M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où s’achève la mise en œuvre du plan France numérique 2012, allons-nous réussir à accélérer le déploiement des réseaux à très haut débit sur tout le territoire national, conformément au cap fixé par le Président de la République à Morez, non pas chez Hervé Maurey – même si je sais que ses compétences le conduisent à s’intéresser tout particulièrement à ces sujets –, mais à Morez, dans le Jura ? (Sourires.)
La réponse est oui, mais la France numérique n’avance pas aussi vite qu’on le souhaiterait. Début 2010, le Président de la République débloquait 4 milliards d’euros pour investir dans les autoroutes de l’information, dont 2 milliards d’euros pour le seul déploiement des réseaux. De son côté, le Parlement posait les bases législatives du déploiement des réseaux avec les lois relatives à la modernisation de l’économie et à la lutte contre la fracture numérique. En juin 2010, le Premier ministre rendait public le programme national « très haut débit » en définissant trois zones de déploiement des réseaux – zones très denses, moyennement denses et peu denses –, dans l’objectif de coordonner l’intervention des opérateurs et de rationaliser la desserte du territoire.
Les appels à projet furent donc lancés. De son côté, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes achevait fin 2010 de fixer le cadre réglementaire de ce vaste chantier. Aujourd’hui, les guichets s’installent, notamment celui destiné au financement des réseaux d’initiative publique.
Donc, oui, la France numérique avance, mais il convient également de relativiser cette montée en puissance, monsieur le ministre. En effet, deux ans après la publication de la loi sur la fracture numérique et le lancement du programme national du très haut débit, le cadre réglementaire et financier de ces dispositifs reste encore provisoire.
Ainsi, le Fonds d’aménagement numérique des territoires, dont j’avais proposé la création dans ma proposition de loi initiale, n’a toujours pas vu le jour. S’y est substitué le Fonds de soutien au numérique, qui, bien que doté de 4 milliards d’euros grâce au grand emprunt national, reste toujours en attente de ressources pérennes.
Mais je note surtout – à la suite de plusieurs intervenants, dont M. Hérisson – que le mode d’intervention de ce fonds ne favorise pas la péréquation. Il aurait fallu subordonner l’octroi des prêts accordés aux opérateurs privés à un engagement de ces mêmes opérateurs à desservir, en sus des zones denses, de très larges parties de territoires peu ou pas rentables pour minimiser, au final, l’appel aux financements nationaux du fonds de péréquation.
Au lieu de cela, le scénario retenu consiste à laisser les opérateurs écrémer la partie la plus rentable du territoire, avec finalement très peu d’exigences concernant la desserte de territoires peu denses, laissée aux seuls réseaux d’initiative publique.
M. Bruno Sido. Aucune exigence !
M. Xavier Pintat. Le futur Fonds d’aménagement numérique des territoires devra en conséquence intervenir massivement pour soutenir les réseaux d’initiative publique, qui ne bénéficieront pas du cofinancement local des opérateurs.
Ainsi se posera avec force la délicate question de l’alimentation du Fonds d’aménagement numérique des territoires prévu dans la loi. Quelles taxes pourraient venir couvrir le volume forcément plus important des besoins de financement des territoires ? À cet égard, les perspectives tracées par Hervé Maurey sont intéressantes.
En d’autres termes, cela veut dire que l’objectif de 100 % de la population française desservie en très haut débit en 2025 ne sera probablement pas atteint. Dans ces conditions, il sera sans doute nécessaire d’adapter rapidement le dispositif, en mettant en place le Fonds d’aménagement numérique des territoires, dans le respect de la péréquation de niveau départemental ou régional, et en veillant à sa juste représentativité, qui est d’ailleurs définie par la loi.
La création d’un établissement public national, assurant le portage du financement des réseaux d’initiative public, pourrait apparaître comme nécessaire à court terme.
Finalement, la réussite de la généralisation du très haut débit exige plus que jamais de l’État, des opérateurs privés et des collectivités une action concertée. Certes, sous l’impulsion du Président de la République, les lignes ont bougé. Nous commençons à disposer des outils pour réussir ce chantier d’avenir. Utilisons-les, faisons-les évoluer, mais ne retardons pas le déploiement du très haut débit. Restons sur notre objectif : la couverture du territoire, le plus rapidement possible, à 100 %. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier Hervé Maurey pour son excellent rapport, qui dresse à la fois un état des lieux et trace des perspectives pour l’avenir.
