M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. La question du partage de la valeur ajoutée devient de plus en plus cruciale dans notre société. Les Français sont devenus extrêmement sensibles à des différences de revenus et de patrimoine que rien ne peut plus justifier.
C’est d’ailleurs la raison principale de ce texte.
Les journaux se font largement l’écho de l’indignation publique, qui porte notamment sur les rémunérations de patrons d’entreprises multinationales. On assiste à une déconnection du réel, et cela dans tous les sens.
Des entreprises affichent des bénéfices colossaux et licencient ; certaines sont rachetées puis affichent des pertes, parce qu’elles sont siphonnées au profit des financiers ; d’autres, enfin, affichent des pertes fictives, les bénéfices étant dissimulés dans des paradis fiscaux. Toutes octroient néanmoins à leurs dirigeants des rémunérations hallucinantes, des stock-options, des bonus, des retraites chapeaux, dont les montants échappent à toute rationalité économique.
Permettez-moi de reprendre l’exemple du patron de LVMH, déjà cité : le total des sommes qu’il a perçues en 2010 s’élève à 243 202 400 euros ; l’augmentation de son salaire entre 2003 et 2010 a été de 102 %. Pour information, la masse salariale du groupe LVMH n’a augmenté que de 2 % entre 2003 et 2010…
Ce cas est emblématique, mais pas isolé. Chacun a pu lire dans la presse économique que les patrons du CAC 40 ont touché en moyenne, tous revenus professionnels confondus, 4 millions d’euros en 2010.
On n’ose même plus parler de « justice sociale », tant ces mots semblent surannés, risibles sans doute face à de tels comportements qui frisent, en fait, l’inconscience, car, dans le même temps, les Français et, bien au-delà, les Européens et d’autres peuples encore doivent faire face à ce qu’on appelle « la crise ».
Les simples mortels voient leur pouvoir d’achat diminuer du fait de dépenses contraintes qui n’augmentent que pour le seul profit de quelques-uns. Il leur faut affronter la précarité de l’emploi, le manque de logements sociaux, la hausse des dépenses de santé en raison des multiples forfaits et déremboursements, l’angoisse, souvent, pour l’avenir de leurs enfants, l’inquiétude pour la date et le montant de la retraite.
Les Français apprennent que les allocataires du RSA, dont le montant s’élève, je le rappelle à 467 euros mensuels pour une personne seule, sont « un cancer qui ronge la société ». Il est vrai qu’il faut y ajouter la prime de Noël, qui atteint 152 euros pour une personne…
S’il importe certainement de placer le partage de la valeur ajoutée au centre des priorités, le moment est venu de le faire vraiment.
À cette fin, sur le seul plan des salaires, nous avons proposé de réduire l’écart des rémunérations dans des proportions décentes et de relancer la négociation salariale. Ce n’est qu’une première approche. Nous ferons beaucoup d’autres propositions au fil des mois, avant l’échéance de 2012.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 38 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L’amendement n° 65 rectifié est présenté par MM. Collin, Alfonsi, Bockel, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Tropeano et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l’amendement n° 38.
Mme Isabelle Pasquet. Par cet amendement, nous demandons la suppression pure et simple de l’article 1er, qui porte création d’une prime pour les salariés dans les entreprises de plus de cinquante salariés.
Dans un contexte économique et social alarmant, quand les salaires décroissent à mesure que le coût de la vie et la valeur de l’euro augmentent, la prime proposée par le Gouvernement ne saurait constituer une solution durable et satisfaisante pour nos concitoyens : elle risque en effet de créer des différences de traitement inadmissibles entre les salariés ; mesure médiatique, s’il en est, elle apparaît inéquitable au possible, et c’est bien là le problème.
Cette prime est réservée à un faible nombre de personnes, puisqu’il faudra, pour en bénéficier, faire partie d’une entreprise de plus de cinquante salariés qui verse des dividendes par action en augmentation par rapport à la moyenne des deux exercices précédents. On est donc loin des « 8 millions de salariés potentiellement concernés » annoncés par le Gouvernement, le 21 avril dernier, sur Europe 1 !
Toutefois, non content de prévoir un champ d’application déjà restreint, le Gouvernement, au regard de la proposition qui est faite, semble vouloir réduire les effets du dispositif. Si le versement d’une prime est obligatoire pour certaines entreprises, il n’en demeure pas moins qu’il doit tout de même donner lieu à des négociations collectives, dans le cadre desquelles le patronat a bien souvent le dernier mot.
Comme on peut l’imaginer, le montant réellement versé restera donc largement inférieur aux 1 000 euros annoncés.
