la croissance économique.
D’autre part, le Gouvernement communique sur le fait qu’il réduit les niches plutôt que de procéder à des augmentations généralisées de la fiscalité. Ce n’est pas vrai ! Parmi toutes les mesures soumises au Parlement en 2010 et 2011, il apparaît que plus de 40 % portent sur des dispositifs non dérogatoires, donc généraux, et moins de 30 % sur des niches au sens strict.
Si le Gouvernement communique sur les niches, c’est aussi pour s’abstenir de remettre en cause plus profondément la structure de nos « grands » impôts, à commencer par l’impôt sur les sociétés, qui est tellement « mité » que ses « modalités de calcul » coûtent presque autant que ce qu’il rapporte, soit près de 40 milliards d’euros !
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, ce débat sur les prélèvements obligatoires est très utile, car il éclaire l’avenir. Le bilan des cinq dernières années auquel j’ai procédé dans un rapport écrit l’est également, car c’est le précipité de tout ce qu’il ne faut pas faire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean-Jacques Mirassou. Cela ne va pas être la même chose !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur les prélèvements obligatoires est le coup d’envoi de la session budgétaire ; à la vérité, c’est le seul débat qui nous offre une vision consolidée du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Notre nouvelle rapporteure générale est bien dans son rôle lorsqu’elle s’efforce de dresser un bilan de la politique en matière de prélèvements obligatoires du quinquennat qui va s’achever. La critique est facile, madame la rapporteure générale ! Soyez cependant assurée que nous serons très attentifs aux propositions…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Attentifs et impatients ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … que vous ne manquerez certainement pas d’exprimer dans les jours et les semaines qui viennent…
M. François Rebsamen. Absolument !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … et que nous serons – avec une correction totale – tout aussi exigeants à votre égard que vous l’êtes aujourd'hui vis-à-vis du Gouvernement.
Mme Nathalie Goulet. Correct mais ambigu tout de même !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Peut-être aussi avez-vous tendance à considérer ce quinquennat comme une seule et même période, alors qu’il se divise en trois temps : avant la crise, pendant la crise de 2008-2009, durant la période que nous espérons être la sortie de crise.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On n’y est pas !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous savez fort bien que ce sont, dans une large mesure, les circonstances internationales qui ont conduit à remettre en cause les politiques publiques en cours de mise en œuvre, notamment en ce qui concerne les prélèvements obligatoires !
Un sénateur du groupe socialiste-EELV. Ce n’est pas ce que disait Mme la ministre !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame la rapporteure générale, j’ai lu avec grand intérêt votre rapport. J’y ai même trouvé des passages stimulants, en particulier les critiques que vous portez sur les régimes d’aide à l’investissement immobilier, car il m’a semblé à vous lire que vous n’étiez, en votre fors intérieur, peut-être pas très loin de partager la vision libérale selon laquelle la fiscalité ne devrait pas trop interférer avec le fonctionnement normal du marché. C’est en tout cas plutôt de cette façon que j’ai interprété le scepticisme que vous exprimez à propos des mesures d’aide fiscale à l’investissement immobilier.
Au moins pourrait-on reconnaître que ces dispositifs n’ont pas été complètement hors de propos dans la période de récession que nous avons connue au tournant des années 2008 et 2009…
Sans doute faudra-il aussi cependant, sur un autre plan et le moment venu, que nous nous livrions ensemble, mes chers collègues, à l’analyse du rapport coût-efficacité de la suppression de la taxe professionnelle,…
M. François Rebsamen. En effet !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … car, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, cela reste, aujourd'hui encore, reconnaissons-le, un sujet de perplexité.
M. François Rebsamen. C’est un euphémisme !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je souhaite articuler cette brève intervention autour de trois remarques.
Tout d’abord, il me semble qu’il ne faut pas en rester à une polémique inutile et stérile sur le taux des prélèvements obligatoires.
Nous devrions être à 44,5 % en 2012, voire à 45 % en 2013 selon Mme Bricq, contre 44 % en 2007.
Peut-être devrions-nous nous souvenir du débat que nous avons eu à la charnière des années 2008 et 2009 : nous étions descendus, chère collègue rapporteure générale, à un taux de 42 %, jamais connu depuis les années quatre-vingt.
