M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !
Mme Nicole Bricq. Ces quatre parlementaires ont participé à la commission Camdessus : ils ne peuvent pas se reconnaître dans l’exercice que vous leur proposez, et je le comprends.
Sur le fond, pour être durable, la solution au problème des dettes souveraines en Europe ne peut qu’être globale, à l’échelle de l’Union européenne. Le dossier est sur la table depuis quelques mois, il a encore été repris le week-end dernier : il s’agit de la mise en place d’une dette européenne et d’obligations européennes. Faudra-t-il attendre que les dirigeants soient à la hauteur, de part et d’autre du Rhin, pour y parvenir ?
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis. Voyez, en Grèce, ce qu’ont fait les dirigeants socialistes !
Mme Nicole Bricq. D’ici là, les marchés ne nous laisseront aucun répit.
Allez-vous continuer, les uns et les autres, chers collègues, à laisser le président de la Banque centrale européenne faire de la politique à la place des États ? Il le fait à bon escient quand il rachète de la dette souveraine, sans doute à moins bon escient quand il relève les taux directeurs, compte tenu de la faiblesse de la croissance dans la zone euro.
Madame la ministre, de deux choses l’une : soit vous êtes sincère et la règle que vous instituez est non pas d’or mais de plomb, car elle bloquera toute velléité de croissance durable et créatrice d’emplois,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas du tout !
Mme Nicole Bricq. … soit vous n’êtes pas sincère – c’est mon hypothèse – et vous vous livrez ici à un pur exercice de communication, voire de propagande électorale.
Dans les deux cas, nous refusons votre proposition : la ficelle électorale est trop grosse ! J’ai lu vos interventions hier et ce matin dans la presse. Sachez que le groupe socialiste n’a pas de leçons à recevoir. Nous avons su prendre nos responsabilités en octobre 2008, quand il s’est agi d’apporter le soutien de la nation aux banques et en mai 2009, quand il s’est agi d’apporter le premier soutien à la Grèce.
Quant à la situation, madame la ministre, nous ne la connaissons que trop : voilà dix ans que vous l’aggravez ! Permettez que nos solutions pour y remédier diffèrent des vôtres. Vous souhaitez préempter le débat de 2012, mais vous n’y arriverez pas !
Nous voterons contre ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je remercie l’ensemble des orateurs de la majorité qui se sont exprimés.
Le texte que nous examinons aujourd’hui porte non seulement les germes d’une réforme majeure, mais il va également changer notre manière de voir et d’agir. Nous avons un double devoir de vérité et de responsabilité. Aussi ce projet de loi constitutionnelle méritait-il un véritable débat, et je suis très heureuse qu’il ait lieu aujourd’hui.
Monsieur Frimat, madame Bricq, vous affirmez que les règles sont inutiles voire dangereuses.
M. Bernard Frimat. Vous n’avez pas écouté nos propos !
Mme Nicole Bricq. Ces règles, vous ne les respectez pas !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous répondrai d’une phrase : ceux qui refusent les règles, ce sont précisément ceux qui n’ont aucune intention de les respecter ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Si nous souhaitons nous doter de règles, c’est parce que nous nous faisons un devoir de les respecter. Je vais même plus loin : ce sont ces règles qui nous permettront de débattre démocratiquement de nos stratégies.
Monsieur Marsin, selon vous, le projet de loi constitutionnelle bafouerait le droit d’initiative parlementaire… Je vous renvoie à la discussion, sans doute très riche et très intéressante, que nous ne manquerons pas d’avoir sur l’amendement n° 21 présenté par M. Hyest, au nom de la commission.
Monsieur Foucaud, vous contestez la légitimité démocratique du Conseil constitutionnel ; toutefois, vous ne pouvez contester sa légitimité institutionnelle pour contrôler le respect par la loi des normes supérieures.
Quoi qu’il en soit, s’il y a quelque chose qui ne devrait pas faire débat sur ces travées, c’est bien l’objectif de retour à l’équilibre budgétaire. La question qui nous est posée aujourd’hui à tous, membres de la majorité présidentielle et de l’opposition, est la suivante : êtes-vous pour ou contre le retour à l’équilibre ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme Nicole Bricq. Conclusion un peu facile…
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les « conformes » ou les articles additionnels sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
Article 1er
L’article 34 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Au cinquième alinéa, les mots : « l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; » sont supprimés ;
2° Au dix-septième alinéa, après le mot : « et », sont insérés les mots : «, sous réserve du vingtième alinéa, » ;
3° Après le dix-neuvième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale fixent les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature et les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale.