Le déploiement de la fibre optique constitue en effet un très vaste chantier, et je remercie M. le ministre de s’y être attelé. Mais la tâche est ardue et le coût non négligeable, tandis que les demandes sont pressantes.
Mon département, la Haute-Marne, a pris la décision d’offrir ce service haut débit à la population sans attendre l’intervention de l’opérateur historique ou de ses concurrents. Nous avons donc commencé à poser en régie la fibre optique : mille kilomètres dans un premier temps.
Cette politique commence à porter ses fruits, et l’impatience de ceux qui ne sont pas encore servis grandit au fur et à mesure que ce déploiement se réalise.
Mais le comble de l’impatience – ou peut-être devrais-je dire de la mauvaise humeur – concerne la couverture en téléphonie mobile. Tel est précisément l’objet de mon intervention.
En effet, le 8 décembre 2010, dans le cadre de l’examen par le Sénat de la proposition de loi Marsin relative aux télécommunications, j’ai eu le plaisir et l’honneur de déposer un amendement pour améliorer le niveau de couverture en téléphonie mobile des zones rurales. En effet, à l’instar de M. Pintat, j’ai constaté qu’il subsistait d’importantes difficultés sur le territoire. Mes chers collègues, vous m’avez honoré de votre confiance en votant cet amendement à l’unanimité. Depuis, le texte a été adopté en première lecture par le Sénat, puis transmis à l’Assemblée nationale le 29 avril 2011.
Monsieur le ministre, puis-je vous demander quand ce texte sera examiné par l’Assemblée nationale et appeler votre attention sur la nécessité d’améliorer rapidement la situation de nos concitoyens en milieu rural ? Pour dire les choses plus abruptement, les ruraux en ont assez d’être traités comme des citoyens de seconde zone en matière de téléphonie mobile. Ils attendent de leurs parlementaires un engagement fort pour que l’expression « aménagement du territoire » n’existe pas seulement dans les discours mais se traduise aussi sur le terrain, concrètement, au quotidien.
Ayant nettement ressenti leur malaise au cours de ma campagne sénatoriale cet été, j’ai pris l’engagement de porter leur voix dans cet hémicycle, ce que je fais aujourd’hui. Mais le sujet ne date d’ailleurs pas d’hier, et nous y travaillons d’arrache-pied depuis dix ans, avec Pierre Hérisson et bien d’autres.
Certes, beaucoup a été fait, et je suis le premier à le reconnaître. Au cours de la session 2002-2003, par exemple, notre assemblée m’a fait l’honneur de voter à une très large majorité une proposition de loi relative à la couverture territoriale en téléphonie mobile de deuxième génération.
Comment atteindre un tel objectif ? Par la mise en œuvre prioritaire de prestations d’itinérance locale entre opérateurs.
Au mois de juillet 2003, un accord a été signé entre l’Assemblée des départements de France, l’Association des régions de France et le Gouvernement : pour distinguer les zones couvertes des zones blanches, nous avons retenu comme critère la réception dans les centres-bourgs, face à la mairie et à l’extérieur.
Cet accord a permis un développement de la couverture mobile, en trois phases successives.
La première, financée par la puissance publique – départements, régions, État, Union européenne –, a permis d’installer 50 % des pylônes nécessaires, c’est-à-dire 1 000 ou 1 200 pylônes – je ne me souviens plus du chiffre exact.
La deuxième phase – il faut le rappeler, car on l’oublie trop souvent – a été réalisée par les opérateurs et financée par une baisse du montant de la redevance prélevée sur ces derniers.
La troisième phase, qui est quasi-achevée, permet de traiter les communes dites « non couvertes », qui n’étaient pas encore desservies et qui sont encore au moins trois cents, en récupérant et installant les pylônes non utilisés lors des première et deuxième phases.
Aujourd’hui, nous sommes en 2011 ; huit ans ont passé depuis l’accord de 2003. Le critère retenu alors, à savoir la réception à l’extérieur, n’est plus pertinent. Selon l’ARCEP, il a permis de couvrir 99,8 % de la population. Or cette donnée me semble erronée. Je veux bien admettre que 99,8 % des personnes qui utilisent leur mobile en centre-bourg et face à la mairie disposent d’une couverture réseau, mais, dans nombre de communes qui sont considérées comme couvertes, il s'agit là d’un des seuls points où la réception est effective. Dès que l’on s’éloigne de la mairie, on ne capte plus !