M. François Rebsamen. À quel prix !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. À l’époque, vous n’avez pourtant pas félicité le Gouvernement.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il se félicite tout seul !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Or cette baisse du taux de prélèvements obligatoires était simplement liée à l’effondrement de certaines ressources fiscales, l’impôt sur les sociétés notamment. Nous pensions même que nous allions nous situer à un niveau de 40 %.
Convenons que le taux de prélèvement obligatoire rapporté au PIB est un outil ambigu, imparfait, auquel on se réfère faute de mieux, mais dont l’interprétation ne peut pas être la même à chaque instant du cycle économique.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Absolument !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas polémiquer que de souligner cette autre ambiguïté majeure consistant, pour la nouvelle majorité sénatoriale, par votre voix, madame la rapporteure générale, à reprocher au Gouvernement d’avoir maintenu un niveau élevé de prélèvements obligatoires, …
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il ne fallait pas faire de promesses !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … tout en plaidant pour une augmentation significative des mêmes prélèvements obligatoires.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pas de la même manière !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Que vous le vouliez ou non, il faudra bien que vous expliquiez cette contradiction qui me semble forte.
Ensuite, ma réflexion portera sur la méthode appliquée aux niches fiscales ou à la dépense fiscale.
Pour préserver la compétitivité de la France dans un contexte d’ouverture et d’interdépendance de nos économies, et ce dans la conjoncture incertaine, voire imprévisible que nous connaissons, le Gouvernement a pris la décision – sage, de mon point de vue – d’éviter d'agir par un relèvement général des impôts ou même par le relèvement de certains d'entre eux.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Et la taxe sur les mutuelles, c'est quoi ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. À mon sens, il a eu raison de préférer prélever – c’est, je suppose, madame la ministre, ce que vous allez nous proposer prochainement – un supplément temporaire de ressources sur les plus fortes capacités contributives, qu'il s'agisse de personnes physiques, de foyers fiscaux ou d’entreprises. C'est également à juste titre qu’il nous invitera à une politique de réduction importante des niches fiscales. Lesquelles ? Où ? À quel moment ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On attend !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame la rapporteure générale, vous vous référez à une approche intelligente, celle du rapport Guillaume, qui a entrepris une sorte de cotation des régimes par degré d’efficacité. La commission Guillaume, c'est un peu l'agence de notation de la dépense fiscale. Toutefois, mes chers collègues, aussi sérieuse soit-elle, cette démarche demeure une simple évaluation administrative,…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C'est vrai, mais c'est la première fois que cela existe.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … qui ne prend pas en compte l’impact politique de la suppression ou du maintien de tel ou tel dispositif. À la vérité, madame la rapporteure générale, en tant qu'ancien membre de ce corps, j'ai été très touché par l’hommage que vous avez rendu à l'inspection générale des finances. (Sourires.)
Toutefois, cette démarche issue du rapport Guillaume ne peut déboucher que sur des mesures ciblées qui, à mon avis, dans la période actuelle, sont autant de pièges, comme on l’a très bien vu lors de la discussion du collectif budgétaire de printemps ; je pense par exemple à l'idée d'une TVA majorée sur les entrées dans les parcs à thème. On comprend bien qu’un rapporteur général qui s'inscrit dans l'opposition au Gouvernement est tout à fait dans son rôle en souhaitant que celui-ci tombe dans de tels pièges.
En période de crise, les mesures ciblées se heurtent nécessairement à des oppositions catégorielles ou corporatives exprimées par les lobbies et les groupes d’intérêt.
M. Aymeri de Montesquiou. Bien sûr !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Or, dans le même temps, il est encore plus urgent que dans une période ordinaire d’agir et de « faire rentrer l’argent ».
La seule façon de le faire et de contourner la difficulté, c’est le recours à une mesure arithmétique simple, le « rabot large » appliqué à une assiette étendue. Cette méthode est seule susceptible de garantir un rendement élevé et rapide, tout en étant équitable et acceptable politiquement, dès lors que l’effort exigé par la situation actuelle des finances publiques et par l'état de troubles que nous connaissons dans le monde financier international et dans la zone euro est le plus largement partagé possible.
Les évaluations conduites cette année par la commission des finances révèlent qu’il est possible, en recourant à ce procédé, de majorer les rentrées d’impôt sur le revenu et de TVA de plusieurs milliards d’euros.
L'un des exemples qui vient le plus spontanément à l'esprit est bien celui de certains secteurs d'activité qui bénéficient aujourd'hui d’une TVA à taux réduit de 5,5 % …