« Les lois-cadres d’équilibre des finances publiques déterminent, pour au moins trois années, les orientations pluriannuelles, les normes d’évolution et les règles de gestion des finances publiques, en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques. Elles fixent, pour chaque année, un plafond de dépenses et un minimum de mesures nouvelles afférentes aux recettes qui s’imposent globalement aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elles ne peuvent être modifiées en cours d’exécution que dans les conditions prévues par une loi organique. Une loi organique précise le contenu des lois-cadres d’équilibre des finances publiques et peut déterminer celles de leurs dispositions, autres que celles prévues à la deuxième phrase du présent alinéa, qui s’imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elle définit les conditions dans lesquelles sont compensés les écarts constatés lors de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale. » ;
4° L’avant-dernier alinéa est supprimé.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 14 est présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 19 rectifié est présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l’amendement n° 9.
M. Bernard Frimat. Madame la ministre, j’ai été frappé par le caractère éminemment détaillé, riche, intéressant de votre réponse aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale ! (Sourires.) J’espère que nous aurons l’occasion de débattre de manière un peu plus approfondie, sans caricaturer les positions des uns et des autres : nous avons fait l’effort de ne pas caricaturer la vôtre ; si vous pouviez nous rendre la pareille, ce serait déjà un grand progrès.
Nous souhaitons la suppression de l’article 1er, qui est au cœur de ce projet de loi constitutionnelle ; les articles suivants en tirent un certain nombre de conséquences logiques qui seront sans doute traitées très rapidement.
Où en sommes-nous ? La rédaction de l’article 1er a évolué : nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion de l’amendement n° 21 déposé au nom de la commission des lois par M. Hyest. Dans l’état actuel du texte, les lois-cadres d’équilibre des finances publiques et le monopole sont réintroduits.
Chers collègues de la majorité, reconnaissez notre effort, puisque nous allons au-delà de vos désirs en proposant la suppression du monopole à laquelle il vous a fallu tant de temps pour vous rallier et la proposer vous-mêmes aujourd’hui : voilà un premier point qui a donc cessé de nous opposer.
Il reste cependant les lois-cadres. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit à l’article 34 de la Constitution les « lois de programmation », que vous souhaitez remplacer par des « lois-cadres ». À mon sens, il s’agit d’une erreur, non pas, madame la ministre, parce que nous refusons toute règle, mais parce que les règles que l’on se contente de poser sans les respecter sont d’un intérêt limité. Nicole Bricq a suffisamment souligné l’écart existant en la matière entre votre discours et votre pratique. Ce ne sont pas les mêmes qui ont présenté la loi de règlement et qui, aujourd’hui, défendent la règle plaqué or que vous essayez de consacrer.
Nous nous opposons à cette mécanique dont nous ignorons tous les tenants et les aboutissants, dans la mesure où nous ne connaissons pas la loi organique. Nous nous opposons à une mécanique qui confère au Conseil constitutionnel un rôle qui n’est pas le sien en l’obligeant à se prononcer sur la validité de vos hypothèses macroéconomiques et de croissance, lorsque vous présenterez la loi de finances initiale.
Pour nous, la solution réside non pas dans une révision constitutionnelle, mais dans l’adoption d’une stratégie politique.
Vous souhaitez adopter cet article pour vous protéger de vos propres errements : si vous n’arrivez pas à vous gouverner, ne prétendez pas gouverner les autres !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 14.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, quand vous posez la question : « Êtes-vous pour ou contre l’équilibre budgétaire ? », vous vous adressez sans doute à vous-même et à votre majorité : vous l’avez si mal respecté depuis dix ans ! Il serait plus politique de demander : « Comment ? » Or, pour ce qui vous concerne, nous connaissons vos recettes...
Si nous avons déposé cet amendement de suppression, c’est parce que nous rejetons totalement l’inscription d’un carcan budgétaire dans la Constitution.
Nous sommes tout à fait cohérents : en effet, nous nous sommes opposés à cette disposition lors du vote du traité constitutionnel européen que notre peuple a rejeté, vous le savez, même si vous vous êtes acharnés à faire ratifier ce texte malgré tout, comme l’ont fait, du reste, l’ensemble des pays de l’Union.