Si l’on retient le pourcentage précité, seules 100 000 personnes ne bénéficient pas de la téléphonie mobile. En réalité, plus d’un million de nos concitoyens – et encore, ce chiffre est tout à fait sous-estimé à mon avis – en sont privés. Je le constate tous les jours dans le département de la Haute-Marne dont je suis l’élu et qui, pourtant, n’est pas si mal couvert.
Voilà pourquoi j’ai souhaité, en déposant en décembre 2008 un amendement n° 25 à la proposition de loi relative aux télécommunications de M. Daniel Marsin, que l’on vive enfin avec son temps et que toute la population française ait enfin accès à la téléphonie mobile !
Pour que cette ambition devienne réalité, la situation doit évoluer, dans la sérénité naturellement, mais en sachant, si besoin est, contraindre par la loi les opérateurs.
Mes chers collègues, n’oublions pas que, parfois, « entre le fort et le faible, […] c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère ». Cette puissante formule de Lacordaire s’applique à mon sens à tous les territoires que les opérateurs jugent insuffisamment rentables pour y réaliser les investissements nécessaires. Et je parle non pas des zones grises, bien entendu, mais seulement des zones blanches.
Dans le cadre de la réalisation des schémas d’itinérance et de partage des infrastructures, le Parlement doit veiller à ce que les opérateurs respectent les obligations que la loi leur impose.
Or force est de constater qu’ils ne se sont pas lancés avec enthousiasme – c’est le moins que l’on puisse dire ! – dans la réalisation de ce schéma. C’est uniquement contraints et forcés qu’ils ont avancé, et encore de mauvaise grâce si j’en crois les résultats de nombreuses mesures effectuées par l’ARCEP sur le terrain. Ils se trouvent en permanence à la limite de ce qui est acceptable eu égard aux sujétions imposées par le législateur.
C’est pourquoi je propose que nous décidions de réviser la méthodologie des mesures attestant du niveau de couverture des différentes zones. Comment peut-on considérer qu’un territoire est couvert lorsqu’une seule barre apparaît sur le témoin de réception des mobiles, ce qui signifie que ces derniers ne bénéficient que d’un cinquième du plein débit ? Il devient urgent d’achever enfin la couverture du territoire en téléphonie de deuxième et troisième générations.
Enfin, mes chers collègues, je rappelle que, aux termes de l’accord conclu avec les opérateurs, ces derniers devaient remettre un rapport annuel sur chaque pylône installé dans le cadre des schémas d’itinérance ou de partage des infrastructures, pour indiquer si celui-ci était, ou non, rentable. Malgré cet engagement, les rapports n’ont jamais été transmis – à tout le moins, ils ne sont jamais parvenus au modeste parlementaire que je suis. Aujourd’hui, nous attendons toujours ces informations, avec une impatience redoublée.
Pour conclure, monsieur le ministre, tout en vous remerciant, je vous demanderai de bien vouloir nous indiquer quand l’Assemblée nationale examinera cet amendement adopté à une large majorité par le Sénat.
En effet, il me semble que nos concitoyens attendent de nous ce type d’avancées concrètes améliorant leur quotidien. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme tous les orateurs l’ont souligné, le déploiement des réseaux numériques constitue un enjeu majeur pour la compétitivité de notre économie et l’attractivité de nos territoires.
Nous nous accordons tous pour considérer que l’accès à l’internet haut débit fixe et mobile est devenu une condition d’intégration dans notre société, notre démocratie, notre économie et notre culture. Comme l’eau ou l’électricité, internet est devenu une commodité essentielle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vos interventions ont souligné l’attention que vous portez, à juste titre, à l’aménagement équilibré de nos territoires. Le Gouvernement partage ce souci. C’est pourquoi je souhaite vous présenter la politique ambitieuse – je maintiens ce terme en dépit d’un certain nombre de critiques que j’ai entendues cet après-midi – que nous avons mise en œuvre pour placer la France à l’avant-garde de la révolution numérique.