Mais, surtout, comment se réjouir d’une prime qui tend non seulement à diviser les salariés, en étant attribuée à certains et pas à d’autres, mais présente aussi le risque d’avoir, à terme, une application pratique très limitée ?
Cette prime reste une mesure pré-électorale, qui ne suffira pas à effacer cinq années de mesures défavorables aux salariés.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 65 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Ce qui nous est proposé à l’article 1er est sans conteste la mesure centrale de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011. À la suite des multiples déclarations du Président de la République et du Gouvernement, je dois avouer que nous nous attendions à autre chose.
La mesure présentée voilà quelques mois pouvait paraître intéressante, mais, force est de le constater, il s’agit en fait d’une « fausse bonne idée ».
Vous avez fait miroiter aux salariés que la prime atteindrait au minimum 1 000 euros et qu’elle s’adresserait à 8 millions d’entre eux. En fait, elle ne devrait concerner qu’un quart des salariés et, selon les projections, ne s’élever qu’à 700 euros en moyenne.
Nous sommes donc très loin du compte !
Cette mesure risque, par ailleurs, d’accroître les inégalités entre les salariés et d’être ressentie comme injuste par la majorité des Français. Nos concitoyens réclament une augmentation de leur pouvoir d’achat, car ils éprouvent de plus en plus de difficultés à boucler les fins de mois. Votre prime, je le répète, n’est pas une bonne solution, monsieur le ministre.
C’est la raison pour laquelle je vous propose de la supprimer en supprimant l’article 1er. Cette fois-ci, notre amendement est identique à celui que nos collègues du groupe CRC-SPG, par la voix de Mme David, ont fort bien défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable. Si nous avions voulu pareille suppression, nous aurions dû adopter la motion tendant à opposer la question préalable qui a été présentée tout à l’heure.
Faut-il le rappeler, le versement de cette prime a pour objet de favoriser un meilleur partage des profits. À Mme Pasquet, qui s’est émue de la nécessité d’organiser des négociations annuelles, j’indique que ces dernières existent déjà, et qu’elles ont même un caractère obligatoire.
Je suis tout de même assez surpris que vous ne puissiez accepter une telle initiative, qui constitue à mon sens un « plus » accordé aux salariés. Même s’il ne s’agit pas d’une revalorisation des salaires, l’instauration d’une telle prime va plutôt dans le sens que vous souhaitez et est toujours bienvenue pour celles et ceux qui rencontrent des difficultés de pouvoir d’achat.
Mme Françoise Laborde. Elle ne sera versée qu’à quelques-uns !
Mme Isabelle Pasquet. Pas à tous !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je précise que le versement de cette prime va apporter au budget de la sécurité sociale une nouvelle recette de 75 millions d’euros, ce qui n’est pas rien.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 et 65 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 44 est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste.
L’amendement n° 55 est présenté par M. Retailleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 3
Après les mots :
dont le montant par part sociale ou par action
insérer les mots :
sauf lorsqu’il s’agit d’une action à dividende prioritaire
II. – Alinéa 4
Procéder à la même insertion.
La parole est à Mme Muguette Dini, pour présenter l’amendement n° 44.
Mme Muguette Dini. Il s’agit d’un amendement de précision, qui a pour objet d’exclure explicitement du champ de la mesure proposée les augmentations de dividendes liées à des actions à dividende prioritaire, lesquelles constituent le mode de financement habituel des investissements dans les PME et les entreprises de taille intermédiaire, les ETI.
Ces dividendes versés ne traduisent en rien l’enrichissement des actionnaires, ils correspondent seulement au remboursement des emprunts contractés.
Afin de respecter l’esprit de la loi, il convient de ne pas pénaliser l’investissement des PME et des ETI.
M. le président. L’amendement n° 55 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 56, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Après les mots :
dont le montant par part sociale ou par action
insérer les mots :
, sauf lorsqu’il s’agit d’actions nanties dans le cadre d’une succession ou du rachat de l’entreprise,
II. - Alinéa 4
Procéder à la même insertion.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 70, présenté par M. Gournac, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Dans le cadre d’un groupe de sociétés, aux termes de la rédaction actuelle de l’alinéa 4 de l’article 1er, c’est au niveau de la société tête du groupe qu’est placé l’élément déclencheur du versement de la prime au bénéfice de l’ensemble des salariés. Or la société tête du groupe ne fédère pas systématiquement le calcul et le versement des dividendes ainsi que des différents mécanismes du partage de la valeur, qu’il s’agisse de la participation ou de l’intéressement. Ceux-ci sont généralement négociés avec les partenaires sociaux au sein même, j’y insiste, de chaque société.
En introduisant un mécanisme automatique pour les groupes de sociétés, on renonce de facto à prendre en compte la réalité du partage de la valeur au sein des différentes sociétés. La société dominante d’un groupe en France est bien souvent une structure juridique à vocation purement technique, surtout lorsqu’elle est elle-même la filiale d’un groupe étranger. Par conséquent, le dividende versé par cette société est le reflet d’opérations liées au siège social mondial du groupe, sans corrélation possible avec la politique de partage de la valeur déployée au niveau de chaque société opérationnelle.
Dès lors, mes chers collègues, il convient de supprimer cet alinéa 4.
M. le président. L’amendement n° 45, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Toutefois, lorsqu’une société appartient à un groupe tenu de constituer un comité de groupe en application du I de l’article L. 2331-1 du code du travail, elle ne procède au versement d’une prime au bénéfice de l’ensemble de ses salariés que si l’entreprise dominante du groupe distribue des dividendes dont le montant par part sociale ou par action est en augmentation par rapport à la moyenne des dividendes par part sociale ou par action versés au titre des deux exercices précédents. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Il s’agit de nouveau d’un amendement de clarification portant sur les PME et les ETI.
Il convient de bien préciser que l’obligation de verser une prime à l’ensemble des salariés d’un groupe ne s’applique que dans l’hypothèse où l’entreprise dominante augmente le versement de dividendes à ses actionnaires.
Il faut exclure du dispositif le cas des groupes familiaux ou patrimoniaux dont les entreprises dominantes ne versent pas de dividendes en augmentation mais dont les filiales, dans le cadre de participations croisées, se reversent des dividendes entre elles pour assurer le financement de leurs investissements.
Toujours dans le but de respecter l’esprit de la loi, il importe de ne pas pénaliser l’investissement des PME et des ETI.
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par MM. Cazeau, Daudigny et Kerdraon, Mmes Demontès, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Alquier, Campion, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Desessard, Godefroy, Jeannerot, Le Menn, Teulade, Gillot, S. Larcher et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
dès lors
insérer les mots :
qu’elle distribue ou
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Il convient de s’assurer que chaque entreprise membre d’un groupe sera bien tenue de négocier le versement d’une prime. Or la rédaction actuelle de l’alinéa 4 de l’article 1er est par trop ambiguë sur ce point.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 43 est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste.
L’amendement n° 57 est présenté par M. Retailleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf si son résultat est déficitaire au titre de l’exercice en cours
La parole est à Mme Muguette Dini, pour présenter l’amendement n° 43.
Mme Muguette Dini. Cet amendement a pour objet d’exonérer de versement de prime les sociétés membres d’un groupe dont la situation financière, déjà difficile, serait aggravée par une telle obligation.
Aux termes de l’alinéa 4 de l’article 1er, qui prévoit l’application du dispositif dans les groupes, l’ensemble des filiales se verraient contraintes de verser une prime à tous leurs salariés dès lors que la holding de tête du groupe augmente les dividendes qu’elle verse à ses actionnaires.
Le versement de dividendes en augmentation par la maison mère du groupe cache souvent une grande hétérogénéité de situation parmi les filiales. Si certaines sont bénéficiaires, d’autres peuvent, dans le cas contraire, se retrouver déficitaires.
La mise en œuvre du mécanisme proposé risque ainsi de conduire une filiale à se retrouver avec une situation nette négative, puisqu’elle se verra imposer le versement d’une prime qu’elle fasse ou non des bénéfices.
M. le président. L’amendement n° 57 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 71 rectifié, présenté par M. Gournac, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et que cette augmentation est supérieure à celle du versement aux salariés de l’épargne salariale constituée de l’intéressement et de la participation
La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Cet amendement a pour vocation de garantir un réel partage de la valeur entre les dividendes versés aux actionnaires et la redistribution faite aux salariés. En effet, dans un groupe de sociétés, des dispositifs visant à répartir la valeur créée avec les collaborateurs existent déjà, au travers de l’intéressement et de la participation.
Aussi, il convient de s’assurer que la répartition de la valeur créée est équitablement redistribuée entre les actionnaires, via les dividendes, et les collaborateurs, via l’épargne salariale.
Dès lors que le versement des dividendes, d’une part, et la redistribution aux collaborateurs, d’autre part, ne connaîtraient pas une évolution homogène, il conviendrait de verser une prime de partage des profits.
Un tel ajout au dispositif permettrait de favoriser des mesures pérennes de redistribution des profits.