La Constitution ne peut pas déterminer la politique économique d’un pays : ce n’est pas son rôle ! Certes, il a pu en être ainsi dans d’autre pays, par exemple en Union soviétique, mais pour notre part nous nous y sommes opposés lors du référendum sur le traité constitutionnel européen, et nous nous y opposons encore aujourd’hui à l’occasion de l’examen de ce projet de loi visant à la constitutionnalisation de ce que vous appelez, fort mal à propos, la règle d’or.
La politique économique et budgétaire relève de la souveraineté populaire et peut varier en fonction des choix politiques. Or si cette constitutionnalisation était adoptée, une nouvelle majorité serait contrainte de conduire la même politique que celle qui l’a précédée !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela va à l’encontre de la souveraineté du peuple, dont nous ne sommes que les représentants. Vous la bafouez, de même que vous bafouez les droits du Parlement, puisque vous lui enjoignez en quelque sorte de suivre la même politique durant les trois prochaines années. On ne peut ainsi aliéner la souveraineté populaire !
M. Serge Dassault. La souveraineté du peuple, c’est l’équilibre ! Ne dites pas n’importe quoi !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si le peuple souhaite que ses représentants votent des recettes supplémentaires, ceux-ci doivent pouvoir le faire, cher collègue !
Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l’article 1er.
M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.
M. Daniel Marsin. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La règle d’or est une disposition constitutionnelle d’équilibre des finances publiques, devant s’imposer aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale. La supprimer reviendrait à annuler l’ensemble du texte. Je rappelle qu’un dispositif analogue a été adopté par de nombreux parlements et figure notamment dans la loi fondamentale allemande, tandis que le Royaume-Uni s’engage actuellement dans cette voie.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
Je reviendrai tout à l’heure sur la question du monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires, lorsque je présenterai un amendement tendant à dissocier la règle d’or de ce monopole.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est un subterfuge !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas du tout ! Je pense simplement que ce sont deux questions différentes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ces trois amendements tendant à supprimer le cœur de la réforme proposée par le Gouvernement ne peuvent que m’inspirer un sentiment de profonde incompréhension. Permettez-moi de vous dire franchement, et au risque de vous choquer, que je les trouve irresponsables ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Bricq. Bien sûr…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En matière de responsabilité, c’est vrai que vous êtes des champions !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette réforme est directement issue des conclusions du groupe de travail présidé par Michel Camdessus et auquel ont participé, notamment, les présidents et les rapporteurs généraux des commissions des finances du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Mme Nicole Bricq. Pourquoi ne sont-ils pas là ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ils nous font confiance !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Au-delà de l’exigence de mettre en œuvre une réforme constitutionnelle en vue de donner une portée effective à l’objectif d’équilibre, ces travaux ont conclu à la nécessité d’instaurer un nouveau dispositif, celui-là même que le Gouvernement vous a proposé, et dont le cœur est constitué des lois-cadres d’équilibre des finances publiques.
Le retour à l’équilibre des comptes publics est un impératif admis aujourd’hui par tous, sauf par ceux qui veulent continuer à se bercer d’illusions et à vivre dans la facilité de la dépense publique ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui avez aggravé le déficit public ! C’est incroyable !
M. Bernard Frimat. Démagogie !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le nombre des pays qui ont pris conscience de cette nécessité et se sont dotés de règles contraignantes à cet égard est ainsi passé de sept à quatre-vingt-dix au cours des vingt dernières années. En Allemagne, c’est le ministre social-démocrate des finances, Peer Steinbrück, qui en a pris l’initiative.
Regarder la vérité en face, c’est reconnaître que, collectivement, nous avons échoué depuis des années à supprimer les déficits.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui les avez aggravés !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cela ne devrait pas être un sujet de clivage entre la majorité et l’opposition, puisqu’il ne s’agit que d’un constat. Cette situation résulte non pas de l’existence de règles trop nombreuses, mais au contraire de l’absence de règle supérieure réellement contraignante.
Mme Nicole Bricq. Continuez à lire votre papier…
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous ne pouvez pas, sur ce sujet d’importance nationale, réagir de façon partisane ! (Mmes Nicole Bricq et Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffent.) Je regrette vivement que l’équilibre des comptes publics ne soit pour vous qu’un objectif de second rang. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.) Je trouve cela très grave, et même inquiétant pour l’avenir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La situation est très inquiétante, en effet !