Cette politique se traduit tout d’abord par un soutien aux usages. Je tiens à souligner ce point, même si, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’a pas été le thème principal de vos interventions. En effet, rien ne sert d’installer des « tuyaux » s’il n’y a pas de contenus et de services pour nos concitoyens, comme l’a très bien rappelé, notamment, Mme Catherine Morin-Desailly.
Le Gouvernement consacre 2,5 milliards d’euros, au sein des investissements d’avenir, au développement des nouveaux usages. Numérisation des contenus culturels, services mobiles sans contact et « e-éducation » constituent des exemples d’innovations, développées en partenariat entre l’État et les collectivités territoriales.
J’en viens aux réseaux. Nous nous sommes dotés, grâce au plan France numérique 2012, de l’un des réseaux numériques les plus étendus et les plus compétitifs d’Europe. Nous continuerons de le développer, en franchissant de nouvelles étapes, que j’aurai l’occasion d’expliciter, grâce aux orientations du plan France numérique 2020.
M. Xavier Pintat a bien voulu souligner la réussite du plan France numérique 2012, qui visait à généraliser le haut débit fixe et mobile ainsi que la TNT. Les orientations du plan France numérique 2020 viseront, elles, à déployer le très haut débit fixe et mobile et à lancer une nouvelle étape de la TNT.
M. Xavier Pintat a également bien voulu souligner le montant sans précédent des investissements de l’État, qui s’élève à 4,5 milliards d'euros, dont 2,5 milliards d'euros pour les usages et 2 milliards d'euros pour les réseaux.
Je ferai tout d'abord un point sur la télévision numérique terrestre. Permettez-moi de rappeler avec insistance, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’en moins de quatre ans nous avons couvert 97 % de la population – 95 % en outre-mer – et que 100 % des Français reçoivent la télévision par satellite, les foyers bénéficiant d’importantes aides à l’équipement pour la réception satellitaire dans les zones où la télévision terrestre n’est pas disponible.
Ainsi, les Français qui, pour certains d’entre eux, ne recevaient voilà quelques mois ou quelques années que trois, quatre ou cinq chaînes gratuites, selon les régions, en captent aujourd'hui dix-neuf, en qualité numérique pour l’image et pour le son. Je crois qu’il s'agit d’un succès majeur en termes d’aménagement numérique du territoire. Cet après-midi, il m’est arrivé de regretter un peu de ne pas l’entendre suffisamment souligner sur ces travées…
J’en viens à présent aux réseaux mobiles. Quelque 99,8 % des Français bénéficient d’une couverture en téléphonie mobile. Le taux de pénétration a dépassé les 100 %, et même les 120 % en outre-mer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, certains d’entre vous m’ont signalé des points de difficulté que je continue de qualifier de résiduels. Je comprends votre souci et votre souhait évident de permettre à chacun d’utiliser son téléphone mobile. Toutefois, nous savons que, dans tous les pays – j’y insiste –, malgré tous les efforts déployés, il subsiste un certain nombre de zones blanches. Et celles-ci se trouvent non pas seulement dans les campagnes, mais aussi dans certaines grandes villes, et même à Paris.
En outre, comme l’ont souligné plusieurs d’entre vous, notamment MM. Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, il y a quelque contradiction à ne pas supporter la présence près de chez soi d’une station de base de téléphonie mobile et à réclamer une couverture parfaite du territoire par ce service…
Au demeurant, pour parachever au mieux cette couverture, nous menons trois actions.
Premièrement, nous mettons en œuvre depuis 2003 le programme dit « zones blanches ». Avec la coopération des opérateurs et des collectivités, celui-ci a permis l’installation d’environ 2 000 stations de base couvrant près de 3 000 centres-bourgs. Quelque 279 communes doivent encore être traitées en priorité. L’investissement engagé dépasse déjà les 600 millions d’euros.
Monsieur Maurey, vous avez affirmé que nous considérions qu’une commune était couverte quand un point de son territoire l’était. Ce n’est pas exact. Le taux de couverture est calculé par l’ARCEP en fonction de l’ensemble des habitants de la commune. Sur ce sujet, je suis tout à fait prêt à constituer avec vous un groupe de travail, qui permettrait à l’autorité de régulation, si elle l’accepte, de vous présenter sa méthode et, le cas échéant, d’y apporter des modifications.
Monsieur Maurey, je vous vois sourire. Je ne comprends pas ce qui, dans mon propos, peut susciter une telle réaction…
M. Hervé Maurey. C’est l’enthousiasme ! (Sourires.)
M. Éric Besson, ministre. Celui-ci est de mise sur ces sujets, en effet.
Deuxièmement, nous veillons à faire appliquer les obligations de couverture du territoire en technologie 3G, c’est-à-dire en haut débit mobile. Les opérateurs ont déjà couvert 95 % de la population et, d’ici à la fin de l’année, ils devront avoir atteint un taux de 98 %. Malgré la relative faible densité de notre territoire, la couverture en haut débit mobile en France est largement supérieure à la moyenne européenne, qui est de 90 %.
Troisièmement, le Gouvernement a dégagé les meilleures fréquences jamais affectées aux télécommunications dans l’histoire de ce pays : celles du dividende numérique. Bruno Retailleau l’a très bien souligné : tous ensemble, nous avons réussi à dégager ces fréquences extrêmement performantes, à l'occasion de l’extinction de la télévision analogique, et à les affecter aux services mobiles d’accès à l’internet très haut débit et à l’aménagement numérique du territoire.
Je veux d'ailleurs saluer l’action menée par M. Bruno Retailleau à la tête de la Commission du dividende numérique, qui a abouti à cette décision stratégique pour nos territoires et pour leur avenir.
Avec l’attribution des premières licences 4G, la France est l’une des premières nations au monde, avec la Suède, l’Allemagne et les États-Unis, à lancer le très haut débit mobile. Et j’insiste tout particulièrement sur ce point : lors de cette attribution, le Gouvernement a retenu les critères les plus favorables à l’aménagement du territoire jamais mis en œuvre dans ce pays.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Éric Besson, ministre. Quelque 99,6 % de la population devront être couverts par l’ensemble des opérateurs dans un délai de quinze ans.
Pour la première fois, je le souligne, une obligation de couverture à l’échelon départemental est mise en place : 90 % de la population de chaque département devront être couverts dans un délai de douze ans.
Pour la première fois également, une zone de couverture prioritaire a été définie, qui représente 18 % de la population mais 60 % des territoires les plus ruraux de notre pays. Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais votre attachement légitime au respect d’un équilibre entre les villes et les campagnes. En effet, monsieur Sido, nous avons parfaitement conscience qu’il ne doit pas y avoir de citoyens de seconde zone. Or la 4G sera le premier réseau à être déployé simultanément dans les villes et dans les campagnes.
Quatre opérateurs ont déjà reçu des licences dans la bande de fréquence des 2 600 mégahertz. Cette première étape est donc un succès ! La suite se déroulera au début de l’année 2012, avec l’attribution des « fréquences en or » du dividende numérique.
Enfin, j’évoquerai les réseaux fixes. Quelque 99 % des Français ont accès au haut débit par l’ADSL et 100 % sont couverts en haut débit par satellite. Monsieur Maurey, vous affirmiez que certains territoires ne disposent même pas de 512 kilobits par seconde. Or l’offre universelle par satellite est bien de 2 mégabits par seconde. Pour la population couverte, la France se situe largement au-dessus de la moyenne européenne, qui est de 95 %.
En matière de très haut débit, permettez-moi de rappeler que 4 700 000 foyers sont couverts par câble, soit 20 % de notre population, que 1 200 000 foyers sont couverts en fibre optique jusqu’à l’abonné, ce qui représente 4 % de la population, et que 12 zones d’activité équipées en fibre optique ont déjà été labellisées par le Gouvernement.
Le 6 juillet 2011, votre commission a adopté un rapport intitulé « Aménagement numérique des territoires : passer des paroles aux actes ». Je vous l’avoue, ce titre m’a beaucoup surpris : en effet, que fait le Gouvernement depuis deux ans, sinon agir – je viens d'ailleurs de vous rappeler certaines étapes de cette action – afin de tenir les engagements que le Président de la République a pris et que nous continuons à mettre en œuvre avec détermination.