M. le président. L’amendement n° 58, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsqu’une société est intégrée fiscalement au sens de l’article 223 A du code général des impôts, elle verse une prime au bénéfice de l’ensemble de ses salariés dès lors que l’entreprise dominante du groupe attribue en dehors du périmètre du groupe intégré fiscalement des dividendes dont le montant par part sociale ou par action est en augmentation par rapport à la moyenne des dividendes par part sociale ou par action versés au titre des deux exercices précédents.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les six amendements restant en discussion ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les propositions formulées dans ces amendements sont sans aucun doute toutes très intéressantes et fort pertinentes dans la mesure où elles tendent à affiner l’application du dispositif.
C’est ainsi que certains de nos collègues souhaitent qu’il soit tenu compte du niveau d’investissements réalisés par les entreprises pour éviter à certaines d’entre elles d’être pénalisées, le cas échéant, par l'obligation de verser la prime. Nous voilà devant toute une série de dispositions qui tendent à mettre en œuvre des mesures dérogatoires par rapport au système imaginé par le Gouvernement.
D’une certaine manière, nos collègues interpellent le Gouvernement sur les conséquences qui pourraient résulter de l’application du texte en l’état, puisque l’adoption de leurs amendements respectifs aboutirait à en réduire très sensiblement l’impact. Cela mérite sans doute que le Gouvernement apporte à chacun d’entre eux des explications propres à justifier un éventuel retrait de ces amendements.
Dans l’immédiat, si l’on veut en rester à l’esprit et à l’économie du texte, il convient de formuler une demande de retrait des amendements nos 44, 45 et 43 à l’adresse de Mme Dini, qui s’est fait l’écho des positions de son groupe.
J’adresse une demande identique aux auteurs des amendements nos 70 et 16.
L’amendement n° 71 rectifié tend à supprimer l’obligation de versement d’une prime si les sommes versées aux salariés au titre de l’intéressement et de la participation augmentent plus vite que les dividendes distribués. Serge Dassault nous présentera dans quelques instants un amendement participant du même esprit. Cette mesure reviendrait à favoriser un processus de partage des profits vertueux au sein de l’entreprise.
L’idée est intéressante, et mérite sans aucun doute un commentaire de la part du Gouvernement. La commission des affaires sociales a considéré qu’il convenait, sur cet amendement, d’émettre un avis de sagesse. Les explications que ne manquera pas de nous donner M. le ministre seront toutefois déterminantes, car le sort de nombre d’amendements à venir, déposés sur l’article 1er, en dépendra.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je vais répondre à l’invitation de M. le rapporteur général.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement no 44, car il n’entend pas faire de distinction selon la nature des titres, sauf à vider le projet de loi de toute cohérence.
Je demande à M. Gournac de bien vouloir retirer l’amendement n° 70. En effet, nous avons voulu retenir une règle simple, identique pour tous les groupes : si les dividendes distribués dans les sociétés sont en hausse, la prime doit être versée.
Je demande également le retrait de l’amendement n° 45, qui est satisfait. Dans le cas des groupes, seule l’entreprise dominante est prise en compte.
J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 16, qui compliquerait les choses. Là encore, une seule règle doit s’appliquer : au sein d’un groupe, c’est la situation de l’entreprise dominante qui est prise en compte.
Je suis défavorable à l’amendement n° 43, car il n’est pas souhaitable de multiplier les exceptions. S’il était adopté, une filiale déficitaire pourrait décider un niveau de prime beaucoup plus faible.
Avec l’amendement n° 71 rectifié, Alain Gournac pose un vrai problème, sur lequel Serge Dassault connaît mon point de vue. J’ai longtemps pensé que l’on devait flécher ce texte, dès le départ, sur l’intéressement et la participation.
M. Alain Gournac. Moi aussi !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il n’en demeure pas moins que choisir une telle orientation reviendrait à exclure un certain nombre de salariés du bénéfice de la prime.
Il existe en effet d’autres dispositifs, qui prévoient des niveaux d’intéressement et de participation élevés. Nous ne devons pas interdire de mettre en place davantage de prévoyance, mais au contraire donner la possibilité, si les niveaux d’intéressement et de participation sont d’ores et déjà importants, d’aller encore au-delà.
Je connais la position d’Alain Gournac sur ce sujet, car nous avons le même ancrage politique, et croyons tous deux à l’intéressement et à la participation. Or, dans ce cas précis, son amendement aurait pour résultat de réduire le nombre de bénéficiaires et de faire sortir du champ bien des salariés.
J’entends les critiques de certains sénateurs de gauche qui se gaussent en évoquant les chiffres qui varient ... Nous verrons bien, au final, quelle sera l’attitude des salariés qui bénéficieront de cette prime ou de ce supplément !
Comme le disait un responsable syndical important, si les salariés doivent bénéficier d’une prime, ils la toucheront !
Il est certain que l’exclusion de quelques centaines de milliers de salariés du dispositif représenterait un net recul par rapport à notre objectif de départ. Or, monsieur Gournac, la disposition que vous proposez aurait pour conséquence de réduire le nombre de bénéficiaires, et de compliquer légèrement le système en ajoutant un critère.
Même si je comprends l’esprit de votre proposition, monsieur Gournac, je ne partage pas votre point de vue. Je vous serais donc très reconnaissant de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable, pour la simple raison que cette mesure diminuerait le nombre des bénéficiaires du dispositif.
M. le président. Madame Dini, les amendements nos 44, 45 et 43 sont-ils maintenus ?
Mme Muguette Dini. Je me rends aux arguments de M. le ministre. J’espère que les faits – en l’occurrence l’application de ce texte – lui donneront raison.
Je retire donc les trois amendements, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 44, 45 et 43 sont retirés.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. Monsieur Gournac, les amendements n° 70 et 71 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Alain Gournac. Je vais retirer sans hésitation l’amendement n° 70.
J’avoue qu’il me coûte davantage de retirer l’amendement n° 71 rectifié. Toutefois, l’argument du ministre relatif à la réduction du périmètre du dispositif et à la diminution du nombre de bénéficiaires me touche énormément. Je souhaite en effet que tous ceux qui se sont donné du mal pour faire avancer leur entreprise puissent bénéficier de ces mesures.
Je retire donc l’amendement n° 70 et j’accepte, avec tristesse, de retirer également l’amendement n° 71 rectifié.
M. le président. Les amendements nos 70 et 71 rectifié sont retirés.
Monsieur Cazeau, qu’en est-il de l’amendement n° 16 ?
M. Bernard Cazeau. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 54, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
verse
par les mots :
peut verser
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 15, présenté par MM. Cazeau, Daudigny et Kerdraon, Mmes Demontès, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Alquier, Campion, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Desessard, Godefroy, Jeannerot, Le Menn, Teulade, Gillot, S. Larcher et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour l’application du présent article les sommes consacrées par l’entreprise au rachat de ses propres actions sont assimilées à un dividende.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Avec cet amendement, nous voulons évoquer les diverses méthodes de contournement contenues dans le projet de loi.
La plus évidente est celle du rachat d’actions par l’entreprise, qui évite de verser des dividendes.
Il en est de même de la distribution d’actions gratuites aux actionnaires, méthode d’ailleurs très appréciée des petits actionnaires.
Le système le plus simple est évidemment de ne pas augmenter le dividende d’une année sur l’autre, comme le font seize entreprises du CAC 40.
Il y a, au demeurant, assez loin du taux de profit au versement de dividendes ; vous les confondez cependant allègrement, pour donner le sentiment aux Français que votre démarche est guidée par un souci de justice.
Une entreprise peut parfaitement décider de réinvestir massivement ses bénéfices et de ne pas augmenter ses dividendes. C’est une démarche utile, à terme ; pourtant, les salariés ne bénéficieront pas de la prime.
Il est aussi possible de ne pas verser de dividendes, mais d’accorder un avantage pécuniaire, comme vous le prévoyez explicitement dans votre texte, mais en oubliant d’en préciser le montant. C’est d’ailleurs dans la logique du dispositif, puisque la prime de 1 000 euros n’atteindra pas, en réalité, ce montant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En l’état actuel du texte, il ne paraît pas souhaitable de suivre M. Cazeau. Le dispositif prévu dans ce projet de loi est simple et lisible.
Je rappelle que nous avons une clause de rendez-vous dans un an, pour faire le point sur l’application de la loi. Si nous étions amenés à constater que certaines entreprises usent de subterfuges pour éviter le versement des primes et que les résultats attendus n’étaient pas au rendez-vous, il appartiendrait aux parlementaires ainsi qu’au Gouvernement de prendre les initiatives qui s’imposent.
Je demande donc à notre collègue de bien vouloir retirer son amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Cazeau, l’amendement n° 15 est-il maintenu ?
M. Bernard Cazeau. Je ferai preuve de bonne volonté. S’il est entendu qu’il y a bien une clause de rendez-vous dans un an pour contrôler l’application de la loi, je veux bien faire confiance, dans l’immédiat, au rapporteur.
Je retire donc cet amendement.