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’ajoute que vous ne pouvez pas vous retrancher derrière de prétendues imperfections techniques de ce projet de loi constitutionnelle, dans la mesure où vous proposez la suppression pure et simple de cette réforme.
Vous ne pouvez pas non plus prétendre que le texte ne va pas assez loin, car vous n’avez jamais fait de propositions qui auraient permis de le rendre plus ambitieux ou plus exigeant.
Mme Nicole Bricq et M. Bernard Frimat. Si !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ces amendements de suppression prouvent que vous n’avez pas pris la mesure des enjeux qui s’attachent au retour à l’équilibre, ni compris le caractère impératif de celui-ci. Quelle déception, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, de vous voir faire de la petite politique, là où il faut en faire de la grande ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Vous avez pourtant su, madame Bricq, en d’autres circonstances, au cœur de la crise, dépasser les clivages partisans, au nom de l’intérêt général.
Aujourd’hui, nous discutons d’un texte qui engage l’avenir de notre pays ; l’union nationale devrait être de mise, comme cela a été le cas en Allemagne.
Je vous le dis avec une certaine gravité : vous vous apprêtez aujourd’hui à voter contre la jeunesse de notre pays. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce que vous dites est inadmissible !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous demande donc de bien vouloir retirer ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Nous avons l’habitude, dans cet hémicycle, d’une certaine courtoisie, dont nul n’est dispensé, même pas les membres du Gouvernement.
Je n’admets pas que vous nous traitiez d’irresponsables, madame la ministre : ce sont vos propos qui sont irresponsables !
Vous substituez au raisonnement la caricature. J’ai été surpris qu’au terme de la lecture de vos feuillets vous n’entonniez pas La Marseillaise ni ne rendiez hommage au guide suprême qui inspire vos pensées et auquel nous devons ce projet de loi…
Nos conceptions divergent : c’est simple à comprendre ! Vous ne détenez pas la vérité !
L’équilibre des finances publiques est un élément économique qui a son importance, mais qui, en certaines circonstances, doit être dépassé : c’est ce que vous nous disiez au moment de lancer le grand emprunt. Je ne vais pas délivrer ici un cours sur le keynésianisme, car nous avons mieux à faire, mais l’équilibre budgétaire n’est pas sacré en soi ; il existe des équilibres de sous-emploi. Au demeurant, pratiquer une politique de déficit systématique, comme vous l’avez fait en battant des records, n’est pas non plus une bonne chose. Or vous nous donnez doctement des leçons de morale, comme si vous déteniez la vérité.
Vous pensez à nos enfants, dites-vous. Que n’y avez-vous pensé plus tôt, en mettant en œuvre, au travers des budgets qui ont été votés par votre majorité, les merveilleux discours que vous nous infligez aujourd’hui ? Que je sache, la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration n’a pas suscité un enthousiasme général parmi vos partisans. Les niches fiscales que vous avez patiemment construites sont destinées à servir ceux qui en ont le moins besoin, et non à stimuler le dynamisme de notre économie. (M. Serge Dassault fait un signe de dénégation.)
Nous sommes en désaccord ; ce n’est pas un drame ! Épargnez-nous vos leçons de morale, cessez de nous dire, la main sur le cœur, que l’heure est grave et qu’il faut déclarer l’union sacrée ! Bien sûr, la situation est grave, mais c’est vous qui l’avez créée ! Il est un fait que vous rappelez rarement, madame la ministre : depuis 2002, la dette a doublé. Je suppose que cela n’a pas échappé à votre vigilance !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a eu la crise entre-temps !
M. Bernard Frimat. Assumez votre responsabilité dans ce doublement de la dette, qui nous a conduits dans une situation d’une gravité telle que vous en appelez maintenant à l’union nationale ! Or pour nous, madame la ministre, l’union nationale ne saurait se faire autour d’une politique toujours plus dure envers les plus faibles, menant à la dégradation du service public, seul patrimoine de ceux qui n’en ont pas, et ayant pour vocation essentielle, in fine, de servir ceux qui vous soutiennent !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, je sais de quoi je parle en matière d’économie et de finances publiques.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas toujours…
Mme Nicole Bricq. Tout ce que nous vous demandons, c’est d’assumer le bilan de la politique suivie par les gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans.