De quels actes parle-t-on ? Je voudrais répondre à Mme Schurch, qui a appelé à la reconstitution d’un grand monopole public des télécommunications. Il s’agit là, me semble-t-il, d’un contresens majeur. Jusqu’en 2002, il existait en France un quasi-monopole pour les services d’accès à internet haut débit. Avec l’ouverture à la concurrence sont apparus de nombreux acteurs – Bouygues Télécom, SFR, Neuf Télécom, Free –, qui ont formidablement stimulé le marché : en moins de dix ans, le marché français est devenu celui où le nombre d’abonnés à l’ADSL est le plus élevé, où les débits sont les plus importants et où les tarifs sont les plus bas.
Peu de secteurs illustrent aussi bien que celui de l’accès à internet haut débit combien une ouverture à la concurrence correctement régulée peut permettre le décollage d’un nouveau secteur. Je n’affirme pas que cette méthode soit systématiquement valable pour tous les secteurs : dans certains domaines à grandes infrastructures, cela peut ne pas être le cas. Cependant, concernant le secteur qui nous occupe, je crois que nous avons là une preuve irréfutable.
Je veux aussi rassurer Hervé Maurey ; j’espère qu’il m’en donnera acte. Selon nos calculs, dont nous sommes prêts à discuter avec lui, la majorité des propositions contenues dans son rapport, 24 sur 33 pour être précis, ont déjà été mises en œuvre par le Gouvernement.
M. Hervé Maurey. Ah bon ?
M. Eric Besson, ministre. Toutefois, nous restons bien entendu à l’écoute de vos nouvelles remarques et propositions ; monsieur le sénateur.
Je voudrais également dire à MM. Pierre Hérisson, Bruno Sido et Philippe Leroy combien je partage leur analyse sur le rôle indispensable des collectivités locales pour compléter la couverture numérique des territoires. Philippe Leroy et Bruno Sido, notamment, ont joué un rôle important dans l’adoption, en 2004, de l’article L 1425-1 du code général des collectivités locales, qui constitue aujourd'hui la base juridique de l’intervention de ces dernières. Auprès de vous se trouvait alors un jeune conseiller technique qui est aujourd'hui mon directeur de cabinet.
Les collectivités locales ont déjà investi 3 milliards d'euros pour le déploiement du haut débit. Depuis juillet dernier, l’État a mis à leur disposition 900 millions d'euros de subventions, afin de les aider à déployer le très haut débit fixe, c'est-à-dire la fibre optique. J’ajoute, en réponse à une question posée plusieurs fois cet après-midi, que le Gouvernement abondera ensuite le Fonds d’aménagement numérique du territoire. Cela me permet de répondre en même temps à Yves Rome : les collectivités locales ont bien un rôle essentiel à jouer, et le soutien financier de l’État sera important.
Je voudrais également souligner combien il est contradictoire, me semble-t-il, de souhaiter à la fois, comme l’ont fait certains intervenants – je pense à Hervé Maurey, Bernadette Bourzai et Michel Teston –, inclure le haut débit, voire le très haut débit, dans la définition du service universel, et conforter le rôle des collectivités locales. En effet, si le champ du service universel était étendu, France Télécom serait, je vous le rappelle, seule en charge du déploiement de ces réseaux. Or, d’après ce que j’ai compris, ce n’est pas précisément votre souhait…
Le Gouvernement a mobilisé un investissement majeur de 2 milliards d'euros pour éviter le risque d’une fracture numérique entre les territoires. Le 27 juillet dernier, nous avons ouvert un guichet de 900 millions d'euros pour financer les projets des collectivités.
En outre, le Gouvernement a mis en place des commissions régionales pour l’aménagement numérique du territoire, qui réunissent collectivités et opérateurs sous l’égide des préfets. Les services de l’État, centraux et déconcentrés, sont entièrement mobilisés pour accompagner les collectivités dans leurs projets.
Je citerai quelques projets déjà bien avancés : celui du département du Loiret – je salue au passage l’engagement constant du sénateur et président du conseil général du Loiret, Éric Doligé, et de son vice-président, le sénateur Jean-Noël Cardoux – mais aussi ceux de la région Auvergne et du département de Seine-et-Marne. Les commissions régionales d’aménagement du territoire s’y sont déjà réunies et les demandes de financement du programme national « très haut débit » sont imminentes.
J’ajoute une réponse à une question précise posée par Pierre Hérisson : le programme national « très haut débit » comporte bien un dispositif de péréquation, puisque les départements les plus ruraux bénéficient d’un taux d’aide plus élevé.