Nous sommes à égalité dans ce débat, et nous ne méritons pas le mépris dont vous faites preuve à notre endroit ! Pour notre part, nous respectons les fonctions qui sont les vôtres.
Le bilan de ces dix dernières années est le suivant : six millions de pauvres, un chômage de masse persistant, une dette publique doublée, de multiples dépenses fiscales non compensées par des recettes, ces dernières ayant même été réduites plus qu’aucun gouvernement ne l’avait fait auparavant. Cette réalité, vous semblez l’ignorer quand vous soumettez à Bruxelles une trajectoire budgétaire irréaliste, qualifiée d’« optimiste » par la Commission européenne.
Dans les années quatre-vingt-dix, vous le savez très bien, c’est le gouvernement Balladur qui a alourdi la dette, et c’est le gouvernement Jospin qui a remis les finances publiques en ordre. (Vives exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis. Il a bénéficié de la croissance !
Mme Nicole Bricq. Les faits sont là, mes chers collègues ! Au moins, vous voilà réveillés !
Comme l’a dit le ministre des transports à propos des 35 heures, il faut mettre fin à la guerre de Cent Ans ! Les Français jugeront notre projet en avril et en mai 2012.
S’ils décident alors, comme nous l’espérons, de nous confier la responsabilité de conduire le pays, il nous reviendra, dans les cinq années de la nouvelle législature, de doser notre action, en matière de finances publiques, entre réduction des déficits et soutien à la croissance.
M. Yann Gaillard. On n’a pas encore voté !
Mme Nicole Bricq. Le contexte économique nous obligera à agir de manière responsable et réaliste, mais aucune règle, fût-elle constitutionnelle, ne saurait constituer une garantie à cet égard. Cela incombe à l’action politique. Sinon, à quoi sert la démocratie ? Il suffit de s’en remettre à l’appareil administratif et à la technocratie, voire aux agences de notation, dont on connaît les méfaits. Ce n’est pas ce que nous proposons ; nous voulons que la politique reste au cœur de la définition des solutions pour notre pays. Voilà ce qui nous sépare, chers collègues de la majorité : nous n’avons pas la même conception de la responsabilité politique.
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis. C’est sûr !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça, c’est clair !
Mme Nicole Bricq. Les effets de tribune ne suffisent pas, madame la ministre. Nous ne sommes pas dans un meeting électoral, nous sommes au Sénat ! Pour notre part, nous prenons nos responsabilités en demandant la suppression de l’article 1er de ce projet de loi constitutionnelle. Que vous le vouliez ou non, il y a une gauche et une droite, et les Français trancheront !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne saurions accepter que l’on nous traite avec mépris, ni que l’on nous donne des leçons !
Comment peut-on décider de fixer dans la Constitution les principes de la politique économique et budgétaire du pays ? Ce n’est pas possible ! Les atermoiements auxquels nous assistons à propos du monopole fiscal des lois financières et des lois-cadres me confortent d’ailleurs dans cette conviction.
Au lieu de justifier votre position, vous attaquez l’opposition. C’est de bonne guerre, me direz-vous, mais ce n’est pas ainsi que l’on parviendra à un accord sur un projet en vue de revenir à l’équilibre budgétaire, objectif unanimement partagé. Or nous ne saurions souscrire à une politique budgétaire qui fait tout pour les riches et rien pour les plus modestes. Nous ne pouvons approuver les moyens auxquels vous recourez pour réduire un déficit budgétaire que vous et vos amis avez vous-mêmes creusé.
S’il vous plaît, respectez les parlementaires de l’opposition !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9, 14 et 19 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 21, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
II. - Alinéas 4 et 5
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
3° Après le dix-neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’instauration de la règle d’or n’exige pas celle d’un monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires. Je rappelle que tel était le point de vue de la commission des lois de l’Assemblée nationale et qu’un monopole différé existe déjà dans les faits, au travers du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel.
L’institution du monopole fiscal des lois financières présenterait l’inconvénient de limiter l’initiative parlementaire et, s’agissant plus particulièrement du Sénat, la mise en œuvre des dispositions des articles 72-2 et 39 de la Constitution.
Dans cette perspective, il me paraît possible de trouver un accord avec l’Assemblée nationale, d’autant que le Gouvernement a su être à l’écoute du Parlement. Il ne me paraît pas justifié d’ajouter à la règle d’or, telle qu’elle a été aménagée et renforcée par les deux assemblées, le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires.